Sur quoi et avec qui négocier dans votre entreprise ?

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Sur quoi et avec qui négocier dans votre entreprise | Dialogue social

Le dialogue social contribue la performance sociale et économique des
entreprises. Le champ de la négociation au sein de l’entreprise est très large.

La loi prévoit des négociations obligatoires et périodiques sur les
rémunérations, le temps de travail, le partage de la valeur ajoutée, l’égalité
professionnelle entre les femmes et les hommes, la qualité de vie au travail,
la gestion des emplois et des parcours professionnels.

Ce document présente de façon synthétique les thèmes sur lesquels
négocier au sein de l’entreprise et les modalités d’élaboration et d’adoption des accords.

Sur quoi négocier ?

La loi fixe plusieurs thèmes de négociations obligatoires dans les entreprises où un délégué syndical est présent (en général les entreprises d’au moins 50 salariés) mais le champ de la négociation d’entreprise concerne tous les thèmes des relations collectives de travail : salaires, temps de travail, conditions d’emploi et de travail, formation, garanties sociales...

Toutefois, l’accord d’entreprise ne peut pas déroger à certaines dispositions définies par la loi ou par un accord de branche (notamment en matière de salaires minima hiérarchiques, période d’essai, CDD, intérim, contrat de chantier, temps partiel).

La loi incite aussi les partenaires sociaux à préciser ensemble le calendrier et les modalités de ces négociations.

Le comité social et économique (CSE)

Le CSE est la nouvelle instance unique représentative du personnel. Il est obligatoire à partir de 11 salariés. Sa composition et son fonctionnement sont définies par la loi mais certains éléments peuvent faire l’objet d’une négociation. Celui-ci peut porter sur la définition des établissements distincts, les moyens du CSE, la mise en place de représentants de proximité, la définition des collèges électoraux, le vote par voie électronique, la création d’une commission santé sécurité et conditions de travail… 

En savoir plus sur les CSE

L'agenda social 

Une négociation peut être engagée à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale représentative, pour déterminer le calendrier, la périodicité, les thèmes et les modalités de négociation
au sein de l’entreprise.

L’accord conclu devra notamment préciser les thèmes des négociations et leur périodicité, de telle sorte qu’au moins tous les quatre ans soient négociés les rémunérations, l’égalité professionnelle, la gestion des emplois et des parcours professionnels (thèmes obligatoires, voir ci-dessous). Sa durée ne pourra excéder quatre ans.

« Nos salariés ont une grande autonomie d’organisation. L’accord sur le temps de travail qu’ils ont ratifié permet de comptabiliser le temps de travail en forfaits jours, plutôt que sur la base des 35 heures hebdomadaire, comme le prévoit l’accord de branche, et de
comptabiliser les congés sur la base des jours ouvrés et non plus ouvrables. L’accord laisse à chacun la liberté d’organiser son temps de travail. Il a ainsi permis de trouver des solutions « sur-mesure », intéressantes tant pour notre structure, qui y gagne en souplesse, que pour nos collaborateurs, qui disposent de plus de jours de repos », Affif Zaccaria, directeur général de Medimprint, 4 salariés, Isère

La négociation obligatoire sur les rémunérations, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée

La négociation porte sur :

  • les salaires ;
  • la durée et l’organisation du temps de travail, et notamment le temps partiel ;
  • l’intéressement, la participation et l’épargne salariale, à défaut d’accord de branche ;
  • la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de carrière entre les femmes et les hommes.

La négociation est obligatoire. Elle doit avoir lieu selon la périodicité fixée par l’accord sur l’agenda social dans la limité de quatre ans, ou, à défaut d’accord, tous les ans.

La négociation obligatoire sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail

La négociation porte sur : 

  • l’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle ;
  • l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la mixité des
    emplois ;
  • les mesures pour éviter les discriminations ;
  • l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés ;
  • la mise en place d’un régime de prévoyance et d’un régime complémentaires en matière de santé, à défaut de couverture par un accord de branche ou un accord d’entreprise spécifique.
  • le droit à la déconnexion ;
  • l’exercice du droit d’expression directe et collective.

La négociation est obligatoire. Elle doit avoir lieu selon la périodicité fixée par l’accord sur l’agenda social dans la limite de quatre ans, ou, à défaut d’accord, tous les ans.

« J’ai proposé à mes salariés un projet d’accord pour mettre en place des conventions de forfait jours, disposition qui n’était pas prévue au sein de notre convention collective. Cette flexibilité d’organisation s’accorde parfaitement avec la large autonomie de mes salariés, qui ont perçu cette mesure comme une reconnaissance de leur implication dans la société. Le dialogue social a ici permis d’accroître leur motivation, élément crucial pour la réussite d’une jeune société comme la nôtre », Hugues Defréville, président de NewHeat, 8 salariés, Gironde

« Dialogues, qui est composé d’anciens syndicalistes et de professionnels des ressources humaines intervient régulièrement au sein des entreprises pour faciliter le dialogue social, notamment en réalisant un diagnostic partagé entre employeurs et salariés ou en aidant chacun à mieux maîtriser les sujets à traiter, qu’il s’agisse de protection sociale ou d’intéressement etc. L’investissement et l’implication des parties permet d’obtenir des résultats très encourageants. », Philippe Bourgallé, directeur de Dialogues.

La négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels et la mixité des métiers

Fondée sur la stratégie de l'entreprise, cette négociation obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés et les entreprises de dimension européenne comportant une entreprise d'au moins 150 salariés en France porte sur :

  • la mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ;
  • les conditions de la mobilité professionnelle ou géographique interne ;
  • la formation professionnelle ;
  • le recours aux différents contrats de travail, au travail à temps partiel et aux stages ;
  • les conditions dans lesquelles les sous-traitants sont informés des orientations stratégiques de l’entreprise ayant un effet sur leurs métiers ;
  • le déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales.

La négociation peut également porter sur :

  • les modalités de consultation du comité économique et social lorsque
    l’employeur envisage de prononcer le licenciement économique d’au moins dix salariés ;
  • la qualification des emplois menacés par les évolutions économiques ou
    technologiques ;
  • la mise en place de congés de mobilité ;
  • la formation et l’insertion des jeunes dans l’emploi et l’emploi des salariés âgés.

La négociation doit avoir lieu selon la périodicité fixée par l’accord sur l’agenda social, dans la limite de quatre ans, ou, à défaut d’accord tous les trois ans.

La négociation sur la performance collective de l'entreprise

Dans les entreprises de plus de 300 salariés et les entreprises de dimension européenne comportant une entreprise d'au moins 150 salariés en France, cette négociation peut être engagée  pour adapter l’organisation du travail en raison d’un accroissement de l’activité ou de difficultés économiques. La négociation peut porter sur la durée
du travail et son organisation, les rémunérations, la mobilité interne. Si le salarié est d’accord, les causes de l’accord s’appliqueront.

« La majorité de nos salariés travaillent sur quatre jours et nous ne souhaitons pas faire appel à l’intérim pour des raisons géographiques et humaines. Toutefois, depuis quelques années, des salariés souhaitaient pouvoir aller au-delà des 220 heures supplémentaires définies dans le Code du travail et qui constituaient, au vu des compensations, un plafond que l’entreprise ne souhaitait dépasser. 

Une discussion est née alors entre les délégués du personnel, les personnes souhaitant augmenter leur nombre d’heures supplémentaires et l’équipe dirigeante et en 2018, nous avons abouti à un accord d’entreprise définissant le contingent à 320 heures supplémentaires par an. L’un des points de l’accord portait sur le fait que ce contingent majoré ne serait mis en place que sur la base du volontariat, avec l’accord des responsables de services. Aujourd’hui, quatre salariés utilisent cette nouvelle possibilité », Tijlbert Vink, président, L’Herbier du Diois, 54 salariés, Drôme

En cas de rupture conventionnelle collective

Dans les entreprises de plus de 300 salariés et les entreprises de dimension européenne comportant une entreprise d'au moins 150 salariés en France, un accord collectif peut prévoir une
rupture conventionnelle collective conduisant à une rupture du contrat de travail d’un commun accord entre l’employeur et le salarié.

Cet accord doit être validé par la DREETS. Il détermine notamment le nombre maximal de départs envisagés, les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier, les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié ainsi que les mesures visant à faciliter l’accompagnement des salariés. L’accord doit prévoir les conditions d’information du CSE sur le projet envisagé et son suivi.

Ce mode de rupture du contrat de travail ne peut être imposé par l’employeur ou par le salarié.

Avec qui négocier ?

La négociation d’un accord s’effectue entre l’employeur et le ou les délégués syndicaux.

En l’absence de délégué syndical au sein de l’entreprise 

Dans les entreprises de moins de 11 salariés ou de 11 à 20 salariés dépourvues de comité social et économique (CSE)

L’employeur peut proposer aux salariés un projet d’accord.

Pour être valable, le texte devra être approuvé par les deux tiers du personnel consulté par référendum.

Dans les entreprises de 11 à 49 salariés

L’employeur négocie :

  • avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative :
    l’accord devra alors être approuvé par la majorité des salariés par
    référendum,
  • ou avec un membre du CSE mandaté ou non par une organisation syndicale représentative. L’accord devra être ratifié signé par les membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles.

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés

L’employeur négocie : 

  • avec un membre du CSE mandaté par une organisation syndicale représentative : l’accord devra alors être approuvé par la majorité des salariés par référendum ;
  • à défaut avec un membre du CSE non mandaté. L’accord ne peut porter que sur les mesures qui ne peuvent pas être mises en œuvre autrement que par accord collectif (tous les thèmes qui peuvent être mis en œuvre par un plan d’action ou une décision unilatérale en sont donc exclus) . Il devra être signé par les membres du CSE représentant la majorité des suffrages exprimés lors des élections professionnelles ;
  • à défaut avec un salarié mandaté par une organisation syndicale représentative en l’absence de CSE ou de volontaire parmi ses membres. L’accord devra être approuvé à la majorité par référendum

« Nous venons de signer deux accords sur les congés exceptionnels pour parent malade et l’amélioration des conditions de travail pour les femmes enceintes. La négociation d’un accord d’entreprise est l’occasion pour l’employeur de mieux comprendre les préoccupations de ses salariés pour proposer des réponses fines et adaptées et de s’inscrire dans une démarche pédagogique et constructive. De leur côté, les salariés font remonter leurs préoccupations, obtiennent des explications sur les décisions, obtiennent, selon évidemment les possibilités, des améliorations dans leur qualité de vie au travail. Mais, pour mener une négociation « gagnant-gagnant », il est nécessaire que chacun partage une vision commune prenant en compte à la fois l’intérêt des salariés et les contraintes de l’entreprise », Franck Rocher, directeur, le Rêve d’Aurore, 50 salariés, Aube

Comment négocier ?

Une négociation loyale et constructive nécessite notamment de préciser dès la première réunion : 

  • le déroulement des principales étapes de négociation et leur calendrier ; les informations à remettre aux négociateurs salariés ; 
  • le crédit d’heures disponible aux négociateurs salariés pour préparer la négociation ;
  • le cas échéant, les autres moyens accordés, par exemple les possibilités de recourir à une expertise

Il est utile aussi d’intégrer dans l’accord les conditions de son suivi, avec des clauses de rendez-vous.