Assises nationales de l’ANDRH (Association nationale des directeurs des ressources humaines). Discours de François Rebsamen. Vendredi 20 juin 2014

Monsieur le président de l’ANDRH, cher Jean-Christophe Sciberras,

Je vous remercie de m’avoir invité à m’exprimer devant vous.
C’est notre première rencontre dans ce cadre et je l’apprécie à sa juste valeur.
Je considère comme vous que l’entreprise est d’abord la somme – peut-être plus – des hommes et des femmes qui la composent, et qu’en la matière, le rôle du management est essentiel.
Je crois aussi que notre économie a besoin de dirigeants éclairés, capables de comprendre que la compétitivité qui nous manque se trouve dans la qualité du travail et la qualité de vie au travail.
Permettez-moi donc, avant toute chose, de rendre hommage à la note que vous faites entendre dans un concert économique qui est parfois bien différent.
Et ce n’est pas là qu’un discours théorique puisque les entreprises et groupes que vous représentez sont souvent puissants et performants.

Dans toutes les entreprises, les DRH sont face à des enjeux d’ampleur.
Je voudrais en dire un mot général, avant d’en venir au thème précis de vos assises.
Le travail a changé au cours des trois dernières décennies. Les entreprises se sont rationalisées, mais dans bon nombre d’entre elles, les effets ressentis par les salariés ont été à l’opposé de cette rationalisation.
Ce n’est pas un mal français, mais quand même… Chez nous, une défiance souvent plus forte qu’ailleurs oppose les salariés – jusqu’à très haut niveau – aux dirigeants. C’est d’autant plus vif que la défiance existe aussi, des dirigeants à l’égard de leurs subordonnés.

Quelles sont les conséquences de cette situation ?
Une forme de malaise qui prend le nom de démotivation, de malfaçon, d’absentéisme, avec le sentiment d’un incroyable gâchis. On a appelé cela les risques psycho-sociaux et l’on tente tous – et vous d’abord – d’y répondre par le bien-être.
Le ministre du travail que je suis, comme les DRH que vous êtes, nous savons que ces sujets doivent être traités, avec professionnalisme. Mais nous ne pouvons que regretter qu’ils tendent à prendre le dessus dans la perception médiatique du travail.
Le travail est pour moi une valeur positive, c’est l’héritage de la famille politique à laquelle j’appartiens.
Nous avons ensemble, chacun dans notre rôle, à le valoriser.
Le valoriser dans sa dimension individuelle bien sûr.
Mais le valoriser aussi et surtout dans sa dimension collective, en faisant vivre des organisations efficaces et stimulantes pour les salariés.
A ce titre, je salue la manière dont vous œuvrez pour porter une culture managériale digne de ce nom, c’est essentiel.

J’en viens au thème du jour, en vous disant d’abord quelques mots autour de l’engagement et de la responsabilité.
Vous le savez, l’Etat s’engage en faveur des entreprises et de leurs salariés dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.
Ce Pacte, ce n’est pas seulement des engagements de l’Etat en matière d’allègement de coût du travail ou de simplification. C’est important évidemment.
Mais c’est bien plus que ça.
Le Pacte suppose des engagements de l’ensemble des partenaires.
Des engagements des branches professionnelles qui doivent négocier, sur l’emploi des jeunes, l’alternance, l’emploi des seniors.
Mais aussi des engagements des entreprises, qui peuvent, avec la visibilité qui est la leur, s’engager dans des dynamiques positives sur ces sujets.
Je vous le dis, je souhaite qu’à la rentrée nous entamions une démarche valorisant les initiatives positives prises par les entreprises.
C’est ainsi que le Pacte vivra …
N’hésitez donc pas à me faire part de vos expériences et des actions que nous pourrions mener ensemble dans cet esprit dans vos entreprises.

En réalité, les thématiques que vous traitez aujourd’hui sont totalement dans cet esprit.
L’engagement de l’entreprise en faveur de l’emploi des jeunes et en faveur de la formation tout au long de la vie n’est pas un engagement à la légère, ni un engagement cosmétique, marketing.
C’est un engagement qui bénéficie aux salariés concernés mais aussi à la compétitivité de l’entreprise.
C’est la responsabilité de l’entreprise.
Le gouvernement a sonné la mobilisation générale pour l’emploi des jeunes.
Nous utilisons au maximum les leviers mis en place – je pense aux emplois d’avenir, aux contrats de génération, à la politique de l’emploi en général.
Des résultats sont là.
En un an, d’avril 2013 à avril 2014, le nombre de demandeurs de moins de 25 ans a diminué de 3,8%, dans un contexte qui reste difficile.
Maintenant, c’est le relais des entreprises qui va faire la différence. A vous de jouer, de prendre vos responsabilités comme le Gouvernement a pris les siennes.

Dans le même temps, les jeunes doivent être mieux préparés à leur insertion professionnelle dès l’école ou l’université, grâce à l’acquisition des compétences nécessaires dans leur formation.
Nous y travaillons et ce sera notamment l’objet d’une table ronde de la Grande Conférence Sociale : « assurer le passage de l’école à l’insertion professionnelle des jeunes », co-animée par Benoît Hamon et Najat Vallaud-Belkacem.
Nous souhaitons également, et nous en discuterons lors de la table ronde que j’animerai sur l’emploi, relancer l’apprentissage et plus généralement l’alternance et mieux articuler l’ensemble des dispositifs en faveur de l’emploi des jeunes.
Il nous faut travailler sur l’insertion professionnelle, de manière quantitative mais aussi qualitative. Pour 80% des jeunes actifs, l’entrée dans l’emploi se fait toujours en contrat à durée déterminée, quand il ne s’agit pas de stages à répétition.

Cette question des stages s’est imposée dans le débat public ces dernières années, pour mieux professionnaliser les parcours de formation initiale.
La proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires, qui devrait être adoptée définitivement dans quelques jours prévoit de renforcer la dimension pédagogique des stages et doit permettre de lutter contre les abus qui pénalisent les jeunes.
Il s’agit d’un texte de progrès pour les stagiaires, qu’ils soient lycéens ou étudiants, mais aussi d’un message de confiance et de responsabilité entre les acteurs, les entreprises et les organismes d’accueil, les établissements de formation et les jeunes, au service d’une priorité : l’insertion professionnelle durable des jeunes.

Mais entrer dans l’emploi ne suffit pas, il faut pouvoir progresser.

C’est tout le sens de la réforme de la formation professionnelle et notamment de son innovation majeure : le compte personnel de formation porté par la loi du 5 mars 2014.
Majeure, parce que les droits à la formation suivront désormais le salarié tout au long de sa vie ;
majeure parce que le compte simplifie l’accès à la formation et encourage la prise d’initiative ;
majeure parce qu’il ouvre un nouvel espace de dialogue entre le salarié et son employeur – c’est-à-dire vous.
C’est cela, l’esprit de la réforme.
La fin de l’obligation légale et fiscale, le « 0,9 », c’est redonner souplesse et moyens de dialogue pour concevoir la formation comme un investissement collectif et construire une stratégie partagée qui puisse bénéficier tant à l’entreprise qu’à chacun de ses salariés.

Je sais que beaucoup d’entre vous sont en attente des décrets d’application de la loi.
Les plus attendus d’entre eux devraient être publiés au début de l’été.
Mais il faut d’ores et déjà vous mobiliser.
Le compte personnel de formation sera opérationnel au 1er janvier 2015.
Les salariés, certes, n’auront pas encore accumulé leurs premières heures de droits au titre du compte personnel, mais ils pourront utiliser leur reliquat de DIF (droit individuel à la formation) dans le nouveau cadre du compte.

Pour les directions des ressources humaines le défi sera de construire des projets de formation dotés d’une ambition qualifiante qui puissent être partagés entre l’employeur et le salarié au service conjoint de la compétitivité de l’entreprise et de la progression professionnelle de la personne.

Le déploiement du compte personnel de formation sera l’occasion aussi de déterminer les catégories de salariés qui, au sein de l’entreprise, ont le plus besoin de formation (seniors, peu qualifiés etc.) pour éventuellement mobiliser en leur faveur des abondements aux droits acquis au titre du compte personnel, via d’autres dispositifs à la main de l’employeur : plan de formation, période de professionnalisation.
_ L’ambition, c’est que les DRH deviennent les ingénieurs de l’accès à la qualification !
Je vous invite à prendre pleinement ce rôle.

Vous avez donc des marges de manœuvre pour construire cette formation tout au long de la vie. Et nous en avons aussi collectivement – partenaires sociaux, Etat, Régions – pour que la formation ne concerne pas seulement les salariés en emploi, mais aussi les demandeurs d’emploi, les salariés précaires ou ceux concernés par les mutations économiques – c’est-à-dire ceux qui ont le plus besoin de la formation.

Le thème choisi pour vos assisses, est la preuve, s’il en était besoin, de votre engagement citoyen.
Vos propositions font vivre le débat et je ne doute pas que nous soyons collectivement au rendez-vous de ces réformes et à la hauteur de nos responsabilités.

Je vous remercie