Les recours face à une discrimination à l’embauche

Vous pensez être victime de discrimination à l’embauche ? Vous pouvez réagir. Sachez qu’il existe plusieurs recours légaux et que vous pouvez être accompagné-e et conseillé-e dans votre démarche.

Recours civil

Délai pour agir : 5 ans (article 8 du Code de procédure pénale)

1. Déposer le recours devant le conseil de prud’hommes

Bien que le contrat de travail n’ait pas encore été signé, si vous pensez être discriminé-e à l’embauche, vous pouvez déposer un recours devant le conseil de prud’hommes, qui est le juge « naturel » du travail.
Tout-e candidat-e écarté-e pour des motifs discriminatoires peut donc le saisir pour réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi.

Pour être accompagné-e et/ou conseillé-e, vous pouvez contacter :

  • le Défenseur des droits,
  • les associations de lutte contre les discriminations,
  • les organisations syndicales
  • l’inspecteur du travail.
    Pour en savoir +

L’objectif du recours : faire annuler la mesure ou la décision fondée sur un motif discriminatoire et demander réparation du préjudice subi.

2. Présenter au juge les éléments supposant la discrimination

En cas de discrimination à l’embauche, vous devez présenter au juge les éléments de fait laissant supposer l’existence d’une telle discrimination, directe ou indirecte.

3. L’auteur supposé de discrimination est reçu par le juge pour justifier sa décision

Au vu de ces éléments, l’auteur supposé de discrimination à l’embauche doit prouver au juge que sa décision est justifiée par des éléments objectifs, étrangers à toute discrimination.

4. Le juge prend une décision

Le juge prend une décision après avoir ordonné toutes les mesures d’instructions qu’il estime utiles, en cas de besoin.
Si la discrimination est reconnue, les dommages et intérêts devront réparer l’entier préjudice résultant de cette discrimination, pendant toute sa durée.

Recours pénal

Délai pour agir : 3 ans (article 1134-5 du Code du travail)

En cas de discrimination à l’embauche, un recours pénal est également possible.
Vous pouvez déposer plainte auprès :

  • du Procureur de la République ;
  • du commissariat de police ;
  • de la gendarmerie ;
  • ou du doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance.
    Cela permet de sanctionner pénalement ces agissements par le tribunal correctionnel.

Qui contacter ?

Le Défenseur des droits

Vous pouvez saisir le Défenseur des droits ou vous informer auprès de lui. C’est gratuit.

Le Défenseur des droits est une autorité indépendante chargée de lutter contre les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ainsi que de promouvoir l’égalité. Il a repris, sur ce point, les missions auparavant dévolues à la « Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité » (Halde).

418 délégués sont à votre disposition pour vous accueillir et vous accompagner dans la défense de vos droits.

Un service d’accueil téléphonique au 09 69 39 00 00 répond aux demandes d’information et de conseil sur les discriminations et sur les conditions de saisine du Défenseur des droits. Le cas échéant, il réoriente les appelants vers les autres organismes ou services compétents.

Pour trouver un délégué appartenant au réseau du Défenseur des droits près de chez vous, cliquer ici.

Lorsque le Défenseur des droits estime que la réclamation d’une personne s’estimant victime d’une discrimination appelle une intervention de sa part, il l’assiste dans la constitution de son dossier et l’aide à identifier les procédures adaptées à son cas.

Attention : la saisine du Défenseur des droits n’interrompt ni ne suspend par elle-même les délais de prescription des actions en matière civile, administrative ou pénale, non plus que ceux relatifs à l’exercice de recours administratifs ou contentieux.

"Les discriminations à l’embauche sont de plus en plus nombreuses, mais restent un délit pénal…"

Témoignage de Slimane Laoufi, responsable du pôle emploi privé chez le Défenseur des droits

« Nous sommes une autorité constitutionnelle indépendante, dont l’une des missions est la lutte contre les discriminations. Notamment les discriminations à l’embauche, qui constituent un tiers des réclamations dans le service emploi privé. Elles sont de plus en plus nombreuses : un phénomène qui trouve une cause conjoncturelle dans la crise économique, mais qui reste un délit pénal, passible de 45.000€ d’amende et de cinq ans d’emprisonnement.

Ces discriminations se concentrent sur les catégories de personnes parmi les plus vulnérables : les personnes d’origine étrangère, les femmes enceintes, et les personnes en situation de handicap… Et comme nous sommes les garants de la dignité humaine, nous agissons : dans un premier temps, nous appelons la personne qui nous a saisis afin de faire un point avec elle sur sa situation, en lui demandant de se munir de tous les éléments matériels à sa disposition – libellé de l’offre, lettre de refus, testing…

Un baromètre international des discriminations à l’embauche

Le Défenseur des droits s’étant vu doté de moyens par le législateur, nous avons également la possibilité d’enquêter : nous demandons à l’entreprise mise en cause tous les éléments pouvant faire la lumière sur la situation, et mis à part le secret défense, nous ne pouvons essuyer de refus de leur part. Nous pouvons aussi mener les auditions des personnes mises en cause, et faire des vérifications sur place.

Sur le plan de la sensibilisation, notre politique s’articule au niveau national et local, avec plus de 400 relais sur le terrain, et s’appuie sur des documents tels que des guides de bonnes pratiques ou des dépliants de prévention. Nous établissons aussi chaque année, en partenariat avec l’OIT, un baromètre des discriminations à l’embauche dans le monde, qui nous aide à affiner nos politiques de sensibilisation. Ces politiques nous permettent d’apporter une expertise juridique et de faire évoluer le droit dans ce domaine. »

Les associations de lutte contre les discriminations

En cas de discrimination à l’embauche, vous pouvez demander conseil à une association dont l’objet est de combattre les discriminations.
Avec votre accord écrit, cette association peut agir devant la juridiction pénale.
Vous êtes libre d’intervenir à l’instance engagée par l’association et d’y mettre un terme à tout moment.

Les associations de lutte contre les discriminations – régulièrement constituées depuis au moins 5 ans – peuvent exercer en justice toute action relative à des agissements discriminatoires, en faveur d’un-e candidat-e à un emploi.

Dans le cadre de la lutte contre les discriminations liées au handicap, l’action peut également être intentée, sous les mêmes conditions, par les associations œuvrant dans le domaine du handicap.

Les organisations syndicales

Les organisations syndicales représentatives au plan national ou dans l’entreprise peuvent exercer en justice toute action relative à des agissements discriminatoires, y compris en faveur d’un candidat à un emploi.

En cas de discrimination à l’embauche, le syndicat doit vous notifier par écrit son intention d’exercer l’action en justice. Il peut agir sans votre mandat, sous réserve que vous ne vous y opposez pas dans un délai de 15 jours à compter de la date de la notification.

Vous êtes libre d’intervenir à l’instance engagée par le syndicat.

Les délégués du personnel

Les délégués du personnel disposent d’un droit d’alerte. En cas d’atteintes aux droits des personnes et aux libertés individuelles résultant de mesures discriminatoires (mais également de faits de harcèlement sexuel ou moral) en matière d’embauche notamment, ils peuvent saisir l’employeur qui doit procéder sans délai à une enquête et mettre fin à cette situation.

En cas de carence de l’employeur ou de divergence sur la réalité de cette atteinte, et à défaut de solution trouvée avec l’employeur, vous – ou le délégué si vous ne vous y opposez pas – saisit le bureau de jugement du conseil de prud’hommes qui statue selon la forme des référés.

Le juge peut ordonner toutes mesures propres à faire cesser cette atteinte et assortir sa décision d’une astreinte.

L’inspecteur du travail

Les inspecteurs du travail peuvent se faire communiquer tout document ou tout élément d’information, quel qu’en soit le support, utile à la constatation de faits susceptibles de permettre d’établir l’existence ou l’absence d’une méconnaissance des articles du Code du travail ou du Code pénal prohibant les discriminations. Ils sont habilités à constater les infractions commises en matière de discriminations prévues à l’article 225-2 (3° et 6°) du Code pénal.

Dans les unités départementales des Direccte, un service de renseignements en droit du travail donne des informations juridiques sur les relations du travail entre salarié et employeur, notamment sur leurs obligations réciproques. Il permet aux usagers d’obtenir sur place une première réponse à leurs questions.

"Une trace écrite, un bon moyen d’alerter du danger pour une prochaine embauche"

Témoignage de Denis Bataille, contrôleur du travail au service renseignement de l’Inspection du travail :

« Nous essayons au quotidien d’apporter un éclairage le plus précis possible, quelle que soit la situation de discrimination : apparence physique, origine, convictions religieuses, politiques, engagement syndical… Tout en sachant que nous avons très peu de cas de discriminations à l’embauche, nous faisons plutôt face à des cas de discrimination en cours d’exécution du contrat.

Lorsque le cas se présente à l’embauche, nous recevons les personnes nous faisant remonter un cas litigieux, qui dressent un portrait de la situation. En général, elles veulent savoir si cela est normal, et ce qu’il est possible de faire.

Dans ce cas, nous redirigeons les personnes auprès de plusieurs acteurs qui peuvent, en amont, traiter la situation. Comme France Travail, ou un cabinet de recrutement, mais aussi le Défenseur des droits qui peut intervenir avec les moyens dont il dispose, bien plus importants que les nôtres puisqu’ils s’appuient sur le droit.

Nous conseillons également ces personnes nous faisant remonter des situations de discrimination à l’embauche. S’ils alertent leur agence France Travail, nous leur recommandons de le faire par écrit, afin de garder une trace. Nous pouvons également les rediriger vers l’Inspection du travail : si dans un avenir proche, l’entreprise dénoncée s’avère être coutumière du fait, cela peut constituer un bon moyen d’alerter du danger pour une prochaine embauche… »