Convention managériale de Pôle emploi - 5 février 2015

Discours de François REBSAMEN

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Directeur général, cher Jean BASSERES,
Mesdames et messieurs,

Je tenais à venir devant vous aujourd’hui. Nous menons une bataille, une bataille pour l’emploi. Je veux vous le dire sans détour : nous avons besoin de vous !

Le chômage de masse que nous connaissons depuis de nombreuses années mine notre société. Depuis bien longtemps, l’emploi est la préoccupation première des Français et, cela a été rappelé récemment, la plus grande des attentes à l’égard du Gouvernement.

1. Evidemment, la lutte contre le chômage, c’est avant tout la création d’emplois.

Et nous ne comptons pas nos efforts pour essayer de la favoriser. C’est tout l’objet du Pacte de responsabilité et de solidarité, et nous regardons de très près les engagements des branches professionnelles. L’objectif ? Que les exonérations de cotisations sociales et le crédit d’impôt se transforment massivement en recrutements. C’est aussi l’une des principales finalités du projet de loi croissance et activité, où nous choisissons de favoriser la création d’emplois, sans réduire la protection des salariés. Les effets de ces réformes donneront leur pleine mesure à partir de cette année. L’environnement s’améliore : dépréciation de l’euro, faible taux d’intérêt, coût relativement bas de l’énergie. Ces différents indicateurs dessinent ensemble un horizon propice au retour de la croissance.

La création d’emplois passe également par l’amélioration du fonctionnement de notre marché du travail. Ce mouvement de réforme a déjà commencé, avec une méthode : le dialogue social. Deux accords très importants ont été conclus, début 2013, sur la « sécurisation de l’emploi », et début 2014 sur la formation professionnelle. Ils ont été traduits dans la loi et commencent à produire des effets.

Mais il faut aller plus loin, quelles que soient les vicissitudes de la négociation interprofessionnelle entre les partenaires sociaux. J’ai regretté que la négociation sur le dialogue social dans les entreprises ait échoué. Regret d’autant plus vif que je pense qu’un accord était à portée de main. Cet échec ne condamne pas une méthode, celle du dialogue social, qui garde à mes yeux et à ceux du Président de la République toute sa légitimité ; mais il condamne assurément une pratique de la négociation qui provoque crispations et manque de transparence. Quoi qu’il en soit, la réforme doit avancer. J’ai commencé aussitôt des consultations, et je proposerai au Premier ministre les grandes lignes du projet de loi sur la modernisation du dialogue social en entreprise que le Gouvernement proposera au Parlement et qui sera examiné avant l’été.

J’ajoute qu’agir pour l’emploi, c’est aussi lutter plus efficacement encore contre le travail illégal et notamment les fraudes au détachement qui faussent la concurrence et minent notre modèle social. Vous le voyez certainement dans votre exercice professionnel.

2. La lutte contre le chômage, c’est aussi, ici et maintenant, apporter des solutions concrètes à des personnes en rupture, en échec, et parfois au désespoir, et en la matière Pôle emploi reste l’acteur central.

C’est les aider à trouver un emploi lorsque c’est possible, mais aussi à se reconstruire, à préparer l’avenir, à retrouver confiance, à se former, à apprendre à trouver elles-mêmes leurs solutions, pour que chacun ait sa chance sur un marché du travail qui continue de receler des opportunités. Et vous êtes au cœur de cette bataille-là, celle qui oppose l’individu à la fatalité, qui lui redonne des armes, et je sais combien elle est difficile. Parce qu’un recrutement ça ne se décrète pas. Parce qu’il ne suffit pas de claquer des doigts pour restaurer la confiance en soi chez quelqu’un qui a perdu l’estime de soi.

Je ne me résigne pas au discours du fatalisme. Tant de fois j’ai vu des entreprises se créer, se développer, recruter, intégrer durablement des personnes estimées « éloignées de l’emploi ». Tant de fois j’ai rencontré des personnes au parcours chaotique, pour qui tout semblait perdu, et qui ont trouvé une vocation, appris un métier, trouvé un milieu de travail dans lequel elles s’épanouissent et apportent quelque chose. J’en suis convaincu, le travail, la vie en entreprise ou dans tout autre milieu professionnel, reste un espace d’épanouissement, de confiance en ces temps de déclinisme. Chacun peut, chacun doit disposer des mêmes chances que quiconque pour y accéder. Je crois profondément, assurément, qu’un service public de l’emploi performant, ouvert à l’entreprise, à l’écoute des problématiques individuelles, tendu vers le résultat qu’est le retour à l’emploi, peut changer la donne si on s’en donne le temps, les moyens, la méthode.

Vous êtes au cœur de la bataille contre le chômage. Vous ne créez pas les emplois, mais vous êtes là pour que chacun aie ses chances pour accéder à un emploi qui lui correspond. Vous et vos équipes êtes en première ligne. Vous faites face. Je suis exigeant avec Pôle emploi, parfois intransigeant, car je sais, en tant qu’élu local, qu’il y a encore beaucoup à faire pour améliorer le service et la performance, et que vous portez sur vos épaules une très lourde responsabilité face aux attentes. Mais je veux vous le dire aujourd’hui en cette occasion de prise de recul, d’engagement, de lien solennel avec vous : vous pouvez être fiers de votre action et je sais combien elle est une tâche parfois difficile.

Vous travaillez dans des conditions rudes car chacun sait que ceux que vous accueillez au quotidien dans vos agences y viennent souvent avec leur projet et leurs espoirs, mais aussi parfois avec leurs problèmes, leurs angoisses, leur colère.

Vous faites face à une certaine adversité, celle d’une opinion toujours prompte à pointer les défaillances sans jamais rappeler le travail accompli. Et plus généralement, je le sais, le service public de l’emploi est souvent le bouc-émissaire du chômage, en France comme ailleurs : on lui reproche souvent l’envolée du nombre de chômeurs, comme s’il était responsable des licenciements et des inadéquations des profils et des postes ; et on le félicite rarement de l’amélioration du taux de chômage !

Vous avez su faire front et vous adapter dans le contexte de fusion ANPE et ASSEDIC – par nature complexe et difficile pour vos équipes, contexte aggravé par une crise économique d’une intensité rarement atteinte.

Pour cela, le pays vous doit la reconnaissance. Je veux vous le dire ici au nom du Gouvernement.

L’Etat reste et restera longtemps aux yeux des Français le responsable en matière d’emploi et je tiens à vous rassurer sur les débats actuels sur l’évolution de la gouvernance. Je sais les inquiétudes qu’ont générées les débats sur la décentralisation. Je veux le redire devant vous : il n’y aura pas de régionalisation de Pôle emploi y compris sous forme expérimentale. Le Gouvernement est – et restera – comptable de l’action sur le front de l’emploi et Pôle emploi est – et restera – son principal « bras armé » dans ce domaine.

Avec la loi du 5 mars 2014, nous avons clarifié les compétences et organisé la coordination des acteurs sur le terrain autour du Préfet et du Président du Conseil régional qui co-président les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle. La région est désormais pleinement responsable en matière d’orientation, de formation professionnelle et de développement économique : il lui appartient d’abord de se saisir pleinement de ces responsabilités et nous savons qu’il y a encore des efforts à faire dans ces domaines.

Notre responsabilité, c’est de faire vivre la complémentarité des acteurs et les coordonner. La question n’est pas de se battre pour savoir si on peut confier à un seul pilote l’ensemble des avions, mais de former une escadrille avec un plan de vol commun. Le projet de loi sur la nouvelle organisation territoriale de la République, actuellement en discussion au Parlement :
 permettra de renforcer la complémentarité d’action et la coordination en instituant un conventionnement en région entre l’Etat, les régions et Pôle emploi.
 et fera du CREFOP, coprésidé par le Préfet de région et le Président du conseil régional, le lieu unique où se définissent les feuilles de route régionales de l’emploi, de la formation, de l’orientation et du développement économique.

Au-delà de ces modifications de gouvernance, nous devons systématiser le réflexe de travailler en commun, dans une même dynamique. Chaque directeur régional, chaque directeur territorial ou directeur d’agence doit nourrir au quotidien une relation de confiance et de partenariats avec les DIRECCTE, les autres opérateurs du service public de l’emploi, les collectivités impliquées dans son territoire. C’est ainsi que l’on obtient les meilleurs résultats. Je sais que beaucoup d’entre vous sont pleinement engagés dans cette démarche, il faut la renforcer encore : allez vers les élus, convainquez-les, appropriez-vous leurs projets. Vous y démultiplierez votre capacité d’influence et vous renverserez l’image d’un Pôle emploi parfois jugé encore trop autocentré.

3. Face au chômage qui persiste, face aux débats institutionnels, l’exigence d’excellence est plus forte que jamais. Trois défis primordiaux sont à relever : l’accompagnement personnalisé, le service aux entreprises et le numérique.

Premier défi : celui de l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi.

Vous le savez mieux que quiconque, tous les demandeurs d’emploi n’ont pas besoin du même accompagnement pour les aider dans leur parcours pour retrouver un emploi. C’est le défi de l’accompagnement personnalisé.

Pour le mettre en œuvre, il faut être en capacité de poser plus vite un diagnostic plus approfondi sur la situation du demandeur d’emploi, dès le premier entretien de situation. Il faut également développer l’accompagnement intensif pour ceux qui en ont le plus besoin. Facile à dire, plus difficile à réaliser car cela suppose une simplification et une dématérialisation des processus d’inscription et de calcul des droits dont je mesure la portée pour vous en interne. Mais nous devons avancer, pour améliorer la qualité de l’accompagnement, pour donner plus de simplicité et visibilité au demandeur d’emploi qui attend de savoir ce à quoi il aura droit et quand il sera payé.

On voit que certains demandeurs d’emploi ont des freins sociaux qui s’ajoutent aux difficultés du marché du travail, et qui nécessitent de déployer un accompagnement global, prenant en compte toutes les dimensions de l’exclusion (la santé, le logement, les difficultés financières…) en lien avec les travailleurs sociaux. François Chérèque, qui a remis au Premier ministre la semaine dernière son rapport d’évaluation sur la deuxième année de mise en œuvre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, insiste beaucoup à raison sur l’importance de systématiser les conventions de partenariat avec les conseils généraux. Un protocole sur l’approche globale de l’accompagnement a été signé le 1er avril 2014 entre l’ADF, la DGEFP et Pôle Emploi. Avec une cinquantaine de conventions d’ores et déjà finalisées le succès est au rendez-vous. Nous devons, et je veux vous y aider, aller au bout de la démarche sur l’ensemble du territoire national.

La mise en place du conseil en évolution professionnelle sera également un élément important de l’amélioration de la prise en charge ; ne nous trompons pas, elle représente un vrai saut qualitatif pour Pôle emploi comme pour les autres opérateurs concernés.

Je présenterai dans quelques jours un plan d’action pour les demandeurs d’emplois de longue durée. Pôle emploi sera en première ligne dans la mobilisation de ces solutions spécifiques.

Nous avons également collectivement beaucoup de progrès à faire dans la formation des demandeurs d’emploi. On ne peut se satisfaire d’une situation où seul un demandeur d’emploi sur dix bénéficie d’une formation. La prescription de formation, comme le travail sur le projet professionnel, est un élément fondamental du cœur de métier du conseiller.

Le compte personnel de formation doit nous permettre de franchir une grande étape dans ce domaine. A nous de le rendre concret et accessible pour tous ses bénéficiaires à commencer par les demandeurs d’emploi ! Le plan chômage de longue durée proposera des actions ambitieuses dans ce domaine, avec un engagement financier conséquent, notamment des partenaires sociaux. De même, il nous faut raccourcir les délais entre la détection d’un besoin de formation et l’entrée effective en formation parce que chaque semaine perdue fragilise l’employabilité des chômeurs. Nous ne pouvons plus accepter une situation où des places de formations disponibles ne sont pas toutes pourvues, et ce malgré l’intensité des besoins.

Sur l’accompagnement, je terminerai en disant que ce sujet est, de mon point de vue, indissociable de celui du système de droits et d’obligations du demandeur d’emploi. En matière d’indemnisation du chômage, vous êtes les opérateurs au contact des bénéficiaires, mais ce n’est pas vous qui définissez les règles. Celles-ci relèvent des partenaires sociaux de l’UNEDIC pour l’assurance chômage, et de l’Etat pour la solidarité.

Il vous incombe la charge difficile de verser sans erreur et sans délai les allocations auxquelles les bénéficiaires ont droit. C’est un pari de tous les jours, exigeant, et probablement la première de toutes les attentes des demandeurs d’emploi, ce qui constitue l’un des points forts de votre établissement. C’est aussi à lui, à vous, qu’il revient de suivre le respect des obligations en matière de recherche d’emploi. C’est pour moi un élément essentiel de l’accompagnement, et la contrepartie indispensable d’un système protecteur de l’assurance chômage.

Vous allez déployer de nouvelles modalités d’organisation de cette fonction, qui j’en suis certain permettront de mieux repérer les personnes qui décrochent de la recherche d’emploi, et de les remettre le plus rapidement possible dans une démarche active avant qu’elles ne se perdent dans la spirale du chômage de longue durée.

Le Gouvernement va créer au 1er janvier 2016 la « prime d’activité », qui se substituera à deux dispositifs de soutien au pouvoir d’achat des travailleurs dont la rémunération est proche du SMIC (la PPE et le RSA Activité). Elle apportera un vrai « plus » à ceux qui retrouvent un emploi, de façon plus juste, plus efficace, plus incitative qu’aujourd’hui.

Deuxième défi : le service aux entreprises.

Comme les demandeurs d’emploi, les entreprises attendent un service irréprochable et personnalisé de Pôle emploi.

Nous avons besoin d’optimiser l’appariement le plus rapide possible entre les offres d’emplois disponibles et les demandeurs d’emploi. La fonction d’agrégateur d’offres de Pôle emploi est très importante. Elle doit être élargie au maximum pour démultiplier l’accès aux entreprises qui embauchent.

Nous disposons d’un formidable gisement d’emplois avec nos TPE. Pour nombre d’entre elles néanmoins, embaucher est perçu comme un parcours du combattant. Nous devons tout faire pour lever ces blocages et leur faciliter la tâche. En simplifiant le droit et nos procédures, c’est une évidence et nous y attelons dans le cadre du conseil de la simplification. Vous avez à nouveau un rôle central à jouer ici. Sans tomber dans la caricature, vous pouvez être le recruteur qu’elles n’ont pas les moyens de s’offrir !

La professionnalisation de la relation entreprise, par l’ambition qui est la vôtre de déployer des conseillers spécialistes de ce domaine dans toutes les agences, doit constituer un axe structurant de votre organisation parce que de la qualité de celle-ci dépend aussi votre capacité à donner des solutions rapides et adaptées aux demandeurs d’emploi.

Troisième défi : le numérique.

Plus qu’un défi, c’est une formidable opportunité. Chacun voit bien comment aujourd’hui le réflexe « internet » est devenu le point d’entrée principal des usagers pour les services publics comme pour les autres activités. Les réseaux sociaux et les outils de sélection ou de valorisation des profils sont devenus des incontournables du recrutement. C’est une révolution. Pôle emploi doit être à la pointe de l’innovation dans le domaine.

En matière de développement des services en ligne tout d’abord. Dématérialiser les procédures, c’est gagner du temps, c’est éviter des déplacements inutiles. Plus de services en ligne, plus d’interface pour connaitre et accéder aux droits, c’est plus de capacité à prendre en main sa recherche d’emploi. Pour vos équipes, c’est plus de temps pour s’occuper de ceux qui ont besoin d’un accompagnement intensif. Beaucoup de procédures doivent basculer vers le numérique : l’inscription, la formation, l’accès au droit.

En matière d’accompagnement ensuite. Lorsque cela est possible, miser sur l’autonomie du demandeur peut être une bonne solution, l’accompagnement 100% web peut y répondre.

En matière d’innovation enfin. Ouvrir Pôle emploi aux innovations que d’autres acteurs peuvent concevoir est riche de promesses. Le projet « emploi store » doit être emblématique de cette démarche d’ouverture.

Voilà de grandes exigences, mais de beaux défis. Je serai attentif à leur mise en œuvre dans le cadre du suivi de la convention tripartite et en m’appuyant sur le pilotage par les résultats concrets de votre action, que vous vous mettez progressivement en place. Je veillerai à ce que vous ayez les moyens de les relever car j’ai obtenu que Pôle emploi, pour les années qui viennent, bénéficie d’une stabilité de la subvention d’Etat, et vous savez que c’est une exception quasi unique dans le champ public dans le contexte actuel.

***

Mesdames et messieurs,

Je sais pouvoir compter sur vous. Je sais pouvoir compter sur Jean Bassères, à qui je souhaite rendre hommage ici pour sa vision, son courage, son intégrité, son sens du service public, et que je viens de renouveler dans sa fonction pour poursuivre la transformation engagée à Pôle emploi.

Nos concitoyens attendent beaucoup de nous et ont des exigences. Notre pays fait face à de nombreux défis, les évènements tragiques de ce début d’année l’ont dramatiquement démontré. Mais l’emploi reste la préoccupation majeure des français. Y répondre, c’est aussi apaiser les tensions qui traversent notre corps social, c’est donner une chance de se réaliser à ceux qui pourraient basculer dans l’exclusion ou la radicalité, c’est donner espoir à ceux qui ont l’angoisse de rester au bord du chemin.

C’est pourquoi notre devoir est de relever ces défis et de tout faire pour remporter la bataille pour l’emploi. Ensemble nous y parviendrons, j’en suis convaincu.

Je vous remercie.