Discussion de la proposition de résolution pour un guide de pilotage statistique pour l’emploi – Sénat

Discours de François REBSAMEN

Monsieur le Président,
Monsieur le sénateur Jean DESESSARD,
Mesdames et messieurs les sénateurs,

Le sujet des emplois non-pourvus revient souvent dans l’actualité politique et à l’agenda du parlement. Et c’est légitime. L’idée qu’il puisse exister des opportunités d’emploi qui ne trouvent pas preneurs, alors que nous sommes dans un contexte économique difficile, n’est pas acceptable. Je vous remercie de vous saisir de ce sujet et d’apporter votre contribution.

1. L’existence d’offres d’emplois non-pourvus est un phénomène caractéristique du marché du travail.

Dans notre économie, il existe des flux permanents de créations et de destructions d’emplois. Il y a donc toujours des emplois à pourvoir sur le marché du travail.
En réalité, la notion d’offres d’emploi non pourvues recouvre des réalités différentes :
- celle des emplois vacants liés au délai incompressible du recrutement,
- celle des offres retirées par disparition du besoin de l’entreprise
- celle des offres annulées faute de candidats.

Ce sont ces dernières offres, seulement, qui sont révélatrices de difficultés de recrutement des entreprises. Selon la DARES, les différentes enquêtes (OFER, observatoire TEC-MEDEF) permettent d’estimer à environ 300 000 par an les échecs de recrutement. Cela représente 1,5% de l’ensemble des recrutements annuels (hors intérim).

Comment expliquer ces échecs ? Les employeurs avancent plusieurs raisons :
- le manque de candidat
- le décalage entre compétences attendues et compétences disponibles.

Toutefois, au-delà de ces raisons invoquées directement par les entreprises, on constate que ces échecs sont concentrés dans les structures qui ont une faible expérience du recrutement. C’est le cas dans les TPE-PME qui ont peu de salariés. Plus l’établissement est amené à recruter souvent, plus le risque d’échec est faible.

2. La question est donc la suivante : comment identifier et répondre aux difficultés de recrutement ?

Les causes des difficultés de recrutement sont essentiellement de trois ordres :
- La difficulté de la mise en place des projets de recrutement et de l’identification des candidats disponibles ;
- L’inexpérience des recruteurs ;
- L’appariement complexe entre offre et demande pour des raisons de formation ou d’attractivité des métiers. C’est ce point que vous avez identifié.

Pour proposer une réponse adéquate, il faut agir sur l’ensemble de ces axes. Il faut aussi éviter les postures qui réduisent le sujet à une simple inadéquation entre offre et demande d’emploi ou à un manque de volonté des demandeurs d’emploi.
Votre projet de résolution propose la mise en place d’un guide de pilotage statistique pour l’emploi. Il vise à faire en sorte que derrière chaque emploi non-pourvu, on trouve à la fois une raison et une réponse.

Concrètement, il s’agit de comptabiliser tous les emplois non pourvus, par métier et de préciser de manière systématique pourquoi ils sont non-pourvus.
Cela est une tâche d’une immense difficulté, à la fois longue et coûteuse.

3. Il faut donc mobiliser les travaux existant à l’échelle nationale et territoriale pour orienter les moyens de l’action publique et favoriser les embauches.

Il existe déjà des études sur les difficultés de recrutement et leurs causes, que ce soit au niveau national par métier ou au niveau territorial. Ces enquêtes montrent d’ailleurs la grande diversité des situations selon les secteurs et les territoires.
- Au niveau national, les travaux permettant d’identifier des difficultés de recrutement par métier sont essentiellement l’enquête BMO de Pôle emploi, les indicateurs de tensions par famille professionnelle de la DARES, les travaux des Observatoires Prospectifs des Métiers et des Qualifications au niveau des branches professionnelles et enfin, les travaux des comités de filières.
Le COE (Conseil d’Orientation pour l’Emploi) a notamment croisé les différentes données disponibles au niveau national afin d’identifier les métiers qui rencontrent le plus de difficultés de recrutement.

- Au niveau des territoires, les indicateurs de tension par famille professionnelle de la DARES sont déclinés régionalement. De plus, les enquêtes BMO sont accessibles à l’échelle des bassins d’emploi. Cela est utile pour adopter des réponses justes, au plus près des situations locales de l’emploi.

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Mesdames et messieurs,
Les données identifiant et expliquant les causes des emplois durablement non-pourvus existent. L’enjeu essentiel est donc l’exploitation de ces travaux à des fins opérationnelles par les différents acteurs engagés dans la bataille pour l’emploi.

C’est l’exploitation de ces données qui doit permettre de mener des actions de communication, de soutien aux entreprises dans leurs démarches de recrutement ou encore de favoriser la construction d’une offre de formation adaptée aux besoins des entreprises.

Le combat est engagé pour faire baisser le nombre d’emplois durablement non-pourvus. Pour cela, nous adoptons une méthodologie ambitieuse fondée sur l’identification des métiers rencontrant le plus de difficultés de recrutement dans l’emploi. C’est cette méthode qui a permis la réussite des plans 30 000 puis 100 000 formations prioritaires.

Fort de cette méthode, de ses résultats, nous agissons dès maintenant et concrètement suivant 3 axes d’action principaux, au plus près du terrain et des entreprises :
- Tout d’abord, mieux connaitre et faire connaitre les opportunités de recrutement et le profil des candidats.

Pôle Emploi met en œuvre un programme « transparence du marché du travail » pour agréger et diffuser des offres et des CV grâce à des partenariats entre les acteurs de l’emploi en ligne. Le projet d’emploi store sera un outil particulièrement innovant dans cette perspective.
Des méthodes sont par ailleurs mises en place comme celle du recrutement par simulation : elles ont montré leur efficacité pour répondre aux besoins des entreprises.

- Deuxième axe : appuyer et accompagner les recruteurs.

Pôle emploi développe son offre de services pour appuyer et conseiller les entreprises qui souhaitent recruter. C’est une innovation de la convention tripartite signée le 18 décembre 2014.

- Troisième axe, enfin : Orienter, former et favoriser la mobilité des demandeurs d’emploi.

Les aides à la mobilité ont été réformées par Pôle emploi pour être plus simples et plus accessibles. Et ceci particulièrement auprès des TPE-PME. Le plan contre le chômage de longue durée propose de nouveaux services pour rendre plus mobiles les chômeurs très éloignés de l’emploi.
En outre soyez en certains, les Direcctes sont et seront particulièrement mobilisées sur cette thématique, comme sur tous les enjeux de recrutement et de gestion de l’emploi que rencontrent aujourd’hui les TPE-PME sur nos territoires.

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Mesdames et messieurs les sénateurs,
Vous l’aurez compris, nous avons mis en place des actions pour diminuer la part d’offres d’emplois non-pourvus pour cause de difficultés de recrutement.
En effet, vous avez raison, identifier les métiers et les territoires sur lesquels nous devons concentrer nos efforts est un enjeu crucial. Dans ce sens, l’enquête Offre d’Emploi et Recrutement (OFER) de la DARES est en préparation : elle analysera les embauches de la rentrée 2015 et nous permettra d’ajuster nos dispositifs.
Pour autant, développer un outil global demanderait un temps long pour définir les bonnes méthodologies statistiques avant sa mise en place et engendrerait des coûts importants. C’est pour cela que cette mise en place ne m’apparaît pas opportune. Nous préférons mener des actions rapides et immédiates, grâce aux outils dont nous disposons déjà et en mobilisant notamment Pôle emploi.
Le gouvernement s’en remet donc à la sagesse de votre assemblée.
Je vous remercie.