Présentation du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi

Commission des affaires sociales
Mercredi 3 juin 2015
Sénat

Discours de François REBSAMEN

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Madame la Rapporteure,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Je vous remercie de votre invitation à venir vous présenter le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Avant de donner la parole à la ministre des Affaires sociales qui vous présentera la création de la prime d’activité, je souhaite vous dire quelques mots sur ce projet de loi.

Ce projet, je l’ai dit à plusieurs reprises, est un projet de loi de progrès social. C’est aussi un projet de loi qui est gage d’une plus grande efficacité économique, j’en suis convaincu, et qui contribuera à notre effort en faveur de l’emploi. Car le dialogue social n’est pas seulement source de progrès pour les salariés, c’est aussi un gage de meilleur fonctionnement de l’entreprise et un facteur d’efficacité économique. De nombreuses études le soulignent, ainsi que les exemples de nos voisins européens. La capacité qu’ont eue certains leaders de la DGB allemande à prendre leur part dans les décisions stratégiques par exemple dans l’industrie automobile, est un modèle qui devrait nous inspirer. Un dialogue social qui fonctionne, c’est le gage d’un climat apaisé et d’une motivation plus forte des salariés. Cela participe à ce qu’on appelle parfois la « compétitivité hors coût ».

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C’est donc l’ambition de ce projet de loi que de renforcer la démocratie sociale, avec quatre volets principaux, qui sont autant d’avancées.

Le projet de loi garantit la représentation de l’ensemble des salariés de notre pays. J’ai entendu des critiques s’élever depuis l’adoption du texte. Je voudrais y répondre :

- comment peut-on admettre, notamment au regard du principe constitutionnel de participation des travailleurs posé par le Préambule de la Constitution de 1946 l’exclusion de millions de salariés des TPE et leurs employeurs du dialogue social ? Le projet de loi met fin à cette situation qui n’est pas acceptable, tout en en tenant compte de la spécificité des TPE. Le dialogue se fera donc dans le cadre de commissions paritaires régionales, composées de salariés et d’employeurs issus des TPE. Ces commissions seront des lieux de dialogue et de conseils.

- sur le rôle de médiation de ces commissions, issu d’un amendement à l’Assemblée nationale : la médiation ne sera ouverte que si les deux parties le souhaitent.

- sur l’accès à l’entreprise, il a été dit que le projet de loi allait trop loin en conférant un droit pour les membres des commissions d’avoir accès aux locaux des entreprises. C’est faux : c’est seulement si l’employeur l’autorise que cet accès sera possible.

Enfin, je salue l’ajout de la possibilité pour ces commissions de développer des activités sociales et culturelles, ajout issu du débat à l’Assemblée nationale.

Au total, et je voudrais insister sur ce point car je devine que c’est un des articles sur lesquels vos remarques seront les plus nombreuses, il me semble que le projet de loi atteint un bon équilibre entre la nécessaire représentation des salariés des TPEs et la prise en compte des spécificités de ces TPEs.

Le projet de loi vise aussi à rendre le dialogue social plus vivant dans l’entreprise, en regroupant les obligations de consulter et de négocier (on passe ainsi de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois consultations annuelles et de douze obligations à trois blocs de négociation cohérents.)

Il ouvre la possibilité de mieux adapter les institutions représentatives au contexte des entreprises. C’est pourquoi la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel est étendue aux entreprises jusqu’à 300 salariés. Cette délégation comprendra aussi le CHSCT. Et les entreprises de plus de 300 salariés pourront par accord majoritaire, c’est à dire, un accord conclu par les syndicats qui ont obtenu 50% des voix aux élections professionnelles, regrouper les instances. Un accord d’entreprise, majoritaire là encore, pourra modifier la périodicité des négociations. Il reviendra ainsi aux partenaires sociaux de définir eux-mêmes une partie des règles du dialogue social au plus près du terrain. Nous clarifions également les compétences entre instances centrales et locales afin d’éviter les consultations multiples sans aucune valeur ajoutée.

Enfin, la loi valorise l’engagement syndical, qui ne saurait être un frein à la carrière. Il prévoit donc pour les personnes exerçant un « mandat lourd » une garantie de maintien de salaire, un entretien de fin de mandat pour mieux anticiper la suite de la carrière, et pour tous les titulaires de mandat, un système de valorisation des compétences acquises dans l’exercice de ces fonctions.

Sur l’ensemble de ces volets, les débats à l’assemblée nationale ont fait évoluer le texte, pour l’essentiel dans un sens positif. Certains ajouts ont suscité des réserves de la part du gouvernement, tout en soulevant des débats intéressants. Je voudrais y revenir en quelques mots.

1/ Plusieurs ajouts vont dans le sens de moyens renforcés pour les représentants du personnel à travers la mutualisation et l’annualisation des heures de délégation, l’institution d’un secrétaire adjoint au sein de la délégation unique du personnel, etc. Cela va dans le bon sens.

J’ai en revanche exprimé des réserves sur la réintroduction de la présence des suppléants à toutes les réunions des instances. Ma conviction est que ce n’est pas le rôle des suppléants. Leur rôle est, comme leur nom l’indique, de remplacer les titulaires en leur absence. J’ai eu l’occasion de le dire, de même que j’ai indiqué qu’à mon sens, cette disposition revenait sur un point d’équilibre du texte concernant les entreprises de 50 à 300 salariés. Il serait paradoxal d’arriver à un texte qui alourdit leurs obligations, alors que l’objectif était de les simplifier.

2/ Un second ajout concerne les salariés dans les conseils d’administration. La participation des salariés à la stratégie de l’entreprise passe également par ce biais. La loi sur la sécurisation de l’emploi a introduit une vraie avancée en généralisant cette présence dans les plus grandes entreprises cotées. Certains aménagements étaient nécessaires. Le gouvernement souhaitait les faire. En particulier, il n’était pas normal, pour le dire directement, que des holdings soient écartées de cette règle. Un amendement a permis de le rectifier, c’est une très bonne chose.

En revanche, l’augmentation à deux du nombre d’administrateurs salariés et l’abaissement du seuil (de 5000 salariés en France et 10 000 à l’international à 1 000 et 5 000 salariés respectivement) reviennent sur l’équilibre décidé par les partenaires sociaux dans l’accord sur la sécurisation de l’emploi. J’ai donc exprimé les réserves du Gouvernement.

3/ Un des apports majeurs concerne enfin l’égalité entre les femmes et les hommes.

Cette préoccupation était déjà au cœur du projet de loi initial, en cohérence avec l’engagement du gouvernement pour les droits des femmes depuis 2012. Elle se traduisait par l’obligation d’une composition équilibrée entre femmes et hommes des listes aux élections professionnelles, assortie d’une sanction forte : la perte de sièges pour les organisations réfractaires.

7 amendements du Gouvernement et des députés ont permis de faire progresser encore ce thème, avec plusieurs avancées fortes :
L’alternance femmes hommes en tête de liste aux élections professionnelles, ce qui garantira que les femmes soient en position éligible ;
L’introduction de la parité pour les salariés dans les conseils d’administration et dans les commissions des TPE ;
La réaffirmation de toutes les données de l’actuel rapport de situation comparée, qui devront figurer dans la base de données unique et serviront de base à la consultation et à la négociation sur ce sujet.
Le renforcement du thème de l’égalité dans les consultations et les négociations.

Toutes ces mesures ont été soutenues par le Gouvernement car elles vont dans le sens du progrès.

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Je souhaite maintenant vous présenter deux autres volets du projet de loi, au-delà de sa partie « dialogue social ».

1/ Le premier volet concerne les conditions de travail, et le texte a sur ce point été fortement enrichi.

Sur la pénibilité, d’abord, le texte opère une simplification drastique du compte personnel de prévention de la pénibilité. Qu’il n’y ait pas d’ambiguïtés : je tiens à réaffirmer que ce compte
est aux yeux du Gouvernement un acquis social majeur. Il met l’accent sur la prévention et répond à une exigence de justice : les inégalités d’espérance de vie en bonne santé générées par le travail doivent être prises en compte.

Cependant, des craintes se sont exprimées ces derniers mois sur la complexité du dispositif. Or, un droit effectif pour les salariés, c’est d’abord un droit qui peut être mis en œuvre. Il fallait passer d’un consensus sur le principe à un consensus sur la méthode.

Sur la base du rapport de la mission confiée à Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville, le Gouvernement a présenté plusieurs amendements qui ont été adoptés. Ils permettront notamment de :
Supprimer la fiche individuelle, seule subsistant une obligation de déclaration de l’employeur vers la caisse de retraite, qui informera aussi les salariés ;
Substituer à l’évaluation individuelle des risques un référentiel collectif établi au niveau des branches professionnelles.
Eviter que l’employeur puisse se voir reprocher d’avoir déclaré l’exposition de certains de ses salariés à la pénibilité.

Je sais que ce sujet a fait l’objet de la plus grande attention de la part de votre assemblée…
Le Gouvernement s’est opposé aux propositions que vous aviez faites car elles conduisaient à revenir sur les 6 facteurs, qui font partie du socle essentiel. J’espère que nous pourrons avoir un débat constructif sur ces propositions, qui répondent au souhait de simplification que vous aviez exprimé et que ce gouvernement partage.

Le projet de loi propose de faire un pas important en matière de burn out, ou syndrome d’épuisement professionnel, qui entre dans le débat public au Parlement et dont la prise en compte est enfin inscrite dans la loi. Ces avancées iront de pair avec des actions volontaristes en matière de prévention, qui est bien sûr la réponse la plus appropriée sur ce sujet.

Le texte comporte également des mesures pour renforcer la médecine du travail sur les métiers les plus dangereux, conformément aux préconisations du rapport du député J. Issindou.

2/ Le projet de loi comprend également de nombreuses avancées pour :
Pérenniser le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle ;
Mieux traiter le chômage de longue durée, notamment en renforçant le rôle de l’AFPA, qui deviendra un EPIC
Créer le compte personnel d’activité. Ce sera une réforme sociale majeure, conforme aux annonces du président de la République ; nous pourrons y revenir
J’espère que nous aurons l’occasion de débattre de ces sujets sur lesquels je ne développe pas tout mon propos, mais qui sont de vraies réformes.

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Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Je vous ai fait part des ambitions de ce projet de loi : améliorer la qualité du dialogue social, améliorer l’égalité et la qualité de vie au travail, sécuriser les parcours des salariés, au service de l’emploi.

Je sais pouvoir compter sur la qualité de votre travail et sur les discussions que nous aurons dans les prochains jours. Je souhaite travailler avec vous dans un esprit d’écoute et d’ouverture.

Je cède maintenant la parole à Marisol TOURAINE pour la partie du texte relative à la création de la prime d’activité.

Je vous remercie.