L’approche chiffrée des risques psychosociaux : intérêts, limites et mise en oeuvre pratique

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La souffrance au travail | Comment agir sur les risques psycho-sociaux

 

Extrait de l'ouvrage collectif dirigé par Nicolas Combalbert, La souffrance au travail. Comment agir sur les risques psychosociaux ©Armand Colin, 2010

Michel Niezborala est médecin du travail et épidémiologiste et est aujourd’hui médecin inspecteur régional du travail en région Midi Pyrénées. Il travaille depuis de nombreuses années sur l’utilisation pour l’intervention en entreprise des méthodes de la recherche scientifique. Il travaille en particulier sur l’utilisation des indicateurs en santé au travail, sur le risque psychosocial et sur les questions d’âge au travail.

Introduction

Vouloir aborder une question aussi complexe que le risque psychosocial par des méthodes quantitatives peut sembler une gageure. Au travail, chaque personne vit une expérience singulière dans laquelle sa personnalité, son histoire personnelle et professionnelle, son état du moment, son environnement affectif, familial, social et professionnel jouent un rôle essentiel. Par ailleurs, aucune situation de travail n’est exactement identique à une autre et aucune n’est parfaitement identique d’un jour à l’autre, même dans des postes qui semblent très standardisés comme un travail à la chaîne. 
Quantité d’événements peuvent en effet venir perturber la marche « normale » d’une journée de travail : la consistance de la matière première varie selon la météo, une machine tombe en panne ou ne fonctionne pas correctement, l’entreprise rencontre un problème d’approvisionnement en pièces détachées, une grève dans les transports empêche d’arriver à l’heure, un collègue malade est remplacé au pied levé par un intérimaire qu’il faut former au plus vite... Tous ces petits incidents conditionnent la relation qui se joue en permanence entre chaque individu et sa situation de travail. Le résultat de cette transaction dépend de la capacité de la personne à faire face à ces contraintes et à s’adapter sans cesse à leur survenue. C’est pour cela que des auteurs importants comme Lazarus R.S. Lazarus1, dont les travaux sont à l’origine de la définition du stress utilisée dans la communauté européenne, pensent qu’il n’est pas possible de restituer valablement la somme de ces processus, individuels et dynamiques, par une approche chiffrée qu’ils trouvent trop statique et globalisante.

Sans nier la dimension individuelle du stress, d’autres auteurs2 pensent au contraire qu’une approche collective est non seulement possible mais également socialement souhaitable. Ainsi, ils soulignent que certaines conditions de travail, comme la peur de perdre son emploi, une surcharge de travail ou des relations conflictuelles affectent négativement la plupart des personnes qui y sont confrontées. Des modèles d’explication du stress au travail basés sur cette hypothèse ont d’ailleurs très largement prouvé leur validité. Nous présenterons plus loin les deux plus connus d’entre eux. Ces modèles renvoient à la notion de risque et de facteur de risque qu’il est important de bien comprendre. Un risque est la probabilité de survenue d’une maladie et un facteur de risque est une circonstance qui augmente cette probabilité. Un facteur de risque n’est pas une cause. Une cause de maladie est une condition indispensable à ce que la maladie survienne et suffisante à elle seule pour induire la maladie. Par exemple, le germe de la tuberculose est la cause de la tuberculose ; par contre, le tabagisme n’est pas une cause de l’infarctus du myocarde mais un de ses facteurs de risque principaux. En effet si le fait de fumer peut à lui seul provoquer un infarctus, de nombreux infarctus surviennent chez des non fumeurs et des fumeurs vivent très âgés sans faire d’infarctus. L’hypothèse concernant les risques psychosociaux est que certaines conditions de travail sont des facteurs de risque de voir le bien-être se dégrader et des maladies apparaître en plus grand nombre. Cette vision probabiliste explique qu’il soit envisageable d’aborder collectivement ce problème.

Quant aux décideurs, qu’il s’agisse des pouvoirs publics ou des employeurs, ils mettent en place des programmes ou des règles qui concernent toute une collectivité, sans distinction entre les individualités qui la composent. Dans ce cas, l’abord collectif du risque induit par l’application de telles décisions peut apparaître incontournable. Mais bien sûr, cela renvoie à la question initiale sur la possibilité d’en rendre compte globalement. La réponse n’est certainement pas de dire que le problème est trop individuel pour obéir à des déterminants collectifs : cela déchargerait les organisateurs du travail de toute responsabilité. Mais on ne peut pas non plus demander aux chiffres d’en dire plus qu’ils ne le peuvent. La solution se trouve probablement à mi-chemin, dans une utilisation « modeste » des indicateurs quantitatifs et dans leur combinaison avec des approches qualitatives. Notre démarche s’inspire de celle prônée par Volkoff3 qui, parlant de l’utilisation des indicateurs chiffrés dans l’ergonomie de l’activité, dit qu’« elle veut promouvoir sur le terrain des espaces de discussion, et faire valider par les acteurs concernés ses propres résultats ». Autrement dit, le chiffre est plus souvent là pour susciter des questions que pour apporter des réponses ! Pour nous, le chiffre n’est pas une fin 
en soi mais un moyen d’apporter un certain éclairage sur la relation santé/travail. Lequel éclairage ne prétend pas réduire la complexité des liens unissant l’un à l’autre, mais permet aux acteurs de l’entreprise et aux spécialistes (en psychologie, ergonomie, etc.) de se poser les bonnes questions – du moins celles qui nous semblent pertinentes. Nous pensons donc que le chiffre ne peut pas traiter l’intégralité de la question des risques psychosociaux ; en revanche, il a toute sa place dans des 
démarches où il s’articule avec des approches qualitatives c'est-à-dire des approches basées sur des entretiens approfondis avec différents acteurs de l’entreprise (salariés, encadrement, direction…) et sur l’observation de certaines situations de travail.

Intérêts des approches quantitatives

L’approche quantitative tient un rôle stratégique dans les interventions combinées avec des approches qualitatives d’abord parce qu’elle parle le langage des chiffres qui sont fortement valorisés dans les entreprises. Elle constitue de ce fait un vecteur de communication irremplaçable. Ensuite et surtout, parce qu’elle apporte des informations que les méthodes qualitatives ne peuvent pas (ou peuvent difficilement) fournir dans le contexte de la vie réelle des entreprises. Avec une enquête quantitative, il est en effet possible d’interroger l’ensemble des salariés d’une entreprise dans des conditions de coûts et de délais acceptables. Une telle démarche autorise aussi l’entreprise à se comparer à d’autres structures du même type ou de même taille : de nombreux questionnaires, très largement utilisés dans les pays industrialisés et diffusés par de multiples publications, constituent en effet une base de référence disponible. Si en France les études sont moins nombreuses, il en existe néanmoins suffisamment pour répondre à cet objectif de comparaison4, 5, 6, 7. Dans les grandes entreprises, une enquête quantitative permet également des comparaisons en interne et ainsi le repérage de groupes particulièrement à risque. Ces groupes peuvent être définis sur la base de critères sociodémographiques (âge, ancienneté, sexe, niveau d’étude, profession, etc.), de l’organigramme (services, départements, etc.) ou des différents « métiers » de l’entreprise. L’intérêt majeur de cette cartographie ? Elle aide à définir des priorités, qu’il s’agisse d’approfondir l’analyse ou d’agir sur le risque. En ce sens, l’approche chiffrée est un outil précieux dans la démarche d’évaluation des risques, devenue légalement obligatoire. Un autre avantage d’une approche quantitative est d’être facilement reproductible dans le temps : on peut enregistrer simultanément et sur d’assez grands groupes de salariés l’évolution du travail ou des parcours professionnels d’une part, et de la santé d’autre part. La répétition des mesures offre un regard dynamique qui rend possible l’évaluation de l’impact des changements dans l’entreprise comme une restructuration ou un plan de prévention. Mais bien entendu, cette approche séquentielle oblige à disposer de suffisamment de temps pour faire plusieurs relevés et juger de l’évolution. Mais son défaut est que la première mesure donne une vue assez statique des faits ; elle ne permet pas facilement d’appréhender ces dynamiques de changement et fait courir le risque que le deuxième relevé les identifie un peu tardivement, en même temps que leurs effets négatifs.

La combinaison du quantitatif et du qualitatif

On vient de le voir, l’approche chiffrée présente de nombreux intérêts. Mais, complétée par une démarche qualitative, elle devient encore plus signifiante. Un travail que nous avons mené récemment dans un réseau bancaire en collaboration avec Catherine Brun, psycho-ergonome8, nous a permis de réfléchir à l’articulation entre les deux approches. L’approche psycho-ergonomique dispose d’une méthodologie spécifique. Une des premières étapes de cette démarche est d’établir un ré-diagnostic en remplissant un tableau d’indicateurs d’alerte. Catherine Brun a commencé à travailler sur ces indicateurs dans le cadre de l’ARACT (Agence régionale d’amélioration des conditions de travail) d’Aquitaine9. Plus récemment, l’INRS (Institut National de Recherche et de Sécurité) a publié un document dont l’esprit est assez similaire10. Les indicateurs relèvent par exemple les difficultés de recrutement ou de fidélisation de l’entreprise, l’absentéisme maladie, les plaintes ou les maladies en rapport avec le travail, les conflits, les perspectives de changements importants dans l’entreprise, les problèmes de production ou de qualité, etc. Le recueil de ces données nécessite d’interroger plusieurs acteurs de l’entreprise (au minimum : directeur, DRH, représentants du personnel, médecin du travail) et d’analyser des documents tels que les compte rendus du CHSCT ou le bilan social. Nous verrons plus loin que ce pré-diagnostic est déterminant dans la décision de réaliser ou non une enquête. Ensuite, la phase de diagnostic repose sur des entretiens et sur l’observation de l’activité. Cette méthode permet de rester en contact étroit avec le travail en train de se faire et avec ceux qui le réalisent. Un regard précieux, comme le dit Volkoff : « Seule cette myopie peut faire émerger le détail révélateur qui est une ressource exceptionnelle de compréhension des enjeux de santé au travail »11. Les entretiens avec les acteurs de l’entreprise permettent de reconstituer et de comprendre les parcours professionnels et l’évolution de la santé ; or, au travail, on sait à quel point tous les changements – y compris lorsqu’ils sont positifs – sont déstabilisants pour le salarié. Ces entretiens permettent aussi au salarié d’expliquer les stratégies qu’il met en œuvre pour tenir les objectifs prescrits malgré les évènements qui perturbent toute journée de travail, tout en essayant de trouver un sens à son travail et de préserver sa santé. L’approche qualitative est donc indispensable à une analyse fine des déterminants du risque psychosocial ; après validation par les acteurs de l’entreprise, cette dernière offre les moyens d’élaborer des actions de prévention ayant des chances d’être efficaces... Mais l’approche quantitative peut être d’une aide précieuse pour la démarche qualitative. Le repérage des groupes à risque par la première permet de diriger les spécialistes de la seconde vers les équipes ou les secteurs qui en ont le plus besoin. De plus, d’autres formes d’articulation entre les deux démarches sont possibles. Par exemple, des constats chiffrés peuvent ne pas être conformes à ce qu’attendaient les acteurs de l’entreprise. La démarche qualitative va tenter d’expliquer cet écart et quand elle y arrive, les résultats produits font vraiment progresser la compréhension du risque. Dans le sens inverse, la démarche qualitative peut conduire à formuler des hypothèses que seule l’approche chiffrée pourra valider au niveau de la collectivité. Enfin, quand les résultats des deux méthodes sont concordants, et dans notre expérience c’est fréquent, cette validation croisée donne un poids au constat dressé que chaque méthode séparément ne pourrait avoir.

L’approche quantitative peut donc être vue comme un thermomètre capable de repérer et de suivre l’évolution de la fièvre, c'est-à-dire l’existence d’un problème dans le domaine du risque psychosocial, mais pas de diagnostiquer de façon précise sa cause ni de définir avec exactitude le traitement nécessaire. Pour cela, il faut avoir recours au qualitatif.

Le choix des indicateurs

1. L’importance du contexte de l’entreprise

À y regarder de plus près, les approches chiffrées devraient être comparées non pas à un simple thermomètre mais plutôt à un ensemble d’instruments dont chacun mesure des grandeurs différentes caractérisant le vécu des conditions de travail, la santé (perçue ou objective), les comportements (absentéisme, turn-over, usage de produits psychotropes, etc.) des salariés, ou encore des dimensions qui synthétisent l’avis des salariés sur leur conditions de travail (stress, pénibilité, satisfaction, etc.). 
Presque toutes ces dimensions peuvent être mesurées par un questionnaire dans des conditions satisfaisantes sur le plan scientifique. L’idéal théorique serait de pouvoir bâtir une enquête qui balaie toutes ces données et évalue leurs interrelations. En pratique, cet idéal est presque toujours impossible à atteindre, pour des raisons matérielles. Il faut donc faire des choix en fonction du contexte et des objectifs poursuivis. Prenons le cas d’une entreprise qui se soucie du bien-être au travail de ses salariés, et qui s’est engagée dans une démarche de prévention du risque psychosocial ; l’analyse du tableau des indicateurs pointe par exemple un risque réel, mais jusqu’à présent, les vraies pathologies sont rares et les plaintes recueillies correspondent plutôt à l’expression d’un mal-être. Pour se situer le plus en amont possible du risque, l’enquête devra porter en priorité sur le vécu du travail des salariés. La vision collective ainsi fournie indiquera le niveau de risque global, repèrera les groupes les plus en 
difficulté et montrera, pour chacun d’entre eux, quelles dimensions du vécu du travail posent problème. Cette mesure renseignera les acteurs de l’entreprise, secteur par secteur, sur la nécessité d’approfondir l’analyse et de mettre en place un programme de prévention ciblé.

Prenons maintenant un exemple inverse. Ici, l’entreprise vient d’engager un plan de restructuration important. On le sait, une telle situation génère de l’inquiétude voire de la peur et expose les salariés les plus fragiles à un risque majeur pour leur santé. Le plus judicieux serait alors donc de mettre en place une veille visant à les repérer précocement en utilisant des échelles de dépistage de l’anxiété et de la dépression. Dans ce contexte, la vision collective n’est pas la priorité. Cette fois, l’important est 
le repérage précoce des personnes qui vont basculer dans la maladie. Ce dépistage médical a pour objectif de limiter les conséquences délétères de cette crise sur la santé des salariés (à l’extrême, des suicides seront peut-être évités) et sur leur capacité à travailler ou à retrouver un emploi.

2. Les modèles les plus utilisés

Si l’on choisit de s’intéresser au vécu du travail, deux modèles épidémiologiques sont prédominants. Il s’agit du modèle demande-autonomie ou de tension au travail de Karasek12 et de celui du déséquilibre entre l’effort et la récompense de Siegrist13. Ils sont tous les deux multidimensionnels et interactionnistes, c'est-à-dire qu’ils se fondent sur l’hypothèse que le stress est particulièrement important quand il y a conjonction d’une situation défavorable dans deux dimensions de la vie au travail. Dans le modèle demande-autonomie, une situation de travail qui se caractérise par une combinaison (qu’on appelle tension au travail) d’une demande psychologique élevée et d’une autonomie décisionnelle faible est supposée augmenter le risque de développer un problème de santé physique ou mentale. La demande psychologique fait référence à la quantité de travail à accomplir, aux exigences mentales et aux contraintes de temps liées à ce travail. L’autonomie décisionnelle renvoie à la possibilité pour le salarié d’exercer un certain contrôle sur les tâches qu’il doit réaliser mais aussi d’être créatif et de développer ses compétences. À la fin des années 80, le concept de soutien social au travail a été ajouté au modèle de Karasek. De façon générale, le soutien social regroupe l’ensemble des interactions vécues au travail, avec les collègues et la hiérarchie. Le soutien social intervient comme un modulateur de la tension au travail : le fait de se sentir soutenu ou écouté 
par ses chefs, de pouvoir être aidé par ses collègues en cas de difficulté en limite les effets négatifs ; à l’inverse, un soutien faible ou inexistant (situation d’iso-tension) les aggrave.

Quant au modèle de Siegrist, il repose sur l’hypothèse qu’une situation de travail caractérisée par une combinaison d’efforts élevés et de faibles récompenses s’accompagne de réactions pathologiques sur le plan émotionnel et physiologique. L’effort élevé peut provenir de deux sources : soit il est d’origine externe, causé par de fortes exigences au travail (avoir beaucoup de responsabilités, être souvent interrompu, par exemple). Mais il peut aussi s’agir d’un effort intrinsèque qui traduit les attitudes et les motivations liées à un engagement excessif dans le travail. Différentes raisons expliquent ce surinvestissement : le sens du devoir, un besoin inné de se dépasser ou encore l’expérience autogratifiante de relever des défis ou de contrôler une situation menaçante. Les faibles récompenses peuvent prendre trois formes principales : un salaire insatisfaisant, un manque d’estime et de respect au travail (incluant le faible soutien, le fait de ne pas voir son avis pris en compte et le traitement injuste) et enfin une faible sécurité de l’emploi et de faibles opportunités de carrière.

Ces deux modèles présentent plusieurs intérêts. D’abord, ils constituent une base de connaissance et d’explication des effets du travail sur la santé scientifiquement robuste. Ils identifient des dimensions de la vie au travail qui peuvent être source de dégradation de la santé chez une majorité des salariés, même si l’on ne peut pas parler de causes de pathologies mais plutôt de facteurs de risque. Très souvent, les présenter aux acteurs de l’entreprise fait progresser la réflexion commune vers une représentation mieux partagée de la notion de risque psychosocial. Les nombreuses publications établissant un lien entre une situation de travail dégradée du point de vue de ces modèles et des conséquences négatives sur la santé du personnel et de l’entreprise fournissent des données objectives aux managers, souvent déroutés ou méfiants devant la dimension subjective de ce risque (« Ces deux salariés font le même travail, l’un se plaint tout le temps et l’autre ne dit jamais rien », « Au premier reproche qu’on lui fait, il se met en maladie »). Par ailleurs, leur statut de modèles de « référence » augmente l’acceptabilité des constats établis. Ensuite, les versions françaises de ces questionnaires, utilisés sur de larges échantillons professionnels, fournissent quantité de données, ce qui autorise des comparaisons impossibles avec d’autres questionnaires.

Mais ces modèles ont bien sûr leurs limites. Pour celui de Karasek, l’existence d’une réelle interaction entre la demande psychologique et la latitude décisionnelle fait débat. Les travaux de Baudelot et Gollac14, notamment, ont montré qu’un salarié pouvait accepter de mettre sa santé en danger du fait d’une très forte demande psychologique parce qu’il bénéficiait d’un niveau élevé de latitude et de récompense. Par ailleurs, en cas d’intensification du travail, la dégradation de la santé n’est pas inéluctable [11]. Enfin et surtout, ces modèles ne couvrent pas tous les champs du vécu du travail. En particulier, ils disent peu de choses sur les tensions ou les conflits pouvant exister avec la hiérarchie, les collègues et rien sur les tensions avec les clients ; ils ignorent aussi les risques d’agression ou de confrontation à la violence, à la maladie ou à la misère qui concernent de plus en plus de salariés. Ils oublient enfin certains aspects qui aident les salariés de donner du sens à leur travail. Par exemple, l’étude Samotrace [6] a montré qu’en questionnant le salarié sur le fait de devoir agir de façon contraire à son éthique, les réponses qu’il fournissait expliquaient certaines dimensions de la santé sous un éclairage différent de celui apporté par les deux modèles de référence. D’autres aspects, que nous avons développés par ailleurs15, ne sont pas non plus intégrés à ces modèles : ainsi, le sentiment de pouvoir être utile dans son métier permet au salarié de donner du sens à son travail, quelles que soient par ailleurs ses conditions de travail.

Si l’objectif de l’intervention est d’évaluer collectivement le vécu du travail, il est presque toujours intéressant d’utiliser les questionnaires correspondant aux modèles de Karasek et Siegrist (ou un autre questionnaire comme le Woccq, par exemple). Par contre, il serait préférable de ne pas se limiter à ces seuls questionnaires. Le pré-diagnostic doit permettre d’identifier le contexte spécifique de l’entreprise et de proposer des items complémentaires adaptés à ce contexte. Par exemple, dans les métiers commerciaux, il serait important d’ajouter des items concernant la relation avec les clients et les objectifs à atteindre.

Si l’on décide plutôt d’une enquête centrée sur la santé, la question du choix de la dimension de la santé à cibler se pose. Les effets négatifs des risques psychosociaux sur la santé sont bien établis dans trois domaines : les maladies psychiatriques, notamment l’anxiété et la dépression, les TMS, troubles musculo-squelettiques (pathologies douloureuses des membres supérieurs et de la colonne vertébrale) et les maladies cardiovasculaires, entre autres l’infarctus du myocarde. Dans les deux premiers cas, le délai entre l’exposition au risque et le moment où le salarié commence à ressentir un mal-être ou une douleur est relativement court. La survenue des pathologies cardiovasculaires, elle, est en général différée de plusieurs années par rapport au début de l’exposition. Leur mesure s’intègre donc mal dans des démarches de prévention qui se veulent les plus précoces possibles ; et c’est donc principalement sur la mesure des troubles psychiatriques et des TMS que nos interventions peuvent porter.

La mise en œuvre pratique d’une intervention

1. Le comité de pilotage

Comment l’approche quantitative peut-être mise en œuvre en pratique dans les entreprises et comment peut-elle s’articuler avec des approches plus qualitatives ? Dans tous les cas, il paraît indispensable de constituer un comité de pilotage de la démarche. En effet, une évaluation des risques psychosociaux interroge la subjectivité et l’intimité des personnes mais aussi l’organisation et les modes de management de l’entreprise. Il n’est donc pas rare que la démarche génère de fortes inquiétudes chez tous les acteurs de l’entreprise, au risque de la faire échouer. La mission essentielle du comité de pilotage sera d’éviter ce piège en apportant des garanties indispensables à tous : tout le monde est représenté, participe et se montre près au dialogue pour le bien des salariés et de l’entreprise. En conséquence, il devra comporter au minimum des représentants de la direction, du management, des salariés, les « spécialistes » de l’entreprise (directeur des ressources humaines, responsable sécurité, médecin du travail voire assistante sociale) et éventuellement le ou les consultant(s) extérieurs à l’entreprise. Son existence démontrera que la direction veut agir sur le risque dans un cadre participatif, que son objectif n’est pas de mettre en cause les cadres ni d’essayer de repérer les salariés en difficulté pour les sanctionner ou — pire — les licencier. Le premier travail à réaliser par le comité sera de s’accorder sur la notion de risque psychosocial et sur ses déterminants. Habituellement, les représentants de la direction considèrent le stress comme une question très individuelle, renvoyant à des problématiques personnelles (« S’il est stressé, c’est qu’il a des problèmes à la maison », « Il a toujours été fragile »). Les représentants du personnel, de leur côté, ont souvent tendance à surestimer les effets du travail sur la santé (« Si Mr X qui est obèse depuis l’adolescence et qui fume un paquet de cigarettes par jour depuis 30 ans a fait un infarctus, c’est parce qu’il était très stressé depuis un an »). 
À ce stade, le rôle des experts est primordial pour équilibrer le débat et faire se rencontrer les visions contradictoires des parties en présence. Ces experts (médecins du travail ou consultant en santé au travail) doivent expliquer qu’il existe des connaissances nombreuses et fiables sur le sujet, que même si le stress est subjectif, il constitue d’un risque à part entière et qu’il est possible de l’évaluer par des méthodes spécifiques.

Une fois ce consensus obtenu, il faut procéder à l’analyse des indicateurs d’alerte. C’est le résultat de ce pré-diagnostic qui va décider de la suite à donner à la démarche. Quand il ne montre pas un risque significatif, il est très peu probable qu’une enquête plus approfondie contredise ce premier constat. La démarche peut alors s’arrêter à ce stade, mais il est bon de s’entendre sur la mise en place d’un suivi dans le temps des indicateurs et sur les conditions d’une réactivation du comité de pilotage.

2. La décision d’aller vers une approche quantitative

Si le pré-diagnostic laisse supposer l’existence d’un risque réel, alors il faut poursuivre. Dans ce cas, on peut se demander s’il est toujours nécessaire de disposer d’indicateurs chiffrés pour traiter le problème. La réponse est clairement non : dans les entreprises de petite taille — l’essentiel du tissu économique français —, une approche quantitative par questionnaires n’aurait aucun intérêt. Dans de telles structures, il est possible de s’entretenir directement avec la majorité des salariés et de réaliser des observations sur l’ensemble des postes de travail. De plus, le responsable connaît chaque salarié et a souvent une bonne idée du travail réellement effectué par ses collaborateurs. De son côté, à partir des visites médicales, le médecin du travail peut faire un bilan précis du vécu du travail et de la santé du personnel. Les chiffres ne sont donc pas nécessaires. À partir de quel effectif une approche quantitative se justifie-t-elle ? Il n’existe pas de seuil intangible. Il dépend en grande partie de la variabilité au sein de l’entreprise. Plus les postes de travail sont nombreux, plus les conditions de travail sont diverses, plus les caractéristiques des salariés en terme d’âge, d’ancienneté, de sexe, de niveau de formation, de parcours professionnel sont différentes, plus l’effectif nécessaire à l’enquête est important. On peut estimer que le seuil minimal se situe autour de 50 salariés. Ensuite, plus les effectifs de l’entreprise sont importants, plus il est intéressant d’utiliser les méthodes quantitatives afin de pouvoir interroger une large majorité des salariés.

En dehors de ces questions d’effectifs, il existe trois situations où le recours à une approche quantitative ne semble pas pertinent. D’abord, quand les partenaires sociaux sont tous d’accord sur l’existence d’un risque psychosocial et sur son origine. Dans ce cas de figure, il vaut mieux utiliser directement une approche qualitative pour bien comprendre les déterminants de la situation et proposer des solutions de prévention adaptées. Ensuite, quand au contraire, les partenaires sociaux sont violemment en désaccord sur la réalité du risque psychosocial : aucune intervention, quelle que soit sa méthodologie, n’aurait de chances d’aboutir dans ces situations de conflit ouvert. En effet, nous avons vu que le succès d’une intervention sur le risque psychosocial nécessite que les acteurs de l’entreprise s’accordent une certaine confiance. Il est aussi indispensable que le diagnostic puisse être partagé et que les solutions soient concertées. En cas de conflit, il faut d’abord essayer de dépasser cette situation et un travail préalable de médiation est nécessaire. Dernier cas de figure où le recours au chiffre n’est pas utile : lorsqu’il existe un risque d’« instrumentalisation » de l’enquête. Par exemple, les salariés identifient un risque psychosocial, mais pas le chef d’entreprise. Pour ne pas se heurter aux syndicats, ce dernier accepte qu’une enquête soit menée… pas pour faire avancer la prévention, mais pour gagner du temps et éviter que le climat social ne se dégrade davantage. Dans ces conditions, cette démarche génère frustration et irritation parmi les personnes qui se sont investies dans le projet (représentants du personnel, médecin du travail, intervenant en prévention des risques professionnels, etc.) ainsi que pour l’ensemble des salariés puisqu’elle n’a aucune chance de déboucher sur des actions d’amélioration concrètes du bien-être au travail.

Pour qu’une approche quantitative soit justifiée, il faut donc satisfaire un certain nombre de conditions : la taille de l’entreprise doit être suffisante, l’analyse du tableau des indicateurs d’alerte doit montrer qu’un risque psychosocial existe probablement (même si ses causes exactes restent à déterminer) ; enfin, les responsables doivent manifester un véritable désir de progresser dans la prévention de ce risque et les représentants du personnel doivent accepter de s’engager dans le projet aux cotés de la direction.

3. L’élaboration du questionnaire, le choix des modalités de recueil, l’information du personnel

Si le choix est fait de réaliser une enquête par questionnaire, le comité de pilotage doit contribuer à son élaboration. En particulier, il doit se prononcer sur le choix entre une approche centrée sur la santé ou sur le vécu du travail. Dans ce cas, il doit aussi définir des items complémentaires à ceux des modèles de référence et qui soient adaptés au contexte spécifique. Il doit aussi être interrogé sur le choix du mode de recueil des données. Il s’agit d’une question primordiale car il doit garantir un respect absolu de l’anonymat, uniformiser les conditions de recueil, favoriser la spontanéité et la sincérité des réponses et conduire à une participation massive des salariés. Il nous semble qu’en général, les mailings ou les envois postaux ne permettent pas de remplir ces conditions. La meilleure solution nous paraît être d’organiser la convocation des salariés par le service médical. Ainsi, tous les salariés sont contactés individuellement, le recueil se fait dans un cadre couvert par le secret médical et dans les mêmes conditions pour tous, les salariés découvrent le questionnaire sur place et doivent le remplir dans un temps contraint ce qui favorise des réponses spontanées.

Quel que soit le mode de recueil retenu, le comité de pilotage doit l’avoir préparé par une campagne de communication ciblant d’une part le management et d’autre par l’ensemble des salariés. Cette campagne à pour objectif de rassurer toutes les parties et ainsi de les faire adhérer au projet ou au moins éviter des blocages. Pour cela, il est souhaitable que l’annonce de l’enquête soit faite conjointement par la direction et les représentants des salariés. Elle doit préciser le contexte et les objectifs de la démarche, les résultats du pré-diagnostic, l’organisation du recueil (en précisant qu’il se fera sur la base du volontariat et dans un strict respect de l’anonymat) et du traitement des données et les modalités de restitution des résultats aux différentes instances et à l’ensemble du personnel.

4. La production des résultats – Quelques pièges du chiffre

Dans la production des résultats, il faut veiller à ce qu’ils ouvrent le débat plutôt que de le clore. Par exemple, le fait qu’une structure se situe dans la moyenne de ce qui a été observé pour des entreprises équivalentes ne signifie pas qu’il faut se satisfaire de ce résultat, pour deux raisons principales. D’abord, nous savons que la France est caractérisée par une forte intensité du travail. Le fait d’être « dans la moyenne » pour des dimensions comme la demande psychologique ou l’effort signifie que plus de 60 % des salariés s’estiment sous pression. Il est donc important de ne pas confondre « moyen » et « normal ». Ensuite, une situation globalement moyenne dans une entreprise n’exclut pas qu’une fraction du personnel soit dans une situation de travail très détériorée et qu’il soit important de repérer les difficultés de ce groupe. Un deuxième exemple est celui de l’utilisation des tests statistiques : une différence non significative peut être signifiante. Malgré tout, il est parfois important de se pencher sur elle tout simplement parce qu’elle a du sens pour les acteurs de l’entreprise. En effet, quand on compare des groupes relativement restreints (quelques dizaines de personnes), la puissance 
des tests statistiques est faible ; ce qui signifie que les tests ne peuvent être significatifs que pour des écarts énormes entre deux groupes. Dans ce cas, des différences non significatives pour le statisticien mais proches du seuil de significativité peuvent être importantes à présenter et à discuter par les acteurs de l’entreprise. L’utilisation de la médiane des distributions représente un troisième piège pour l’épidémiologiste. La médiane est le score qui coupe la population en deux groupes de taille identique quand on ordonne les salariés en fonction du score obtenu à un questionnaire. La moitié des salariés ont un score inférieur à la médiane et l’autre moitié un score supérieur. Son utilisation crée donc, de façon tout à fait arbitraire, un groupe de salariés « à problème » représentant 50 % de l’effectif. Ce choix qui se défend parfaitement dans des problématiques de recherche perd son sens lors d’une intervention en entreprise. Nous avons vu que, dans notre expérience, 60 % de salariés en moyenne déclarent une forte demande psychologique (dans certaines entreprises ce taux monte à 70 %) ce qui est loin de 50 %. Pour la latitude décisionnelle, l’écart est encore plus important puisque, toujours selon notre expérience, 30 % des salariés seulement déclarent en manquer. Au final, cela peut avoir un impact très important sur le pourcentage estimé de salariés tendus (c'est-à-dire cumulant forte demande et faible latitude). Nous avons fait l’expérience dans une entreprise constituée majoritairement de cadres ayant une très forte demande et bénéficiant de marges de manœuvre réelles. 
En utilisant les valeurs des médianes issues de l’enquête SUMER [4], plus de 25 % des salariés de cette entreprise étaient déclarés tendus ; alors qu’en utilisant des seuils prenant en compte la réalité de leurs déclarations, ce chiffre n’était plus que de 11 %. Un autre inconvénient des médianes est qu’elles ne sont pas stables dans le temps. Du fait de l’intensification du travail entre 1980 et 2000, il est certain que la médiane de la distribution des scores de demande psychologique des salariés français en 2000 est largement supérieure à ce qu’elle était 20 ans avant. En conséquence si l’on se réfère à des études un peu anciennes, on peut être amené à comparer ce qui n’est plus tout à fait comparable.

Un autre piège classique de l’approche chiffrée est l’effet « travailleur sain ». Dans une entreprise, plus les conditions de travail sont dures, plus les salariés vont essayer (ou vont devoir) changer de travail pour protéger leur santé et seuls les plus résistants, les plus en forme pourront rester. Un bon exemple de ce type de mécanisme est fourni par la profession d’infirmière. Son abandon prématuré est tellement fréquent et rapide qu’une grande étude européenne — PRESST NEXT — y a été consacrée16. De même, dans un métier particulièrement exigeant comme celui d’aide à domicile, l’ARACT Midi-Pyrénées a observé que sur 3 personnes embauchées, une seule était toujours présente dans l’entreprise au bout d’un an. Or, l’enquête épidémiologique, qui est une photographie de l’instant, peut tout à fait ignorer cette dynamique de sélection et sous estimer ainsi grandement la difficulté réelle d’une situation de travail puisqu’elle observe principalement ceux qui ont pu la supporter.

Enquête ou observatoire ?

Le dernier point que nous voudrions aborder dans ce chapitre concerne les avantages d’un observatoire par rapport à ceux d’une enquête. Un observatoire permet un enregistrement permanent (le plus souvent au rythme des visites médicales mais d’autres modes de recueil sont envisageables) de certaines données relatives au travail, à son vécu et à la santé. Un observatoire est un dispositif que l’on met en place pour suivre les évolutions de ces données parce que l’on pense qu’elles sont susceptibles de variations significatives dans le temps et parce que l’on veut identifier les relations temporelles entre l’évolution de certaines conditions de travail et le vécu du travail ou la santé. Le monde des entreprises change de plus en plus rapidement, les rachats, les ventes, les fusions d’entreprises se multiplient et les structures sont prises dans des mouvements incessants de réorganisation visant à optimiser quasiment en temps réel leur fonctionnement. On peut ainsi se poser la question de la durée de validité d’un constat fait à un instant t (ce que produit une enquête). Par exemple, nous sommes intervenus dans un réseau bancaire fin 2007, début 2008. Or, il est évident que la crise financière mondiale, survenue peu après notre diagnostic, a aggravé significativement le risque psychosocial. Un autre argument qui plaide en faveur des observatoires est que la compréhension des liens qui unissent la santé et le travail nécessite des les observer dans la durée. Nous avons déjà parlé de l’effet travailleur sain dont l’ampleur ne peut être évaluée qu’en suivant les parcours professionnels. 
Nous savons aussi que certaines pathologies sont liées à des expositions prolongées ou à des cumuls d’expositions qui peuvent se succéder dans le temps. Un suivi est également nécessaire pour démêler les relations complexes qui unissent le travail et la santé. Par exemple, Il est possible de montrer que la précarité est une source de dégradation de la santé mais aussi qu’une mauvaise santé est source de précarité17. Certaines entreprises, alertées par les médecins du travail ou les représentants du 
personnel ont mis en place des observatoires de l’anxiété et de la dépression mais on peut penser que si l’on veut mener une politique de prévention de ces pathologies, il serait plus intéressant d’enregistrer des données relatives au vécu du travail et aux petits troubles non spécifiques (fatigue, troubles du sommeil, énervement, troubles digestifs, douleurs…) qui accompagnent le stress ou le mal-être. L’observatoire EVREST1, qui est né en 2002 dans un grand groupe industriel et qui s’étend maintenant à un grand nombre d’entreprises, répond à ce principe. Il a été mis en place par des médecins du travail et des chercheurs du CREAPT (Centre de recherche et d’étude sur l’âge des populations au travail). Son objet, dans une optique de prévention, est l’étude dynamique de différents aspects du travail et de la santé des salariés. Il permet de produire et de suivre des indicateurs quantitatifs élaborés à partir de données recueillies lors des consultations de médecine et de santé au travail. Ce dispositif permet donc de traduire, au moins partiellement, et sous une forme standardisée adaptée à une exploitation quantitative, des informations élaborées au cours des entretiens médicaux. Il permet de rendre visibles, au niveau collectif, ces informations qui restent le plus souvent limitées a cadre du colloque singulier entre le salarié et le médecin Il ne cible pas spécifiquement les risques psychosociaux mais il fournit quelques indicateurs qui peuvent être utilisés dans ce domaine. Ces indicateurs ne sont pas extrêmement précis mais nous avons montré récemment qu’ils sont suffisants pour mettre en évidence des évolutions des conditions de travail et de la santé et alerter les acteurs de l’entreprise18.

Conclusion

Pour conclure, et revenant à la question initiale, nous espérons avoir montré que les approches quantitatives avaient leur place dans l’abord du risque psychosocial. L’intérêt principal du chiffre est de lancer des interrogations au travers de constats collectifs ; mais, il n’est pas capable d’apporter des réponses à ces questions. Pour cela, il faut descendre au niveau individuel et cela implique d’avoir recours à des méthodes qualitatives. Nous espérons aussi avoir montré que le quantitatif et le qualitatif, plutôt que de s’opposer, se complètent. Chaque méthode peut faire des choses dont l’autre est incapable et se combinant l’une à l’autre, elles augmentent leur pertinence respective. Au final, dans une grande entreprise, la clé d’une intervention efficace sur ce risque réside probablement dans une articulation intelligente de ces deux types d’approches et par une bonne structuration de la globalité de l’intervention.

Pour plus d’informations sur l’observatoire EVREST, consulter le site internet : www.istnf.fr Bibliographie

 

1. Psychological stress in the workplace. In Occupational stress: a handbook. R. Randall and P.L. Perrewé (coord.) Taylor and Francis ed., 1995, 307 pp. 3-14.

2. A.P. Brief, J.M. George. Psychological stress in the workplace: a brief comment on Lazarus’ outlook. In Occupational stress : a handbook. R. Randall and P.L. Perrewé (coord.) Taylor and Francis ed., 1995, 307 pp. 15-20.

3. S. Volkoff (coord.). L’ergonomie et les chiffres de la santé au travail : ressources, tensions et pièges. Octarès ed. Toulouse, 2005, p. 20.

4. DARES. Les facteurs psychosociaux au travail : une évaluation par le questionnaire de Karasek dans l’enquête SUMER 2003. Ministère du travail ed. Collection « Premières synthèses » n° 22.1, mai 

5. M. Niezborala, C. Crouzet, T. Castro, J.M. Soulat. Constitution d’une base de données des réponses aux questionnaires de Karasek et Siegriest dans la région Midi-Pyrénées. Arch Mal Prof. 2006 ; 67 : 331 

6. C. Cohidon et M. Murcia. Samotrace – Volet « épidémiologie en entreprise » : résultats intermédiaires à un an (3 000 questionnaires). INVS ed. Collection « Santé et travail », Saint-Maurice, 
mai 2007 

7. C. Cohidon, G. Santin. Santé mentale et activité professionnelle dans l’enquête décennale 2003 de l’INSEE. INVS ed. Collection « Santé et travail », Saint-Maurice, octobre 2007

8. M. Niezborala, C. Brun, J.F. Bourdès. Articulation de deux méthodes d’évaluation des risques psychosociaux à partir d’une expérience en milieu bancaire. Communication orale au 15ème Congrès international du comité scientifique « Évaluation et recherche en santé au travail » de la CIST joint au 46ème Journées de santé au travail du CISME. Paris, octobre 2008

9. C. Brun. Risques psychosociaux : stress, mal-être, souffrance,… Guide pour une démarche de prévention pluridisciplinaire. Aract Aquitaine ed. Bordeaux, 2007, 23 p.  

10. S. Volkoff, R. de Gaudemaris. Les approches quantitatives en santé au travail et leurs usages pour l’intervention en entreprise. Arch Mal Prof 2006 ; 67 : 328-31.

11. INRS. Dépister les risques psychosociaux. Des indicateurs pour vous guider. ED 6012, 2007, 48 p.

12. R.A. Karasek. Job demand, job latitude, and mental strain: implications for job redesign. Administrative Quarterly 1979; 24 : 285-308.

13. J. Siegrist, K. Siegrist, I. Weber. Sociological concepts in the etiology of chronic diseases: the case of the ischemic heart disease. Social Sci Med 1986; 22: 247-53. 

14. C. Baudelot et M. Gollac. Travailler pour être heureux ? Le bonheur et le travail en France. Fayard ed. Paris, 2003, 352 p.

15. M. Niezborala et A. Lamy. Travailler sans dérouiller : le bien-être au travail est-il encore 
possible ? Milan ed. Toulouse, 2007, 141 p.

16. M. Estyn-Behar, J.F. Negri, O. Le Dizet. Abandon prématuré de la profession infirmière, le respect des valeurs professionnelles dépend des conditions de travail. Droit, Déontologie et Soin 2007 ; 7.

17. B. Appay, A. Thébaud-Mony (coord.) Précarisation sociale, travail et santé. IRESCO ed. Paris, 1997. 579 p.

18. M. Niezborala, M. Moura-Rouane, C. Archambault, A. Molinié, C. Mardon, S. Volkoff. La hâte au travail : suivi et analyses dans un groupe industriel. Arch Mal Prof. 2008 ; 69 : 212-3.