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∎ Journal officiel du 19 janvier 2005
Décision no 2004-509 DC du 13 janvier 2005
NOR : CSCL0508032S
LOI DE PROGRAMMATION POUR LA COHÉSION SOCIALE
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues par larticle 61, alinéa 2, de la Constitution, de la loi de programmation pour la cohésion sociale, le 23 décembre 2004, par M. Jean-Marc Ayrault, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Jean-Pierre Blazy, Serge Blisko, Jean-Claude Bois, Daniel Boisserie, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Jean-Christophe Cambadélis, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carrillon-Couvreur, MM. Laurent Cathala, Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Michel Destot, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Tony Dreyfus, Pierre Ducout, Jean-Pierre Dufaut, William Dumas, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Mme Odette Duriez, MM. Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Albert Facon, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Armand Jung, Jean-Pierre Kucheida, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, François Lamy, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Michel Lefait, Patrick Lemasle, Guy Lengagne, Mme Annick Lepetit, MM. Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Bernard Madrelle, Louis-Joseph Manscour, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Germinal Peiro, Jean-Claude Perez, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mme Ségolène Royal, M. Michel Sainte-Marie, Mme Odile Saugues, MM. Henri Sicre, Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Simon Renucci, Mme Chantal Robin-Rodrigo, M. Roger-Gérard Schwartzenberg, Mmes Christiane Taubira, Martine Billard, MM. Yves Cochet, Noël Mamère, Emile Zuccarelli, François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier, Michel Vaxès, députés ;
Le même jour, il a enregistré un recours présenté par MM. François Asensi, Gilbert Biessy, Alain Bocquet, Patrick Braouezec, Jacques Brunhes, Mme Marie-George Buffet, MM. André Chassaigne, Jacques Desallangre, Frédéric Dutoit, Mme Jacqueline Fraysse, MM. André Gerin, Pierre Goldberg, Maxime Gremetz, Georges Hage, Mmes Muguette Jacquaint, Janine Jambu, MM. Jean-Claude Lefort, François Liberti, Daniel Paul, Jean-Claude Sandrier, Michel Vaxès, Gérard Charasse, Joël Giraud, Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. Emile Zuccarelli, députés ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu lordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu le code de léducation ;
Vu le code de lexpropriation pour cause dutilité publique ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code général des impôts ;
Vu le code du travail ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 6 janvier 2005 ;
Vu les observations en réplique, enregistrées le 12 janvier 2005 ;
Vu les nouvelles observations du Gouvernement, enregistrées le 12 janvier 2005 ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
1. Considérant que les députés auteurs du premier recours défèrent au Conseil constitutionnel la loi de programmation pour la cohésion sociale ; quils contestent la conformité à la Constitution de ses articles 1er, 17, 24, 31, 44, 69, 77 et 139 ;
Sur la recevabilité :
2. Considérant que, si le deuxième alinéa de larticle 61 de la Constitution prévoit que les lois peuvent être déférées au Conseil constitutionnel par les membres du Parlement, il réserve lexercice de cette faculté à soixante députés ou à soixante sénateurs ;
3. Considérant que, le 23 décembre 2004, a été enregistré au secrétariat général du Conseil constitutionnel un second recours, signé par vingt-cinq députés, dont vingt-trois déjà signataires du premier recours, contestant les articles 72 et 77 de la loi déférée ;
4. Considérant quil résulte des dispositions sus-rappelées du deuxième alinéa de larticle 61 de la Constitution que ce recours doit être déclaré irrecevable ;
Sur les articles 1er, 17, 24, 31 et 44 :
5. Considérant que larticle 1er de la loi déférée prévoit la création de « maisons de lemploi » ; que ses articles 17, 24 et 31 sont relatifs au développement de lapprentissage ; que son article 44 institue de nouveaux contrats de travail dénommés « contrats daccompagnement dans lemploi » ;
6. Considérant que, selon les requérants, ces articles procèdent à une extension des compétences des collectivités territoriales entraînant des dépenses nouvelles, lesquelles ne font lobjet daucune compensation financière ; quils considèrent, dès lors, que les dispositions en cause méconnaissent larticle 72-2 de la Constitution et ne pourront entrer en vigueur que lorsque cette compensation aura été prévue par la loi ;
7. Considérant quaux termes du quatrième alinéa de larticle 72-2 de la Constitution : « Tout transfert de compétences entre lEtat et les collectivités territoriales saccompagne de lattribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice. Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence daugmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi » ;
8. Considérant, dune part, quil résulte de ces dispositions que, lorsquil transfère aux collectivités territoriales des compétences auparavant exercées par lEtat, le législateur est tenu de leur attribuer des ressources correspondant aux charges constatées à la date du transfert ;
9. Considérant, dautre part, que ces dispositions ne visent, en ce qui concerne les créations et extensions de compétences, que celles qui présentent un caractère obligatoire ; que, dans cette hypothèse, il nest fait obligation au législateur que daccompagner ces créations ou extensions de compétences de ressources dont il lui appartient dapprécier le niveau, sans toutefois dénaturer le principe de libre administration des collectivités territoriales ;
10. Considérant quil convient dexaminer les dispositions contestées au regard des principes ainsi définis ;
11. Considérant, en premier lieu, que larticle 1er de la loi déférée, qui modifie larticle L. 311-10 du code du travail et y insère un article L. 311-10-1, se borne à permettre la création de « maisons de lemploi », dont le ressort ne peut excéder la région, afin, notamment, de contribuer à la coordination des actions menées dans le cadre du service public de lemploi ; quil na ni pour objet ni pour effet de les rendre obligatoires et donc dimposer aux collectivités territoriales de contribuer à leur création ou de participer à leur fonctionnement ; que larticle 44 de la loi déférée, qui donne une nouvelle rédaction à larticle L. 322-4-8-1 du code du travail, devenu L. 322-4-7, ne contraint pas les collectivités territoriales à recruter des personnes rencontrant des difficultés particulières daccès à lemploi par la voie de « contrats daccompagnement dans lemploi » ; que, dès lors, sagissant de compétences dont lexercice demeure facultatif, le grief tiré du non-respect de larticle 72-2 de la Constitution doit être écarté ;
12. Considérant, en deuxième lieu, que, si larticle 17 de la loi déférée, qui modifie larticle L. 115-2 du code du travail, affecte la compétence dévolue aux régions en matière dapprentissage en autorisant la conclusion, dans certaines hypothèses, de contrats dune durée comprise entre six mois et un an, il nétend pas la possibilité de conclure un contrat dapprentissage à une autre catégorie de personnes et ne modifie donc pas le périmètre de ladite compétence ; quil ne constitue pas une extension de compétence au sens de larticle 72-2 de la Constitution ; quil en va de même de larticle 31 de la loi déférée, qui insère dans le code général des impôts un article 244 quater G afin dinstituer un crédit dimpôt sur les sociétés pour inciter les entreprises à avoir recours à des apprentis ; quil sensuit que le grief tiré de la violation de larticle 72-2 de la Constitution doit être écarté ;
13. Considérant, en troisième lieu, que larticle 24 de la loi déférée modifie larticle L. 117-3 du code du travail afin de prévoir une nouvelle dérogation à la limite dâge applicable à la souscription dun contrat dapprentissage ; quil prévoit que pourront bénéficier dun tel contrat les personnes âgées de plus de vingt-cinq ans dès lors quelles envisagent de créer ou de reprendre une entreprise ; quen ouvrant lapprentissage à une nouvelle catégorie de personnes, il en modifie le périmètre et constitue, dès lors, une extension de compétences ; que toutefois, la loi déférée supprime certaines exonérations de la taxe dapprentissage due par les entreprises et affecte les ressources supplémentaires qui en résultent au Fonds national de développement et de modernisation de lapprentissage ; que ce fonds abondera, dans le cadre de contrats dobjectifs et de moyens conclus entre lEtat, les régions, les chambres consulaires et les branches professionnelles, les fonds régionaux de lapprentissage et de la formation professionnelle continue ; que le législateur a, dès lors, accompagné lextension, au demeurant limitée, des compétences des régions mise en oeuvre par larticle 24 de la loi déférée de ressources nouvelles déterminées conformément à la deuxième phrase du quatrième alinéa de larticle 72-2 de la Constitution ;
14. Considérant quil résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre les articles 1er, 17, 24, 31 et 44 doivent être rejetés ;
Sur larticle 69 :
15. Considérant que larticle 69 de la loi déférée modifie larticle L. 212-4 du code du travail ; quil prévoit que le temps de déplacement pour se rendre du domicile au lieu dexécution du contrat de travail ne constitue pas un temps de travail effectif, mais quil doit faire lobjet dune contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière, sil dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; quà défaut dune convention ou dun accord collectif, lemployeur détermine cette contrepartie après consultation du comité dentreprise ou des délégués du personnel, sils existent ;
16. Considérant que les requérants soutiennent que cette disposition méconnaît le principe dégalité en introduisant dans la « comptabilisation du temps de travail » un critère lié au domicile, lequel nest pas un élément du contrat de travail ; quils font valoir que le temps de travail de deux salariés qui effectuent, à partir de leur domicile, un déplacement professionnel de même durée pour se rendre sur leur lieu de travail sera calculé de manière différente suivant le lieu où ils habitent ;
17. Considérant que le principe dégalité ne soppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce quil déroge à légalité pour des raisons dintérêt général pourvu que, dans lun et lautre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui létablit ;
18. Considérant quafin de préciser la définition de la « durée de travail effectif » mentionnée au premier alinéa de larticle L. 212-4 du code du travail, le législateur a prévu que le temps nécessaire à un salarié pour rejoindre, depuis son domicile, un lieu dexécution du contrat de travail distinct du lieu habituel, ne constitue pas un temps de travail effectif ; quil a toutefois institué une contrepartie pour la durée de déplacement qui excède le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail ; quen outre, le législateur a prévu que la part de temps de déplacement professionnel coïncidant avec lhoraire de travail ne doit pas entraîner de perte de salaire ; quil sest ainsi fondé sur des critères objectifs et rationnels, identiques pour tous les salariés et en rapport direct avec lobjet de la mesure ;
19. Considérant que la circonstance quun déplacement de même durée puisse entraîner une contrepartie différente suivant que les salariés ont établi leur domicile en un lieu plus ou moins éloigné de leur lieu habituel de travail nest pas constitutive dune rupture dégalité, dès lors quelle résulte dune différence de situation inhérente à la liberté de choix du domicile ;
20. Considérant, dès lors, que le grief dirigé à lencontre de larticle 69 doit être écarté ;
Sur larticle 77 :
21. Considérant quaux termes des deux dernières phrases du premier alinéa de larticle L. 122-14-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant du V de larticle 77 de la loi déférée : « Lorsque le tribunal constate que le licenciement est intervenu alors que la procédure de licenciement est nulle et de nul effet, conformément aux dispositions du cinquième alinéa de larticle L. 321-4-1, il peut prononcer la nullité du licenciement et ordonner, à la demande du salarié, la poursuite de son contrat de travail, sauf si la réintégration est devenue impossible, notamment du fait de la fermeture de létablissement ou du site ou de labsence demploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié. Lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de son contrat de travail ou lorsque la réintégration est impossible, le tribunal octroie au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des douze derniers mois » ;
22. Considérant que les requérants soutiennent quen illustrant limpossibilité de réintégration par une liste non limitative de cas qui ne traduiraient pas nécessairement une réelle impossibilité, le législateur a conféré à cette notion un « sens obscur et contradictoire » et aurait ainsi méconnu sa compétence et le principe de clarté de la loi ; quils estiment, en outre, que la disposition contestée, en faisant obstacle à la jurisprudence qui permet la réintégration dans un emploi équivalent, lorsquelle est impossible dans le même emploi, porte une atteinte disproportionnée au droit à lemploi ; quils font valoir à cet égard que le législateur na pas concilié de façon équilibrée le droit de chacun dobtenir un emploi et la liberté dentreprendre ;
23. Considérant que le Préambule de la Constitution réaffirme les principes posés tant par la Déclaration des droits de lhomme et du citoyen de 1789 que par le Préambule de la Constitution de 1946 ; quau nombre de ceux-ci, il y a lieu de ranger la liberté dentreprendre, qui découle de larticle 4 de la Déclaration de 1789, ainsi que les principes économiques et sociaux énumérés par le texte du Préambule de 1946, parmi lesquels figurent, selon son cinquième alinéa, le droit de chacun dobtenir un emploi ;
24. Considérant quil incombe au législateur, dans le cadre de la compétence quil tient de larticle 34 de la Constitution pour déterminer les principes fondamentaux du droit du travail, dassurer la mise en oeuvre des principes économiques et sociaux du Préambule de 1946, tout en les conciliant avec les libertés constitutionnellement garanties ; que, pour poser des règles propres à assurer au mieux, conformément au cinquième alinéa du Préambule de 1946, le droit pour chacun dobtenir un emploi, il peut apporter à la liberté dentreprendre des limitations liées à cette exigence constitutionnelle, à la condition quil nen résulte pas datteinte disproportionnée au regard de lobjectif poursuivi ;
25. Considérant quil incombe au législateur dexercer pleinement la compétence que lui confie larticle 34 de la Constitution ; quà cet égard, le principe de clarté de la loi, qui découle du même article de la Constitution, et lobjectif de valeur constitutionnelle dintelligibilité et daccessibilité de la loi, qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration de 1789, lui imposent dadopter des dispositions suffisamment précises et des formules non équivoques ; quil doit en effet prémunir les sujets de droit contre une interprétation contraire à la Constitution ou contre le risque darbitraire, sans reporter sur des autorités administratives ou juridictionnelles le soin de fixer des règles dont la détermination na été confiée par la Constitution quà la loi ; que, pour autant, ces autorités conservent le pouvoir dappréciation et, en cas de besoin, dinterprétation inhérent à lapplication dune règle de portée générale à des situations particulières ;
26. Considérant quil résulte des termes mêmes du premier alinéa de larticle L. 122-14-4 du code du travail, dans sa rédaction résultant du paragraphe V de larticle 77 de la loi déférée, quil appartiendra au juge, saisi dune demande en ce sens, sil constate la nullité de la procédure de licenciement en labsence du plan de reclassement prévu par larticle L. 321-4-1 du même code, dordonner la réintégration du salarié sauf si cette réintégration est devenue impossible ; quà titre dillustration dune telle impossibilité, le législateur a mentionné certains exemples tels que la fermeture de létablissement ou du site, ou labsence demploi disponible de nature à permettre la réintégration du salarié ;
27. Considérant, dune part, quen édictant ces dispositions, qui définissent une règle suffisamment claire et précise quil appartiendra au juge de mettre en oeuvre, le législateur na méconnu ni la compétence qui est la sienne en vertu de larticle 34 de la Constitution, ni lobjectif de valeur constitutionnelle dintelligibilité de la loi ;
28. Considérant, dautre part, que le législateur a ainsi opéré entre le droit de chacun dobtenir un emploi, dont le droit au reclassement de salariés licenciés découle directement, et la liberté dentreprendre, à laquelle la réintégration de salariés licenciés est susceptible de porter atteinte, une conciliation qui nest entachée daucune erreur manifeste ;
Sur larticle 139 :
29. Considérant quaux termes de larticle 139 de la loi déférée : « Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, la légalité des actes permettant la réalisation des travaux, ouvrages et aménagements prévus par les arrêtés préfectoraux pris en 2004 déclarant dutilité publique les acquisitions et travaux de création et dextension de lignes de tramways concourant notamment à lamélioration de la desserte des zones franches urbaines, la réalisation des opérations connexes décrites par lesdits arrêtés et emportant mise en compatibilité des documents durbanisme ne peut être contestée sur le fondement de lillégalité des arrêtés préfectoraux susmentionnés en tant quils seraient attaqués ou annulés au motif que létude dimpact définie à larticle 2 du décret no 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour lapplication de larticle 2 de la loi no 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature présenterait des insuffisances en matière danalyse des effets du projet sur la circulation routière et du défaut de motivation des conclusions des commissaires enquêteurs ou des commissions denquêtes préalables à la déclaration dutilité publique de ces opérations » ;
30. Considérant que les requérants soutiennent, dune part, que cette disposition a été adoptée en méconnaissance des articles 39, 44 et 45 de la Constitution, dautre part, que la validation ne serait pas justifiée par un intérêt général suffisant ;
31. Considérant que, si le législateur peut valider un acte administratif dans un but dintérêt général suffisant, cest sous réserve du respect des décisions de justice ayant force de chose jugée et du principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions ; quen outre, lacte validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le but dintérêt général visé par la validation soit lui-même de valeur constitutionnelle ; quenfin, la portée de la validation doit être strictement définie, sous peine de méconnaître larticle 16 de la Déclaration de 1789 ; que cest à la lumière de lensemble de ces principes que doit être appréciée la conformité à la Constitution des dispositions soumises à lexamen du Conseil constitutionnel ;
32. Considérant que larticle 139 a pour objet principal de permettre lextension rapide des lignes de tramway de la communauté urbaine de Strasbourg malgré lannulation par le tribunal administratif de larrêté par lequel le préfet du Bas-Rhin avait déclaré dutilité publique les acquisitions et travaux de construction nécessaires ; que la validation permettrait, à titre accessoire, de conforter la réalisation des lignes de tramway de Marseille, Montpellier, Le Mans et Valenciennes ;
33. Considérant, toutefois, que lintérêt général ainsi poursuivi nest pas suffisant pour justifier latteinte portée au principe de la séparation des pouvoirs et au droit au recours juridictionnel effectif, qui découlent de larticle 16 de la Déclaration de 1789, atteinte dautant plus importante que la mesure contestée porte sur lensemble des lignes de tramway ayant fait lobjet dune déclaration dutilité publique en 2004 ; quil ne justifie pas davantage latteinte portée au droit de propriété garanti par larticle 17 de la Déclaration de 1789, lequel exige, avant toute expropriation, que la nécessité publique fondant la privation de propriété ait été légalement constatée ;
34. Considérant, par suite, et sans quil soit besoin dexaminer les autres griefs de la saisine, que larticle 139 de la loi déférée doit être déclaré contraire à la Constitution ;
35. Considérant quil ny a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever doffice aucune question de conformité à la Constitution,
Décide :
Art. 1er. - Larticle 139 de la loi de programmation pour la cohésion sociale est déclaré contraire à la Constitution.
Art. 2. - Les articles 1er, 17, 24, 31, 44, 69 et 77 de la même loi ne sont pas contraires à la Constitution.
Art. 3. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 13 janvier 2005, où siégeaient : M. Pierre Mazeaud, président, MM. Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Valéry Giscard dEstaing, Mme Jacqueline de Guillenchmidt, MM. Pierre Joxe et Jean-Louis Pezant, Mme Dominique Schnapper, M. Pierre Steinmetz et Mme Simone Veil.
Le président, Pierre Mazeaud |