Voeux à la presse

Discours de François REBSAMEN

Monsieur le Président de l’Association des Journalistes de l’Information Sociale, cher Manuel Jardinaud,
Mesdames et messieurs les journalistes,

Je veux tout d’abord sacrifier à la tradition – il reste encore deux jours pour le faire – et vous adresser tous mes vœux pour l’année 2015 : des vœux de réussite personnelle et professionnelle, des vœux de bonheurs pour vous et pour vos proches.
Ces vœux s’adressent aussi à votre profession dans son ensemble, à tous les hommes et les femmes qui l’exercent et à tous vos confrères qui, en France ou dans le monde, mettent leur liberté ou leur vie en danger pour pouvoir exercer leur métier d’informer.
Avec le lâche assassinat de vos confrères de Charlie Hebdo, la barbarie a franchi un pas de plus.

Leur mort a endeuillé la nation toute entière mais a été, je le crois, pour vous tous, un véritable traumatisme, car en abattant froidement ces journalistes, c’est le cœur même de votre métier que les terroristes voulaient abattre : la liberté et l’indépendance de la presse.
La tragédie qu’a connu la France en ce début d’année pourrait faire apparaître tous les autres sujets comme dérisoires.
Mais la vie continue, comme l’a dit le Président de la République, et nombre de dossiers que nous traitons ici au Ministère sont à l’inverse du dérisoire. Ils sont bien au contraire essentiels parce qu’ils touchent au quotidien de tous les Français, mais aussi parce qu’ils nourrissent des espoirs, dans un contexte difficile.
Répondre à ces espoirs, c’est mon vœu pour 2015, et ce sera aussi ma feuille de route.

L’année s’ouvre sur une réussite et une déception. C’est, vous en conviendrez tous, un début équilibré.
La déception, c’est celle des négociations entre partenaires sociaux sur le dialogue social.
Je regrette bien évidemment qu’un large accord n’ait pas été trouvé, mais toute négociation ne débouche pas toujours sur un accord.
Dans ce cas, le gouvernement va reprendre l’initiative car je ne me satisferai pas d’un statu quo.
Je rencontre cette semaine et la suivante tous les représentants des organisations syndicales et patronales. Je souhaite tirer avec chacun le bilan de ces négociations et je les réunirai ensuite tous ensemble avant de nous retrouver le 19 février chez le Premier Ministre.
Je veux être clair, il y aura bien une réforme et cette réforme nécessitera une loi.
C’est un sujet difficile (puisque c’est la deuxième fois que la négociation échoue sur ce thème en 5 ans), mais j’ai la conviction que l’on peut améliorer la qualité du dialogue social dans toutes les entreprises, que l’on peut avoir moins de formalisme et plus de discussions stratégiques.
Que ce soit dans l’entreprise ou dans le pays, je reste convaincu que le dialogue social est la meilleure méthode pour réformer, car c’est une méthode qui place le compromis issu de la négociation au cœur de la construction de notre modèle social. Les cinq accords nationaux interprofessionnels signés depuis 2012 sont là pour prouver son succès.

La réussite, c’est celle du Compte personnel de formation, qui, comme vous le savez, est utilisable par tous les salariés en emploi ou à la recherche d’un emploi, depuis le 5 janvier 2015. Plus de 200 000 comptes ont déjà été créés, c’est bien le signe que la réforme de la formation professionnelle répond à de réels besoins :
-Aux besoins des entreprises d’abord, puisque des salariés formés sont un facteur déterminant d’une meilleure compétitivité.
-Aux besoins des salariés ensuite, qui disposent désormais des outils qui leur permettront de choisir et d’infléchir leur avenir professionnel. Ils deviennent les acteurs à part entière de leur parcours professionnel.

Je voudrais insister sur un point : l’une des nombreuses avancées permises par la loi du 5 mars 2014 est d’engager un travail de rationalisation de l’offre de formation éligible au Compte. Toutes les formations doivent être qualifiantes, et elles font l’objet d’un travail de sélection attentif, branche par branche, en collaboration avec les partenaires sociaux. Cela prend du temps et il a pu y avoir des retards, qui seront bien évidemment réparés – vous devinez que je pense à l’anglais.
Un autre point sur lequel je veux vous rassurer : les formations de base n’ont pas été, comme j’ai pu l’entendre, oubliées.
18 000 certifications, soit trois fois plus qu’à son ouverture, sont désormais inscrites au CPF, et d’autres le seront bientôt, car tout est fait pour que ce nouveau dispositif soit opérationnel le plus rapidement possible.
En 2015 nous poursuivrons d’ailleurs la réforme de la Formation professionnelle en abordant le volet qualité des formations.

Je voudrais maintenant évoquer brièvement les principales priorités de mon action pour l’année à venir.

Après l’élaboration d’une loi sur la modernisation du dialogue social, ma priorité immédiate, c’est la partie travail de la loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, qui est examinée, depuis lundi, à l’Assemblée nationale.

• En matière d’exception au repos dominical dans les commerces de détail, la nouvelle loi propose un cadre juridiquement plus sûr et plus simple : là où il n’y aura pas d’accord collectif (de branche, territorial, d’entreprise), il n’y aura pas d’exception au repos dominical. Et là où il y aura des exceptions au repos dominical, il y aura des compensations salariales.
> C’est un pas vers plus d’efficacité mais aussi plus d’équité pour les salariés puisque, jusqu’à présent, ni accord ni compensation n’étaient obligatoires notamment dans les zones touristiques.

• La loi comporte également un volet consacré à la juridiction prud’homale, qui prévoit de remédier à des dysfonctionnements tels que le faible taux de conciliation et des délais de jugement trop long. La loi propose, dans la partie qui concerne plus directement le ministère du Travail, la mise en place d’une formation commune obligatoire des conseillers de Prud’hommes et la création du statut de défenseur syndical.
>Rappelons que 99% des demandes introduites devant les Prud’hommes sont le fait de salariés. Ils ont besoin d’une juridiction qui fonctionne mieux. Cela passe notamment par la formation commune des conseillers, qui s’ajoutera à la formation qu’ils reçoivent déjà par leurs organisations, et qui leur permettra d’acquérir une culture partagée sur les questions procédurales et contentieuses.
> Dotés d’un véritable statut, les défenseurs syndicaux pourront assurer une défense des salariés de plus grande qualité.

• La loi prévoit également de doter notre droit du travail de sanctions crédibles, proportionnées, et donc effectives et efficaces.
> Il faut pour cela réformer l’organisation de l’Inspection du Travail pour un fonctionnement plus collectif et des priorités de contrôle mieux définies ; cela a été fait. Mais il faut aussi renforcer ses pouvoirs, notamment par l’instauration d’une sanction administrative, plus rapide et plus efficace que la voie pénale actuellement existante.
> Il apparaît également nécessaire de supprimer la peine de prison pour entrave au fonctionnement des institutions représentatives du personnel. Disproportionnée, elle n’est quasiment jamais appliquée par les juges. Elle dissuade ainsi les investisseurs étrangers sans remplir sa fonction première. La loi propose de la remplacer par une amende qui soit applicable et réellement dissuasive.

• La sécurisation de certaines dispositions introduites par la loi sur la sécurisation de l’emploi en matière de licenciements économiques est également prévue.

• La loi prévoit enfin le durcissement des amendes en cas de fraude au détachement et l’instauration de la procédure de cessation immédiate d’activité en cas d’infraction grave, pour réagir vite et mettre un coup d’arrêt réel à la fraude.
Pour faciliter les contrôles de l’Inspection du travail, elle propose de généraliser la carte d’identification professionnelle dans le BTP, pour tous les salariés affiliés à une caisse de congés payés, les intérimaires et les salariés détachés par une entreprise établie hors de France présents sur les chantiers.
> Les fraudes au détachement conduisent à un dumping social qui remet en cause notre modèle social. Durcir les sanctions, c’est rétablir l’équité entre les entreprises qui « jouent le jeu » et celles qui recourent à des salariés détachés dans des conditions illégales.

Mon autre priorité, c’est de lutter contre toutes les formes d’exclusion sur le marché du travail et dans l’entreprise.
Il faut faire plus et mieux pour tous ceux que la crise a rendus plus vulnérables et pour tous ceux qui risquent d’être exclus du marché du travail.

- C’est tout l’enjeu du plan de lutte contre le chômage de longue durée, sur lequel les partenaires sociaux, les acteurs de l’emploi et de l’insertion et le ministère travaillent ensemble. Et nous nous réunirons à nouveau le 9 février prochain pour finaliser nos travaux.
L’objectif est de renforcer l’accompagnement, tout en agissant sur les contraintes - le logement, la santé, la garde d’enfant, la formation ou tout simplement le manque d’argent - qui empêchent le retour à l’emploi.

- Les contrats aidés ont eux aussi leur rôle à jouer. C’est pourquoi ils seront utilisés en 2015, dans le cadre d’une politique offensive de lutte contre le chômage mais aussi contre l’exclusion.
Les CAE et les CIE seront prioritairement dirigés vers les chômeurs de longue durée, les seniors et les personnes handicapées. L’effort sera également accentué en direction des publics issus des zones prioritaires de la politique de la ville.
Plus de 187 000 emplois d’avenir ont été prescrits depuis leur création le 1er novembre 2012.et en 2014, 307 000 CAE et 48 747 CIE on été prescrits.
Pour le 1er semestre 2015, 39 000 emplois d’avenir, 130 000 CAE et 40 000 CIE sont programmés.
Comme vous le voyez les politiques de l’emploi sont mobilisées en faveur des plus faibles.

- 2015 sera aussi l’année de la montée en puissance de la Garantie jeunes, étendue à 34 territoires-pilotes en avril-mai, et généralisée à 51 territoires en septembre prochain avec un objectif de 50 000 jeunes. C’est une formidable opportunité de rapprocher les jeunes en situation de grande précarité du marché du travail.

- La situation ne permet pas que nous relâchions l’effort, et le service public de l’emploi doit y prendre toute sa part. C’est pour cela que Pôle emploi, les partenaires sociaux de l’Unedic et l’Etat ont défini ensemble de grandes priorités, inscrites dans la nouvelle convention tripartite signée le 17 décembre dernier :
> doubler le nombre de places en accompagnement renforcé et global pour ceux qui sont le plus éloignés de l’emploi
> dédier des conseillers à la relation avec les entreprises et renforcer leur capacité à poser les bons diagnostics, dès le début de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, en simplifiant les démarches d’inscription,
> enfin, développer l’usage du numérique pour moderniser l’offre de service.
En collaboration avec les partenaires sociaux, nous avons ainsi orienté les efforts de Pôle emploi vers ceux qui en ont le plus besoin.

Le troisième chantier de cette année sera la lutte contre les discriminations, car la lutte contre l’exclusion ne se limite pas au marché du travail : elle doit franchir les portes des entreprises. Il m’apparaît plus que jamais nécessaire de faire évoluer les mentalités, pour que la diversité ne soit plus vécue comme une obligation ou une contrainte mais comme une chance pour les entreprises. Je l’ai dit et je le répète : une entreprise est riche quand elle l’est aussi de parcours, de profils, de manières de penser différentes. C’est pourquoi j’ai mis en place un groupe de travail sur les discriminations, qui rendra prochainement ses conclusions.

Mon quatrième chantier sera l’alternance, car mieux insérer dans l’emploi, c’est aussi poursuivre la relance de l’apprentissage, qui constitue une voie d’accès privilégiée à un emploi durable et de qualité pour la jeunesse de notre pays.
Maintenant que le cadre financier a été stabilisé et que certaines obligations ont été assouplies, l’objectif de 500 000 apprentis ne sera atteint que si les engagements des employeurs, pris par exemple dans le cadre du Pacte de responsabilité, sont suivis par des actes. La mobilisation de tous les acteurs, notamment des employeurs, est indispensable pour développer cette filière comme elle le mérite.

La bataille contre l’exclusion, que nous menons – comme vous le voyez – sur tous les fronts, n’a qu’un seul et même objectif : donner à chacun sa place sur le marché du travail, et faire en sorte que personne ne reste à la marge. Ce sont mes combats, et ils ont récemment révélé toute leur actualité et toute leur urgence.

Je voudrais maintenant dire un mot du Pacte de responsabilité et de solidarité.
J’ai initié un suivi renforcé des négociations en septembre dernier, et depuis, une dynamique s’est engagée. A ce jour, onze branches parmi les cinquante plus grandes branches professionnelles ont déjà signé un accord sur la formation, l’apprentissage et les thèmes identifiés dans le relevé de conclusions du 5 mars 2014. 50% des salariés sont couverts par un accord signé ou ouvert à signature.
Je veillerai à ce que cette dynamique se poursuive en 2015, car les entreprises qui ont bénéficié ou qui bénéficieront des quarante milliards d’euros d’allègement de fiscalité et de charges sociales décidés par le Gouvernement, doivent s’engager toujours plus dans la relance de notre économie et de l’emploi.

Les PME-TPE, représentent un gisement d’emploi considérable, et je présenterai courant 2015 des mesures qui correspondent à leurs attentes et à leurs besoins. Je vous en reparlerai.

Un mot sur la Grande Conférence sociale.
Après 3 éditions successives et je dirais « successfull » le Président de la République a souhaité en modifier le format au profit de plusieurs rencontres thématiques, plus ramassées, réunissant l’ensemble des partenaires sociaux. Nous travaillerons avec eux dans les semaines qui viennent sur la façon de faire évoluer ce rendez-vous annuel.

Pour terminer, je dirai un mot des chiffres du chômage. Ceux qui ont été publiés avant-hier ont soldé l’année 2014, qui n’a pas été bonne. Même si je note qu’en décembre la progression a été inférieure à la moyenne mensuelle des douze derniers mois et que le chômage des moins de 25 ans a diminué.
Je peux vous assurer que l’effort du gouvernement ne faiblira pas. Et je vais répondre par anticipation à l’une des questions que vous ne manquerez pas de me poser : l’année 2015 sera-t-elle l’année de la décrue du chômage ? J’ai confiance. Les politiques offensives qui ont été mises en place vont porter leurs fruits, et certains indicateurs sont au vert : baisse de l’euro, politique de la BCE, plan Junker…

Mais, connaissant votre exigence et votre rigueur dans le suivi des pronostics, je me garderai d’en faire. Sachez cependant que la diminution du chômage est au cœur de mon action, au cœur de mes préoccupations et que c’est le vœu que je fais pour les hommes et les femmes qui recherchent un emploi, pour les Français et pour la France.

Je vous remercie.