1. Par quoi commencer ?

1.1. Par vous impliquer personnellement
Votre rôle d’impulsion en tant que chef d’entreprise est déterminant. Votre implication montre que les conditions de travail constituent un objectif de l’entreprise au même titre que les autres. Vous ne devez pas « sous traiter » cette action, que ce soit en interne ou en externe, mais vous pouvez déléguer sa mise en œuvre. En tant que responsable de la prévention des risques professionnels, vous « portez » la démarche d’évaluation.
1.2. Communiquer sur ce que vous allez faire auprès des salariés
Les salariés doivent être convaincus de votre volonté de vous engager. Vous leur expliquez la façon dont vous allez procéder, et notamment votre rôle et celui de la personne à laquelle vous déléguez la mise en œuvre de certaines étapes clefs de la démarche.
1.3. Organiser la participation des salariés
La première étape pour vous est de constituer un petit groupe de travail. Sa mission est d’apporter sa connaissance des situations de travail. Chacun apporte des informations et son regard sur ses relations avec les autres, sur les conditions et l’organisation du travail.
La constitution du groupe se fait en concertation avec les élus du personnel s’ils existent dans votre entreprise.
Le groupe de travail peut intégrer :
-
- Vous ou votre représentant ;
- Une personne en charge du personnel ;
- Un / des élus du personnel ;
- Et / ou des salariés, sur la base du volontariat.
Pour les très petites entreprises l’ensemble des salariés peut constituer le groupe.
Le médecin du travail est informé et invité à participer selon ses possibilités à la démarche en tant que conseiller de l’employeur et des salariés.
Le groupe apporte une contribution à l’évaluation des risques, il ne se substitue pas à la responsabilité de l’employeur.
2. Comment faire ?
2.1. "Faire le point"

Commencez par fournir au groupe de travail les informations qui existent déjà dans votre entreprise et que vous jugez pertinentes au regard de la question des risques psychosociaux.
A titre d’exemple voici quelques données qui peuvent être répertoriées :
- Les arrêts de travail : accidents du travail, maladies professionnelles, absences
- Données transmises par le médecin du travail (fiche d’entreprise, courriers d’alerte)
- Questions posées par les élus du personnel (registre des délégués du personnel)
- Lettre d’observation, mise en demeure du service d’inspection du travail
- Lettre des services de la CARSAT-CRAM-CGSS ou de la MSA
- Alertes internes
- Document unique d’évaluation des risques existant
Au regard de ces indicateurs que le groupe a pu enrichir de ses propres observations, il est maintenant à même de faire le point.
Il s’agit de voir si, dans les situations de travail, les salariés sont confrontés à des facteurs de risques psychosociaux. Pour vous aider, vous pourrez utiliser, au sein du groupe de travail, l’outil de dialogue « Faire le point » mis à votre disposition. Cet outil a deux objectifs :
- Etablir un état des lieux sur les facteurs de risques psychosociaux présents ou non dans l’entreprise ;
- Présenter des exemples d’actions dont le groupe pourra s’inspirer pour proposer un plan de prévention des RPS.
Utiliser l’outil faire le point
Vous disposez maintenant des résultats de l’outil « Faire le point ». Ils vous ont permis de cerner les principaux facteurs de RPS de votre entreprise. Ils ont pu par exemple mettre en évidence :
-
- une charge de travail excessive ou mal répartie ;
- un climat de tension entre les salariés, leur hiérarchie ou avec le public ;
- une communication insuffisante à différents niveaux de l’entreprise ;
- une incertitude pesante sur l’évolution de l’activité et son impact sur les emplois, etc.
Ces facteurs de risques peuvent contribuer à l’absentéisme, à une difficulté de fidélisation sur certains postes ou au mécontentement des clients. En fin de compte, ils peuvent affecter la santé des salariés, les relations collectives de travail et plus globalement les résultats de l’entreprise.
Il vous faut agir !
Deux options sont possibles :
1- Il y a consensus sur l’évaluation et les solutions qui peuvent y être apportées : le groupe pourra alors faire des propositions concrètes qui vous permettront d’élaborer un plan d’actions de prévention.
Aller directement au chapitre n°.. « Comment agir ? »])
2- Il n’y a pas consensus sur l’évaluation, des situations de travail spécifiques révèlent des problèmes difficiles à traiter. Au final, le groupe n’est pas encore en mesure d’élaborer le plan d’actions de prévention.
Il s’agit alors d’identifier une situation de travail qui pose problème.
2.2. Approfondir avec l’outil « Analyse des situations-problème »

Pour comprendre pourquoi une situation pose problème, il faut partir concrètement du travail que réalisent les salariés. Eux seuls peuvent l’exprimer : parler de leur travail, de ce qui va ou au contraire ne va pas. C’est ce principe qui est au cœur de la démarche proposée ici : repérer une situation-problème, en rechercher les causes et les conséquences en vue d’identifier les réponses possibles.
Chaque situation de travail révèle l’organisation de l’entreprise. Ainsi un problème repéré peut se révéler récurent et témoigner d’un dysfonctionnement plus général propre à un service voire à toute l’entreprise.
Pour comprendre pourquoi une situation pose problème, il faut partir concrètement du travail que réalisent les salariés. Eux seuls peuvent l’exprimer : parler de leur travail, de ce qui va ou au contraire ne va pas. C’est ce principe qui est au cœur de la démarche proposée ici : repérer une situation-problème, en rechercher les causes et les conséquences en vue d’identifier les réponses possibles.
L’approfondissement va se faire par l’analyse des situations-problème. L’outil proposé se compose de 4 grilles correspondant aux 4 temps décrits dans le schéma suivant :
Vous pouvez télécharger l’ensemble de ces grilles présentées dans un format vierge via le lien ci-dessous :
Télécharger les grilles d’approfondissement
Temps 1 - Repérer une situation-problème (cas particulier)
Pour cerner précisément une situation qui pose problème, le groupe de travail peut aller observer le travail sur le terrain et questionner des salariés à l’aide de la grille de repérage proposée.
Pour vous accompagner dans cette démarche d’approfondissement, celle-ci est entièrement déroulée autour d’un exemple issu d’une PME qui est inscrit en bleu.
[(
Les mots en gras permettront de faire le lien avec l’organisation du travail (en se posant des questions plus globales autour des causes et conséquences, caractère répétitif de la situation, plusieurs salariés touchés, etc.)
Grille de repérage
Situation-problème | Ce qu’il faut identifier dans les réponses données |
---|---|
Dans quelle(s) situation(s) précise(s) de travail, avez-vous ressenti (ou vos collègues) « beaucoup » de stress, de tensions… ? | Rechercher ce qui peut être source de stress Identifier une situation tendue ou de dysfonctionnements dans le travail : un temps, un lieu, des acteurs, une action La semaine dernière (un temps) dans une unité de production « X » (un lieu) il y a eu une altercation avec un collègue (des acteurs) pour un travail non fait en l’absence d’un opérateur. Mais personne ne m’avait dit de le remplacer et de faire ça aussi (une action). |
Que s’est-il passé ? Ce genre de situation arrive-t-elle souvent ? Touche-t-elle d’autres salariés ? | Décrire précisément la situation de travail pour éclaircir les tenants et les aboutissants du problème Différencier ce qui est répétitif de ce qui est exceptionnel Le technicien est venu me voir et m’a dit qu’il y avait eu un bourrage sur la machine d’à côté. Furieux, il m’en rend responsable alors que ce n’est pas la machine sur laquelle je travaille. Ce n’est pas la première fois que ça arrive et ça arrive même aux autres. Le technicien se mêle de tout sans même en référer au chef d’équipe. |
Quelles en ont été les conséquences ? Pour vous ? Dans le travail ? Sur les collègues ? |
Identifier les différentes conséquences et les différents acteurs concernés par la situation Il y a eu beaucoup de rebuts et on a dû arrêter la chaine de production. Le chef d’équipe était furieux que tout s’arrête et c’est le technicien qui a tout remonté à la direction. |
Quelles en sont les causes selon vous ? Pourquoi est-ce arrivé ? | Identifier les causes perçues par la personne interrogée Différencier les facteurs techniques, organisationnels ou humain Le chef d’équipe n’est pas à l’aise sur les critères de réglage qualité du produit et le technicien donne des ordres à sa place sans l’informer. |
Comment s’est elle finie ? Des ressources ont-elle été identifiées ? | Identifier les appuis et ressources potentiels qui ont permis de clôturer ou non cette situation. J’ai été convoqué par la direction. Depuis, je ne parle plus au technicien. |
Commentaires / libres | La libre expression permet d’enrichir le recueil d’informations sur le sens du travail. Pourquoi le salarié procède-t-il comme ça ? Quel est le sens de l’activité qu’il exerce ? Qu’est-ce qui n’a plus de sens pour lui ? Qu’est ce qui fait qu’une journée se passe bien ? De toute façon, ici on ne se parle pas. Personne ne sait qui fait quoi. Tout le monde donne des ordres à n’importe qui. Et on ne sait même plus à quoi sert le chef d’équipe. |
Temps 2 - Analyser une situation-problème
Inscrivez la situation-problème que vous venez d’identifier à l’intérieur de la grille proposée ci-dessous. En utilisant cette grille, vous vous efforcerez de rechercher et de comprendre les causes et les conséquences de la situation-problème. Ce travail d’analyse est ici mené sur l’exemple qui nous sert de fil rouge.
Vous pouvez commencer par identifier les conséquences. Ce sont elles qui déterminent tout l’enjeu de l’analyse.
Dans l’exemple, l’absence de coopération (cause) entre le technicien et l’opérateur provoque de nombreux rebus sur la ligne (conséquences). Elle accroit la colère du chef d’équipe car ce n’est que la partie visible de plusieurs dysfonctionnements liés à l’organisation du travail. En effet une des causes repérées est que le technicien qualité a pris l’habitude de donner des consignes sans en référer au chef d’équipe parce que celui-ci n’est pas suffisamment formé sur les aspects qualité d’un produit. Le groupe de travail a pu, à partir d’une situation-problème vécue, mettre des mots sur ses causes et ses conséquences sur le travail, le collectif de travail et la santé des individus. Ces échanges alimenteront la grille d’ « analyse du lien avec l’organisation du travail ».
A partir du cas particulier qui a été analysé il s’agit de l’élargir à un contexte plus global pour en repérer les causes dans l’organisation du travail.
Temps 3 - Comprendre le lien avec l’organisation du travail
En analysant les causes d’une situation-problème, le groupe constate qu’elle dépend de la façon dont le travail est organisé (organisation physique, moyens matériels et humains mis à disposition, charge et temps de travail, disponibilité de l’encadrement, etc.). Il identifie les facteurs de RPS, mais aussi les ressources à développer, qui serviront à l’élaboration du plan d’actions de prévention.
Dans l’exemple, le groupe fait le parallèle entre la situation-problème analysée et d’autres situations similaires qui révèlent un problème plus global (rencontré dans d’autres services, par d’autres personnes et de manière fréquente).
Les échanges autour de situations similaires ont mis en évidence que les dysfonctionnements et les tensions étaient davantage liés à l’ « absence de formalisation écrite des rôles et missions de chacun » mais aussi à l’ « insuffisance de compétences techniques sur la qualité du produit fini ».
Une fois ces facteurs de RPS analysés à l’aide du tableau ci-dessus, il s’agit maintenant d’évaluer le niveau de gravité des conséquences pour programmer les actions à conduire.
Temps 4 - Evaluer le niveau de gravité
Lorsque vous évaluez vos risques professionnels, la hiérarchisation des actions de prévention s’appuie le plus souvent sur le niveau de gravité du dommage éventuel. Pour répondre à la spécificité des RPS, l’évaluation se fera sur le niveau de gravité le plus élevé des trois critères suivants : l’atteinte à la santé des individus, l’impact sur le collectif, l’impact sur le travail.
L’atteinte à la santé de l’individu est le stade le plus critique : c’est celui qui interpelle le plus. Il ne faut pas attendre d’en arriver là et l’anticiper en prenant en compte l’impact sur le travail et sur le collectif de travail : ils sont généralement les signes avant coureurs qui précèdent l’atteinte à la santé physique et mentale.
Dans l’exemple, l’absence de compétences techniques sur la qualité du produit fini concerne l’unité de production : ses conséquences sur le travail ont été jugées sérieuses par le groupe. L’absence de repères sur « qui fait quoi » dans l’entreprise entraîne des dysfonctionnements importants et récurrents pour l’ensemble des salariés. Le groupe a alors estimé les conséquences pour le collectif comme suffisamment graves et préjudiciables pour en faire un enjeu prioritaire de prévention.
3. Comment agir ?

Il s’agit maintenant de reprendre les facteurs de risques évalués à l’étape précédente, de définir les actions de prévention adaptées à votre entreprise, de les programmer et les intégrer au DUER.
3.1. Mettre à jour le DUER
Quelle que soit la configuration actuelle de votre Document unique d’évaluation des risques, il est possible d’y adjoindre le résultat de l’évaluation des facteurs de RPS :
-
- Le découpage en unité de travail peut reposer sur une approche géographique mais aussi sur une logique de métier ;
- L’évaluation chiffrée n’a pas de caractère obligatoire mais peut-être menée à partie de l’analyse des conséquences comme proposées ci-dessus (voir grille d’évaluation de l’intensité du risque) ;
- Les modalités de mise en œuvre de la démarche d’évaluation (composition du groupe de travail, implication le cas échéant du médecin du travail ou d’autres acteurs externes, association des salariés, etc.) peuvent être intégrées ou annexées au DUER ;
- Il est vivement recommandé de joindre le plan d’actions de prévention au DUER (comprenant les délais de mise en œuvre de chaque action et les personnes qui en auront la charge) dans la mesure où il traduit l’aboutissement de la démarche ;
- Le DUER doit faire l’objet d’un suivi et d’une mise à jour annuelle ou en cas d’aménagement important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail.
Le cadre du DUER présenté dans cette rubrique ne constitue pas un modèle-type. Il est un exemple de restitution des étapes d’évaluation des RPS et du plan d’actions de prévention. Le DUER identifiera :
Le résultat de l’évaluation des facteurs de risques ;
Les situations de travail s’y rapportant ;
L’impact sur la santé des individus, le collectif de travail, le travail ;
Le niveau d’intensité du risque (faible, sérieux, grave).
3.2. Construire le plan d’actions de prévention
Les pistes d’actions de la synthèse de l’outil "Faire le point" peuvent vous aider.
Les actions retenues vont résulter des échanges au sein du groupe de travail et de l’analyse des facteurs de RPS présents dans votre entreprise. Elles devront dans tous les cas être adaptées au contexte spécifique de votre entreprise.
Exemple 1 « Utilisation détournée du GPS »
Situation de travail : Une entreprise a équipé ses agents de maintenance de systèmes GPS dans un souci de faciliter et d’optimiser les temps de trajets pour réduire les délais d’intervention.. Ce système permet à la direction :
d’identifier à tout moment et à distance le salarié le plus proche d’un client qui signale un problème ;
de suivre les déplacements de l’ensemble des salariés.
Echange en groupe de travail : Au cours des échanges, des salariés ont signalé des usages détournés de ce moyen technique embarqué (GPS). Des salariés se plaignent de subir des reproches non justifiés : « vous avez mis trop de temps » ; « vous vous êtes arrêtés 10 minutes sur le trajet, pourquoi ? ». En effet, l’outil GPS (initialement une ressource pour réduire et faciliter les trajets) devient un moyen de contrôler l’activité sur un seul critère : le temps d’intervention. L’exigence ne porte plus sur la qualité du travail mais la rapidité d’exécution. Les salariés sont mis en concurrence, ce qui entraîne des tensions dans l’équipe. Ils se sentent obligés d’aller vite pour rallier un lieu d’intervention et s’exposent de ce fait à un risque routier.
Après utilisation par le groupe de l’outil « Faire le point », le tableau de résultats a fait ressortir des niveaux d’intensité du risque graves et sérieux sur les thèmes suivants : autonomie / rapports sociaux au travail. Le groupe a ainsi corroboré ces résultats en analysant les tensions qui se sont exprimées suite à la mise en place de systèmes GPS.
Evaluation : Le groupe a mis en évidence plusieurs conséquences : le risque d’accident de la route, les tensions que génère le système GPS au sein de l’équipe de maintenance et l’impact sur le travail dont certains clients se sont plaints.
Les pistes d’action retenues sont :
La mise en place d’une procédure d’usage du GPS ;
Une réunion mensuelle de l’équipe de maintenance pour faire le point sur l’usage du GPS ;
La définition avec le Directeur des critères de qualité d’une intervention intégrant la satisfaction du client.
Exemple 2 « Défaut qualité sur la chaîne de production »
Dans la continuité de l’exemple proposé dans le chapitre « Comment approfondir », le groupe a identifié les causes (absence de définition écrite et connue des rôles et missions de chacun, connaissance insuffisante des critères de qualité du produit fini) et les conséquences des dysfonctionnements en lien avec l’organisation du travail. Il a une meilleure visibilité des problèmes et des solutions possibles et peut formuler des propositions d’actions :
Mettre en place un organigramme pour identifier les responsables ;
Etablir des fiches de poste définissant les rôles et missions de chacun ;
Etablir une procédure de remplacement en cas d’absence sur des postes clés ;
Organiser une régulation entre les techniciens et les chefs d’équipe en cas de dysfonctionnement ;
Former les chefs d’équipe aux critères qualité du produit final en lien avec les techniciens.
Pour le groupe, ces actions permettront de prévenir l’apparition de nouvelles situations-problème La formation sur les critères de qualité des produits finis permettra d’améliorer la qualité de la production.