Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2003/17 du samedi 20 septembre 2003
Paris, le 26 août 2003.
Le Premier ministre
à Mesdames et Messieurs les ministres et secrétaires dEtat
A lissue dune première session parlementaire particulièrement dense, il me semble nécessaire de rappeler à lensemble des membres du Gouvernement les principes qui doivent guider notre action en matière de production de normes.
La loi ne peut et ne doit pas être le seul outil de notre politique. Il convient, avant toute proposition nouvelle, de vérifier quune plus grande attention à lapplication effective des textes en vigueur ne répond pas aux besoins identifiés.
Lexcès de réglementation a un coût. Il peut conduire à une dévaluation de la règle de droit, qui fragilise lautorité de lEtat.
La Constitution du 4 octobre 1958 a clairement distingué les domaines législatif et réglementaire pour recentrer le travail parlementaire sur lessentiel et donner au Gouvernement réactivité et souplesse daction. Lencombrement du calendrier parlementaire me conduit à vous demander de revenir au strict respect de ses dispositions, en évitant dinsérer dans les projets de loi que vous préparez des dispositions de nature réglementaire.
Une démarche ambitieuse a été engagée pour simplifier les formalités et les procédures existantes. Le Parlement vient de voter la première loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures de simplification du droit. Cet exercice serait toutefois vain si, en amont, des mesures nétaient pas prises parallèlement pour mieux maîtriser la production de règles nouvelles.
Aussi ai-je pris les décisions suivantes, dont je souhaite quelles prennent effet rapidement.
1. Chaque ministère est invité à désigner un haut fonctionnaire responsable de la qualité de la réglementation pour chacun des grands domaines législatifs dont il a la charge.
a) Je souhaite que chaque ministère sapproprie les recommandations figurant dans le rapport du groupe de travail interministériel que présidait M. Dieudonné Mandelkern, qui recueillent mon adhésion : proportionnalité entre lobjet poursuivi par la réglementation et limportance des contraintes imposées ; confiance dans le comportement des usagers, devant conduire à alléger la production de justificatifs ; adaptabilité du texte pour prendre en compte les exigences de léquité ; stabilité minimale dans le temps de la réglementation ; examen périodique permettant didentifier les dispositions devenues obsolètes ; souci de clarté et daccessibilité pour lusager ; engagement de consultation des usagers et/ou des services de mise en uvre avant ladoption de nouvelles règles ; développement dindicateurs reflétant la qualité de la réglementation.
A cet effet, je vous demande de désigner un ou plusieurs hauts fonctionnaires qui seront chargés, au sein de votre ministère, de veiller à ce que ces recommandations soient prises en compte par vos services et reçoivent une traduction concrète, pour chacun des grands domaines législatifs dont vous avez la charge.
Travaillant en réseau avec le secrétariat général du Gouvernement, ces fonctionnaires seront également responsables du bon déroulement du travail de codification ainsi que de la maintenance des codes adoptés. En lien avec la délégation aux usagers et aux simplifications administratives, placée auprès du ministre chargé de la réforme de lEtat, ils animeront en outre laction de simplification de la réglementation pour ce qui concerne votre ministère.
b) Je vous demande de vous doter dune charte de la qualité de la réglementation, qui rassemblera lensemble des mesures prises au sein de votre département.
Le secrétariat général du Gouvernement, avec le concours du ministre chargé de la réforme de lEtat, aidera vos services à définir ces chartes. Il veillera à leur mise en uvre dans les travaux interministériels. Il sattachera, en particulier, à définir un ensemble dindicateurs permettant de déterminer les impacts positifs et négatifs dune réglementation nouvelle, afin que le Gouvernement soit mieux à même dapprécier son opportunité.
2. La procédure de létude dimpact sera revue pour en améliorer lefficacité.
a) Les exemples internationaux montrent que la procédure de létude dimpact constitue lun des outils majeurs des politiques mises en uvre pour améliorer la qualité de la réglementation. Or, force est de constater que la procédure mise en place par la circulaire du 26 janvier 1998 relative à létude dimpact des projets de loi et de décret en Conseil dEtat na pas donné les résultats escomptés. En conférant un caractère systématique à létude dimpact tout en laissant au seul service en charge de la production du texte le soin de définir ses modalités et dassurer son pilotage, elle na pas permis déviter le risque du formalisme.
Cest pourquoi jai décidé de suspendre, pendant une durée de dix-huit mois à compter du 1er septembre prochain, la circulaire du 26 janvier 1998 et de lui substituer les prescriptions suivantes, qui feront lobjet dun bilan à la fin de leur première année dapplication.
Pour chaque projet de texte, il conviendra désormais dapprécier, compte tenu de la nature et de la portée du dispositif envisagé, dune part, sil convient de lancer une étude dimpact, dautre part, sur quels aspects doit porter cette étude et selon quelles modalités elle sera réalisée.
A cet effet, je vous demande, dès lors que vous envisagez de mettre en chantier un projet de loi (ainsi quun projet de décret, si son importance le justifie), de susciter une réunion de programmation à Matignon. Cette réunion, placée sous la présidence du secrétaire général du Gouvernement et dun membre de mon cabinet, permettra :
- de vérifier lopportunité politique et la nécessité juridique du projet, détudier les alternatives possibles à la réglementation et de faire en amont la part entre ce qui relève de la loi et du décret ;
- de mieux programmer lactivité normative du Gouvernement ;
- de décider sil est nécessaire de procéder à une étude dimpact, la forme que celle-ci doit prendre et les conditions dans lesquelles elle doit être réalisée.
Je vous précise à cet égard que, pour létude des projets dont il apparaîtra quils doivent avoir un impact important du point de vue juridique, administratif, économique, social ou budgétaire, il conviendra de ne pas sen tenir aux ressources internes du ministère, mais de faire appel à un réseau de personnes ressources, choisies au sein des corps dinspection ainsi que parmi les différentes administrations. Le secrétariat général du Gouvernement aura la charge de constituer, denrichir et danimer ce réseau. Il aidera les ministères à mettre en place un dispositif comparable au sein de leur propre administration.
b) A ma demande, le secrétaire général du Gouvernement précisera dans les tout prochains jours comment il compte mettre en uvre les orientations ainsi définies. Celles-ci ont été élaborées dans le souci de se garder de tout formalisme abstrait. En contrepartie, il convient quelles soient mises en uvre avec constance et détermination. Cest pourquoi je donnerai instruction de ne pas soumettre à lexamen du Conseil dEtat ou à ma signature les textes qui auront été élaborés en méconnaissance de ces orientations. Si des considérations durgence justifient quil y soit dérogé, demande en devra être faite au directeur de mon cabinet.
Jean-Pierre Raffarin |