Le conseil de prud'hommes

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Les conseils de prud'hommes sont compétents pour connaître les litiges individuels nés à l'occasion d'un contrat de travail de droit privé. Dans le cadre de cette mission, les conseillers prud'hommes sont chargés de la conciliation des parties et, à défaut, du jugement des affaires. Pour certaines situations urgentes, il existe une procédure de référé permettant d'obtenir rapidement une décision.

Le conseil et la section compétents sont le plus souvent déterminés en fonction de l'implantation territoriale et de l'activité principale de l'employeur.

La saisine du conseil de prud'hommes implique le respect de certaines formalités. Pendant la procédure, employeur et salarié peuvent se faire assister ou représenter.

À savoir !
Les conseillers prud'hommes sont nommés conjointement par les ministères de la justice et du travail sur la base des mesures d'audience des organisations syndicales et professionnelles. Pour plus de précisions, on se reportera au portail dédié à la désignation des conseillers prud'hommes.

À quel conseil de prud'hommes s'adresser ?

Le conseil compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement où est effectué le travail.

Si le travail est réalisé en dehors de tout établissement (VRP, travailleurs à domicile...), la demande est portée devant le conseil de prud'hommes du domicile du salarié.

Mais quel que soit le lieu de travail, le salarié peut toujours saisir le conseil de prud'hommes du lieu d'embauche ou celui du siège social de l'entreprise qui l'emploie. Dans un contrat de travail, les clauses prévoyant la compétence d'un autre conseil sont nulles de plein droit.

Lorsqu'un salarié est temporairement détaché sur le territoire national par une entreprise établie dans un autre État membre de l'Union européenne, les contestations relatives aux droits reconnus dans les matières énumérées à l'article L. 1262-4 du Code du travail peuvent être portées devant le conseil de prud'hommes dans le ressort duquel la prestation est ou a été exécutée. Lorsque la prestation est ou a été exécutée dans le ressort de plusieurs conseils de prud'hommes, ces contestations sont portées devant l'une quelconque de ces juridictions.

L'employeur et le salarié peuvent tenter de régler à l'amiable le différend qui les oppose.  

  • La convention de procédure participative est une convention par laquelle « les parties à un différend qui n'a pas encore donné lieu à la saisine d'un juge ou d'un arbitre s'engagent à œuvrer conjointement et de bonne foi à la résolution amiable de leur différend » (art. 2062 et s. du Code civil art. 1542 et s. du code de procédure civile). Cette procédure suppose que les parties soient assistées par un avocat. Les parties peuvent ainsi décider de mettre en œuvre cette procédure avant de saisir, si elle n'aboutit pas, le conseil de prud'hommes ;
  • La médiation conventionnelle est la procédure par laquelle les deux parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l'aide d'un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige. La médiation conventionnelle est régie par les articles 21 à 21-5 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995.

Le bureau de conciliation et d'orientation (BCO) homologue l'accord issu d'un mode de résolution amiable des différends (convention de procédure participative ou médiation conventionnelle) ; il statue sans débat sur la requête qui lui est présentée aux fins d'homologation, sauf s'il estime nécessaire d'entendre les parties.

Comment se déroule une procédure ?

La saisine du conseil (dépôt de la demande)

La demande est formée par requête faite, remise ou adressée au greffe du conseil de prud'hommes (depuis le 1er janvier 2020, la saisine par la présentation volontaire des parties devant le BCO n'est plus admise).
La saisine du conseil de prud'hommes, même incompétent, interrompt la prescription.

La requête est « l'acte de procédure écrit, directement adressé à une juridiction pour faire valoir un droit et qui a pour effet de la saisir. Elle expose les prétentions dirigées contre l'adversaire, les points du litige, les arguments (moyens) et les pièces produites » (source : ministère de la Justice).

La requête doit être conforme aux prescriptions de l'article R. 1452-2 du Code du travail et, à ce titre, doit comporter les mentions prescrites à peine de nullité à l'article 57 du Code de procédure civile. Elle contient également un exposé sommaire des motifs de la demande et mentionne chacun des chefs de celle-ci. Elle est accompagnée des pièces que le demandeur souhaite invoquer à l'appui de ses prétentions. Ces pièces sont énumérées sur un bordereau qui lui est annexé.

Plusieurs formulaires sont mis à disposition des justiciables (salariés ou employeurs) qui souhaitent saisir le conseil de prud'hommes (CPH) :  

Sur les délais de prescription, on se reportera à l'article L. 1471-1 du Code du travail. Sous réserve des précisions figurant dans cet article, et de celles figurant ci-dessous, toute action portant sur l'exécution du contrat de travail se prescrit par 2 ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit. Pour les actions portant sur la rupture du contrat de travail (hors cas de discrimination et harcèlement), la prescription est de douze mois à compter de la notification de la rupture.

  • L'action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, de contrat de travail revêt le caractère d'une action personnelle et relève de la prescription de 5 ans prévue à l'article 2224 du Code civil. La qualification dépendant des conditions dans lesquelles est exercée l'activité, le point de départ de ce délai est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé, dans la mesure où c'est à cette date que le titulaire connaît l'ensemble des faits lui permettant d'exercer son droit. Ces précisions résultent de deux arrêts de la Cour de cassation du 11 mai 2022 (n° 20-18.084 et n° 20-14.421) auxquels on se reportera ;
  • L'action fondée sur le non-respect par l'employeur de la priorité de réembauche se prescrit par deux ans. Le point de départ de ce délai est la date à laquelle la priorité de réembauche a cessé, soit à l'expiration du délai d'un an à compter de la rupture du contrat de travail (plus de précisions dans notre fiche consacrée à la priorité de réembauche).

Sur les délais applicables à l'action en paiement ou en répétition du salaire (ou des éléments ayant une nature salariale comme, par exemple, l'indemnité de congé payé), on se reportera à la fiche consacrée à la rémunération. Sur ce point, on précisera que, selon la Cour de cassation (arrêt du 13 avril 2023), la demande en paiement d'une somme au titre de la participation aux résultats de l'entreprise n'a pas une nature salariale. Elle relève de l'exécution du contrat de travail et se prescrit donc par deux ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son droit.

Le rôle du bureau de conciliation et d'orientation

Tentative de conciliation des parties

Au sein de chaque conseil de prud'hommes, un « bureau de conciliation et d'orientation » (BCO) est chargé de concilier les parties. Dans le cadre de cette mission, il peut entendre chacune des parties séparément et dans la confidentialité (il s'agit là d'une exception au principe du débat contradictoire qui peut se révéler utile pour faire aboutir la conciliation).

  • Le bureau de conciliation et d'orientation peut notamment ordonner, même en l'absence du défendeur (personne contre qui la demande est faite), la délivrance, le cas échéant, sous peine d'astreinte, de certificats de travail, de bulletins de paie et de toute pièce que l'employeur est tenu légalement de délivrer (par exemple l'attestation destinée à permettant au salarié de faire valoir ses droits aux allocations chômage - dite « attestation France Travail  » ou « attestation Pôle emploi » ou, plus anciennement, « attestation Assédic »). Il peut également ordonner toutes mesures d'instruction et toutes mesures nécessaires à la conservation des preuves ou des objets litigieux et ordonner, si l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable et dans la limite de 6 mois de salaire calculés sur la moyenne des 3 derniers mois de salaire, de verser des provisions sur salaires, accessoires de salaires et autres sommes (versement de provisions sur les indemnités de congés payés, de préavis et de licenciement, etc.) mentionnées à l'article R. 1454-14 du Code du travail ;
  • France Travail est le nouvel opérateur du service public de l'emploi, qui remplace Pôle emploi depuis le 1er janvier 2024. Comme l'indique Pôle emploi/France Travail, ce changement de nom se fera progressivement à partir du 1er janvier 2024 et tout au long de l'année sur l'ensemble des sites Internet et applications, sur les communications et au sein des agences. Plus de précisions sur le site de cette Institution.

En règle générale (pour des exceptions, voir ci-dessous), la tentative de conciliation est obligatoire et les parties (l'employeur et le salarié) doivent comparaître (se présenter) personnellement ou être représentés par un mandataire muni d'un écrit. Toutefois, le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial et, devant le BCO, cet écrit doit l'autoriser à concilier au nom et pour le compte du mandant, et à prendre part aux mesures d'orientation (sur la représentation et l'assistance, voir précisions ci-après).

Il existe un certain nombre de litiges dont la loi permet qu'ils soient directement portés devant le bureau de jugement, sans passer par la phase de conciliation. Ainsi, par exemple :  

  • Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification d'un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine (art. L. 1245-2 du Code du travail). Sur les délais de prescription applicables à ces demandes, on se reportera à la fiche consacrée au contrat de travail à durée déterminée ;
  • Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de qualification de la rupture du contrat de travail à l'initiative du salarié en raison de faits que celui-ci reproche à son employeur (cette situation est couramment qualifiée de « prise d'acte de la rupture du contrat de travail »), l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine (L. 1451-1) ;
  • Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi d'une demande de requalification en contrat de travail d'une convention de stage mentionnée à l'article L. 124-1 du Code de l'éducation, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui statue au fond dans un délai d'un mois suivant sa saisine (art L. 1454-5 du Code du travail).
  • Lorsque le conseil de prud'hommes est saisi par un salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail sur le fondement de la présomption de démission en cas d'abandon volontaire de poste de travail, l'affaire est directement portée devant le bureau de jugement, qui se prononce sur la nature de la rupture et les conséquences associées, et qui statue au fond dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. La présomption de démission par abandon de poste est régie par les articles L. 1237-1-1 et R. 1237-13 du Code du travail.

À noter que, quel que soit le stade de la procédure, le BCO ou le bureau de jugement peut :

  1. Après avoir recueilli l'accord des parties, désigner un médiateur afin de les entendre et de confronter leurs points de vue pour permettre de trouver une solution au litige qui les oppose. Cette médiation judiciaire est régie par les dispositions générales des articles 131-1 à 131-15 du Code de procédure civile (elle ne peut donc excéder trois mois, renouvelable une fois pour la même durée) ;
  2. Enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur qui les informe sur l'objet et le déroulement de la mesure. L'accord est homologué, selon le cas, par le bureau de conciliation et d'orientation ou le bureau de jugement.
     

En cas de partage devant le bureau de conciliation et d'orientation, ce dernier renvoie l'affaire devant le bureau de jugement présidé par le juge du tribunal judiciaire (juridiction issue de la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance) dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de prud'hommes.

Situation en cas d'échec de la conciliation

En cas d'échec de la conciliation, le bureau de conciliation et d'orientation peut, par simple mesure d'administration judiciaire (mesures qui, selon l'article 537 du Code de procédure civile, ne sont pas susceptibles de recours) : 

  • Si le litige porte sur un licenciement ou une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, renvoyer les parties, avec leur accord, devant le bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l'article L. 1423-13 du Code du travail (un conseiller prud'homme employeur et un conseiller prud'homme salarié). La formation restreinte doit statuer dans un délai de 3 mois ;
  • Renvoyer les parties, si elles le demandent ou si la nature du litige le justifie, devant le bureau de jugement présidé par un juge du TGI dans le ressort duquel est situé le siège du conseil de prud'hommes.

Dans ce cas, l'article L. 1454-4 du Code du travail n'est pas applicable (le juge ne peut statuer seul en cas d'absence d'un conseiller).

À défaut, l'affaire est renvoyée devant le bureau de jugement réuni au complet (deux conseillers prud'hommes employeurs et de deux conseillers prud'hommes salariés, incluant le président ou le vice-président siégeant alternativement).

La formation saisie connaît de l'ensemble des demandes des parties, y compris des demandes additionnelles ou reconventionnelles.

Absence de comparution d'une des parties

Si, sauf motif légitime, une partie ne comparaît pas, personnellement ou représentée (sur les conditions de cette représentation, voir ci-dessous), le bureau de conciliation et d'orientation peut (il n'est pas tenu de le faire) juger l'affaire, en l'état des pièces et moyens que la partie comparante a contradictoirement communiqués. Dans ce cas, le bureau de conciliation et d'orientation statue en tant que bureau de jugement dans sa composition restreinte mentionnée à l'article L. 1423-13 du code du travail (un conseiller prud'homme employeur et un conseiller prud'homme salarié); Art. L. 1454-1-3 du Code du travail).

Ainsi, lorsque au jour fixé pour la tentative de conciliation :

  • Le demandeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d'un motif légitime, il est fait application des dispositions ci-dessus, le bureau de conciliation et d'orientation ayant toutefois la possibilité de renvoyer l'affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement. Le BCO peut aussi déclarer la requête et la citation caduques si le défendeur ne sollicite pas un jugement sur le fond. La déclaration de caducité peut être rapportée dans les conditions de l'article 468 du Code de procédure civile. Dans ce cas, le demandeur est avisé par tous moyens de la date de la séance du BCO, à laquelle le défendeur est convoqué par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception ;
  • Le défendeur ne comparaît pas sans avoir justifié en temps utile d'un motif légitime, il est également fait application des dispositions de l'article L. 1454-1-3 du code du travail (voir ci-dessus) ; dans ce cas, le BCO ne peut renvoyer l'affaire à une audience ultérieure du bureau de jugement que pour s'assurer de la communication des pièces et moyens au défendeur.
     

« Mise en état » des affaires

Le bureau de conciliation et d'orientation assure la mise en état de l'affaire, c'est-à-dire qu'il lui appartient de faire procéder aux débats contradictoires et échanges de pièces et de conclusions qui permettent de mettre l'affaire en état d'être jugée.

Lorsque l'affaire n'est pas en état d'être jugée devant le bureau de jugement, celui-ci peut assurer sa mise en état. 
Un ou deux conseillers rapporteurs peuvent être désignés pour que l'affaire soit mise en état d'être jugée. Ils prescrivent toutes mesures nécessaires à cet effet.

Lors de la conciliation, possibilité d'une indemnisation forfaitaire en cas de litige portant sur un licenciement

En cas de litige portant sur la régularité du licenciement (procédure, caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur), lors de la conciliation, l'employeur et le salarié peuvent convenir ou le bureau de conciliation et d'orientation proposer d'y mettre un terme par accord. Cet accord prévoit le versement par l'employeur au salarié d'une indemnité forfaitaire de conciliation dont le montant est déterminé en référence au barème mentionné à l'article D. 1235-21 du code du travail en fonction de l'ancienneté du salarié.

Cette indemnité forfaitaire est, dans la limite de ce barème, exonérée d'impôt sur le revenu pour sa totalité. Elle ne se substitue pas aux indemnités légales, conventionnelles ou contractuelles auxquelles le salarié peut, le cas échéant, prétendre : indemnité de licenciement, indemnité compensatrice de préavis, indemnité compensatrice de congés payés, contrepartie financière d'une clause de non-concurrence, etc. Sous cette réserve, le procès-verbal constatant l'accord vaut renonciation des parties à toutes réclamations et indemnités relatives à la rupture du contrat de travail prévues par les articles L. 1235-1 à L. 1235-17 du Code du travail ; sont notamment visées, les indemnités pour licenciement irrégulier (irrégularité de la procédure) ou abusif (absence de cause réelle et sérieuse).

Le jugement

Les parties sont convoquées à l'audience de jugement par lettre, ou verbalement avec émargement (signature) au dossier lors de l'audience de conciliation. Elles doivent comparaître en personne mais peuvent se faire assister ou représenter.

Le jugement est pris à la majorité absolue des conseillers prud'homaux. En cas de partage des voix, l'affaire est renvoyée devant le même bureau de jugement présidé par un juge du tribunal judiciaire (juge départiteur) ; l'affaire est reprise dans le délai d'un mois (en cas de partage des voix au sein de la formation de référé, l'affaire est renvoyée à une audience présidée par le juge départiteur ; cette audience est tenue sans délai et au plus tard dans les 15 jours du renvoi). Si, lors de l'audience de départage, le bureau de jugement ne peut se réunir au complet, il appartient au juge départiteur de statuer dans les conditions précisées par l'article R. 1454-31 du code du travail.

En l'absence de comparution d'une des parties, les dispositions suivantes sont applicables :

  • Lorsque le défendeur ne comparaît pas le jour de l'audience du bureau de jugement, il est statué sur le fond. Toutefois, si le défendeur a justifié en temps utile d'un motif légitime, il est avisé par tous moyens de la prochaine audience du bureau de jugement ;
  • Dans le cas où, sans motif légitime, le demandeur ne comparaît pas devant le bureau de jugement, il est fait application de l'article 468 du code de procédure civile. Si, après avoir été prononcée, la déclaration de caducité est rapportée, le demandeur est avisé par tous moyens de la date d'audience devant le bureau de jugement, à laquelle le défendeur est convoqué par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception.

Avant de statuer sur une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, les juridictions de l'ordre judiciaire peuvent, par une décision non susceptible de recours, solliciter l'avis de la Cour de cassation. Elles peuvent également, dans les mêmes conditions, solliciter l'avis de la Cour de cassation avant de statuer sur l'interprétation d'une convention ou d'un accord collectif présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges.

Les jugements sont exécutoires lorsqu'ils sont devenus définitifs, c'est-à-dire après expiration des délais de recours. Certains jugements sont toutefois exécutoires de plein droit (dès leur prononcé) à titre provisoire ; il en est ainsi, notamment, du jugement qui ordonne la remise d'un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l'employeur est tenu de délivrer ou le jugement qui ordonne le paiement de sommes au titre des rémunérations et indemnités mentionnées au 2° de l'article R. 1454-14 du Code du travail, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire.

Barème légal des dommages et intérêts en cas de licenciement abusif
Si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse (on parle alors de licenciement abusif), le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis. Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité (c'est-à-dire des dommages-intérêts) à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés par le code du travail. Ce barème n'est toutefois pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues par le Code du travail (licenciement discriminatoire, licenciement intervenu en violation d'une liberté fondamentale…) ; dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Voies de recours

Jusqu'à un certain montant de la demande, fixé par décret à 5 000 €, le conseil de prud'hommes statue en dernier ressort (ce que l'on appelle « taux de compétence en dernier ressort ») : seul un pourvoi en cassation est alors possible. Au-delà de ce montant, le jugement est susceptible d'appel : la cour d'appel peut être saisie et revoir la décision rendue par le conseil de prud'hommes. L'appel est régi par la procédure avec représentation obligatoire (les parties sont donc tenues de recourir à un avocat ou à un défenseur syndical).

Pour vérifier si ce montant est atteint lorsque la saisine du conseil est motivée par plusieurs demandes, il convient de prendre en compte isolément :

  • Les demandes de nature salariale (salaires, primes, heures supplémentaires, indemnités de congés payés) ;
  • Les demandes de nature indemnitaire (indemnités de licenciement, de préavis, indemnité compensatrice de congés payés, dommages-intérêts pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse).

Si l'ensemble des demandes de même nature excède le taux de compétence en dernier ressort, il est possible de faire appel de la décision.

Dans le cas contraire, le seul recours possible est un pourvoi en cassation devant la Cour de cassation, pour motif de non-conformité aux règles de droit.

Existe-t-il une procédure d'urgence ?

Oui, il s'agit du référé prud'homal qui permet d'obtenir une décision d'urgence lorsque les circonstances l'exigent. Le conseil de prud'hommes, dans sa formation de référé, peut :

  • Ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;
  • Prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage ou faire cesser un trouble manifestement illicite, même en cas de contestation sérieuse.

Protection des lanceurs d'alerte et de leur entourage, et facilitation de leur réinsertion

  • En cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d'une alerte au sens de l'article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, le salarié (son entourage et les autres salariés mentionnés ci-dessous) peut saisir le conseil des prud'hommes en référé ;
  • À l'occasion de tout litige (en référé ou non), le conseil des prud'hommes peut, en complément de toute autre sanction, obliger l'employeur à abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié ayant lancé l'alerte jusqu'à son plafond mentionné à l'article L. 6323-11-1 du Code du travail (soit 8 000 €). Cette disposition est mise en œuvre selon les modalités fixées par l'article D. 6323-3-4 du code du travail ; elle est également applicable, le cas échéant, à l'entourage du lanceur d'alerte, tel que défini à l'article 6-1 de la loi précitée, (notamment aux personnes physiques en lien avec le lanceur d'alerte qui risquent de faire l'objet, dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de leur employeur, de l'une des mesures dites de « représailles » - ex. : suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes, rétrogradation ou refus de promotion - mentionnées au II de l'article 10-1 de la loi précitée), aux salariés mentionnés aux articles L. 1132-3-3, L.1152-2 et L. 1153-2 du code du travail.

La demande en référé est formée par le demandeur soit par acte de commissaire de justice (nouvelle profession du droit née du rapprochement des huissiers de justice et des commissaires-priseurs judiciaires), soit par requête, dans les conditions précisées par l'article R. 1455-9 du Code du travail.

Procédure accélérée au fond
Dans un certain nombre de situations visées par le Code du travail, il est expressément prévu que le conseil de prud'hommes statue selon la « procédure accélérée au fond » (anciennement « en la forme des référés »). Relèvent, par exemple, de cette procédure accélérée au fond, le refus par l'employeur d'accorder certains congés au salarié (congés pour événements familiaux prévus par le Code du travail, congé de solidarité familiale, congé de proche aidant, congé de participation aux instances d'emploi et de formation professionnelle ou à un jury d'examen, etc.) ou encore, à défaut d'accord entre l'employeur et les organisations syndicales, la fixation des modalités d'organisation et de déroulement des opérations électorales (élection de la délégation du personnel au CSE). Cette procédure accélérée au fond, à ne pas confondre avec la procédure de référé dans laquelle l'affaire n'est pas jugée au fond, est prévue par l'article R. 1455-12 du Code du travail.

Peut-on se faire représenter ou assister à l'audience ?

Devant le conseil de prud'hommes, les parties peuvent se défendre elles-mêmes ou se faire assister ou représenter devant le conseil des prud'hommes, outre un avocat, par :

  • Un salarié et un employeur appartenant à la même branche d'activité ;
  • Un défenseur syndical (les « défenseurs syndicaux » sont inscrits sur une liste établie par le Directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités sur proposition des organisations d'employeurs et de salariés. Pour chaque région, elle fait l'objet d'un arrêté du préfet de région publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de région ; elle est tenue à la disposition du public à la direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS - DDETS) dans chaque conseil de prud'hommes et dans les cours d'appel de la région. Le statut du défenseur syndical est défini, notamment, par les dispositions des articles L. 1453-5 et suivants du code du travail et D. 1453-2-1 et suivants du code du travail. Les employeurs sont remboursés par l'État des salaires maintenus pendant les absences du défenseur syndical pour l'exercice de sa mission ainsi que des avantages et des charges sociales correspondants ; les modalités de ce remboursement sont fixées par l'arrêté du 25 octobre 2017 cité en référence ;
  • Leur conjoint, partenaire lié par un PACS ou concubin.

L'employeur peut également se faire assister ou représenter par un membre de l'entreprise ou de l'établissement.

  • Assistance : la personne qui se fait assister se présente à l'audience et y intervient, tout en étant accompagnée par une des personnes habilitées par le code du travail, mentionnées ci-dessus.
  • Représentation : la personne qui se fait représenter désigne un mandataire qui se présente à l'audience et agit en son nom et place. Elle n'est pas tenue d'être présente à l'audience.
  • Le dispositif de l'aide juridictionnelle s'applique en matière prud'homale, si les ressources de l'intéressé ne dépassent pas un certain montant ; sur l'aide juridictionnelle, on peut se reporter aux informations figurant sur le site Internet du Ministère de la Justice.

Le représentant, s'il n'est pas avocat, doit justifier d'un pouvoir spécial daté et signé par la personne qu'il représente. Devant le bureau de conciliation et d'orientation, cet écrit doit l'autoriser à concilier au nom et pour le compte du mandant, et à prendre part aux mesures d'orientation.

Comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 8 février 2024 auquel on se reportera pour plus de précisions, « seul l'avocat étant dispensé de justifier d'un mandat de représentation en justice, le défenseur syndical doit justifier d'un tel mandat tant devant les juridictions prud'hommales de première instance que devant le cours d'appel, saisies de l'appel de leurs décisions ». À défaut d'un tel mandat, l'appel pourrait être considéré comme irrecevable.

Textes de référence

  • Articles L. 1235-1, D. 1235-21 et R. 1235-22 du Code du travail
  • Articles L. 1237-1-1, L. 1451-1 à L. 1457-1 et R. 1451-1 à R. 1471-2 du Code du travail
  • Circulaire du 27 mai 2016
  • Arrêté du 25 octobre 2017 (JO du 29)
  • Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 modifiée relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (JO du 10)
  • Loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte (JO du 22)
  • Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi (JO du 19 ; création de France Travail)

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