Suivi individuel de l'état de santé des travailleurs, conduite d'engins, risque électrique : le décret du 18 avril 2025

Questions-réponses

Publié le | Temps de lecture : 12 minutes

Modalités de l'examen, attestation de non contre-indications médicales, aménagement du poste, portabilité... Cet article répond aux principales questions soulevées par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025 relatif au suivi individuel de l'état de santé des travailleurs ainsi qu'à l'autorisation de conduite et aux habilitations à effectuer certaines opérations prévues aux articles R. 4323-56 et R. 4544-9 du Code du travail.

Quel est l’objectif poursuivi par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025 ?

Le décret rationalise le suivi de l’état de santé des salariés, en répondant à une double logique d'optimisation des ressources médicales et de pertinence de la surveillance médicale des salariés.

En première intention, le décret adapte la surveillance médicale des salariés pour lesquels le suivi post-professionnel rendu obligatoire par le régime du suivi individuel renforcé (SIR) n’est pas pertinent, compte-tenu du caractère essentiellement accidentel des risques concernés.

Le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025 en tire les conséquences, en remplaçant le régime du suivi individuel renforcé (SIR) des salariés nécessitant une autorisation de conduite de certains équipements de travail ou pour lesquels une habilitation électrique est requise, par un régime emportant une vérification de l’absence de contre-indications médicales aux activités concernées.

Par ailleurs, le décret vise à optimiser les ressources médicales et à les redéployer sur le suivi des salariés affectés à des postes présentant un risque particulier ainsi que sur les actions de prévention primaire, dans un contexte de tension sur les effectifs médicaux au sein des services de prévention et de santé au travail interentreprises (SPST).

Il permet, en outre, en recentrant l’avis émis sur les activités concernées (conduite, opérations sur les installations électriques ou dans leur voisinage) et non plus sur le poste de travail, la portabilité de l’attestation qui facilitera la mobilité des salariés.

Quelles situations de travail donnent lieu à la remise d’une attestation de non contre-indications médicales  ?

Cette attestation doit être produite avant la délivrance d’une autorisation de conduite ou de certaines habilitations électriques

Il s’agit d’une part de la conduite des équipements visés par l’article R. 4323-56 du Code du travail dont les catégories sont énumérées par les arrêtés du 26 septembre 2025 du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l’agriculture.

D’autre part, cela concerne les travaux sous tension ou certaines opérations au voisinage de pièces nues sous tension pour lesquels une habilitation est prévue par les articles R. 4544-10 et R. 4544-11 du Code du travail.

En dehors de ces situations de travail, pour lesquelles la réglementation prévoit la remise d’une attestation de non contre-indications médicales, les autres situations visées par une recommandation définissant les bonnes pratiques de prévention des risques liés à un secteur d’activité ou par une norme conventionnelle ne sont pas concernées par ce décret.

S’agissant du risque électrique, quelles sont les opérations nécessitant la détention d’une attestation de non contre-indications médicales ?

L’employeur doit vérifier que les travailleurs détiennent l’attestation prévue par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025 avant de leur délivrer une habilitation électrique pour les opérations suivantes :

  • Les travaux sous tension, qui comprennent les travaux de nettoyage sous tension ;
  • S’agissant des opérations au voisinage de pièces nues sous tension :
    • Les travaux d'ordre électrique au voisinage simple ou renforcé de pièces nues sous tension ;
    • Les interventions de courte durée au voisinage de pièces nues sous tension mentionnées à l'article 3 de l'arrêté du 7 avril 2021 susvisé.

Ne sont notamment pas concernées les opérations au voisinage de pièces nues sous tension suivantes :

  1. Les consignations ;
  2. Les essais, mesurages, vérifications et manœuvres ;
  3. Les opérations sur les installations photovoltaïques.

Les symboles des habilitations électriques, définis par les normes AFNOR NF C 18-510 et NF C 18-550, pour lesquels la validité de l’habilitation est subordonnée à la détention de l’attestation d’absence de contre-indications médicales, sont les suivants :

  

Typologies des opérations concernées par l’attestationHabilitationCommentaires
Opérations au voisinage de pièce nues sous tension Voisinage simpleB1, B2, B1L, B2L, H1, H2Opérations d’ordre électrique concernant les installations électriques (exemples : création, modification d’une installation remplacement d’un coffret, d’une armoire)
Voisinage renforcéB1V, B2V, B1VL, B2VL, H1V, H2V
Travaux sous tensionTSTB1T, B2T, H1T, H2T, 
B2TL, B1TL
Opérations d’ordre électrique concernant les installations électriques, réalisées au contact de pièces nues sous tension
Travaux de nettoyage sous tensionLes habilitations nettoyage relèvent des prescriptions normatives d’habilitation aux TST B1N, B2N, H1N, H2NTravaux de nettoyage sous tension, sur les installations électriques réalisés par différentes techniques, (exemples : aspiration, pulvérisation, lavage)
Autres opérations au voisinageInterventions BR, BRL, B1XL, B2XLOpérations en présence de tension définis à l’article 3 de l’arrêté du 7 avril 2001 fixant les modalités de réalisation des travaux sous tension sur les installations électriques dans le domaine de la basse tension et les références des normes applicables en la matière.
(Exemples : dépannage de courte durée, connexion déconnexion)
 

Les autres habilitations électriques ne sont pas subordonnées à la détention de ladite attestation (ex : H0, B0 et BS).

L’attestation est-elle valable pour tous les types d'équipements de travail énumérés par les arrêtés du 26 septembre 2025 relatif à la formation à la conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de levage de charges ou de personnes ?

L’attestation délivrée par le médecin du travail que le salarié ne présente aucune contre-indications médicales à la conduite de certains équipements de travail est valable pour les types d’engins énumérés par les arrêtés des ministres chargés du travail ou de l’agriculture pris en application du 2° de l’article R. 4323-57 du Code du travail. Le modèle d’attestation ne précisant pas le type d’engin concerné, il n’est ainsi pas nécessaire, durant la période de validité de l’attestation, de réaliser un nouvel examen lorsque le salarié doit être autorisé à la conduite d’un autre équipement soumis aux dispositions de l’article R. 4323-56. 

L’attestation d’absence de contre-indications médicales porte sur l’activité de conduite de certains équipements de travail et la vérification de l’absence de pathologie susceptible d’entraîner une dangerosité pour l’entourage professionnel. Il s’agit donc notamment de vérifier l’absence d’une pathologie susceptible d’altérer la vigilance, de générer des pertes de connaissance brutales inopinées ou d’altérer les facultés de perception des éventuels signaux d’alerte de l’environnement (troubles de la vision, audition, etc...). Cela concerne donc tous les engins. Si d’autres pathologies sont présentes et contre-indiquent soit complètement, soit partiellement, la conduite de certains engins ou l’accès au poste de conduite, l’attestation pourra être délivrée, mais le médecin du travail l’accompagnera alors d’une demande d’aménagement du poste de travail. Afin d’informer l’employeur, le médecin du travail indiquera dans la proposition d’aménagement de poste quels engins sont possibles et quels sont ceux qui doivent être évités conformément aux dispositions de l’article L. 4624-3 du Code du travail.

Cette proposition accompagnera l’attestation de non contre-indications et est intégrée au dossier médical en santé au travail du salarié.

A quel moment doit intervenir l’examen médical ?

L’autorisation de conduite ou certaines habilitations électriques ne peuvent être délivrées que si le travailleur est détenteur d’une attestation de non contre-indications médicales.

Aussi, l’autorisation de conduite ou l’habilitation électrique doivent être délivrées avant la réalisation de l’activité concernée. En cela, la chronologie ne diffère pas de celle qui prévalait antérieurement avec l’examen d’aptitude.

Cet examen médical peut être réalisé à l’occasion de la visite d’information et de prévention. Dans cette hypothèse, l’attestation de suivi et l’attestation de non contre-indications médicales peuvent être remises à l’issue de cette visite qui doit alors être réalisée par le médecin du travail.
En l’absence de visite de suivi planifiée, le travailleur ou son employeur peuvent, conformément aux dispositions de l’article R. 4624-34 du Code du travail ou de l’article R. 717-18 du Code rural et de la pêche maritime, bénéficier d’une visite à leur demande en précisant au service de prévention et de santé au travail ou au service de santé en agriculture le besoin de délivrance de l’attestation, afin que la visite soit réalisée par le médecin du travail.

Cet examen peut-il faire l’objet d’une délégation ?

Le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025 prévoit de manière expresse la compétence du médecin du travail.

Pour autant, conformément aux dispositions de l’article R. 4623-14 II du Code du travail et de l’article R. 717-52-3 du Code rural et de la pêche maritime, le médecin du travail peut déléguer une partie de ses missions et confier, dans le cadre de protocoles écrits, les visites et examens relevant du suivi individuel des travailleurs aux collaborateurs médecins et aux internes en médecine du travail

Cet examen est cependant un acte médical aboutissant à un avis susceptible de recours. Il ne peut donc pas être délégué aux infirmiers en santé au travail.

Quelles sont les modalités de réalisation de l’examen ?

Le décret ne prévoit pas de modalités particulières ou dérogatoires. Il s’inscrit dans le cadre de l’examen médical réalisé par le médecin du travail sans possibilité de délégation à des professionnels de santé n’ayant pas la qualité de médecin. Il peut ainsi être réalisé en téléconsultation, lorsque les conditions prévues aux articles R. 4624-41-1 et suivants du Code du travail ou à l’article R. 717-23-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime sont réunies.

Un aménagement de poste peut-il être préconisé lors de la délivrance d’une attestation de non contre-indications médicales ?

Le suivi médical du salarié se poursuit en parallèle de la délivrance des attestations, et porte sur l’ensemble du poste de travail du salarié. Le médecin du travail, le collaborateur médecin ou l’interne, dans le cadre du protocole prévu par l’article R. 4623-14 du Code du travail ou à l’article R. 717-52-3 du Code rural et de la pêche maritime peuvent remettre au travailleur une attestation d’absence de contre-indications médicales, le cas échéant, complétée d’une proposition d’aménagement de poste si nécessaire.

Le médecin du travail peut-il réduire la durée de validité de cinq ans de l’attestation ?

Le médecin du travail ne peut pas attribuer une durée de validité différente de celle prévue par la règlementation. En revanche, il peut, dans le cadre des règles de droit commun, revoir le salarié avant la fin de la période de cinq ans et tirer les conséquences de ce nouvel examen.

Si l’état de santé du travailleur évolue durant la période de validité de l’attestation, le médecin du travail peut émettre une demande d’aménagement de poste qui signale à l’employeur que la conduite, par exemple, ne doit plus lui être autorisée, ou un avis d’inaptitude. Dans ce cas, l’employeur doit en tirer les conséquences et suspendre l’autorisation de conduite.

Portabilité de l’attestation

Le décret vient inscrire le principe d’une portabilité, pendant une durée de cinq ans, de la nouvelle attestation qui est rattachée au salarié. Ainsi, en cas de changement d’employeur durant cette période, le nouvel employeur n’a pas à organiser à un nouvel examen en vue de la délivrance de l’attestation. Le suivi individuel de l’état de santé du salarié se poursuit en fonction du régime qui lui est applicable, et il bénéficiera ainsi le cas échéant d’une visite d’information et de prévention (VIP) dans les trois mois suivant son embauche, et délégable à l’infirmier en santé au travail

Ce document est par ailleurs versé dans le dossier médical en santé au travail du salarié par le médecin du travail, ce qui doit permettre au salarié ou le cas échéant à son employeur, en cas de perte de l’attestation, d’en demander un duplicata auprès du service de prévention et de santé au travail ou du service de santé en agriculture compétent et de la présenter à son nouvel employeur.

Qui est responsable de la présentation de ce document ?

Le médecin du travail délivre l’attestation au salarié qui doit la présenter à son employeur.

Comme indiqué précédemment, en cas de perte de ce document ou si le document n’a pas pu être remis à l’employeur par le salarié, le salarié comme l’employeur peuvent demander au SPSTI concerné de leur transmettre ce document. 

L’employeur doit en conserver une copie afin de pouvoir, le cas échéant, établir auprès de l’inspection du travail que le salarié ne faisait pas l’objet de contre-indications médicales et qu’il a pu en conséquence lui délivrer une habilitation électrique ou une autorisation de conduite.

Dispositions transitoires

Le décret prévoit à titre transitoire que les avis d’aptitude délivrés au titre du suivi individuel renforcé requis par les articles R. 4323-56 et R. 4544-10 du Code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue du présent décret, soit avant le 1er octobre 2025, tiennent lieu pendant une durée de cinq ans, à compter de leur délivrance, de l’attestation d’absence de contre-indications. 

Les employeurs, à compter du 1er octobre 2025, doivent donc délivrer leurs autorisations de conduite ou habilitations à exécuter certains travaux électriques (cf. tableau de la question 3) au vu de l’avis d’aptitude au poste, en cours de validité, si le poste n’a pas changé. En cas de changement de poste ou en cas de changement d’employeur, l’employeur doit évaluer si le nouveau poste est similaire au précédent, de façon analogue à ce que prévoient le premier alinéa des articles R. 4624-15 et R. 4624-27. En cas d’emploi similaire, le nouvel employeur peut délivrer l’autorisation de conduite au vu de l’avis d’aptitude en cours de validité. En cas de doute, il lui est toujours possible de demander une visite en vue de la délivrance d’une attestation. 

Ainsi, les salariés titulaires, au 1er octobre 2025, d’une habilitation électrique ou d’une autorisation de conduite délivrées sur la base d’un avis d’aptitude délivré sous l’empire de l’ancienne réglementation, n’ont pas à bénéficier de l’examen médical prévu par le décret du 18 avril 2025 avant l’expiration du délai de cinq à compter de la délivrance de cet avis d’aptitude. Cela entraîne également le bénéfice de la portabilité de l’avis d’aptitude valant attestation en cas de changement d’employeur dans cette période. Les salariés n’étant plus en SIR, l’entretien infirmier intermédiaire n’est plus requis, et le régime de droit commun s’applique sauf exposition à un risque justifiant le maintien du SIR.

Contestation du refus de délivrance de l’attestation 

En cas de refus de délivrance de l’attestation par le médecin du travail, le salarié ou l’employeur peuvent saisir le conseil de prud’hommes, selon la procédure accélérée au fond d'une contestation portant sur un refus de délivrance d'attestation opposé par le médecin du travail à une demande présentée sur le fondement des articles R. 4323-56, R. 4544-10 ou R. 4544-11 du Code du travail.

Les dispositions des II à IV de l'article L. 4624-7 sont applicables à cette contestation. 

Afin de les informer, le SPST ou le SSTA communique les délais et voies de recours prévus par le Code du travail à l’issue de l’entretien au salarié et à l’employeur par tout moyen (remise document, mail, etc.).

Les jeunes travailleurs affectés à des travaux interdits et réglementés (art. R. 4153-40 du Code du travail) sont-ils concernés par le décret du 18 avril 2025 ?

Les jeunes travailleurs affectés à des travaux règlementés, et qui bénéficient donc d’une dérogation aux travaux interdits, sont soumis à une aptitude médicale annuelle : l’attestation de non contre-indications ne s’applique pas.

Pour les travaux qui peuvent être réalisés par des jeunes travailleurs, lorsqu’ils sont sous surveillance, au voisinage de pièces nues sous tension, conformément à l’article D. 4153-24 du Code du travail, il convient d’appliquer le régime de droit commun et donc de recourir au nouvel examen médical prévu par le décret n° 2025-355 du 18 avril 2025.

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