Intervention de François Rebsamen CDSEI - 30 juin 2014

Mesdames et messieurs,

1. D’une grande conférence à l’autre

Dans quelques jours aura lieu la grande conférence sociale pour l’emploi.

Fidèle à notre méthode, c’est dans le dialogue social qu’elle se déroulera et c’est dans le dialogue social qu’elle se prépare. De la qualité de ce dialogue en amont dépend le succès de cette conférence sociale.

L’année sociale européenne écoulée a été riche.

Je pense particulièrement au succès obtenu dans le combat contre le détachement illégal des travailleurs européens, c’est-à-dire contre le dumping social et l’exploitation.

En la matière, la concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux – nationaux comme européens – a permis une cohésion de l’ensemble des acteurs français qui ont manifesté une remarquable convergence de vue dans la négociation et dans le travail parlementaire qui s’en est suivi. Grâce à l’adoption de la loi Savary, la France est aujourd’hui à l’avant-garde d’une législation protectrice de tous, d’abord des travailleurs étrangers, ensuite des travailleurs et des entreprises qui vivent et travaillent ici, enfin de notre modèle social dans son ensemble.

Porter ce combat était un engagement pris devant vous et il a été tenu.

La France a pour l’Europe sociale une double ambition :

L’ambition d’une croissance respectueuse des hommes et de leur environnement.

Comme je l’ai réaffirmé lors de la conférence internationale du travail à Genève puis à l’EPSCO à Luxembourg, nous avons le devoir de lutter contre toutes les formes d’exploitation et de dégradation que peut engendrer une course effrénée à la croissance. C’est tout le sens de la directive sur le détachement des travailleurs.

L’ambition d’un modèle social qui réponde aux besoins des citoyens. Et force est de constater que ces besoins ne sont pas que l’intégration économique et monétaires, mais qu’ils sont sociaux : le droit de vivre décemment, la possibilité d’accéder à l’emploi, l’accès à une protection sociale de bon niveau, etc.

Pour cela, l’Europe sociale a besoin de retrouver une force d’impulsion et une légitimé de régulateur et de coordinateur qu’elle a aujourd’hui perdue. Les cinq nouveaux indicateurs sociaux et d’emploi introduits pour le semestre européen (mesurant notamment l’évolution des inégalités de revenus, le chômage et la pauvreté) vont dans ce sens, celui d’un rééquilibrage entre dimension sociale et économique de l’UE. C’est conforme aux travaux engagés par le CDSEI

2. Contexte européen

Au plan institutionnel, une nouvelle phase est ouverte dans l’agenda de l’Union européenne. Le parlement européen a été renouvelé et une nouvelle Commission se mettra en place à l’automne.

L’UE suscite aujourd’hui déceptions et frustrations qui sont la traduction d’espoirs et d’attentes – en particulier dans le domaine social – qui peinent à se concrétiser.

C’est pourquoi la France pousse de toutes ses forces pour mettre la croissance et l’emploi au cœur de l’agenda européen. Et nous sommes de moins en moins seuls.

3. La Grande Conférence sociale

Venons-en au cœur de notre échange : la Grande Conférence, et la table ronde Europe économique et sociale (H. Désir / M. Sapin).

L’année dernière,l’ajout d’une table ronde dédiée à l’Europe sociale avait je crois été très apprécié. Vous aviez été néanmoins plusieurs à souhaiter une approche globale des sujets européens, mêlant l’économique et le social.

L’objectif de cette année est de favoriser la concertation tripartite et les convergences sur les enjeux et les propositions concrètes que pourraient faire le gouvernement et les partenaires sociaux français dans le cadre de la prochaine législature.

La contribution française (« Un agenda pour la croissance et le changement en Europe ») comporte une série d’éléments susceptibles d’être défendus, je souhaite mentionner 5 points principaux.

 1) Une application des règles budgétaires favorables à l’investissement et à l’emploi. La Présidence italienne est en pointe sur ce sujet. Il est en effet insensé de pénaliser des Etats qui mettent en œuvre les engagements pris au plan européen sur la garantie pour la jeunesse, la modernisation des infrastructures ou l’investissement dans la formation et le capital humain. Il faut encourager ces investissements qui améliorent le potentiel de croissance à moyen terme et non pas les dissuader en en faisant les variables d’ajustement privilégiées des politiques d’assainissement budgétaire.
 2) Un programme de convergence sociale et fiscale renforcée, en renforçant le socle commun de droits sociaux, avec l’extension d’un salaire minimum à travers l’UE.
 3) une amélioration du fonctionnement de la zone euro en renforçant la dimension sociale. La France milite pour un « Eurogroupe social » qui puisse évaluer les risques de divergences entre Etats membres et produire des recommandations ou des normes associées à la monnaie unique, dans le domaine social.
 4) La priorité jeunesse, en encourageant la mobilité des jeunes en formation (mise en œuvre d’Erasmus+), et mise en œuvre de la garantie pour le jeunesse.
 5) La lutte contre les fraudes, les abus et les contournements des droits sociaux, en particulier ceux liés au détachement des travailleurs et la prestation de services transfrontalière, dans le prolongement de la directive détachement.

Voilà les orientations que je voulais vous présenter et qui sont largement à discuter.

Pour ouvrir le débat, je vous pose 3 questions :
 Quelles priorités sociales au moment où une nouvelle Commission se compose ?
 Comment améliorer le dialogue social sur les enjeux européens, à la fois au niveau national et au niveau européen ?
 J’aimerais enfin vous entendre sur la mise en œuvre française de la garantie européenne pour la jeunesse.

A vous la parole.