Le stress, les risques psychosociaux : Pourquoi s’en préoccuper ?
Le stress, tout le monde connaît. On en parle aujourd’hui comme d’une réalité de nos sociétés contemporaines. Chacun le gère comme il peut. Mais l’entreprise dans tout cela ? Quelle est sa responsabilité ? Quelle entreprise est concernée ? L’expérience montre que les risques psychosociaux (RPS) peuvent concerner toutes les entreprises quels que soient leur taille et leur secteur d’activité.
La médiatisation du stress au travail peut donner une impression d’exagération du phénomène. Les partenaires sociaux, les pouvoirs publics se sont fortement mobilisés sur une approche préventive du stress, tout en soulignant l’importance de défendre une vision positive et valorisante du travail. Personne ne peut nier le lien entre la satisfaction du travail bien fait et sa contribution aux résultats de l’entreprise. Le travail doit donc être organisé en prenant en considération les attentes de l’ensemble des parties qui composent l’entreprise.
La relation de proximité avec les salariés place le dirigeant de petite entreprise dans la meilleure position possible pour améliorer le fonctionnement de l’entreprise et préserver la santé des travailleurs. La possibilité de prendre des mesures rapides, souvent de bon sens, sont pour lui un atout.
De fausses idées, trop simplistes et réductrices sur le stress et les risques psychosociaux au travail sont souvent véhiculées. Parlons en !
« Un peu de stress ne fait pas de mal ! »
Il ne faut pas confondre le « stress » avec la motivation ou l’implication.

Selon des idées répandues, le bon stress permettrait aux salariés de donner le meilleur d’eux-mêmes, tandis que le mauvais stress rendrait malade. Il n’y a pourtant scientifiquement ni bon, ni mauvais stress, mais un phénomène d’adaptation du corps rendu nécessaire par l’environnement. Il faut en revanche différencier « stress aigu », et « stress chronique » qui ont des effets distincts sur la santé.
Quand la pression est ponctuelle et qu’elle est acceptée par la personne, ses conséquences peuvent être supportables dans certaines limites. Certains salariés ou chefs d’entreprise ressentent même le besoin de travailler en situation de pression pour se motiver, être plus créatif, plus efficace… De cette façon, ils parviennent à répondre à une demande urgente et ils en tirent alors une certaine satisfaction.
En revanche, quand la pression est subie par la personne et surtout quand elle dure (stress chronique), elle finit toujours par avoir un coût pour l’organisme. Dans ce type de situation, la personne tente et continue de faire face à des exigences professionnelles qui dépassent ses ressources. Son organisme, constamment sollicité, s’épuise.
« Les RPS seraient d’abord un problème de fragilité individuelle. »
Toutes les personnes, quelle que soit leur personnalité ou leur histoire, peuvent être exposés aux RPS et en souffrir. Ce sont bien souvent des salariés expérimentés, des cadres impliqués qui exprimeront les premiers un mal être dans une organisation trop perturbée. Dans beaucoup de cas, les RPS se manifestent de manière collective et touchent des secteurs de l’entreprise, des catégories professionnelles qui ont des valeurs et des caractéristiques communes de travail. C’est dans cette voie qu’il convient de rechercher les causes des RPS et les pistes de solutions. Ce qui n’empêche pas de prendre en considération les situations individuelles de personnes particulièrement en difficulté en complément d’une action collective de prévention.
« Les RPS viennent de la société ; l’entreprise ne peut rien y faire ! »
Pourtant, le stress au travail n’est pas un « mal nécessaire ». Les expériences montrent que la prévention du stress, avant que des problèmes de santé n’apparaissent, permet d’améliorer les conditions de travail des salariés, d’identifier les dysfonctionnements qui gênent la production, d’optimiser la qualité de la production… Les acteurs de l’entreprise ont donc intérêt à diminuer le niveau de stress dans leur entreprise et à agir sur les causes, le plus en amont possible.
« Le stress, ça fait partie du métier ! »

Il est possible d’agir sur certaines contraintes de travail. On ne pourra jamais faire disparaître les contraintes inhérentes à certains métiers (comme, par exemple, la contrainte de la responsabilité d’autrui pour les contrôleurs aériens ou celle de l’exposition à la souffrance d’autrui pour les soignants). En revanche, on pourra agir sur les contraintes plus spécifiques de l’organisation du travail.
« Le stress, ça n’existe pas dans les petites entreprises ! »
Bien entendu, le stress existe aussi dans les petites entreprises même si certaines conditions semblent protectrices comme la proximité entre les salariés et avec l’encadrement qui facilite la sollicitation des collègues et les arrangements pour faire face à des contraintes personnelles.
Mais l’expérience montre que des situations très dégradées peuvent aussi exister. Les petites entreprises, dépendant de grands groupes, ou appartenant à un marché qui ne cesse d’évoluer, connaissent des transformations majeures qui impactent l’organisation du travail : intensification, complexification des tâches, contraintes de procédures, précarité de l’emploi, etc. L’incertitude sur l’avenir, l’absence de communication, peuvent perturber le salarié qui ne trouvera pas de réponses à ses questions et qui n’osera pas exprimer ses inquiétudes en l’absence de représentants du personnel. Il y a peu d’alternative en cas de tensions dans une petite unité de travail ce qui contribue à radicaliser les situations.
« Prévenir les RPS, ça coûte cher. »
Des études, tant en France qu’au niveau international, ont démontré que ne pas prévenir le stress coûte cher à l’entreprise et à la société.
La plupart des solutions sont à rechercher dans l’organisation et le management de l’entreprise. Le seul coût est le temps pris pour comprendre, écouter et dialoguer sur ce que sont les facteurs de RPS, ce qui pose problème dans l’organisation du travail. Ce temps pris pour améliorer les conditions de travail, et la manière dont les salariés les vivent, favorisera leur implication, renforcera la cohésion des équipes et améliorera la performance de l’entreprise.
Stress, RPS : que recouvre chacun de ces termes ?
Le stress est un terme très couramment employé. Selon le cas, il peut décrire des causes : “toutes ces procédures qui s’ajoutent sont vraiment une source de stress” ou des effets : “ je n’arriverais jamais à tenir les délais, ça me stresse !”
A l’origine, le “stress” décrit un mécanisme d’adaptation biologique décrit par Hans Selye en 1936. Les partenaires sociaux européens et français ont retenu ce terme en reprenant la définition de l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail de Bilbao : « Un état de stress survient lorsqu’il y a déséquilibre entre la perception des contraintes qu’une personne a de son environnement et la perception qu’elle a de ses propres ressources pour y faire face. Bien que le processus d’évaluation des contraintes et des ressources soit d’ordre psychologique, les effets du stress ne sont pas , eux, uniquement de même nature. Ils affectent également la santé physique, le bien-être et la productivité ».
Mais le stress n’est qu’une manifestation des RPS !

Les risques psychosociaux (RPS) : « Les RPS sont définis comme un risque pour la santé mentale, physique et sociale, dont les déterminants sont à rechercher à la fois dans les conditions d’emploi, les facteurs liés à l’organisation du travail et aux relations de travail et qui peuvent interagir avec le fonctionnement mental des individus ».
Ils sont à l’interface de l’individu et de sa situation de travail d’où le terme « psycho-social ». Sous l’entité RPS , on englobe le stress mais aussi les violences internes (harcèlement moral, harcèlement sexuel) et les violences externes (exercées à l’encontre des salariés par des personnes extérieures à l’entreprise).
Le terme de risques psychosociaux est celui que nous adopterons pour la suite de nos présentations.
La responsabilité de l’employeur est d’agir sur « ce sur quoi il a prise » et donc sur les causes des risques psychosociaux dans son entreprise, liées à la fois l’organisation du travail et aux relations interindividuelles. Les facteurs à l’origine des RPS sont aujourd’hui connus, explorés et mis en évidence par des travaux convergents. C’est sur ces fondements qu’ont été élaborés les outils proposés dans cette rubrique.
Finalement, comment évaluer le niveau de RPS dans mon entreprise ?
Il n’existe pas de thermomètre unique et définitif ! C’est le rassemblement d’informations et d’indicateurs, leur partage entre les différents acteurs de l’entreprise, et les échanges qu’ils susciteront, qui permettront de juger de la situation et des actions à mener.
C’est l’objet de cette rubrique qui propose aux chefs d’entreprise de moins de 50 salariés (ne disposant pas d’un CHSCT) une méthodologie d’évaluation et d’action pour prévenir les RPS en association avec les salariés.
Si toutes les entreprises doivent se préoccuper des RPS, chacune doit agir en fonction de sa propre situation.
Kit stress de l’Aract Haute Normandie
Illustrations François Supiot/www.supiot-da.com
Le cadre légal en huit questions
1. Existe-t-il des textes particuliers sur les risques psychosociaux dans la législation française ?
– La prévention des risques psychosociaux (RPS) s’inscrit dans l’obligation générale de prévention des risques professionnels
Depuis la loi du 31 décembre 1991 [1], en tant qu’employeur vous avez l’obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs. En France, la jurisprudence considère qu’il s’agit d’une obligation de sécurité de résultats et pas uniquement de moyens.
Le décret du 5 novembre 2001 a rendu obligatoire la transcription de l’inventaire des risques au niveau de chaque unité de travail dans un document unique.
La loi de modernisation sociale du 17 janvier 2002 a complété la législation existante sur deux points qui contribuent à rendre plus précise l’obligation de prendre en compte les risques psychosociaux, au même titre que tous les autres risques professionnels.
-
- D’une part, elle précise la responsabilité de l’employeur dans la prévention de la santé physique et mentale des salariés de l’entreprise (article L. 4121-1 à 5 du code du travail) ;
- D’autre part, elle introduit dans le code du travail de nouveaux articles qui définissent et sanctionnent le harcèlement moral (articles L. 1152-1 à L. 1152-6 CT).
Les harcèlements moral et sexuel (redéfini dans la loi n° 2012-954 du 6 août 2012) sont une forme de violence pour les travailleurs qui les subissent. Ils font partie des risques psychosociaux spécifiquement identifiés dans la législation qui met à la charge de l’employeur une obligation de prévention des agissements de harcèlement moral (article L. 1152-4 CT) et des agissements de harcèlement sexuel (article L. 1153-5 CT).
Deux accords nationaux interprofessionnels donnent des définitions et des repères pour prévenir les risques psychosociaux.
Ces accords ont été signés à l’unanimité des organisations patronales et syndicales :
-
- L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail du 2 juillet 2008
- L’accord national interprofessionnel sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010.
A noter aussi l’accord national sur les conditions de travail en agriculture du 23 décembre 2008.
Ces accords s’imposent à toutes les entreprises [2], quelles que soient leur taille et leur branche d’activité.
2. Que dois-je retenir de cette obligation de prévention de la santé physique et mentale en ce qui concerne les risques psychosociaux ?
L’article L. 4121-2 du code du travail énonce 9 principes généraux de prévention qui constituent un cadre sur lequel vous devez vous appuyer pour mettre en place une démarche de prévention adaptée aux situations qui peuvent se présenter dans votre entreprise.
Les 9 principes généraux de prévention sont cités ci-dessous et font l’objet d’un commentaire accompagné d’exemples.
« L’employeur met en œuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques
Lorsque vous entendez prendre une décision qui va modifier de façon significative le contenu ou l’organisation du travail vous devez réfléchir aux risques professionnels qu’elle peut entraîner y compris les risques psychosociaux.
Exemple : L ’ARS demande à une maison de retraite de se médicaliser pour pouvoir maintenir des résidents devenus dépendants. Après avoir examiné ce qu’impliquerait le maintien de cette population, il s’avère que la maison de retraite a besoin de faire évoluer son organisation, de se doter des moyens matériels et des compétences humaines nécessaires à une bonne prise en charge des résidents. La maison de retraite transmet un nouveau projet d’établissement à l’ARS faisant état de la nouvelle organisation et des besoins supplémentaires (aménagement de locaux, formation du personnel, etc.) liés à l’évolution de son activité. A défaut de subvention, elle devra renoncer à ce projet.
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
A la différence des risques physiques, les risques psychosociaux sont potentiellement présents dans tous les contextes de travail parce qu’ils sont inhérents à l’existence d’une interface entre un salarié, son travail, et l’environnement organisationnel et humain dans lequel il l’exerce.
A contrario, si les conditions de travail sont bonnes, les salariés trouvent dans leur travail une source de satisfaction. Ce sont les caractéristiques de l’organisation du travail qu’il va falloir identifier et évaluer pour préserver ces bonnes conditions de travail et ainsi éviter les RPS.
Exemple : Si les commandes de dernières minutes sont fréquentes, définir avec le chef d’équipe les moyens humains et matériels qui vont permettre d’y faire face, pour éviter le stress que cette situation provoque quand elle n’est pas anticipée.
Exemple : dans le secteur des soins, il importe de maîtriser au mieux les situations de surmenage parfois inévitables mais qui peuvent générer de l’incivilité voire de la maltraitance. Pour cela, il faut remonter en amont aux causes qui occasionnent cette surcharge notamment : la gestion des absences et des aléas, les modes de soutien collectif, la communication au sein des équipes, etc.
3° Combattre les risques à la source ;
Identifier la source des risques psychosociaux, c’est rechercher leur causes, leurs facteurs, pour voir si certains ne peuvent pas être supprimés ou à défaut réduits.
Exemple : l’insatisfaction du client peut résulter d’un temps d’attente trop long, de la mauvaise qualité d’un produit ou de compétences insuffisantes, et être source de tensions, voire de violences verbales. En rechercher la cause c’est comprendre si les conditions d’accueil sont adaptées, si les effectifs peuvent être ajustés sur certaines plages horaires, si le produit lui-même peut être amélioré, les clients mieux informés, ou encore les salariés formés.
4° Adapter le travail à l’Homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
Ce principe, tiré de l’ergonomie, renverse l’idée selon laquelle il faut demander aux salariés de s’ajuster aux nouvelles contraintes du travail. C’est au contraire au travail de fournir un cadre compatible avec leurs capacités en prenant en compte leurs caractéristiques individuelles.
Exemple : la direction d’une entreprise de collecte de déchets, alertée par une augmentation de l’absentéisme et les signalements du médecin du travail sur la pénibilité de certains postes, décide de faire un diagnostic avec la participation des salariés. Celui-ci permet non seulement de faire évoluer les facteurs environnementaux dans leur ensemble, d’améliorer les conditions de travail sur des volets biomécaniques, ventilation, éclairage, mais aussi de résoudre des problèmes de communication interne en tenant compte de souhaits et de propositions exprimés à cette occasion par les salariés.
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
Les progrès techniques améliorent sans cesse les équipements de travail et par conséquent les conditions de réalisation du travail : que ce soit la conception des sièges, les écrans, les matériaux d’insonorisation ou d’isolation, etc. Tout ce qui touche au confort de travail contribue au mieux être des salariés et peut améliorer, par voie de conséquence, sa productivité.
Exemple : dans le secteur agricole, les caméras embarquées dans les tracteurs permettent au conducteur de contrôler sa trajectoire sans avoir à se retourner et d’améliorer la sécurité et la qualité du travail.
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
Certains travaux sont par nature dangereux : nettoyage de cuves en milieu confiné, élagage, intervention en hauteur, mais aussi les activités dans lesquelles l’argent doit être manipulé : postes de caisse en supérette, transport de fonds qui exposent à un risque d’attaque à main armée, etc. Ces travaux et postes de travail requièrent des compétences particulières mais aussi des aptitudes pour faire face aux risques d’accident pourtant connus et liés à la nature même de ces travaux. Toutes les actions visant à sécuriser la technique d’intervention, renforcer les protections collectives et individuelles, améliorer la compétence des salariés ou l’environnement humain (limitation du travail isolé) contribuent à rendre le travail moins dangereux, et ce faisant à réduire l’exposition aux RPS.
Exemple : la CRAM Ile de France a réuni sur un « mémo prev » les mesures permettant de prévenir les risques de braquage dans les commerces de proximité. Une des pistes techniques consiste à installer un automate de gestion sécurisé des billets ou des pièces. L’automate communique avec le logiciel de caisse et prend en charge le rendu de la monnaie qui de ce fait n’est plus accessible depuis la caisse. Il supprime du même coup le stress lié à la possibilité d’erreur lors du rendu de la monnaie et lors du comptage du fond de caisse.
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ;
Ce 7éme principe en recouvre deux :
1. L’obligation de planifier la prévention : définir des priorités à court et moyen terme sans pour autant nécessairement passer par des critères de quantification du risque. La planification des actions du programme de prévention doit être discutée avec les représentants du personnel, ou les salariés qui auront participé à l’évaluation des risques afin de définir des niveaux de gravité qui aideront à planifier la mise en œuvre des actions.
Exemple : les changements fréquents de planning dans une superette pour faire face à l’absentéisme, et ajuster les besoins en personnel, sont identifiés comme un facteur de RPS en raison de délais de prévenance insuffisants qui impactent fortement la vie personnelle. Les conséquences de cette situation pourront être analysées par exemple au regard de l’impact sur la santé des personnes, sur le collectif des travailleurs et sur le résultat du travail en retenant trois seuils : faible, sérieux, grave. Dès lors que le seuil « grave » est atteint pour l’un des trois critères, les actions retenues seront mise en œuvre prioritairement.
2. L’obligation de mettre en œuvre des actions de prévention sur trois volets : technique, organisationnel et humain en prenant en compte les risques liés au harcèlement moral. Cette classification permet de guider la réflexion et peut être appliquée à chacun des facteurs de risques identifiés.
Exemple : les outils informatiques sont souvent présentés comme source de RPS. Les réponses doivent interroger les dysfonctionnements de l’outil lui-même (volet technique), mais aussi le bien fondé de certaines requêtes ou les délais implicites de réponse que chacun s’impose sans repère objectif (volet organisationnel) ou le manque de formation ou appui de proximité (volet humain). Les réponses devront donc explorer ces trois domaines.
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
La protection collective des conditions de travail est un préalable à la mise en place de protections individuelles qui doivent être réservées au risque résiduel. Rappeler ce principe permet d’argumenter sur l’insuffisance d’un plan d’actions visant essentiellement à renforcer la résistance des individus au stress et à orienter les salariés en difficulté vers des consultations individuelles. Les mesures qui visent à agir sur les comportements font exclusivement appel aux ressources psychologiques des individus ; or, non seulement ces ressources sont épuisables, mais surtout elles font porter sur le seul individu la responsabilité de gérer des conditions de travail dégradées sans rechercher quelles en sont les causes. En cela elles ne respectent pas le principe énoncé ci-dessus.
Exemple : les objectifs fixés à 3 commerciaux sur une base qui n’a pas été rediscutée depuis l’arrivée d’un nouvel agent contribuent à les mettre en concurrence. Ces objectifs engendrent des tensions entre les commerciaux qui se répercutent sur le service administratif. Une réponse possible est de définir collectivement les critères d’une répartition équitable, la mise en place de moyens partagés et propres à chacun puis, si besoin, les appuis individuels complémentaires souhaités.
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs. »
Au terme de la démarche d’identification et d ‘évaluation des risques psychosociaux, des actions de différente nature seront engagées.
Pour qu’elles aient un effet favorable sur l’ensemble des conditions de travail, l’employeur doit s’assurer que les décisions prises donnent lieu si cela est nécessaire à des instructions auprès des salariés sous une forme qu’il définit afin que chacun soit informé des ressources mises en place pour par exemple faire face aux situations difficiles qui pourraient se présenter.
Il convient de veiller à ce que les documents soient écrits et illustrés de manière à être compris par tous les travailleurs.
Exemple : élaboration d’une procédure sur la conduite à tenir en cas de violence exercée par une personne extérieure à l’entreprise ; ou mise en place d’une procédure d’alerte sur une situation de harcèlement moral.
3. Que doit contenir le document unique d’évaluation des risques ? (DUER)
Le DUER est un document écrit sur lequel vous devez :
a/ rendre compte du résultat de l’évaluation des facteurs de risque par unité de travail, qu’il s’agisse d’une unité géographique ou d’un métier, ou toute autre approche pertinente au regard des caractéristiques de l’activité de l’entreprise.
Les facteurs de risques permettent d’explorer dans un échange avec les travailleurs les caractéristiques de l’organisation de leur travail. Ils abordent en particulier des points traitant :
-
- Les conditions et environnement physique de travail
- L’intensité du travail et le temps de travail
- Les relations sociales de travail
- Le sens du travail qui est demandé
- Les exigences émotionnelles
- Le manque d’autonomie
- Les changements dans le travail
b/ identifier les situations concrètes de travail (en lien avec ces facteurs de risque) et analyser leurs causes et leurs conséquences pour remédier et prévenir l’apparition de ces situations
Exemple :
– Situation concrète : utiliser sa messagerie électronique professionnelle en dehors des heures définies par le contrat de travail
– Conséquences : intrusion de la vie professionnelle dans la vie privée
– Causes : absence de règles d’utilisation de la messagerie, charge de travail mal répartie ou mal anticipée
c/ définir le niveau d’intensité du risque, en évaluant la gravité des conséquences, pour planifier les actions de prévention et mettre en place les plus urgentes à court ou moyen terme.
Exemple (appliqué à l’utilisation de la messagerie électronique en dehors des heures définies par le contrat de travail) :
– Conséquences pour le salarié : tensions familiales aboutissant à un mal être qui finit par se ressentir dans la relation à l’équipe.
– Conséquences pour le collectif de travail : les salariés s’observent sur l’utilisation que chacun fait de la messagerie et une concurrence insidieuse s’installe entre eux.
– Conséquences sur le travail : l’absence de coopération nuit à l’esprit d’équipe nécessaire aux initiatives et à la créativité.
d/ décrire les actions de prévention déjà en place, celles à maintenir ou à améliorer et les actions nouvelles que l’employeur entend mettre en place : « A la suite de l’évaluation, l’employeur met en œuvre les actions de prévention ainsi que les méthodes de travail et de production garantissant un meilleur niveau de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs. Il intègre ces actions et ces méthodes dans l’ensemble des activités de l’établissement et à tous les niveaux de l’encadrement » (R. 4121-1 du code du travail).
Le DUER doit être mis à jour une fois par an (R. 4121-2 du code du travail) et à un rythme moins fréquent pour les entreprises de moins de 11 salariés « sous réserve que soit garanti un niveau équivalent de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs » . Le rythme de la mise à jour doit être défini par décret en Conseil d’Etat (L. 4121-3 modifié du code du travail ).
La mise à jour est l’occasion d’évaluer l’efficacité des actions mises en place, de les ajuster, de les compléter.
Le DUER est également mis à jour en cas de décision d’aménagement important modifiant les conditions de santé sécurité ou les conditions de travail.
Il est tenu à la disposition des travailleurs, des délégués du personnel, du médecin du travail, des agents de l’inspection du travail, des CARSAT (R. 4121-4 du code du travail)
4. Si j’ai délégués du personnel, quel est leur rôle ?
Les délégués du personnel (DP) ont une mission générale de représentation des salariés sur l’ensemble des dispositions du code du travail, dont la santé et la sécurité sécurité (L. 2313-1 du code du travail) et peuvent évoquer lors des réunions mensuelles les situations qu’ils entendent soumettre au chef d’entreprise.
Ils exercent les missions des membres de CHSCT dans les entreprises de moins de 50 salariés en utilisant les heures de délégation prévues par la loi (L. 4611-3 du code du travail) et bénéficiant d’une formation de 3 jours pour leur permettre d’exercer cette mission (L. 4614-14 al.2 du code du travail).
Ils peuvent également saisir l’employeur d’une situation d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles dans l’entreprise (L. 2313-2 CT).
La consultation du registre des DP peut permettre de recenser les problèmes rencontrés par les salariés durant les derniers mois, problèmes qui pourront être abordés dans le cadre de l’évaluation des RPS, ne serait-ce que pour faire un point sur la pertinence des réponses déjà apportées.
Le lien de proximité que les DP ont avec les salariés leur permet d’avoir une connaissance fine des conditions réelles de travail et font d’eux des interlocuteurs privilégiés dès l’engagement d’une démarche d’évaluation des RPS.
Dans le secteur de la production agricole, en l’absence de DP, la CPHSCT ( commission paritaire d’hygiène de sécurité et des conditions de travail) de mon département peut être sollicitée.
5. Et si je n’ai pas de délégués du personnel, quelle est mon obligation ?
L’évaluation et la prévention des RPS nécessite par leur nature même une participation directe des travailleurs. En l’absence d’élus du personnel, soit parce que le seuil règlementaire imposant à l’employeur d’organiser une élection n’est pas atteint (11 salariés), soit parce qu’il y a carence de candidats, il faut organiser cette participation des travailleurs.
De par leur expérience, ils sont ceux qui connaissent le mieux leur travail et les conditions dans lesquelles ils l’exercent, les risques qu’il engendre mais aussi les ressources qu’ils mettent en œuvre pour arriver à un résultat de qualité.
L’accord national interprofessionnel sur le stress au travail précise dans son point 5 sur la « responsabilité des employeurs et des travailleurs » : « les mesures sont mises en œuvre, sous la responsabilité de l’employeur, avec la participation et la collaboration des travailleurs et/ou de leurs représentants. »
Une évaluation des RPS qui aurait été conduite sans la participation des délégués du personnel ou, en leur absence, sans travailleurs volontaires, ne répondrait pas à l’obligation légale de l’employeur.
6. Quelles sont les responsabilités des travailleurs ?
Chaque travailleur doit prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celle des autres personnes qui pourraient être concernées par ses actes mais aussi par ses omissions.
Chaque travailleur doit tenir compte des instructions qui lui sont données par l’employeur et qui figurent au règlement intérieur lorsque celui-ci existe (il est obligatoire dans les entreprises occupant 20 salariés et plus).
Cette responsabilité des travailleurs s’analyse en lien avec l’obligation de sécurité de résultat de l’employeur. Il appartient à l’employeur en premier lieu d’organiser le travail de telle façon que les travailleurs puissent agir conformément aux instructions qu’il leur donne.
Exemple : à l’issue de l’évaluation des RPS, et après réorganisation de la charge de travail l’employeur demande à ses salariés de ne plus envoyer de courriel après 19h et pendant le week-end. Chaque salarié est donc tenu de s’y conformer.
7. Quel est le rôle du médecin du travail ?
Les missions des services de santé au travail sont assurées par une équipe pluridisciplinaire animée et coordonnée par les médecins du travail et comportant des intervenants en prévention des risques professionnels (IPRP ergonomes, psychologues, toxicologues…) et des infirmiers. L’équipe peut être complétée par des assistants de services de santé au travail.
Le médecin du travail a un rôle exclusivement préventif. Ses missions sont d’éviter toute altération de la santé des travailleurs du fait de leur travail. Il est le conseiller de l’employeur, des travailleurs, des représentants du personnel notamment sur l’adaptation des postes, des techniques et des rythmes de travail à la santé physique et mentale, notamment en vue de préserver le maintien dans l’emploi des salariés.
Afin d’exercer ses missions le médecin du travail conduit des actions sur le milieu de travail, avec les autres membres de l’équipe pluridisciplinaire et procède à des examens médicaux.
Sur le champ des RPS, le médecin du travail peut :
-
- conseiller sur la mise en place de l’évaluation des risques, notamment avec l’appui d’IPRP (intervenants en prévention des risques professionnels) et d’assistants en service de santé au travail
- alerter l’employeur sur une situation dégradée qui présente un risque collectif pour la santé des salariés ou sur des indicateurs cliniques de détérioration de la santé. Cette alerte peut être faite par écrit « lorsque le médecin constate la présence d’un risque pour la santé des travailleurs ». Dans ce cas « il propose par un écrit motivé et circonstancié des mesures visant à la préserver. L’employeur prend en considération ces propositions et en cas de refus, fait connaitre par écrit les motifs qui s’opposent à ce qu’il y soit donné suite » (L.4623-3 CT)
- répondre à une demande de l’employeur sur le sujet de la prévention des RPS.
- alimenter la fiche d’entreprise sur laquelle figurent les risques professionnels.
Il est dans tous les cas recommandé à l’employeur de prendre l’initiative d’informer le médecin du travail de l’engagement d’une démarche d’évaluation des RPS afin que celui-ci définisse la contribution qu’il souhaite proposer.
Rappelons aussi que le DUER est tenu à la disposition du médecin du travail.
8. Quels sont les risques juridiques encourus si je n’ai pas fait cette évaluation des risques psychosociaux ?
1. Le fait de ne pas avoir procédé à l’évaluation des RPS et de ne pas l’avoir transcrite dans le document unique d’évaluation des risques, ou de ne pas avoir mis à jour ce document, constitue une infraction punie d’une amende contraventionnelle. (R. 4741-1 CT)
2. En cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle, le salarié ou ses ayants droit peuvent mettre en avant l’existence d’une faute inexcusable de la part de l’employeur. Le demandeur doit faire la démonstration de deux conditions cumulatives :
-
- La conscience du danger qu’avait ou qu’aurait dû avoir l’employeur du risque auquel il exposait le travailleur. La conscience du danger s’analyse notamment à partir de l’établissement ou non du document unique d’évaluation des risques et de son contenu (art. R. 4121-1 et suivants CT)
- L’absence ou l’insuffisance de mesures de prévention à l’égard du salarié. Il s’agit là d’étudier le comportement de la personne responsable juridiquement face au danger et notamment de rechercher s’il était tenu de prendre certaines mesures au regard de la réglementation ou du contrat de travail, de vérifier ce qu’il a fait.
Cet environnement juridique, outre les conséquences humaines résultant d’une atteinte à la santé physique et / ou mentale des travailleurs, représente un risque financier pour l’entreprise, qui doit inciter l’employeur à mettre en place une démarche préventive. Le document unique en assure la traçabilité.
L’enjeu humain et l’enjeu financier marchent de pair : une prise en compte des RPS contribue au bien être des travailleurs et l’entreprise en est nécessairement bénéficiaire. C’est ce double objectif qu’il faut prendre en considération.