Etats généraux de l’emploi à domicile

Discours de François REBSAMEN

Madame la Présidente,
Mesdames, Messieurs,

Je tiens pour commencer à saluer les organisateurs ainsi que les intervenants de ces Etats généraux : je suis sûr, au vu des thèmes que vous avez retenus, que vos débats ont été riches et intenses.
L’emploi à domicile c’est d’abord un secteur économique, qui répond à des besoins durables et croissants de nos concitoyens – vieillissement, emploi des femmes, taux de natalité élevé.
C’est aussi une relation de travail singulière, révélatrice de ce que seront demain des formes nouvelles de salariat – au-delà de la définition traditionnelle du salariat en entreprise.
Ce secteur, ne l’oublions pas, a su en deux décennies se structurer et s’adapter aux enjeux de simplicité du particulier employeur : je pense ici au Chèque Emploi Service, devenu par la suite CESU, créé il y a vingt ans et désormais installé dans le paysage.
Mais l’emploi à domicile, c’est aussi une demande fluctuante, dont la solvabilité est fragile. Plus qu’ailleurs, l’emploi déclaré est sensible aux conjonctures économiques et aux changements dans les dispositifs publics. Et je veux vous dire ici ma volonté de préserver le potentiel de ce secteur, et d’en accompagner ses transformations.

1. Pourquoi agir maintenant ?

Votre secteur se compose de 2,5 millions d’employeurs et 1,6 millions de salariés
C’est une voie d’insertion professionnelle pour de nombreuses personnes souvent peu qualifiées.
C’est aussi une réponse à des besoins croissants : si on prend le total des services à la personne, 800 000 emplois seront à pourvoir sur la décennie 2010-2020. Dans les dix prochaines années, un tiers des assistantes maternelles vont partir à la retraite et devront être remplacées. Il y a ici un potentiel de création d’activité et d’emplois considérable, mais qui dépend d’une demande dont la solvabilité est fragile.

Cette fragilité, on a pu la mesurer au cours des 8 dernières années. Alors que l’emploi à domicile était en très forte progression jusqu’en 2008, la conjoncture économique, difficile, a eu un effet sans équivoque : en 2012, la chute des heures déclarées a représenté jusqu’à 11 000 équivalents temps plein. La fin de l’abattement Borloo de 15 points, décidé en 2011 sous la précédente majorité, a pesé négativement sur l’emploi. Et je sais que des doutes ont pu émerger chez les acteurs du secteur sur notre détermination à les soutenir. Pourtant, ma conviction est qu’il faut agir, et agir vite, pour préserver le potentiel de l’emploi à domicile et lui donner des perspectives.

2. Alors comment faut-il agir ? Avec quelle méthode ?

Il faut agir sur deux leviers à la fois : rendre la demande solvable, et professionnaliser l’offre par la formation et la qualité du travail, une action que vous avez déjà engagée par le dialogue social.

En termes de coût pour l’employeur, tout l’enjeu était d’avoir un effet de levier efficace et immédiat, sans pour autant remettre en cause l’avancée sociale portée par notre gouvernement qu’était le passage de la déclaration au réel. Vous savez que nous avions soutenu le doublement du dispositif dit « Eckert » (abattement de cotisations sociales de 0,75 euros par heure ainsi portée à 1,5 euros), une mesure de pouvoir d’achat, qui plus est favorable au développement de l’emploi. Cette mesure a bien été adoptée, mais ciblée sur la garde d’enfants de 6 à 13 ans. Je sais que vous auriez aimé un dispositif plus général, mais le contexte de contrainte budgétaire qui est le nôtre n’a pas permis d’aller aussi loin. Mon intention est en tout cas que nous continuions de trouver des solutions pour solvabiliser la demande et améliorer le volume d’emplois.

C’est essentiel, parce que la frontière entre le travail déclaré et le travail non déclaré peut être vite franchie. Vous le savez, j’attache une importante toute particulière à la lutte contre le travail illégal qui fausse les conditions d’emploi et prive les salariés de droits. Pour cela, il faut notamment que les particuliers employeurs se vivent comme de véritables employeurs : vous avez beaucoup œuvré pour y parvenir, et je tiens à vous en féliciter. Mais ils ont aussi leur spécificité et c’est toute la richesse du dialogue social, notamment au niveau de la branche, de la faire vivre cette spécificité, dans un cadre qui n’est pas celui de la loi.

Je souhaite aussi vous inciter, vous les professionnels du secteur, à poursuivre vos avancées en matière de qualité de l’emploi et de formation.
Sur ce plan, je tiens à saluer les progrès accomplis dans la période récente :
D’abord, l’accord du 21 mars 2014 sur les classifications (et à ses avenants sur les salaires) que la direction générale du travail va prochainement étendre. Il va dans le bon sens, celui d’une amélioration à la fois du salaire conventionnel et des parcours de qualification.
Je pense aussi au travail sur la formation professionnelle que vous avez engagé : c’est un travail de longue haleine, qui repose sur un dialogue parfois compliqué, mais indispensable. Réfléchir aux parcours professionnels et aux passerelles, c’est essentiel pour deux raisons : d’abord, pour anticiper et préparer les nouveaux métiers de demain, et il y en aura au sein des services à la personne, vous êtes les mieux placés pour le savoir ; ensuite, pour proposer à des personnes dont certaines ont un faible niveau de qualification un véritable parcours professionnel. Je souhaite que vous puissiez continuer, avec mes services, à travailler dans cette voie. Je pense notamment que la VAE (belle avancée du gouvernement de Lionel Jospin) est particulièrement adaptée à votre secteur, tant pour reconnaître une expertise que pour participer à la promotion sociale.

Le compte personnel de formation, que nous allons mettre en place le 1er janvier prochain, permettra aussi de mieux accompagner sur le chemin de la formation les salariés du secteur. Et ce, grâce à deux changements importants.
Premier changement : la formation était jusque là à l’initiative de l’employeur, ce qui est une vraie source de complexité quand on a des employeurs multiples. Désormais, c’est le salarié qui pourra de lui-même mobiliser ses droits.
Deuxième changement : les branches pourront compléter les formations accessibles via le CPF en fonction des besoins du secteur, et apporter une réponse plus adaptée aux enjeux d’emploi spécifiques. J’y vois une vraie opportunité pour vous de compléter le travail que vous avez engagé, et d’œuvrer à la fois pour le développement et pour la qualité de vos emplois.

Le contexte actuel n’est pas facile, c’est une évidence, et votre secteur est très exposé – tant les structures que les emplois. Leur pérennisation passe par une structuration plus forte, mais aussi des actions plus collectives, comme le rapprochement des employeurs et des salariés entre eux, que le numérique peut permettre, pour diminuer les effets des variations de conjoncture. La question de l’attractivité des métiers est aussi posée.
Sur tous ces sujets, je tiens à vous l’assurer, nous voulons progresser avec vous.
Votre secteur est stratégique car porteur de créations d’emploi pour des populations peu qualifiées, c’est pourquoi ne doutez pas de mon écoute et de ma détermination à vous apporter mon appui.

Je vous remercie.