La responsabilité du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre en matière de lutte contre le travail illégal

En matière de lutte contre le travail illégal, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre français [ou établi à l’étranger] est tenu à des obligations de vigilance et de diligence à l’égard notamment de son cocontractant établi en France ou à l’étranger.

La méconnaissance de ces obligations particulières peut avoir des conséquences importantes :
 

  • Sur le plan civil, par le mécanisme de la solidarité financière en ce qui concerne les dettes sociales et fiscales et la suppression des exonérations de cotisations et contributions sociales ;
  • Sur le plan pénal, notamment par la constitution du délit de recours sciemment, direct ou indirect, aux services de l’auteur d’un travail dissimulé ou d’un emploi d’étranger sans titre ;
  • Sur le plan administratif, notamment par des sanctions administratives (amendes, refus ou remboursement d’aides publiques, fermeture temporaire).

Quelles sont les obligations de vigilance et de diligence du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre en matière de lutte contre le travail illégal ?

Les obligations de vigilance

Les maîtres d’ouvrage ou les donneurs d’ordre sont tenus, vis-à-vis des entreprises avec lesquelles ils ont conclu un contrat pour exécuter une prestation, d’être vigilants quant au respect par celles-ci des interdictions relatives au travail dissimulé et à l’emploi de travailleurs étrangers sans titre de travail ainsi que, le cas échéant, des formalités préalables au détachement de salariés en France par un prestataire de services étranger.

Ces vérifications sont obligatoires pour toute opération d’un montant au moins égal à 5 000 euros hors taxes.

Dès la signature du contrat d’entreprise ou du contrat commercial, puis tous les six mois, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de demander et de se faire remettre par son cocontractant une liste de documents prévue par le code du travail. Les vérifications à effectuer au titre de la lutte contre le travail dissimulé.

Liste des documents exigibles par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre

I) Pour un cocontractant établi en France (article D. 8222-5 du code du travail)

  • 1° Une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale (prévue à l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale), émanant de l’organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions, datant de moins de six mois. Le donneur doit s’assurer de l’authenticité auprès de l’organisme de recouvrement des cotisations de sécurité sociale.
  • 2° Lorsque l’immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu’il s’agit d’une profession réglementée, l’un des documents suivants :
    • a) Un extrait de l’inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;
    • b) Une carte d’identification justifiant de l’inscription au répertoire des métiers ;
    • c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et le numéro d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d’un ordre professionnel, ou la référence de l’agrément délivré par l’autorité compétente ;
    • d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d’un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d’inscription.

II) Pour un cocontractant établi à l’étranger (article D. 8222-7 du code du travail)

1 - Dans tous les cas :
 

  • Un document mentionnant son numéro individuel d’identification attribué en application de l’article 286 ter du code général des impôts. Si le cocontractant n’est pas tenu d’avoir un tel numéro, un document mentionnant son identité et son adresse ou, le cas échéant, les coordonnées de son représentant fiscal ponctuel en France ;
  • Un document attestant de la régularité de la situation sociale du cocontractant au regard du règlement CE n°883/2004 du 29 avril 2004 ou d’une convention internationale de sécurité sociale ;
  • Lorsque la législation du pays de domiciliation le prévoit, un document émanant de l’organisme gérant le régime social obligatoire mentionnant que le cocontractant est à jour de ses déclarations sociales et du paiement des cotisations afférentes, ou un document équivalent ou, à défaut, une attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions de sécurité sociale prévue à l’article L. 243-15 du code de la sécurité sociale. Dans ce dernier cas, le donneur d’ordre doit s’assurer de l’authenticité de cette attestation auprès de l’organisme chargé du recouvrement.

2 - Lorsque l’immatriculation du cocontractant à un registre professionnel est obligatoire dans le pays d’établissement ou de domiciliation :
 

  • Un document émanant des autorités tenant le registre professionnel ou un document équivalent certifiant cette inscription ;
  • Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu’y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l’adresse complète et la nature de l’inscription au registre professionnel ;
  • Pour les entreprises en cours de création, un document datant de moins de six mois émanant de l’autorité habilitée à recevoir l’inscription au registre professionnel et attestant de la demande d’immatriculation audit registre.

Ces documents sont traduits en français.

Les vérifications à effectuer au titre de la lutte contre l’emploi irrégulier d’étranger soumis à l’obligation de détenir un titre de travail.

Document exigible par le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre

I) Pour un cocontractant établi en France (articles D. 8254-2 et D. 8254-5 du code du travail)

La liste nominative des salariés étrangers employés par le cocontractant et soumis à l’obligation de détenir l’autorisation de travail prévue à l’article L. 5221-2 dudit code.

Cette liste, établie à partir du registre unique du personnel, précise pour chaque salarié :

  1. Sa date d’embauche ;
  2. Sa nationalité ;
  3. Le type et le numéro d’ordre du titre valant autorisation de travail.

Pour les entreprises de travail temporaire, la communication de la liste nominative prévue à l’article D. 8254-2 est réputée accomplie lorsque les informations relatives au salarié étranger figurent dans le contrat de mise à disposition conclu avec l’utilisateur.

II) Pour un cocontractant établi à l’étranger (article D. 8254-3 du code du travail)

Lorsque le contrat est conclu avec un prestataire établi à l’étranger détachant des salariés sur le territoire national pour l’exécution de ce contrat, dans les conditions définies à l’article L. 1262-1, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre est tenu de demander et de se faire remettre par son cocontractant une liste nominative des salariés étrangers soumis à autorisation de travail, comprenant les indications prévues à l’article D. 8254-2.

Les obligations de diligence

La loi a instauré différents mécanismes d’alerte des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre pouvant être actionnés, selon les cas, par :
 

  • Un agent de contrôle ;
  • Une organisation professionnelle ;
  • Une organisation syndicale ;
  • Ou une institution représentative du personnel (Comité social et économique, etc.).

Dès lors qu’un signalement formulé par l’une des personnes ou organismes précités, concernant une situation irrégulière au regard des dispositions légales relatives au travail dissimulé ou à l’emploi d’étranger sans titre de travail au sein d’une entreprise sous-traitante parvient au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre, celui-ci est tenu d’enjoindre aussitôt son cocontractant de la faire cesser.

L’engagement de la responsabilité civile, pénale et administrative du maître d’ouvrage ou du donneur d’ordre.

Les sanctions civiles

Le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre qui méconnaît ses obligations de vigilance ou de diligence en matière de travail dissimulé ou d’emploi d’étranger sans titre de travail est tenu solidairement avec son co-contractant au paiement des sommes dues par celui-ci : impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que les majorations et les pénalités de retard ; remboursement des aides publiques ; rémunération, indemnités et charges pour les salariés dissimulés et sans titre de travail.

Par ailleurs, en cas de constat des infractions de travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre ou emploi d’étranger sans titre de travail, le bénéfice de toute mesure de réduction ou d’exonération, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale ou de contributions dues aux organismes de sécurité sociale ou de cotisations ou contributions prise en compte pour le calcul de réduction générale des cotisations patronales, est supprimé.

Les sanctions pénales et administratives

Le code du travail interdit d’avoir recours sciemment, directement ou par personne interposée, aux services de l’auteur d’un travail dissimulé ou d’un emploi irrégulier d’étranger sans titre de travail.

Des sanctions pénales et administratives sont prévues pour sanctionner le délit de recours sciemment direct ou indirect.