Discussion de la PPL tendant à allonger les congés exceptionnels accordés aux salariés lors du décès d’un enfant ou d’un conjoint

Discours de François REBSAMEN

Monsieur le Président,
Monsieur le Rapporteur,
Mesdames et messieurs les sénateurs,

C’est un sujet éminemment sensible qui nous réunit aujourd’hui. Le décès d’un proche est une épreuve, quelles que soient les circonstances ; une épreuve qui nous a tous touchés, directement ou indirectement.

Il appartient à la société toute entière de manifester sa solidarité et son empathie face à la douleur d’une mère, d’un père, ou d’un conjoint.

Cette solidarité doit se traduire par des droits : le droit, notamment, à des congés exceptionnels d’une durée décente.

Aujourd’hui, la durée légale des congés pour décès fixée par le Code du Travail varie en fonction du lien de parenté :
o Deux jours pour le décès d’un enfant
o Deux jours pour le décès d’un conjoint ou du partenaire lié par un pacte civil de solidarité
o Un jour pour le décès d’un père, d’une mère, d’un beau-père ou d’une belle-mère, d’un frère ou d’une sœur.
Dans tous les cas, les congés exceptionnels pour décès, qui sont assimilés à des jours de travail effectifs et qui sont donc à la charge de l’employeur, ne peuvent excéder deux jours.

Deux jours, c’est insuffisant, vous en conviendrez tous.

C’est insuffisant si l’on compare le nombre de jours accordés pour un décès au nombre de jours accordés pour les heureux événements, qui sont bien souvent prévisibles :
o Quatre jours pour un mariage
o Trois jours pour une naissance ou pour l’arrivée d’un enfant adopté,
o Un jour pour le mariage d’un enfant.

Cette différence est difficilement compréhensible et difficilement justifiable et en annulant cette différence, la proposition de loi répond à un impératif de cohérence.

C’est insuffisant aussi, au vu des démarches à accomplir en cas de décès, dans une situation de choc et de détresse. Au-delà de l’organisation des obsèques, les formalités administratives sont nombreuses et complexes. Dans ces circonstances, elles représentent un poids particulier. Il faut aussi faire face aux bouleversements qui touchent toute la cellule familiale, organiser, par exemple, le retour à l’école des frères et des sœurs. Il faut du temps, tout simplement.
En accordant aux salariés plus de temps, la proposition de loi répond donc à un impératif d’humanité et de solidarité.

Pour remédier à cette insuffisance, certaines conventions collectives prévoient des jours de congés exceptionnels supplémentaires. C’est le cas par exemple dans les branches de la métallurgie, du bâtiment ou encore des transports routiers. Des accords conclus dans les entreprises peuvent également le prévoir mais ce n’est qu’une faculté. En fonction de la taille et de la nature de l’entreprise qui les emploie, tous les salariés n’en bénéficient donc pas.
Ils sont alors contraints d’utiliser leur quota de congés annuels pour prolonger cette période autant que nécessaire. Et s’ils ne parviennent pas à un compromis avec leurs employeurs ou leurs collègues, les arrêts de maladies, dont ce n’est pas l’objet, deviennent un recours. De tels expédients ne sont satisfaisants pour personne.
En fixant une durée décente aux congés exceptionnels accordés à tous les salariés, la proposition de loi répond donc à un impératif d’égalité.

Cohérence, solidarité, égalité : autant de valeurs qu’il nous appartient de porter, en partageant le constat de cette insuffisance du droit et en y remédiant. Il n’est bien sûr pas question de quantifier la douleur. C’est impossible. Il s’agit simplement de donner un peu plus de temps à ceux qui sont touchés par le drame que représente la perte d’un enfant ou d’un conjoint.

L’octroi de ces jours de congé supplémentaires n’atténuera en aucune façon la douleur des familles. Ce n’est ni le rôle, ni le pouvoir du législateur. Il permettra cependant d’alléger les contraintes matérielles qui pèsent sur ce moment difficile.

Je me réjouis que le groupe socialiste ait souhaité inscrire ce texte, qui avait été déposé en 2011 par le groupe Socialiste, Républicain et Citoyen de l’Assemblée, alors dans l’opposition, à l’ordre du jour du Sénat.
Les auditions menées par la commission des affaires sociales de l’Assemblée avaient mis en lumière l’unanimité des représentants syndicaux et associatifs sur cette question. La même unanimité avait régné sur les bancs de l’Assemblée lors du vote, le 17 novembre 2011. Le gouvernement de l’époque, qui appartenait à une autre majorité que la mienne, avait donné un avis favorable.
Cette proposition porte donc en elle le sceau du compromis que les parlementaires savent parfois trouver sur certains sujets graves.

Permettez-moi de rendre hommage au travail de Michèle Delaunay, qui était l’auteure et la rapporteure de cette proposition de loi à l’Assemblée nationale, et qui l’a largement nourrie de son expérience de médecin.

Face au drame, il n’y a, je le crois, ni droite, ni gauche, ni centre. Le gouvernement y était favorable en 2011, et, vous l’aurez compris, il l’est encore en 2015.