La grève

Cesser le travail pour défendre des revendications professionnelles est un droit reconnu à tout salarié. Tant qu’il est exercé dans des conditions normales (sans violence, séquestration, dégradations de matériel, entrave à la liberté du travail des autres salariés…), le droit de grève ne peut justifier ni sanction, ni licenciement, ni aucune autre mesure discriminatoire. En revanche, il est susceptible d’entraîner une perte de salaire.

À savoir !
L’employeur ne peut faire appel à des intérimaires ou des salariés en contrat à durée déterminée pour remplacer des grévistes. À noter par ailleurs que la « grève patronale » (le « lock-out ») est interdite, sauf circonstances très particulières : raisons impérieuses de sécurité, force majeure…

Les conflits collectifs (Web série droit du travail)

Les périodes de conflits sociaux sont bien évidemment des temps de tension dans l’entreprise.

L’image de la construction des acquis sociaux par le conflit est encore très présente en France, et les mouvements sociaux de 1936 sont par exemple mis en avant comme preuve de la pertinence de ce type de mobilisation.

Il est ainsi communément admis que ces mobilisations de 1936 ont permis notamment d’obtenir les deux premières semaines de congés payés.

Il est donc nécessaire de connaître les règles régissant l’exercice du droit de grève et celles qui président à la résolution de ces conflits en entreprise.

Tous les salariés peuvent-ils faire grève ? Quelles sont les règles en
la matière et quelles conséquences pour les salariés dans l’entreprise ?

C’est ce que nous allons voir.

Bonjour, c’est Honorine et aujourd’hui, je vais vous présenter
les conflits collectifs de travail, un épisode d’une série consacrée au droit du travail.

Le nombre de journées individuelles non travaillées pour faits de grève a tendance à baisser de manière assez constante depuis une vingtaine d’années, selon la DARES.

Toutefois, soit pour des raisons propres à la vie de l’entreprise, soit pour des revendications de portée nationale, le recours à la grève reste une option utilisée par les salariés et les organisations syndicales.

Pour étudier cette thématique, il convient donc dans un premier temps de s’intéresser aux caractéristiques qui rendent une grève légale et aux conséquences potentielles d’un mouvement de grève illégale.

Puis nous verrons quelles sont les possibilités légales de poursuite d’activité pendant un conflit collectif.

Enfin, je vous présenterai les différents modes de résolution des conflits qui sont ouverts par les dispositions du Code du travail.

Le Code du travail ne contient pas de définition de la grève. Il envisage uniquement par les dispositions combinées des articles L. 2511-1 et L. 1132-2 les conséquences qui sont attachées à l’exercice normal du droit de grève.

Tous les salariés du secteur privé peuvent donc faire grève et il n’est pas nécessaire d’être syndiqué pour participer à un mouvement de grève.

Ces dispositions rappellent l’interdiction de rupture du contrat de travail pour exercice du droit de grève et l’interdiction de toute mesure discriminatoire dont pourraient faire l’objet les salariés grévistes.

La seule conséquence légale de l’exercice de son droit de grève par un salarié est donc la retenue de salaire, qui correspond au temps
non travaillé pour fait de grève.

En l’absence de définition légale ou réglementaire, c’est donc la jurisprudence judiciaire qui est venue définir les contours de la notion de grève.

Selon la jurisprudence constante de la Cour de cassation, trois conditions
doivent être réunies pour que la licéité de la grève soit reconnue.

Il doit tout d’abord s’agir d’une cessation d’activité.
C’est-à-dire que les salariés ne doivent plus exécuter leurs tâches. Ainsi, si les salariés ralentissent la cadence de travail ou commettent volontairement des malfaçons, le caractère de grève licite ne peut être reconnu.

Par contre, et sauf abus de droit, le fait de procéder à des grèves successives de courte durée n’est pas contraire à la loi.

Seule la cessation totale du travail est appréciée par le juge du fond.

Ensuite, cette cessation du travail doit être collective.

Il n’est pas exigé que tous les salariés d’une entreprise cessent le travail, mais il est nécessaire que plus d’un seul salarié cesse le travail.

Il est toutefois légalement possible qu’un seul salarié fasse grève dans une entreprise, mais uniquement lorsque celui-ci répond à un mot d’ordre national, par exemple, ou lorsqu’il est le seul salarié de son entreprise.

Enfin, cette cessation totale et collective du travail doit être réalisée en vue de soutenir des revendications professionnelles.

Il est nécessaire que l’employeur ait été informé de ces revendications, peu importe qu’il les ait refusées. Ces revendications sont nécessairement professionnelles et la jurisprudence considère que des revendications salariales liées au droit des organisations syndicales pour défendre l’emploi ou encore les conditions de travail sont des revendications qui rentrent dans cette acceptation.

À l’inverse, les grèves dites de solidarité, qui sont celles, par exemple, menées pour protester contre le licenciement d’un salarié, ne sont licites que si les grévistes sont concernés par la mesure de licenciement envisagée.

À défaut, la jurisprudence considère que les intérêts collectifs des salariés ne sont pas menacés. Sous cette triple condition, le mouvement de grève est donc licite et il n’est pas nécessaire, sauf secteur public ou secteur professionnel particulier, pour lequel des dispositions spécifiques sont en vigueur, qu’un préavis de grève soit déposé.

Lorsque le mouvement de grève est licite, les dispositions des articles
L. 2511-1 et L. 1132-2 du Code du travail s’appliquent.

Le salarié gréviste, sauf hypothèse de faute lourde, ne peut donc pas faire l’objet d’une rupture de son contrat de travail et l’employeur ne peut prendre à son encontre aucune mesure discriminatoire, comme la suppression d’une prime en raison de la participation à une grève ou la non attribution d’une prime décernée uniquement aux non-grévistes, par exemple.

À l’inverse, lorsque le mouvement de grève est illicite, ces protections qui sont accordées aux grévistes par le Code du travail ne sont pas effectives et le salarié est alors soumis au droit commun disciplinaire.

Nous l’avons vu, la grève suppose une cessation collective de travail, mais ne nécessite pas que tous les salariés arrêtent leur activité.

En conséquence, la poursuite de l’activité de l’entreprise pendant la période de conflit collectif doit être étudiée.

Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler que l’occupation des locaux de travail n’est pas en soi illégale.

Ce n’est qu’en cas d’atteinte manifeste au droit de propriété, en cas de risque pour la sécurité des biens ou des personnes, ou lorsque la liberté du travail est mise en cause, que l’employeur peut saisir le juge des référés pour faire expulser les grévistes qui occuperaient son entreprise.

Le « piquet de grève » n’est pas plus illicite dès lors qu’il n’empêche pas l’accès à l’entreprise des salariés qui souhaitent travailler ou qu’il n’entraîne pas une désorganisation importante de l’entreprise.

De son côté, l’employeur peut prendre un certain nombre de mesures organisationnelles pour permettre la poursuite d’activité de son entreprise.

Si le remplacement des salariés grévistes par des non grévistes est tout à fait possible, les dispositions des articles
L. 1242-6 et L. 1251-10 du Code du travail interdisent de recourir à des salariés embauchés en CDD ou intérimaires pour remplacer les grévistes.

La jurisprudence constante de la Cour de cassation qualifie la pratique de « lock-out » , c’est-à-dire la fermeture temporaire de l’entreprise en raison d’un conflit collectif, comme une atteinte au droit de grève, mais également comme une pratique fautive privant les salariés qui souhaitent travailler de leur salaire.

Le juge judiciaire est donc particulièrement vigilant en la matière et n’admet le « lock-out » que dans trois hypothèses.

Tout d’abord, le « lock-out » est admis lorsqu’est constitué un cas de force majeure. Il est ainsi dans le cas d’une grève externe à l’entreprise, par exemple, un fournisseur unique qui va empêcher l’entreprise de pouvoir fonctionner.

Ensuite, le juge admet cette pratique de fermeture lorsque survient une situation contraignante empêchant l’employeur de fournir du travail aux salariés non grévistes, par exemple, lorsqu’un service situé en début de chaîne de production est en grève et bloque totalement la possibilité de poursuivre les autres actions sur la chaîne de production.

Pour que cette situation soit admise, il faudra tout de même que l’employeur justifie ne pas avoir pu donner d’autres tâches aux salariés qui vont subir le « lock-out » .

Enfin, lorsque les impératifs de sécurité le rendent nécessaire, l’employeur est autorisé à recourir la fermeture de son entreprise.

Typiquement, il s’agit des situations dans lesquelles la poursuite de l’activité de l’entreprise sans les salariés grévistes n’est pas possible sans générer des risques pour la santé et la sécurité des salariés restants.

Il en va de même dans des hypothèses plus marginales, lorsque le comportement violent des salariés grévistes peut entraîner une mise en danger ou des blessures aux salariés non grévistes.

Les conflits collectifs entraînent donc de facto des conséquences importantes sur les salariés grévistes et non grévistes et sur la continuation de l’activité des entreprises.

C’est pourquoi le législateur favorise la négociation collective avant conflit en étendant depuis 2014 les possibilités de négociation en entreprise.

La résolution des conflits étant un enjeu social et économique important, je vous propose un zoom sur la mission de conciliation des inspecteurs du travail.

La mission de conciliation des conflits collectifs par les inspecteurs du travail prévue par les dispositions des articles R. 2522-1 et R. 8112-2 du Code du travail.

Cette mission est reconnue par les partenaires sociaux et le Conseil économique et social dans un avis du 11 février 98 en pointe la pertinence, en même temps qu’il s’interroge sur l’utilité de maintenir les autres procédures de règlement des conflits collectifs.

Cette mission est ancienne et elle fait partie des pratiques du corps de l’inspection du travail bien avant qu’il n’ait été codifié, puisqu’une circulaire du 3 septembre 1906 incitait déjà les inspecteurs du travail à prévenir les difficultés d’application des lois sociales en expliquant et en convainquant les employeurs et les salariés.

Des travaux d’histoire du droit menés par le Comité d’histoire de l’inspection du travail ont permis de retracer le rôle des inspecteurs du travail lors des conflits de 1936 et des conflits sociaux postérieurs à la Seconde Guerre mondiale, par exemple.

Le législateur viendra consacrer la pratique des inspecteurs du travail par une loi du 11 février 1950 qui sera modifiée par celle du 13 novembre 1982 et enfin codifiée en 2008 dans le Code du travail.

Les dispositions réglementaires de l’article R. 2522-1 du Code du travail consacrent la médiation informelle des inspecteurs du travail en prévoyant que l’agent de contrôle informé d’un conflit collectif intervient en vue de rechercher une solution amiable.

Celles de l’article R. 8112-2 du même code viennent préciser que l’inspecteur du travail assure un rôle de conseil et de conciliation en vue de la prévention et du règlement des conflits.

Les inspecteurs du travail peuvent donc être sollicités par les parties en conflit pour conduire une médiation de manière naturelle.

En pratique, après s’être assurés du consentement des parties au conflit, les inspecteurs du travail vont recenser toutes les revendications et la médiation aura pour objectif premier de renouer les fils du dialogue entre les parties et d’avancer sur les différentes revendications.

Lors de cette médiation, l’inspecteur du travail n’est pas un arbitre, il est le garant de la qualité de la discussion entre les parties.

Il organise les débats, il consigne les avancées et les points d’achoppement.

Il s’assure notamment que les parties engagées dans la négociation peuvent librement exposer leurs points de vue.

Le cas échéant, il peut accompagner les parties dans la rédaction du protocole de fin de conflit ou d’un accord collectif, sans intervenir sur la pertinence de son contenu.

C’est une mission passionnante où le sentiment de rendre le service public est particulièrement intense.

Le Code du travail prévoit trois procédures de résolution des conflits en plus de la mission confiée au corps de l’inspection du travail.

Tout d’abord, les dispositions de l’article L. 2522-1 du Code du travail prévoient que tous les conflits collectifs peuvent être soumis
à des procédures de conciliation.

En pratique, deux procédures sont possibles. La première est conventionnelle, les parties au conflit décident par accord de soumettre leur litige à un conciliateur qu’elles choisissent ou la conciliation est légale et les parties ne choisissent pas leur conciliateur et portent leur différend devant une commission régionale ou nationale de conciliation.

Dans ces deux cas, le différend est soumis au conciliateur. Elles se présentent devant lui pour expliquer leurs positions et échanger sur des propositions d’avancées. À l’issue de la procédure, c’est le conciliateur ou le président de la commission de conciliation qui rédige un procès verbal d’accord, de désaccord partiel ou de désaccord total.

Ensuite, le Code du travail prévoit la procédure de médiation aux articles L. 2523-1 et suivants.

Le médiateur est choisi par les parties ou désigné par l’autorité administrative sur une liste préalable.

Le médiateur entend les parties, mesure la portée du litige et établit une recommandation de résolution du conflit.

Il transmet sa recommandation aux parties qui ont alors un délai de huit jours pour rejeter la proposition.

À défaut de rejet dans ce délai, les parties sont liées par la recommandation du médiateur et sont tenues de l’appliquer car elle produit les mêmes effets qu’un accord collectif.

Enfin, les parties peuvent choisir de recourir à la procédure d’arbitrage prévue par les dispositions des articles L. 2524-1 et suivants du Code du travail. L’arbitre est choisi d’un commun accord entre les parties, mais ne peut intervenir que sur les éléments de conflit qui subsistent après une procédure de médiation ou de conciliation après s’être fait communiquer les éléments nécessaires à sa mission, l’arbitre rend une sentence arbitrale.

Cette sentence qui s’impose aux parties ne peut faire l’objet que d’un recours en excès de pouvoir ou en violation de la loi devant la Cour supérieure d’arbitrage.

La sentence arbitrale emporte les mêmes effets qu’un accord collectif. Nous arrivons au terme de cette vidéo et il y a donc quatre points à retenir.

Premièrement, du caractère licite ou non d’une grève, vont découler des conséquences en termes de sanctions.

Puis, durant la grève, l’employeur est en droit de prendre certaines mesures pour permettre la continuation de l’activité de l’entreprise, mais elles sont encadrées par la jurisprudence.

Ensuite, plusieurs procédures de résolution des conflits sont ouvertes par le Code du travail, allant d’une solution négociée à une solution imposée au conflit.

Enfin, les inspecteurs du travail peuvent conduire des missions de conciliation lors de tout conflit collectif dont ils ont connaissance.

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A très bientôt pour un nouvel épisode consacré au droit du travail.

Qu’est ce qu’une grève ?

La grève est la cessation collective et concertée du travail en vue d’appuyer des revendications professionnelles. L’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié ; tout licenciement prononcé en absence de faute lourde est nul de plein droit.

La grève suppose un arrêt de travail des salariés ; dès lors, travailler au ralenti ou dans des conditions volontairement défectueuses, sans interruption véritable d’activité (« grève perlée ») ne constitue pas une grève véritable et peut être considéré comme une faute susceptible d’entraîner des sanctions disciplinaires.

  • L’exercice du droit de grève dans les services publics fait l’objet des dispositions spécifiques prévues par les articles L. 2512-1 à L. 2512-5 du code du travail.
  • Bien qu’elles n’aient pas le statut de salarié, les personnes handicapées accueillies dans un établissement ou un service d’accompagnement par le travail ont le droit de grève dans le cadre de leurs activités à caractère professionnel. Les dispositions du code du travail relatives à l’exercice de ce droit et aux procédures de règlement des conflits collectifs leur sont applicables.
    Cette disposition, issue de la loi du 18 décembre 2023 citée en référence, entre en vigueur à compter du 1er janvier 2024.
Des revendications professionnelles

La grève a pour objectif de défendre des revendications professionnelles portant par exemple, sur la rémunération (augmentation de salaire, rétablissement d’une prime,…), les conditions de travail (conditions de chauffage des locaux, moyens de transport), l’horaire ou la durée du travail, la situation de l’emploi (licenciements économiques…), stratégie de l’entreprise (nouvelle politique commerciale…).

La protestation contre des décisions purement politiques (actes du gouvernement, de l’administration) n’est pas un motif légitime de grève. Les salariés qui cesseraient le travail dans ces conditions s’exposeraient à des sanctions. En revanche, caractérise l’exercice du droit de grève une cessation concertée et collective du travail en vue de soutenir un mot d’ordre national qui constitue une revendication à caractère professionnel (en ce sens, voir par exemple l’arrêt de la Cour de cassation du 15 février 2006).

Les revendications doivent être connues de l’employeur (elles peuvent lui être transmises par les grévistes ou un syndicat, voire même par l’inspection du travail) avant le déclenchement du mouvement ou, au plus tard, au moment de l’arrêt de travail. En revanche, une tentative de conciliation n’est pas obligatoire, mais les parties en présence peuvent en prendre l’initiative dans les conditions prévues par le code du travail ou par une procédure conventionnelle de conciliation établie par convention ou accord collectif de travail.

La grève sera considérée comme illicite si l’employeur n’a connaissance des motifs de l’arrêt de travail qu’après le déclenchement du mouvement. Dans ce cas, les salariés qui y participent ne peuvent se prévaloir de la protection attachée au droit de grève (voir, par exemple, l’arrêt de la Cour de cassation du 30 juin 2015).

Un mouvement collectif

La grève doit être suivie par au moins deux salariés. La cessation du travail peut être limitée à une fraction du personnel (un atelier, une catégorie de personnel,…) même minoritaire. Mais l’arrêt de travail d’un seul salarié n’est pas une grève, sauf si son action répond à un mot d’ordre national ou s’il est le seul salarié de l’entreprise.

Quelles sont les conséquences pour le salarié gréviste ?

Le salarié gréviste, dont le contrat de travail est suspendu, subit une diminution de sa rémunération exactement proportionnelle à la durée de la grève. Toutefois, la grève peut entraîner la réduction importante voire la suppression des primes liées à une condition de présence du salarié (prime d’assiduité, de rendement) : ceci est licite à la condition que toutes les absences, hormis celles qui sont légalement assimilées à un temps de travail effectif, entraînent les mêmes conséquences sur son attribution.

  • Un accord (ou " protocole ") de fin de grève peut prévoir le paiement de tout ou partie du salaire des grévistes.
  • Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire mentionnée à l’article L. 1132-1 du code du travail en raison de l’exercice normal du droit de grève.