L’action de l’État et le rôle de l’inspection du travail face à l'exploitation par le travail

Publié le | Temps de lecture : 6 minutes

La lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains mobilise les pouvoirs publics, en lien étroit avec la société civile. En s'appuyant sur des acteurs tels que la Miprof et sur un plan national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains, l’État agit pour  la prévention, la protection des victimes et l’action pénale contre les réseaux criminels. L’inspection du travail joue un rôle central en constatant les infractions et en orientant les victimes.

La Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof)

Créée par le décret 2013-7 du 3 janvier 2013, la Mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains (Miprof) est notamment chargée d’assurer la coordination nationale de la lutte contre la traite des êtres humains. Elle pilote l’élaboration et le suivi de la mise en œuvre des plans nationaux pluriannuels de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains, organise des actions de formation à destination des professionnels et produit des outils de sensibilisation pour le public. Elle assure également une mission de recueil et d’analyse de données sur le phénomène de la traite en France, en lien avec les différents services statistiques des ministères ainsi que la Direction générale du travail, des associations spécialisées et assure la coordination auprès des instances internationales et européennes.

La Miprof, dirigée depuis mars 2023 par Roxana Maracineanu, ancienne ministre des Sports entre 2018 et 2022, est constituée d’une équipe permanente de 9 agents ainsi que d’un comité d’orientation dont la composition est fixée par arrêté du 7 février 2024. Ce comité, composé de représentants de l’État, d’associations, de collectivités territoriales et de personnes qualifiées, assure le rôle de comité de suivi de la mise en œuvre du plan national de lutte contre la traite et l’exploitation. Il s’est réuni le 21 mars et le 12 décembre 2024, puis le 27 juin 2025.

La Miprof conduit également annuellement une enquête auprès des associations accompagnant les victimes d’exploitation et de traite des êtres humains.

Enfin, en lien avec la lutte contre la traite à des fins d’exploitation sexuelle, la Miprof participe à la mise en œuvre de la Stratégie nationale de lutte contre le système et l’exploitation sexuelle.

La Commission nationale consultative des droits de l’Homme, en tant qu'Institution nationale des droits de l'homme accréditée par l’ONU, dispose en France du mandat de rapporteur national indépendant sur la traite des êtres humains.

Le plan national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains 2024-2027

Le troisième plan national de lutte contre l’exploitation et la traite des êtres humains 2024 – 2027 a été élaboré en concertation avec la société civile (associations, syndicats, avocats, institutions indépendantes), l’ensemble des ministères et les partenaires internationaux. Le plan a une double vocation :

  • D’une part, mieux protéger les citoyens, mineurs et majeurs, français ou issus des migrations, contre les atteintes à la dignité humaine que constituent les différentes formes de traite et d’exploitation ;
  • D’autre part, renforcer l’efficacité de la politique pénale pour démanteler et condamner les réseaux criminels, notamment transnationaux, et les exploiteurs.

Il se structure en six axes, certains étant transversaux (comme la sensibilisation de la société et la formation des professionnels au phénomène de la traite ou encore le renforcement de la protection et l'accompagnement des victimes en vue d’assurer leur sécurité et leur accès aux droits fondamentaux), d’autres étant spécifiquement organisés par finalité de la traite (sexuelle, par le travail, par les délits ou la mendicité forcés). Le dernier axe du plan vise à poursuivre les engagements et l’ambition de la France à l'international par la poursuite ou le renforcement de coopérations.  

La Direction générale du travail (DGT) est en charge du pilotage et du suivi de plusieurs mesures du plan concernant la lutte contre la traite à des fins d’exploitation économique et par le travail (axe 4). Les actions portent sur la mobilisation des partenaires, notamment les branches professionnelles et les services de santé au travail, aux enjeux de lutte contre la traite. Elles visent également à mieux accompagner les services de l’inspection du travail à travers la mise en place d’un réseau régional de référents traite des êtres humains, de création d’outils méthodologiques, de formation à destination des agents. Des mesures sont également travaillées pour améliorer la prise en charge des victimes et leur orientation vers les services d’aide.  

Le rôle de l’inspection du travail dans la lutte contre l’exploitation par le travail

En France, seuls les officiers de police judiciaire (OPJ) et les inspecteurs du travail sont compétents pour constater les faits de traite des êtres humains, travail forcé et réduction en servitude. Cette compétence a été acquise en 2016 par le corps de l’inspection du travail qui pouvait déjà relever les infractions pénales relatives aux conditions de travail et d’hébergement contraires à la dignité de la personne. Cette évolution réglementaire est en cohérence avec le rôle attendu des inspecteurs du travail dont la mission première est de protéger les travailleurs et de veiller à leur information en vue du rétablissement de leurs droits.

Les situations peuvent être détectées suite à la plainte de victimes ou des signalements d’acteurs (syndicats, associations spécialisées…) mais également dans le cadre de contrôle fortuit. Les inspecteurs du travail peuvent ainsi entendre les travailleurs, réaliser des constats et les relever des infractions pénales qui seront transmises au Procureur de la République. Ils informent également les victimes de leurs droits et les orientent vers les structures d’accompagnement social et/ou juridique (association, syndicat, dispositif d’hébergement d’urgence…).  

Entre 2016 et 2022, l’inspection du travail a initié entre 10 et 20 procédures relatives à des faits d’exploitation par le travail. Ce chiffre est toutefois en augmentation. Ainsi, en 2024, 65 dossiers ont été traités par les services de l’inspection du travail concernant 459 victimes.  

Le cadre juridique de la co-saisine (article 28 du code de procédure pénale) permet par ailleurs aux agents de contrôle de l’inspection du travail et aux officiers de police judiciaire de pouvoir coopérer en mettant à profit leurs compétences propres pour la réalisation d’enquêtes. Les agents de l’inspection du travail participent par ailleurs à l’organisation de contrôles coordonnés notamment dans le cadre des « Joint Action Days », initiative européenne lancée par Europol à travers la plateforme EMPACT. 

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