Histoire du ministère du Travail de 1906 à 1981 | Sélection documentaire

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A travers des extraits de débats, des textes et des décrets, découvrez comment le ministère du Travail a été créé et a évolué au cours du 20ème siècle.

Création et évolution du ministère | 1906-1914

Débats : séance à la Chambre des députés du 8 novembre 1906

Extrait d'une discussion d'un projet de loi concernant la création d'un ministère du travail et d'un sous-secrétariat d'État au ministère de la guerre :

M. le président. 

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant ouverture, sur l'exercice 1906, de crédits supplémentaires se rattachant à la création du ministère du travail et de la prévoyance sociale, et d'un sous-secrétariat d'État au ministère de la guerre.

Le rapport n'ayant été distribué qu'aujourd'hui, il y a lieu de déclarer l'urgence.

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix la déclaration d'urgence.

L'urgence est déclarée.

M. le président. 

La parole est à M. Charles Benoist, dans la discussion générale.

M. Charles Benoist.

Les observations que je vais avoir l'honneur de présenter à la Chambre ne me sont dictées, je me hâte de le déclarer, ni par un esprit d'opposition à la création du ministère du travail en elle-même, ni par un sentiment de méfiance préalable envers le très distingué titulaire de ce nouveau département. (Très bien ! Très bien ! au centre.)

Cette création ne m'inspire aucune inquiétude qui ne cède à la réflexion. Le ministère du travail sera ce que le feront les ministres du travail et, en particulier, ce que le fera le premier ministre du travail. Il sera bon et utile, s'il est avant tout un ministère d'étude et d'enquêtes, s'il sait se garder des systèmes, des théories et des idées a priori, si l'on ne fait pas une politique de classe, et si l'on n'essaie pas d'y faire ce que je me permettrai d'appeler de la magie sociale. (Très bien ! Très bien ! au centre.) De l'avoir rêvé ou de l'avoir tenté fut ce qui
condamna le projet de Louis Blanc en 1848 et ce qui perdit la commission du gouvernement pour les travailleurs.

La création du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale à travers les débats et les textes

Le Bulletin du mois de novembre a publié un rapport de Monsieur Georges Clemenceau, président du Conseil, ministre de l'Intérieur, suivi d'un décret, en date du 25 octobre 1906, créant un ministère du Travail et de la Prévoyance sociale.

Le 5 novembre suivant, le ministre des Finances déposait un projet de loi portant ouverture, sur l'exercice 1906, de crédits supplémentaires se rattachant à la création du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale. Ce projet de loi est venu en discussion devant la Chambre des députés dans la séance du 8 novembre.

Après une intervention de Messieurs Charles Benoist et Beauquier, la Chambre a entendu Monsier René Viviani, ministre du Travail et de la Prévoyance sociale. L'affichage du discours du ministre a été voté par 368 voix contre 129. Le projet de loi a été ensuite adopté par 512 voix contre 20.

Transmis le même jour au Sénat, le projet de loi est venu en discussion devant la Haute-Assemblée le 16 novembre suivant. Après avoir entendu M. René Viviani, ministre du Travail, le projet de loi est adopté par 237 voix contre 12. La loi portant ouverture, sur l'exercice 1906 de crédits supplémentaires se rattachant à la création du ministère du Travail et de la Prévoyance sociale a été promulguée le 16 novembre 1906.

Chronique législative : Extraits du Bulletin de l'Office du travail - Tome XIII - Année 1906

La naissance du ministère du Travail

Sélection documentaire

À l'épreuve de la Grande Guerre | 1914-1920

Il y a 80 ans, « la journée de travail de 8 heures », par Michel Cointepas

A la mi-novembre 1918, dans l’euphorie de la Victoire, rien ne laissait présager le vote de cette loi. Le 24 octobre une proposition de résolution avait été déposée devant la commission du Travail de la Chambre, suscitant le 26 novembre un rapport relatif aux « principes en matière de législation internationale du Travail devant être introduits dans le Traité de Paix » en préparation. 

Y figurait « le principe » de la journée de 8 heures « pour les usines à marche continue et les mines », pour bien peu de monde donc (et des hommes essentiellement). La commission adopta deux jours après un texte proposant le principe de la journée de dix heures dans l’industrie et de 8 heures dans les usines à feu continu (on constatait qu’elle se mettait en place dans les verreries mécaniques modernes avec les 3X8h). Trois jours avant était adoptée une résolution de l’Association française pour la protection légale des travailleurs, regroupant le gratin des réformateurs sociaux de tous bords, syndicalistes modérés et patrons modernistes, préventeurs et hygiénistes, hauts fonctionnaires sociaux dont A. Fontaine, directeur du travail, son fondateur, et les inspecteurs du travail les plus attentifs aux réflexions comparatives sur les avancées législatives étrangères. La proposition de l’AFPLT proposait également d’introduire les 8 heures « dans les usines à feu continu ».

La CGT, de son côté, à la sortie de la guerre, ne faisait plus des 8 heures une revendication centrale.

La revendication ne figurait plus qu’en cinquième position dans les 14 revendications de son programme minimum. Elle y retrouvera une place centrale le 18 février 1919. La revendication des 8 heures avait été introduite tardivement en France avant-guerre. La première journée de manifestation internationale avait été organisée à l’occasion du 1er mai 1890. Le 1er mai 1906 avait été en France une exceptionnelle journée de lutte organisée autour des 8 heures par une CGT très combative, animée d’une ferveur révolutionnaire. Durant la guerre, elle s’était beaucoup assagie.

L’hygiène et la sécurité des travailleurs en Alsace-Lorraine à la sortie de la grande guerre : l’exemple du Bâtiment

Si la première réglementation française de protection et de salubrité des travailleurs applicable aux chantiers du bâtiment date de 1925, une telle réglementation existait en Alsace-Lorraine depuis longtemps selon des modalités et dans un contexte tout à fait particuliers.

La corporation du bâtiment du sud-ouest de l’Empire était l’œuvre de la « corporation (au sens actuel de caisse) du bâtiment du sud-ouest de l’Allemagne » dont le siège était à Strasbourg (1). Elle couvrait avant-guerre l’Alsace, la Moselle, le Grand-duché de Bade et la principauté de Hohenzollern-Sigmaringen. Elle était divisée en six sections ayant leurs sièges à Strasbourg, Mulhouse, Metz, Mannheim, Karlsruhe et Fribourg.

C’était l’une des 65 corporations de la Confédération des États allemands, organisées par branches d’industries et pour une circonscription déterminée de taille variable. Ces caisses étaient chargées d’organiser des assurances sociales, notamment contre les accidents du travail. La loi du 6 juillet 1884 les autorisait à édicter des prescriptions préventives contre les accidents du travail et à en contrôler l’observation. La loi du 30 juin 1900 exigeait qu’elles fournissent chaque année un rapport circonstancié sur la prévention des accidents du travail, avec des développements sur les observations faites par leurs inspecteurs techniques au cours de leurs visites de contrôle et sur les accidents qui, par leurs causes, avaient donné lieu à des observations spéciales.

Les premières prescriptions pour le bâtiment du sud-ouest de la Confédération datent de 1888. Elles furent améliorées et complétées plusieurs fois en 1894, 1906 et 1914. Un nouveau règlement préventif avait été mis à l’étude en 1912. Il était achevé en 1914 et en train d’être soumis à l’homologation administrative, lorsque la guerre éclata. Ce texte, complet et de qualité, constitue la réglementation applicable en Alsace et Moselle libérée de 1918 à 1925.

Les caisses régionales d’industrie étaient loin de faire appliquer leurs prescriptions de la même façon dans toutes les entreprises. On ne se dissimulait pas que le contrôle et les sanctions s’arrêtaient en général au seuil des grands établissements. Mais les règlements préventifs n’en présentaient pas moins une réelle utilité, car ils constituaient des guides officiels de la prévention contribuant efficacement à la vulgarisation des mesures de sécurité. D’autant que tout accident dû à leur inobservation pouvait faire encourir au patron une responsabilité pénale aggravée. Enfin, leur élaboration et leur perfectionnement posaient les problèmes de la protection ouvrière, incitaient à les résoudre, et sollicitaient, sur ces questions qui étaient discutées en commission mixte, l’intérêt des spécialistes des syndicats ouvriers et patronaux.

Aussi n’est-il pas douteux que les techniques de prévention ont fait d’immenses progrès en Allemagne dans les 35 années précédant la Grande Guerre, et ils sont à mettre au compte en grande partie de l’action méthodique et continue des caisses régionales d’industrie sous l’énergique impulsion de l’Office des assurances sociales.

Cette action est le corollaire nécessaire de l’assurance mutuelle obligatoire. La charge des accidents étant supportée par toute la profession, celle-ci a tout intérêt à réduire les risques le plus possible

Celle du bâtiment y avait un intérêt tout particulier, parce que le coût direct de la sécurité y est élevé, et que plus d’un employeur peut être plus ou moins tenté d’économiser sur ces frais pour pouvoir baisser ses prix. C’est une forme de concurrence déloyale, puisqu’il met à la charge de la collectivité ses accidents plus nombreux et abaisse abusivement son prix de revient. La profession a donc un intérêt immédiat à faire des règlements précis et à les faire appliquer.

Loi du 11 juin 1917 sur la semaine anglaise dans l’industrie du vêtement

Le point de vue des inspecteurs du travail sur les 8 heures à la veille de la loi de 1919, par Michel Cointepas

En décembre 1918, la guerre à peine finie, le ministère du travail réfléchit à une réforme de la réglementation de la durée du travail. Il pense en effet que « les conditions de protection ouvrière feront l’objet de discussions, soit à l’occasion du traité de paix lui-même, soit dans une conférence internationale qui serait convoquée ultérieurement.» 

Parmi ces questions, il y a celle de la réglementation des heures de travail. Trois projets sont à l’étude au ministère. Ils visent à réformer un dispositif des plus archaïques qui ne concerne pas le commerce, les transports et l’agriculture, ni les petits établissements industriels n’occupant que des hommes (la majorité), et qui ne couvre donc qu’une minorité de salariés : 

  • dans les usines et manufactures n’occupant que des hommes, la durée du travail ne peut dépasser 12 h (72 h par semaine) ;
  • dans les établissements industriels occupant dans les mêmes locaux des hommes avec des femmes ou des enfants, la durée du travail ne peut dépasser 10 h (60 h par semaine) ;
  • dans les établissements des industries du vêtement, la durée du travail ne peut dépasser 10 h les 5 premiers jours et 4 ou 5 h le samedi (soit 54 ou 55 h par semaine) selon les décrets d’application (parisiens exclusivement) d’une loi de 1917 ;
  • dans les établissements industriels de l’État, les durées du travail tendaient avant-guerre à se rapprocher de 49 h par semaine (8 h par jour dans les arsenaux).

Les trois projets à l’étude au ministère sont les suivants~:

  1. extension à toutes les industries du régime de la semaine anglaise (repos d’une demi-journée en plus du dimanche, le samedi après-midi en principe dans l’industrie), afin de réduire la durée du travail, tout au moins pour les ouvrières, à 54 ou 55 h (10x5 + 4 ou 5) ;
  2. institution de la semaine de 49 h réparties sur les 6 jours de la semaine par accords collectifs entre les intéressés ;
  3. adoption « purement et simplement » de la journée de 8 h.

Remarquons que la loi des 8 heures qui sera prochainement adoptée instituera en réalité le principe de la semaine de 48 h par accords collectifs de branche transposés en règlements d’administration publique, une solution proche du deuxième projet, le dernier étant « purement et simplement » la revendication de la CGT. Le premier est sans doute celui auquel réfléchissait encore la direction du travail fin novembre.

Le ministre demande aux inspecteurs du travail une enquête sur les conditions dans lesquelles ces projets pourraient s’appliquer aux établissements industriels et commerciaux (en distinguant les petits et les grands établissements industriels, les petits et les grands magasins). Le ministre, craignant sans doute une levée de boucliers, croit bon de noter : « vous ne devez pas oublier que les réglementations dont il s’agit pourront faire l’objet d’accords internationaux, qu’elles seront par suite applicables dans tous les pays qui seront placés, à ce point de vue, dans les mêmes conditions sur le marché international .»

Une réponse urgente est demandée, un télégramme de janvier 1919 venant de surcroît demander les réponses par retour du courrier.

La mise en œuvre de la loi des 8 heures en 1919

Affirmation d'un ministère des salariés | 1921-1935

La direction du travail, de la législation ouvrière et des assurances sociales au commissariat général d'Alsace-Lorraine : laboratoire du droit social (1919-1925)

Colloque organisé par le CHATEFP, sous la responsabilité scientifique de Jeanne-Marie Tuffery-Andrieu, le 11 décembre 2009.

Cahier du CHATEFP n°12, avril 2010

Législation du travail

Dans l'élan du Front populaire | 1936-1939

Les accords de Matignon, 7 juin 1936

« Les délégués de la Confédération générale de la production française et de la CGT se sont réunis sous la présidence de Monsieur le Président du Conseil, et ont conclu l’accord ci-après, après arbitrage de Monsieur le Président du Conseil :

Art.1. La délégation patronale admet l’établissement immédiat de contrats collectifs de
travail.

Art.2. Ces contrats devront comprendre notamment les articles 3 à 5 ci-après.

Art.3. L’observation des lois s’imposant à tous les citoyens, les employeurs reconnaissent la liberté d’opinion, ainsi que le droit pour les travailleurs d’adhérer librement et d’appartenir à un syndicat professionnel constitué en vertu du livre III du Code du travail. Les employeurs s’engagent à ne pas prendre en considération le fait d’appartenir ou de ne pas appartenir à un syndicat pour arrêter leurs décisions en ce qui concerne l’embauchage, la conduite ou la répartition du travail, les mesures de discipline ou de congédiement (…)

Art.4. Les salaires réels pratiqués pour tous les ouvriers à la date du 25 mai 1936 seront, du jour de la reprise du travail, rajustés suivant une échelle décroissante commençant à 15% pour les salaires les moins élevés pour arriver à 7% pour les salaires les plus élevés, le total des salaires de chaque établissement ne devant, en aucun cas, être augmentés de plus de 12% (…)

Art.5. En dehors des cas particuliers déjà réglés par la loi, dans chaque établissement comprenant plus de dix ouvriers, après accord entre organisations syndicales, ou, à défaut, entre les intéressés, il sera institué deux ou plusieurs délégués ouvriers selon l’importance de
l’établissement. Ces délégués ont qualité pour présenter à la direction les réclamations individuelles qui n’auraient pas été directement satisfaites, visant l’application des lois, décrets, règlements du Code du travail, des tarifs de salaires, et des mesures d’hygiène et de
sécurité (…)

Art.6. La délégation patronale s’engage à ce qu’il ne soit pris aucune sanction pour faits de grève.

Art.7. La délégation confédérale ouvrière demande aux travailleurs en grève de décider la reprise du travail dès que les directions des établissements auront accepté l’accord général intervenu et dès que les pourparlers relatifs à son application auront été engagés entre les
directions et le personnel des établissements. »

Vichy ou l'illusion corporatiste | 1940-1944

Situation en temps de guerre

Législation du travail

Loi du 4 octobre 1941 relative à l'organisation sociale des professions dite "Charte du travail"

À l’heure de la reconstruction, de la modernisation et de la croissance | 1944-1973

Activité de l’Échelon régional de l’Emploi de Nancy et perspectives de développement

Cahier du CHATEFP n°4 septembre 2000

Note à Monsieur le Directeur Général relative à l'activité de l'Échelon régional de l'Emploi de Nancy et perspectives de développement. Cette note était destinée au nouveau directeur général du travail et de l'emploi, Jacques Chazelle, qui venait de succéder à M. Pierre Laurent, nommé Secrétaire général du ministère de l'Éducation nationale. Elle était rédigée, comme l'indique les initiales figurant en tête, par Gabriel Ducray. Celui-ci rejoindra peu après Pierre Laurent pour diriger le Service national des statistiques nouvellement créé.

A la suite d'études et propositions présentées par mon prédécesseur dès l'année 1960, parallèlement à d'autres travaux, l'Échelon régional de l'emploi de Nancy a été administrativement créé, en même temps que les services identiques de Lille et Lyon, au mois de février 1962, par la désignation de l'inspecteur du travail qui en est actuellement chargé.
Décidée à l'occasion de l'application des recommandations internationales n°83 et 87 relatives aux Conseils professionnels, cette mesure s'inscrivait dans une perspective plus générale de reforme des services de l'emploi, les préoccupations soumises à l'expérience visent à définir les méthodes et les moyens permettant de~:

  1. acquérir une connaissance directe et actuelle des conditions quantitatives et qualitatives de l'emploi et leurs perspectives d'évolution.
  2. engager des actions complémentaires pour favoriser et améliorer l'adaptation des travailleurs aux emplois disponibles ou à venir, -la priorité étant donnée à la définition d'un service public de Conseils professionnels.
  3. articuler les services sur les réalités économiques et géographiques et leur fournir au niveau des circonscriptions d'action régionale un support et un relais commun, tout en sauvegardant l'originalité de leurs préoccupations et le degré d'autonomie nécessaire à leurs actions.

L'effort particulièrement demandé à Nancy était de donner à l'essai toutes ses dimensions possibles dans le cadre de la compétence du ministère du Travail en matière d'emploi en ayant uniquement recours à l'autorité qui découle de nos attributions dans ce domaine. Il fut en outre engagé avec le souci permanent d'éviter la création d'un organisme spécialisé parallèle, sans action directe sur les objectifs et les techniques habituels de travail des Services.

Les constatations de portée générale permises dans la phase de développement atteinte aujourd'hui peuvent constituer des éléments utiles pour éclairer les nouvelles décisions concernant la mission des Échelons régionaux et leur généralisation. En tout état de cause, la seule prorogation de l'expérience de Nancy implique désormais des options suffisamment importantes pour retenir l'attention.

C'est pourquoi, en réponse à votre demande, j'ai l'honneur de vous rendre compte du contenu et de la forme qui caractérisent l'expérience de Nancy avant de soumettre à votre examen les diverses questions à résoudre dans l'hypothèse de son développement.

L’action du Fonds national de l’emploi dans la crise de l’emploi survenue à Saint-Nazaire

Cahier du CHATEFP n°4 septembre 2000

On sait que la crise qui frappe le secteur de la construction navale en France conséquence de la dépression mondiale ressentie par ce marché a particulièrement affecté la région de Saint-Nazaire, dont toute l'activité économique se trouve, de longue date, sous la dépendance des chantiers navals.

Cette crise a débuté à Saint-Nazaire avec les licenciements opérés en décembre 1963 chez les sous-traitants des Chantiers de l'Atlantique ainsi qu'aux Fonderies de Saint-Nazaire. Très rapidement ces licenciements ont atteint des chiffres suffisamment importants pour qu'une émotion considérable se développe dans cette région qui n'a bénéficié jusqu'à ce jour d'aucune grande implantation d'industries nouvelles. Dix huit entreprises appartenant au secteur secondaire, essentiellement métallurgie, ont été touchées~: baisses d'horaires, réduction d'effectifs touchant 1.500 salariés dont 450 aux Chantiers de l'Atlantique.

Créé le 18 décembre 1963, le Fonds national de l'emploi a vu ses premiers textes d'application sortir le 23 février 1964 et il s'est trouvé confronté immédiatement avec les problèmes de Saint-Nazaire.

Il n'est pas question ici de dresser un bilan de l'action du Fonds national de l'emploi mais d'exposer simplement comment s'est située son action dans le cadre de la politique gouvernementale et comment ont été mis en œuvre les moyens dont. il dispose. Dans des crises de, cette importance qui tiennent à des causes économiques~: vieillissement des structures, concurrence internationale ou difficultés financières, l'analyse des causes et l'examen des moyens d'intervention requièrent la compétence de plusieurs ministères et non pas seulement du ministère du Travail.

Dès le mois de janvier 1964 fut créé à l'initiative du Premier ministre un groupe de travail chargé de l'étude des problèmes de Saint-Nazaire et de Nantes, groupe de travail qui réunissait notamment l'Aménagement du territoire, les Travaux publics, la Marine marchande, l'Industrie les Armées, le ministère du Travail. Ce fut un des rôles importants du Fonds national de l'emploi d'assurer une liaison étroite et constante entre les services locaux du ministère du Travail, le groupe de travail interministériel et les directions des Chantiers~: c'est grâce aux liaisons directes au niveau des départements ministériels, grâce à l'action concomitante de l'inspection du Travail auprès des entreprises que des résultats non négligeables ont pu être obtenus rapidement pour assurer le reclassement de près clé 700 salariés entre le 1er janvier et le 1er mai 1964.

Les renseignements recueillis par le Fonds national de l'emploi sur la structure socio-économique de la zone de Saint-Nazaire et sur la qualification des demandeurs d'emploi ont pu orienter le Gouvernement dans le choix des mesures destinées à pallier cette, crise économique difficile : commandes nouvelles pour les chantiers de construction navale, travaux d'infrastructure recherches de nouvelles industries différentes de la construction navale...

L’électronique au service de l’emploi : le centre régional de mécanographie de Lille

Cahier du CHATEFP n°4 septembre 2000

La satisfaction quantitative des besoins de l'économie en main-d’œuvre a pu constituer, longtemps, l'essentiel de l'activité des services de l'emploi, sans exiger de modifications profondes des techniques utilisées à cet effet. Le bureau de main-d’œuvre étant, sur le plan local, le lieu géométrique de rencontre des offres et des demandes d'emploi, il suffisait, pour satisfaire à la fois employeurs et travailleurs, de confronter les listes d'offres et de demandes et de mettre en rapport les intéressés. Mais un ensemble de facteurs socio-économiques et techniques, la masse même des offres et des demandes, se conjuguent, aujourd'hui, pour imposer un réexamen profond des méthodes des services qui ont pour mission de concourir à la réalisation de l'équilibre de l'emploi, entraînant une réforme des structures et des moyens mis en œuvre.

Les transformations d'ordre économique et démographique, les modifications exigées par l'accélération des progrès techniques, certains problèmes nationaux ou locaux de reconversion imposent, en particulier, des efforts en vue d'adapter la main-d’œuvre aux postes disponibles et d'intensifier la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs.

Dans la politique active de l'emploi adoptée par le Ministère des Affaires sociales, les tâches de placement incombant aux directions départementales et aux bureaux du travail et de la main-d’œuvre ne pouvaient échapper à ces impératifs. Elles devaient, elles aussi, être redéfinies, en tenant compte des conditions nouvelles, des orientations différentes, et de la nécessité de doter les services de mécanismes appropriés.

Une initiative régionale

Dès l'année 1964, les services de l'emploi de la région de Lille, en accord avec la Direction Générale du Travail et d'Emploi, et sous l'impulsion de M. Robert Ballet, alors Inspecteur divisionnaire du travail et de l'emploi de la 5ème circonscription, concevaient un système régional de compensation des offres et des demandes d'emploi, reposant, dans un premier temps, sur une exploitation mécanographique des fiches d'offres d'emploi, au niveau de la région. Un centre de mécanographie, installé dans les services de l'Echelon Régional, devenait son principal instrument d'action.

Comme tout système destiné à améliorer la fluidité de la main-d’œuvre, celui de Lille rencontrait certaines difficultés telles que la résistance de la main-d’œuvre au déplacement, la lenteur des procédés de diffusion des offres et la limitation de cette diffusion.

Afin de surmonter ces diverses inerties et atteindre sa pleine efficacité l'organisation adoptée visait, essentiellement, à connaître parfaitement les différentes zones soumises à son contrôle (“bassins de main-d’œuvre”), et à pratiquer une sélection rigoureuse ainsi qu'une diffusion régulière et surtout très rapide des offres soumises à compensation. A ces objectifs primordiaux s'ajoutent, aujourd'hui, la réalisation d'études particulières et l'établissement de statistiques.

Au cours des années suivantes, peu à peu, le système recouvrait 5 régions de programme~: Nord, Picardie, Champagne, Lorraine et Alsace. Il s'adresse aujourd'hui à près de deux millions neuf cent mille travailleurs, soit 20 % de la population salariée française.

Le centre mécanographique de Lille constitue le premier exemple de rénovation des services spécialisés dans le placement des travailleurs. Par son organisation, son fonctionnement et ses moyens, il constitue, à son échelle, une ébauche de la Bourse Nationale de l’Emploi qui doit, dans un très proche avenir, intéresser progressivement la totalité des travailleurs de la métropole.

C'est à ce titre qu'il nous a été présenté par M. Caplain, Directeur régional du Travail et de la main-d’œuvre et M. Chetcuti, Inspecteur du travail, chargé de l'échelon régional de l'emploi et du centre de mécanographie.

Le Fonds national de l’emploi

Cahier du CHATEFP n°4 septembre 2000

Le Fonds national de l'emploi - par Claude Thomas Intervention au colloque "la mobilité facteur de plein emploi" organisé les 16 et 17 mai 1967 par l’Ecole des hautes études commerciales de LILLE., Chef du Service de l’emploi, Chargé de la gestion du Fond National de l’Emploi au Ministère des Affaires Sociales.

Comment est né le fonds national de l'emploi ?

L'Ordonnance du 24 mai 1945 sur le contrôle de l'emploi soumet à l'autorisation des Inspecteurs du Travail et Directeurs départementaux les demandes de licenciement collectif émanant des établissements industriels et commerciaux. La procédure en est fixée par les articles 3 et 5 du décret du 23 août 1945 (dans un délai de 7 jours l'Inspecteur du Travail est tenu de faire connaître soit qu'il refuse les résiliations du contrat de travail, soit qu'il demande un délai pour procéder à des vérifications. L'absence de réponse dans un délai de sept jours tient lieu d'acceptation).

Ces textes constituent la base juridique de l'intervention des services du Ministère des Affaires Sociales en matière d'emploi ; il s'agit essentiellement de vérifier la réalité des motifs économiques invoqués par le chef d'entreprise pour justifier le licenciement et de veiller à l'observation des procédures de consultation et de contrôle telles qu'elles ont été fixées par la loi, les conventions collectives ou les accords d'établissement, (consultation des comités d'entreprise, critères appliqués pour l'établissement des listes de licenciement,
examen des cas sociaux).

Dans leur décision, les services doivent prendre en considération la situation de l'emploi dans les villes ou la région et les possibilités de reclassement.

Depuis plus de vingt ans, un fossé s'est creusé entre les pouvoirs qui sont légalement reconnus à l'Administration des Affaires Sociales et ceux qu'elle détient réellement. Cette législation reposait, en effet, sur une conception extrêmement dirigiste toute une partie de cette réglementation est tombée en désuétude sauf dans quelques régions où l'implantation des services de l'emploi est solide, peu d'entreprises demandent encore l'autorisation d'embauchage.

Dès 1957, au moment où les premières difficultés nées de la concurrence internationale se sont fait sentir, les pouvoirs de l'administration se sont révélés peu adaptés à l'évolution de la situation économique. Ces pouvoirs sont en effet répressifs et comportent un aspect très négatif : il s'agit d'autoriser ou de refuser un licenciement.

Choisissant par nature et par principe de protéger les salariés et (le leur garantir J'emploi, les services de l'emploi pouvaient prendre des positions anti-économiques et, par des refus justifiés sur le plan social, compromettre définitivement une entreprise.

L'administration des Affaires Sociales, ne pouvant que dire oui ou non, était en fait désarmée : elle n'avait aucun moyen d'intervention active.

Politique active de l’emploi et rénovation dans les services du travail et de la main d’œuvre dans les années 1960

Cahier du CHATEFP n°4 septembre 2000

Politique active de l'emploi et rénovation dans les services du travail et de la main d'œuvre dans les années 1960


Par Claude Chetcuti

Après l’intense activité législative et réglementaire qui marque la Libération, la quinzaine d’années qui suivirent 1947 peuvent être considérées comme une période de stabilisation tant en ce qui concerne la législation du travail que l’organisation de l’administration centrale ou celle des services extérieurs du travail et de la main d’œuvre.

Textes généraux

Déclaration universelle des droits de l’Homme 1948 (articles 23, 24, 25)

« L’assemblée générale proclame la présente Déclaration universelle des droits de l’Homme
comme l’idéal commun à atteindre par tous les peuples et toutes les nations (…)

Art. 23

  1. Toute personne a droit au travaillé, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à la protection contre le chômage.
  2. Tous ont droit, sans aucune discrimination, à un salaire égal pour un travail égal.
  3. Quiconque travaille à droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant ainsi qu’à sa famille une existence conforme à la dignité humaine, et complétée, s’il y a lieu, par tous autistes moyens de protection sociale.
  4. Toute personne a droit de fonder avec d’autres des syndicats et de s’affilier à des syndicats pour la défense de ses intérêts.

Art. 24
Toute personne a droit au repos et aux loisirs et notamment à une limitation raisonnable de la durée du travail et à des congés payés périodiques.

Art. 25

  1. Toute personne a droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l’alimentation, l’habillement, le logement, les soins médicaux ainsi que pour les services sociaux nécessaires ; elle a droit à la sécurité en cas de chômage, de maladie, d’invalidité, de veuvage, de vieillesse ou dans les autres cas de perte de ses moyens de subsistance par suite de circonstances indépendantes de sa volonté.
  2. La maternité et l’enfance ont droit à une aide et à une assistance spéciale. Tous les enfants, qu’ils soient nés dans le mariage ou hors mariage, jouissent de la même protection sociale. »

Déclaration universelle des droits de l’Homme adoptée par l’assemblée générale des Nations unies le 10 décembre 1948 à Paris.

Le programme du Conseil national de la Résistance (15 mars 1944)

« (…) Unis quant au but à atteindre, unis quant aux moyens à mettre en œuvre pour atteindre ce but qui est la libération rapide du territoire, les représentants des mouvements, groupements, partis ou tendances politiques groupés au sein du CNR proclament qu’ils sont décidés à rester unis après la libération (…)

5° Afin de promouvoir les réformes indispensables~: (…)
b) Sur le plan social :

  • Le droit au travail et le droit au repos, notamment par le rétablissement et l’amélioration du régime contractuel du travail ;
  • Un rajustement important des salaires et la garantie d’un niveau de salaire et de traitement qui assure à chaque travailleur et à sa famille la sécurité, la dignité et la possibilité d’une vie pleinement humaine ;
  • La garantie du pouvoir d’achat national pour une politique tendant à une stabilité de la monnaie ;
  • La reconstitution, dans ses libertés traditionnelles, d’un syndicalisme indépendant, doté de larges pouvoirs dans l’organisation de la vie économique et sociale ;
  • Un plan complet de sécurité sociale, visant à assurer à tous les citoyens des moyens d’existence, dans tous les cas où ils sont incapables de se le procurer par le travail, avec gestion appartenant aux représentants des intéressés et de l’Etat ;
  • La sécurité de l’emploi, la réglementation des conditions d’embauchage et de licenciement, le rétablissement des délégués d’atelier ;
  • L’élévation et la sécurité du niveau de vie des travailleurs de la terre par une politique de prix agricoles rémunérateurs, améliorant et généralisant l’expérience de l’Office du blé, par une législation sociale accordant aux salariés agricoles les mêmes droits qu’aux salariés de l’industrie, par un système d’assurance contre les calamités agricoles, par l’établissement d’un juste statut du fermage et du métayage, par des facilités d’accession à la propriété pour les jeunes familles paysannes et par la réalisation d’un plan d’équipement rural ;
  • Une retraite permettant aux vieux travailleurs de finir dignement leurs jours ;
  • Le dédommagement des sinistrés et des allocations et pensions pour les victimes de la terreur fasciste (…) »

Le traité de Rome de 1957 (Extraits)

Article 117
Les Etats membres conviennent de la nécessité de promouvoir l’amélioration des conditions de vie et de travail de la main d’œuvre permettant leur égalisation dans le progrès. Ils estiment qu’une telle évolution résultera tant du fonctionnement du marché commun, qui favorisera l’harmonisation des systèmes sociaux, que des procédures prévues par le présent Traité et du rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives.

Article 118
Sans préjudice des autres dispositions du présent Traité, et conformément aux objectifs généraux de celui-ci, la Commission a pour mission de promouvoir une collaboration étroite entre les Etats membres dans le domaine social, notamment dans les matières relatives~:

  • A l’emploi
  • Au droit du travail et aux conditions de travail
  • A la formation et au perfectionnement professionnels
  • A la protection contre les accidents et les maladies professionnelles
  • A l’hygiène du travail
  • Au droit syndical et aux négociations collectives entre employeurs et travailleurs.
    A cet effet, la Commission agit en contact étroit avec les Etats membres, par des études, des avis et par l’organisation de consultations, tant pour les problèmes qui se posent sur le plan national que pour ceux qui intéressent les organisations internationales. Avant d’émettre les avis prévus au présent article, la Commission consulte le Comité économique et social.

Article 119
Chaque Etat membre assure au cours de la première étape, et maintient par la suite, l’application du principe de l’égalité des rémunérations entre les travailleurs masculins et les travailleurs féminins pour un même travail (…)

Article 120
Les Etats membres s’attachent à maintenir l’équivalence existante des régimes de congés payés.

Article 123
Afin d’améliorer les possibilités d’emploi des travailleurs dans le marché commun et de contribuer ainsi au relèvement du niveau de vie, il est institué, dans le cadre des dispositions ci-après un Fond social européen, qui aura pour mission de promouvoir à l’intérieur de la Communauté les facilités d’emploi et la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs.

Préambule de la Constitution de 1946

Art.3. La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme.

Art.5. Chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans on travail ou son emploi, en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances.

Art.6. Tout homme peut défendre ses droits et ses intérêts par l’action syndicale et adhérer au syndicat de son choix.

Art.7. Le droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le réglementent.

Art.8. Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination
collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises.

Art.11. Elle garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans
l’incapacité de travailler a le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

Art.13. La Nation garantit l’égal accès de l’enfant et de l’adulte à l’instruction, à la formation professionnelle et à la culture. L’organisation de l’enseignement public gratuit et laïque à tous les degrés est un devoir de l’Etat.

Législation du travail

Amortir le choc de la crise | 1974-1981

Loi du 6 décembre 1976 relative au développement de la prévention des accidents du travail