Les relations professionnelles à l’épreuve des pratiques, des lois et du contexte économique

Discours de François Rebsamen
Colloque DARES

Madame la directrice de la DARES, chère Françoise Bouygard,
Mesdames et messieurs,

Permettez-moi tout d’abord d’adresser mes félicitations à toute l’équipe de la DARES et à sa directrice, pour l’organisation de ce colloque, mais aussi, au-delà, pour la construction d’une vie scientifique et intellectuelle autour des enjeux du travail et de l’emploi. Je sais que Françoise Bouygard y est tout particulièrement attachée.
Je tiens à ce que vous sachiez que nous sommes fiers d’accueillir d’éminents spécialistes et praticiens – économistes, sociologues, statisticiens, politologues, mais aussi des syndicalistes, des praticiens des ressources humaines qui, au quotidien pratiquent le dialogue social dans les entreprises.
Cette diversité de participants est nécessaire pour pouvoir penser, analyser et débattre du décisif sujet des relations professionnelles. Et pour moi cette liaison entre le monde académique, les praticiens et mon ministère est primordiale.

Je me réjouis donc qu’un tel colloque puisse avoir lieu, car je suis convaincu que la recherche est utile, et même indispensable, à l’action politique.
Indispensable en amont, car elle permet de nourrir la réflexion, d’ouvrir de nouvelles pistes aux acteurs sociaux, et d’éclairer la prise de décision.
Tout aussi indispensable en aval, car elle permet d’évaluer les politiques conduites, de capitaliser les expériences pour mieux proposer et pour renouveler les approches, parfois devenues infructueuses, de problèmes récurrents.

Ma présence ici est donc naturelle. Ce colloque sera une source précieuse d’inspiration et d’analyse critique.
Les relations professionnelles, et plus largement, la question cruciale des conditions de travail ne doivent pas, même en période de crise et quand l’attention de tous est, à juste titre, tournée vers le front de l’emploi, cesser d’être réfléchie et débattue.
Il ne faut pas oublier que les manières de travailler (des conditions, à la qualité du travail) concernent tous les jours plus de 20 millions de Français. C’est donc un enjeu central, un enjeu du quotidien, qui mérite l’attention que vous lui consacrez aujourd’hui et qui mobilise, tous les jours, mon ministère et ses services.

J’ajoute qu’il s’appuie sur un travail d’envergure, l’enquête REPONSE, 4ème du genre (réalisée tous les 6 ans depuis 1992), qui permet de dresser le panorama social des entreprises. Les résultats de l’étude sont fins et précieux pour comprendre les représentations et la réalité des interactions entre employeurs et représentants du personnel. Je tiens aussi à remercier l’INSEE pour l’appui apporté à un tel processus d’enquête.

Un enjeu traverse, me semble-t-il, toutes vos tables rondes : comment rendre le dialogue social plus stratégique ? Comment sortir d’un dialogue vécu comme une consultation de pure forme d’un côté ou comme l’élément d’une stratégie d’obstruction de l’autre, si l’on force le trait ?
Un dialogue social plus stratégique,
- c’est la question des IRP et de l’exercice des mandats. Des dizaines de consultations parfois pour ne rien partager. C’est cela qu’il faut changer.
- c’est aussi le sujet des relations de travail qui dépassent une seule entreprise (vous allez vous intéresser au cas de la sous-traitance),
- c’est également un vrai enjeu par temps de crise.
On pourrait croire que la difficulté économique bloque le dialogue social. Pourtant, le fait que 60% des PSE soient négociés depuis la loi de sécurisation de l’emploi montre que notre pays est capable d’inventer des formes de dialogue social qui traitent des vrais sujets. La véritable plus-value du dialogue social est ici : dans sa capacité d’invention, y compris en temps de crise. Le CPF ou les droits rechargeables sont aussi des créations de ce dialogue social par temps difficile. Et je suis convaincu qu’il représente l’un des moyens les plus efficaces de proposer des solutions innovantes, quel que soit le contexte économique.
- Faire du dialogue social un enjeu stratégique, c’est enfin s’interroger sur sa mise en œuvre au niveau de l’entreprise. C’est l’objet de votre dernière table ronde.

Le dialogue social a besoin d’une impulsion nouvelle, tant sur le fond des sujets que sur la forme des négociations. Il a besoin d’une montée en qualité des échanges et des contenus.
C’est là toute l’ambition de la négociation en cours sur la modernisation du dialogue social.

Nous devons franchir une nouvelle étape. Après la représentativité syndicale puis patronale, après la base de données unique, après les modalités d’adaptation à la crise, après la réforme de la formation professionnelle, nous devons aller au bout du processus de renforcement du dialogue, avec des parcours reconnus et valorisés pour ceux qui s’investissent au service des autres.
Ce sont des défis d’importance quand 6 établissements sur 10 (parmi ceux de plus de 11 salariés) disposent d’au moins une instance représentative du personnel et qu’environ 600 000 salariés (secteur marchand non agricole) exercent un mandat de représentant du personnel.

Ce sont ces défis que ce colloque devra éclairer, pour que nous puissions continuer d’inventer les solutions qui permettront de renforcer le dialogue social et de renforcer, plus globalement, la capacité des travailleurs à prendre en main leur destin.

Je vous remercie.