Les actions internationales et européennes contre l’exploitation par le travail

Publié le | Temps de lecture : 6 minutes

Suivant le rapport mondial 2024 de l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), la traite des êtres humains constitue la 2ème économie illicite la plus répandue dans le monde. 74 % des trafiquants opèreraient en groupes ou réseaux criminels, le trafic d’êtres humains étant généralement lié à d’autres types de trafics : stupéfiants, migrants, blanchiment d’argent. 

Même si le recensement des victimes n’est pas évident, les données statistiques européennes enregistrent 10 793 victimes de traite en 2023 dans l’Union européenne. Près des deux tiers (63 %) des victimes étaient des femmes ou des filles. Au cours des cinq dernières années, une augmentation notable du nombre de victimes à des fins de travail forcé a été observée. Les femmes font ainsi principalement l’objet d'exploitation sexuelle, tandis que les hommes sont davantage concernés par l’exploitation par le travail ou la criminalité forcée. 
 

Les actions à l’échelle internationale

Si le terme de travail forcé a été employé par l’Organisation internationale du travail (OIT) dès 1930, la notion de « traite des êtres humains » émerge au sein des instances internationales à partir des années 2000.  

La convention n° 29 sur le travail forcé (1930) interdit ainsi toute forme de travail forcé ou obligatoire et la convention n° 105 sur l’abolition du travail forcé (1957) exige des États qu’ils s’engagent à supprimer le travail forcé ou obligatoire et à n'y recourir sous aucune forme. Par ailleurs, l'élimination de toute forme de travail forcé ou obligatoire a été érigée au rang de principes et droits fondamentaux au travail par la déclaration de l’OIT de 1998. Cela signifie que les membres de l’OIT, du fait de leur simple appartenance à l’Organisation, doivent respecter ce principe, qu’ils aient ratifié ou non les conventions.

L’ONU a joué un rôle moteur dans la construction juridique de la notion de traite des êtres humains en établissant le Protocole de Palerme (2000) visant à lutter contre la criminalité transnationale. Cet instrument juridique propose ainsi une  première définition permettant de caractériser les différentes formes de traite

Par la suite, le Conseil de l’Europe élabore en 2005 la Convention dite de Varsovie sur la lutte contre la traite des êtres humains. Cette convention prévoit notamment des mesures d’identification et de protection des victimes. Le texte crée également le Groupe d’experts sur la lutte contre la traite des êtres humains (GRETA). Cet organe indépendant joue un rôle central dans l'évaluation des mesures prises par les États membres pour lutter contre la traite, en s'assurant qu'elles respectent les normes établies par la Convention. L'une de ses principales missions est de réaliser des évaluations périodiques des États membres par des visites sur site ou questionnaires. Ces évaluations permettent d'identifier les bonnes pratiques ainsi que les points d’amélioration attendus (voir rapport d’évaluation du GRETA pour la France).

Par la suite, les différentes instances de négociations internationales ont poursuivi le renforcement de leur action en matière de lutte contre la traite des êtres humains.  

L'Organisation internationale du travail (OIT) adopte ainsi le Protocole de 2014 qui complète la convention sur le travail forcé de 1930 en introduisant des mesures de prévention et de protection des victimes. 

Par ailleurs, l’observatoire de l’OIT sur le travail forcé répertorie les données chiffrées, les cadres juridiques et politiques en matière de travail forcé ainsi que les programmes de coopération dans ce domaine.

En 2010, l'Assemblée générale des Nations unies adopte également un plan d'action mondial contre la traite des êtres humains, formalisé par la résolution 64/293. Ce plan vise à assurer l'application effective des mesures de lutte contre la traite et encourage les États membres à renforcer leurs législations nationales. Il vise également à améliorer la coopération internationale et promouvoir des partenariats entre les gouvernements, les organisations non gouvernementales et secteur privé. 

La France s’est par ailleurs investie dans la réalisation de la cible 8.7 des objectifs de développement durable 2030 établis par les États membres des nations unies. L'Alliance 8.7 vise à accélérer les efforts des États signataires pour des mesures immédiates et efficaces de suppression du travail forcé, de l’esclavage moderne, de la traite et l’interdiction du travail des enfants. L'alliance 8.7 rassemble des acteurs à la fois privés et publics en vue d’appuyer la mobilisation et la coordination autour de cet objectif. 

Enfin d’autres organisations internationales comme l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou encore l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) participent également à l’information et la lutte contre la traite des êtres humains. L'OCDE sensibilise ainsi le secteur privé en promouvant des pratiques commerciales responsables et en soutenant des initiatives garantissant des conditions de travail décentes et respectueuses des droits humains dans la chaine d’approvisionnement (voir rapport OCDE). L’OSCE s’intéresse au sujet de la traite à travers ses missions de sécurité, de coopération et du respect des droits de l'homme en Europe et en Asie centrale notamment dans la lutte contre le crime organisé. 

L’Union européenne 

La principale directive relative à la lutte contre la traite des êtres humains et la protection des victimes a été adoptée en 2011 par l’Union européenne (directive 2011/36/UE). Cette directive, qui retranscrit en droit européen la définition internationale de la traite des êtres humains, vise à harmoniser les infractions pénales et les obligations des États membres pour mieux lutter les contre le phénomène. Elle rappelle par ailleurs le statut de protection applicable aux victimes de traite dans le cadre des enquêtes et l’importance de mettre en place des dispositifs de détection précoce et d’assistance aux victimes, notamment pour les femmes et les enfants. Ce texte a été révisé en 2024 (directive UE 2024/1712/UE) en vue de renforcer à la fois les sanctions contre les auteurs mais aussi les dispositifs de prévention et de protection des victimes. 

L’Union européenne a également adopté récemment le règlement 2024/315 relatif à l’interdiction des produits issus du travail forcé sur le marché de l’Union. Ce texte interdit aux opérateurs économiques d’exporter ou de mettre sur le marché de l’Union des produits issus du travail forcé. Les opérateurs économiques doivent ainsi veiller à la traçabilité de leur chaîne d'approvisionnement et exercer une diligence raisonnable pour s'assurer de l'absence de situation de travail forcé lors de la fabrication des produits commercialisés sur leur territoire.

Les États membres de l’UE ont par ailleurs mis en place une stratégie pour lutter contre la traite des êtres humains pour la période 2021-2025. Cette stratégie vise à mieux prévenir la traite, protéger les victimes et poursuivre les auteurs de ces crimes. Elle met l’accent sur une approche globale, incluant la coopération internationale, le renforcement des capacités des États membres et la sensibilisation du public.

L’agence de l’Union européenne pour la coopération des services répressifs (Europol) participe également à la lutte contre la criminalité organisée et la traite des êtres humains. L’agence fournit des analyses stratégiques et identifie les tendances émergentes (voir publications d’Europol). 

Elle joue aussi un rôle opérationnel en coordonnant des actions de coopération des Etats membres comme la plateforme EMPACT (European Multidisciplinary Platform Against Criminal Threat), instrument phare de l’UE visant à structurer la coopération multidisciplinaire et à lutter contre la criminalité organisée. Chaque année se déroule ainsi en Europe des journées communes de lutte contre la traite via la réalisation de contrôles simultanés (Joint Action Days). 

Depuis 2007, l’Union européenne a choisi le 18 octobre comme journée européenne de lutte contre la traite des êtres humains. L’objectif est de sensibiliser le grand public et les professionnels sur cette thématique et de renforcer la prévention. Plusieurs campagnes de sensibilisation sont menées à cette date dans l’ensemble des pays de l’Union européenne. 

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