Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2003/17 du samedi 20 septembre 2003
Observations du Gouvernement sur les recours dirigés
contre la loi portant réforme des retraites
NOR : CSCL0306817X
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés et plus de soixante sénateurs, de deux recours dirigés contre la loi portant réforme des retraites, adoptée le 24 juillet 2003.
Les requérants articulent, à lencontre des articles 3, 5, 32, 48, 51, 54 et 66 de la loi, différents griefs qui appellent, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
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I. - Sur larticle 3
A. - Larticle 3 de la loi portant réforme des retraites énonce que les assurés doivent pouvoir bénéficier dun traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités passées et le ou les régimes dont ils relèvent.
Les parlementaires requérants soutiennent quen adoptant cet article le législateur serait demeuré en deçà de sa compétence. Ils soutiennent également que cette disposition méconnaîtrait le onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et porterait atteinte au principe dégalité, parce quelle ne prendrait pas en considération la pénibilité des tâches accomplies par chacun au cours de sa vie professionnelle. Selon les auteurs des recours, le vice dont serait ainsi entaché larticle 3 devrait emporter la censure de lensemble de la loi déférée.
B. - De tels griefs ne pourront quêtre écartés.
1. En premier lieu, larticle 3 ne peut pas être regardé comme étant entaché dincompétence négative.
En adoptant larticle 3, le législateur a affirmé un objectif de traitement équitable de tous les assurés, au-delà des différences de régimes de retraite ou dactivités professionnelles. Il convient dobserver quun tel objectif procède dun choix du législateur et doit être distingué du principe constitutionnel dégalité, lequel ne sapplique quaux personnes se trouvant dans des situations identiques.
En effet, le principe constitutionnel dégalité nimplique de traiter de la même façon que des personnes se trouvant dans la même situation. Or, en matière de retraite, le Conseil constitutionnel a déjà précisé que les salariés liés par un contrat de travail de droit privé et les agents des collectivités publiques relèvent de régimes juridiques différents au regard de la législation sur les retraites, ce qui permet au législateur dadopter des mesures différentes à légard de ces différentes catégories de personnes sans méconnaître le principe dégalité (décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002, considérant nos 35 et suivants).
La mise en uvre de cet objectif législatif de traitement équitable impliquera lintervention de dispositions législatives ou réglementaires, selon la nature des mesures considérées et conformément à la répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution. Ces mesures adapteront ou modifieront certaines des conditions dobtention ou des modalités de calcul des pensions de retraite, dans le sens dun traitement plus équitable des assurés. La loi déférée adopte elle-même plusieurs dispositions qui vont dans ce sens : on peut citer, par exemple, les dispositions de larticle 23 relatives à lâge de départ à la retraite des assurés qui ont commencé de travailler avant lâge de 17 ans, celles permettant la prise en compte du handicap, celles qui ont trait à la situation du conjoint survivant. Dautres mesures seront prises par voie réglementaire : on peut mentionner, en particulier, celle visant les personnes ayant relevé de plusieurs régimes où la pension est calculée sur un salaire ou un revenu annuel moyen, afin de tenir compte de cette diversité daffiliation et de déterminer un salaire ou un revenu annuel moyen équivalent à celui des personnes qui ne relèvent que dun seul régime.
La circonstance quil sera nécessaire de prendre diverses mesures pour traduire concrètement lobjectif législatif de traitement équitable ne permet pas de considérer que le législateur, en adoptant larticle 3 de la loi déférée, aurait manqué à ses obligations constitutionnelles et serait demeuré en deçà de sa compétence.
2. La critique des parlementaires saisissants porte plus directement sur labsence de différenciation des dispositions applicables selon la pénibilité des tâches.
Mais il faut relever quune telle différenciation ne résulte pas dune obligation juridique impartie au législateur. Aucun principe de valeur constitutionnelle nimpose, en effet, au législateur de prendre en compte la pénibilité des tâches accomplies au cours de la carrière professionnelle pour déterminer les conditions dobtention dune pension de retraite.
En particulier, le principe constitutionnel dégalité, sil laisse la possibilité de prévoir un traitement spécifique pour les personnes se trouvant dans des situations différentes, na pas pour effet de contraindre le législateur à adopter de telles mesures. Le Conseil constitutionnel a, au surplus, déjà relevé quaucune règle constitutionnelle ne garantit, en matière de retraite, un principe déquité entre les générations quil incomberait au législateur de préciser et de mettre en uvre (décision no 97-388 DC du 20 mars 1997). Il nexiste pas davantage de principe constitutionnel déquité entre régimes imposant un traitement équitable entre les différents régimes de retraite, lequel ne résulte ni du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ni daucune autre règle ou disposition constitutionnelle.
Au demeurant, il convient de noter que le législateur, loin dexclure par principe quil puisse être tenu compte de la pénibilité des tâches, a mis en place une procédure destinée à permettre dexaminer précisément la portée dun tel critère et den mesurer limpact sur les différentes professions. Il a ainsi prévu, à larticle 12 de la loi déférée, lorganisation de négociations interprofessionnelles sur la définition et la prise en compte de la pénibilité. Cette approche faisant une place essentielle à la négociation collective lui est apparue, dans le cadre de son pouvoir dappréciation, préférable à lédiction immédiate de règles générales qui risquaient de se révéler inadaptées.
II. - Sur larticle 5
A. - Larticle 5 de la loi déférée détermine la durée dassurance requise pour bénéficier dune pension de retraite au taux plein ainsi que la durée des services et bonifications nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum dune pension civile ou militaire de retraite applicables, respectivement, aux ressortissants du régime général et des régimes alignés et à ceux des régimes de fonctionnaires. Il prévoit que ces durées évoluent de manière à maintenir constant jusquen 2020 le rapport constaté, à la date de publication de la loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite.
Ainsi, le I de larticle 5 énonce la règle selon laquelle la durée dassurance nécessaire pour bénéficier dune pension de retraite à taux plein et la durée des services et bonifications nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum dune pension civile ou militaire de retraite évoluent de manière à maintenir constant le rapport, constaté à la date de promulgation de la loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite. Pour le calcul de ce rapport, larticle 5 précise que, pour les années 2003 à 2007, la durée nécessaire pour obtenir une pension à taux plein prise en compte est de 160 trimestres. Larticle 5 détermine les modalités de calcul de la durée moyenne de retraite.
Le II de larticle 5 prévoit quavant le 1er janvier 2008 le Gouvernement élaborera, sur la base notamment des travaux du Conseil dorientation des retraites, un rapport rendu public et transmis au Parlement, faisant apparaître lévolution du taux dactivité des personnes de plus de cinquante ans, lévolution de la situation financière des régimes de retraite, lévolution de la situation de lemploi, un examen densemble des paramètres de financement des régimes de retraite.
Le III de larticle 5 dispose quà compter de 2009, la durée nécessaire pour obtenir une pension à taux plein est majorée dun trimestre par année pour atteindre 41 annuités en 2012, sauf si, au regard des évolutions présentées par le rapport mentionné au II et de la règle fixée au I, un décret pris après avis, rendus publics, de la Commission de garantie des retraites et du Conseil dorientation des retraites ajuste le calendrier de mise en uvre de cette majoration.
Le IV de larticle 5 prévoit quun rapport est élaboré dans les mêmes conditions que celles prévues au II avant le 1er janvier 2012 et le 1er janvier 2016. Ces rapports feront apparaître lévolution prévisible pour les cinq années à venir du rapport entre la durée dassurance ou la durée de services et bonifications et la durée moyenne de retraite. Au vu de ces rapports, les durées dassurance ou de services et bonifications sont fixées par décret pris après avis, rendus publics, de la Commission de garantie des retraites et du Conseil dorientation des retraites avant le 1er juillet 2012 pour les années 2013 à 2016 et avant le 1er juillet 2016 pour les années 2017 à 2020.
Les V et VI de larticle 5 précisent, respectivement pour les assurés relevant des régimes dassurance vieillesse et pour les fonctionnaires de lEtat, les militaires, les fonctionnaires territoriaux et hospitaliers et les ouvriers des établissements industriels de lEtat, que la durée dassurance requise ou la durée des services et bonifications exigée est celle qui est en vigueur au moment où ils atteignent lâge douverture du droit à la retraite ou lannée au cours de laquelle ils remplissent les conditions de liquidation de la pension.
Le VII de larticle 5 insère au code de la sécurité sociale les dispositions législatives relatives à la Commission de garantie des retraites. Le VIII élargit les missions de la Commission nationale de la négociation collective en lui impartissant de suivre annuellement lévolution du taux dactivité des personnes de plus de cinquante ans. Le IX prévoit, enfin, lorganisation dune conférence rassemblant lEtat, les représentants des salariés et les représentants des employeurs préalablement à la rédaction des rapports mentionnés aux II et IV, pour examiner les problématiques de lemploi des personnes de plus de cinquante ans.
Les parlementaires requérants critiquent les dispositions du III de larticle 5 en soutenant quelles seraient entachées dincompétence négative et quelles méconnaîtraient les termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946. Ils invoquent, en outre, le principe de clarté de la loi et les objectifs de valeur constitutionnelle dintelligibilité et de lisibilité de la loi. Ils soutiennent, enfin, que les dispositions critiquées portent atteinte au principe dégalité.
B. - Le Conseil constitutionnel ne pourra faire sienne cette argumentation.
1. Le grief dincompétence négative ne pourra quêtre écarté, dès lors que la matière traitée par larticle 5 de la loi déférée ne relève pas de la compétence du législateur telle quelle est déterminée par larticle 34 de la Constitution, mais de la compétence du pouvoir réglementaire.
Larticle 34 de la Constitution prévoit que la loi détermine les principes fondamentaux de la sécurité sociale et quelle fixe les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de lEtat. Ces dispositions ne réservent à lintervention du législateur que les principes des différents régimes de sécurité sociale ou, sagissant des fonctionnaires, le principe du droit à pension (décision no 85-200 DC du 16 janvier 1986 ; CE 13 juillet 1962, Cohen, Rec. p. 482). Il appartient au pouvoir réglementaire de préciser les modalités dapplication de ces principes. Cette ligne de partage opérée par la Constitution accorde ainsi de larges compétences au pouvoir réglementaire (V. par exemple la décision no 85-139 L. du 8 août 1985 ; V. aussi la jurisprudence du Conseil dEtat, par exemple CE Sect 8 juillet 1966, Confédération générale du travail, Union de fédérations syndicales professionnelles et Mario, Rec. p. 456).
En particulier, sagissant de régimes de retraite, le Conseil constitutionnel a considéré que si lexistence même dun régime de retraite particulier ainsi que ses principes fondamentaux, la détermination des prestations et des catégories de bénéficiaires ainsi que la nature des conditions exigées pour lattribution des prestations relèvent du domaine de la loi, cest au pouvoir réglementaire quil appartient den préciser les éléments dapplication (décision no 65-34 L. du 2 juillet 1965). Le pouvoir réglementaire ne saurait naturellement dénaturer les conditions posées par le législateur, mais il est investi dune vaste compétence que lui reconnaît la Constitution (par exemple CE 24 février 1967, Caisse nationale dassurance vieillesse mutuelle agricole et Caisse centrale de secours mutuels agricoles, Rec. p. 90).
Ainsi, si la nature des conditions exigées pour lattribution de prestations de retraite relève de la compétence du législateur, cest au pouvoir réglementaire quil appartient den préciser les éléments tels que lâge et la durée des services (décision no 65-34 L. du 2 juillet 1965). Cest de même au pouvoir réglementaire quil incombe de fixer la base du calcul des prestations. La jurisprudence du Conseil dEtat est fixée dans le même sens (V. par exemple CE 11 juin 1969, Dlle Husson et autres, Rec. p. 298 ; CE 14 mars 1986, Caisse autonome de retraite des médecins français, Rec. T. p. 342).
Il en résulte que la détermination de la durée dassurance requise pour pouvoir bénéficier dune pension de retraite à taux plein ou, sagissant des fonctionnaires, la durée des services et bonifications nécessaires pour obtenir le pourcentage maximum dune pension civile ou militaire de retraite relève de la compétence du pouvoir réglementaire. Cette durée, pour les régimes dassurance vieillesse, ne relève pas des « principes fondamentaux de la sécurité sociale » et elle naffecte pas davantage, pour les fonctionnaires, les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de lEtat. Seule la règle selon laquelle lobtention dune pension à taux plein est subordonnée à une condition de durée de cotisation relève de la compétence du législateur ; mais la détermination précise de cette durée ressortit à la compétence réglementaire, de même que léventualité de laugmentation de cette durée ou la date à laquelle cette augmentation intervient.
Dans ces conditions, le grief dincompétence négative articulé par les saisissants ne pourra quêtre écarté comme inopérant.
2. En tout état de cause, on peut relever quau cas présent le législateur est intervenu, comme il en la faculté, au-delà de la stricte compétence que lui garantit la Constitution et quil a arrêté lui-même des dispositions très précises sur la durée dassurance requise. Ces précisions visent, notamment, à assurer la convergence des conditions de durée dassurance entre le régime général dassurance vieillesse et les régimes de fonctionnaires. Cest ainsi, notamment, que la durée requise de 160 trimestres, qui est déjà exigée depuis 2003 des personnes affiliées au régime général, sera mise en uvre progressivement dici 2008 pour les fonctionnaires par leffet de larticle 66 de la loi.
Il faut remarquer que le renvoi au décret auquel procède le III de larticle 5, expressément contesté par les saisines, est particulièrement encadré. Lobjet de ce décret nest que dajuster le calendrier de mise en uvre de la majoration de la durée requise. Le législateur a déterminé, au I de larticle 5, la règle selon laquelle la durée dassurance nécessaire évolue de manière à maintenir constant jusquen 2020 le rapport entre le nombre de trimestres et la durée moyenne de retraite. Le législateur a, de plus, prévu le mode de détermination de la durée moyenne de retraite, la fixation dune date - en loccurrence 2009 - à compter de laquelle lajustement de la durée dassurance peut être opéré, la détermination dune période de quatre ans à lissue de laquelle le pouvoir réglementaire sappuiera sur de nouvelles expertises pour assurer le respect des règles du rapport constant. Il faut noter, en outre, que la loi a prévu létablissement dun rapport rendu public sur la base de travaux menés par le Conseil dorientation des retraites faisant apparaître des éléments de nature statistique à caractère objectif et que le législateur a exigé la consultation du Conseil dorientation des retraites et de la Commission de garantie des retraites, dont les avis seront rendus publics, préalablement à lintervention du décret.
Le Gouvernement estime ainsi que le législateur a, de lui-même, apporté suffisamment de précisions et quil a suffisamment encadré lintervention du pouvoir réglementaire pour que le grief tiré de la méconnaissance de larticle 34 de la Constitution soit en tout état de cause écarté, même si lon estimait que la matière traitée par larticle 5 ne relève pas, en principe, de la compétence du pouvoir réglementaire.
3. Le grief tiré du défaut dintelligibilité ou de lisibilité de la loi nest pas davantage fondé.
De lavis général, le droit applicable aux régimes dassurance vieillesse et de pensions comporte des règles complexes qui tiennent aux différents paramètres qui doivent être pris en compte pour louverture des droits à pension et le calcul du montant des pensions. Aucune réforme dimportance intervenant dans cette matière ne peut faire abstraction de cette complexité, sauf à méconnaître la diversité des situations individuelles, des carrières professionnelles et des parcours individuels. Ainsi, sil est vrai que la loi déférée, dans son ensemble, et son article 5 en particulier, comporte des dispositions techniques et complexes, ces dispositions sont énoncées de façon claire et précise, de telle sorte que lobjectif à valeur constitutionnelle dintelligibilité de la loi apparaît ici pleinement respecté (V. la décision no 2001-453 DC du 18 décembre 2001, considérant no 3).
Au demeurant, on peut relever que le législateur a veillé, en adoptant larticle 10 de la loi déférée, à garantir à toute personne le droit dobtenir des informations sur ses droits à pension. Il a institué spécialement à cette fin un groupement dintérêt public composé de lensemble des organismes assurant la gestion des régimes de retraite obligatoires et des services de lEtat chargés de la liquidation des pensions.
Les parlementaires requérants invoquent, au-delà de lobjectif constitutionnel dintelligibilité de la loi, la « prévisibilité » de la loi. On peut observer quune telle exigence ne résulte pas dimpératifs de valeur constitutionnelle. En outre, il faut indiquer que le législateur sest précisément attaché à déterminer des règles applicables sur le long terme. Lobjet même de larticle 5 est de stabiliser à lhorizon 2020 le rapport entre le temps de travail et le temps de retraite, pour assurer la pérennité des régimes par répartition et léquité entre les générations. La volonté de maintenir ce rapport constant impose dajuster la durée dassurance en fonction des gains despérance de vie. Lespérance de vie à 60 ans résulte des données constatées et publiées par lINSEE. La publicité de cet indicateur permet donc de lui donner une visibilité certaine et son caractère scientifique confère un fondement objectif et non aléatoire aux évolutions de la durée dassurance sur le long terme, qui sont corrélées aux gains despérance de vie.
4. Le grief tiré de la violation du principe dégalité sera pareillement écarté.
Lintervention de la loi déférée, de même que lintervention dun décret susceptible dallonger la durée dactivité, nest pas de nature à introduire une rupture dégalité entre les personnes placées dans une situation semblable.
Dune part, on doit observer que la loi précise, aux V et VI du même article 5, que la durée dassurance requise pour le bénéfice de la pension au taux plein est celle en vigueur lorsque les assurés atteignent lâge de 60 ans pour le régime général ou, sagissant des fonctionnaires civils et militaires de lEtat, lâge auquel ils remplissent les conditions de liquidation dune pension. Ainsi, les assurés dune même génération pourront-ils bénéficier de leur pension de retraite au taux plein pour la même durée dassurance. Aucune violation du principe dégalité ne résulte de la disposition critiquée. On peut relever que les règles fixées par le législateur sont cohérentes avec celle fixée au I de larticle 5, qui consiste à maintenir constant le rapport entre durée dactivité et durée de retraite, dès lors que les gains despérance de vie auxquels est proportionnée la majoration de durée dassurance sont attachés à la génération à laquelle appartient lassuré. On peut noter, au surplus, que la réforme opérée en 1993 avait également été mise en uvre au vu dun critère dappartenance à une génération et non de la date effective de départ à la retraite (V. les articles R. 351-45 et R. 351-29-1 du code de la sécurité sociale) ; au demeurant, retenir un autre critère que celui de lappartenance à une génération emporterait des effets pervers et inéquitables : il conduirait à ce quune personne de plus de 60 ans qui déciderait de continuer à travailler soit soumise à des règles plus sévères pour le calcul du montant de sa retraite.
Dautre part, il faut souligner que les droits à pension sont appréciés en fonction des éléments qui caractérisent chaque parcours professionnel. Mais les mêmes règles seront appliquées aux personnes affiliées au même régime, cest-à-dire celles en vigueur à la date déterminée comme il a été dit précédemment, qui est une date certaine et dépourvue darbitraire. La loi na donc nullement pour effet de régler différemment la situation daffiliés placés dans les situations identiques, et le décret auquel renvoie le III de larticle 5 naura pas davantage cet effet.
III. - Sur larticle 32
A. - Larticle 32 de la loi déférée, modifiant larticle L. 351-4 du code de la sécurité sociale, précise les conditions et limites dans lesquelles les femmes assurées sociales bénéficient dune majoration de leur durée dassurance pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant. Il modifie également larticle L. 351-5 du code de la sécurité sociale relatif à la majoration de la durée dassurance pour les périodes de congé parental déducation, pour permettre daccorder cette majoration aux personnes visées à larticle L. 351-4 lorsque son application est plus favorable.
Les députés et sénateurs saisissants soutiennent que ces dispositions seraient contraires au principe dégalité.
B. - Cette argumentation appelle les observations suivantes :
1. Largumentation des parlementaires requérants pourrait être écartée comme inopérante, eu égard à lobjet et à la portée réelle du I, seul contesté, de larticle 32 de la loi déférée. Largumentation conteste, en effet, le principe même dune majoration de durée dassurance dont le bénéfice est réservé aux femmes qui ont élevé un enfant, alors que ce principe ne résulte pas du I de larticle 32 de la loi déférée mais a été établi par des dispositions législatives qui sont en vigueur depuis longtemps.
Or le Conseil constitutionnel considère que les termes dune loi promulguée ne peuvent être utilement contestés à loccasion de lexamen de dispositions législatives nouvelles, sauf à ce que ces dispositions modifient le sens ou la portée de la loi promulguée, la complètent ou affectent son domaine (décision no 85-187 DC du 25 janvier 1985 ; décision no 86-211 DC du 26 août 1986 ; décision no 89-256 DC du 25 juillet 1989 ; décision no 91-299 DC du 2 août 1991 ; décision no 99-410 DC du 15 mars 1999 ; décision no 99-414 DC du 8 juillet 1999). Au cas présent, comme il la fait dans dautres hypothèses, le Conseil constitutionnel pourrait admettre que largumentation dont il est saisi naffecte pas en propre la disposition déférée et que les conditions dans lesquelles la conformité à la Constitution du principe de la majoration de durée dassurance pour les femmes pourrait être utilement discutée ne sont pas, en lespèce, réunies (décision no 2002-464 DC du 27 décembre 2002, considérant no 42).
Le principe de cette majoration de durée dassurance est, en effet, très ancien. Elle a été instaurée, pour le régime général, par la loi no 71-1132 du 31 décembre 1971 portant amélioration des pensions de vieillesse du régime général de sécurité sociale et du régime des travailleurs salariés agricoles : cest larticle 9 de cette loi qui institue au bénéfice des femmes affiliées au régime général une majoration de durée dassurance, qui est alors dune année et qui est réservée aux femmes ayant élevé au moins deux enfants pendant 9 ans avant leur seizième anniversaire.
Codifié à larticle L. 342-1 du code de la sécurité sociale, puis à larticle L. 351-4 de ce code, ce dispositif connaîtra par la suite trois modifications. La première interviendra par leffet de la loi no 75-3 du 3 janvier 1975 portant diverses améliorations et simplifications en matière de pensions ou allocations des conjoints survivants, des mères de famille et des personnes âgées et conduira à accorder la majoration dès le premier enfant et à la porter de une à deux années. La deuxième modification sera apportée par larticle 3 de lordonnance no 82-270 du 26 mars 1982 relative à labaissement de la retraite des assurés du régime général et du régime des assurances sociales agricoles et conduira à accorder une majoration de durée dassurance correspondant aux périodes de congé parental ; cette majoration est accordée aux pères ainsi quaux mères affiliées au régime général, lorsquelles ne peuvent se prévaloir de larticle L. 351-4.
La troisième modification a été apportée par larticle 64 de la loi no 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002. Il faut souligner que lobjectif de cette intervention était identique à celui poursuivi par le I de larticle 32 de la loi portant réforme des retraites, à savoir loctroi de trimestres supplémentaires au fur et à mesure de léducation des enfants et non plus seulement à lissue de 9 années. On peut noter, à cet égard, que la référence à larticle L. 351-4 aux règles en vigueur pour la pension dinvalidité de veufs et veuves avait été supprimée par la loi du 21 décembre 2001, à charge pour le pouvoir réglementaire de préciser les nouvelles conditions doctroi de la majoration de durée dassurance ; or ce décret nest pas intervenu, ce qui a conduit le législateur à réitérer, par le I de larticle 32 de la loi déférée, la mesure quil avait entendu adopter par larticle 64 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002. Le I de larticle 32 de la loi déférée a ainsi, au-delà des termes adoptés par le législateur, exactement la même portée que celle de larticle 64 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, lequel article a été promulgué sans que le Conseil constitutionnel ne le déclare contraire à la Constitution.
2. Sil est vrai que le bénéfice de la majoration de durée dassurance résultant de larticle L. 351-4 du code de la sécurité sociale est réservé aux femmes qui ont élevé un ou plusieurs enfants, on peut faire valoir des considérations dintérêt général dordre social, économique et démographique, qui justifient lintervention dune telle mesure.
Depuis 1971, le législateur sest fondé sur deux séries dobservations pour instituer, puis maintenir, ce quil considère comme un avantage compensateur. Le premier motif est tiré de la constatation que les femmes élevant des enfants voient, le plus souvent, leur carrière professionnelle en être affectée davantage que celle des hommes ; le second est tiré du constat que la pénibilité de lexercice dun métier concomitamment à léducation denfants pèse majoritairement davantage sur les femmes que sur les hommes. Cest afin de remédier en partie à cette situation objectivement constatée que le législateur a décidé de faire bénéficier les seules femmes dune majoration de durée dassurance destinée à compenser certaines des conséquences qui en résultent sur la retraite des femmes.
Ces conséquences se manifestent aujourdhui encore, ainsi que la montré le rapport dinformation sur le projet de loi présenté au nom de la délégation aux droits des femmes de lAssemblée nationale par Mme Claude Greff et que lont établi de nombreux travaux, en particulier le rapport du Conseil dorientation des retraites remis en 2001.
Ainsi, la durée moyenne dassurance des femmes est nettement inférieure à celles des hommes : elle était en 2001 de 122 trimestres contre 168 trimestres pour les hommes. Il en résulte que seules 39 % des femmes peuvent obtenir une retraite à taux plein avant 65 ans contre 85 % des hommes, et quelles doivent de ce fait retarder la liquidation de leurs droits. Lâge moyen de liquidation est, en effet, de 62,5 ans pour les femmes contre 60,5 pour les hommes. En outre, le montant moyen de la retraite reste nettement plus élevé pour les hommes que pour les femmes, ce qui est le reflet de la situation des femmes sur le marché du travail, en termes de taux dactivité et de niveau de rémunération. Même si les carrières féminines sont en voie damélioration, les prévisions de lINSEE montrent quen 2020 la pension moyenne des femmes ne devrait pas dépasser 78 % de celle des hommes. Dans cette différence, les périodes dinterruption ou de réduction dactivité, ou tout simplement de moindre disponibilité professionnelle, liées à léducation des enfants, jouent un rôle majeur. Il faut dailleurs souligner que ces indications intègrent leffet de la majoration de durée dassurance qui représente en moyenne environ 20 % de la durée dassurance des femmes dans le régime général.
Il est certain que la situation des femmes serait fortement dégradée si cet avantage compensateur devait disparaître : toutes choses égales par ailleurs, on peut estimer quen labsence de cette majoration les femmes relevant du régime général devraient travailler environ quatre années supplémentaires pour pouvoir prétendre à un niveau de pension identique à celui quelles peuvent espérer aujourdhui. La suppression de cet avantage compensateur, ou la mise en place dun régime alternatif ouvert aux femmes comme aux hommes, se traduirait par un accroissement des inégalités concrètes entre les hommes et les femmes au regard de la retraite. Une censure de larticle 32 de la loi déférée au nom du principe dégalité aurait ainsi pour conséquence paradoxale daccroître directement et nécessairement les inégalités, prises globalement, qui sont aujourdhui constatées objectivement en termes de retraite.
Il paraît ainsi possible dadmettre, au vu de cette réalité socio-économique, que le législateur pouvait, sans méconnaître la Constitution, maintenir un avantage compensatoire au bénéfice des femmes. Celui-ci, en permettant dassurer une meilleure conciliation entre le travail des femmes et la maternité, répond à un motif dintérêt général.
Il faut, enfin, observer que le droit communautaire ne soppose pas au maintien de cet avantage pour les femmes. Dans le cadre des régimes dassurance vieillesse relevant de la sécurité sociale, le principe dégalité des rémunérations garanti par le traité, qui a pu être reconnu sappliquer aux pensions des fonctionnaires - qui sont regardées comme le prolongement dun traitement dactivité -, nest pas susceptible dêtre opposé à des pensions qui ne présentent pas le caractère de rémunérations au sens de larticle 141 du traité. Et larticle 7 de la directive 79/7/CEE du Conseil du 19 décembre 1978 relative à la mise en uvre progressive du principe de légalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, qui est applicable au régime général, permet aux Etats de maintenir des avantages spécifiques pour les femmes.
IV. - Sur larticle 48
A. - Larticle 48 de la loi déférée modifie larticle L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatif aux bonifications qui sajoutent aux services effectifs. Il prévoit notamment que les fonctionnaires et militaires bénéficient dune bonification dun an qui sajoute aux services effectifs, pour chacun de leurs enfants nés avant le 1er janvier 2004, à condition quils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil dEtat. Cette disposition est rendue applicable aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003. En outre, larticle 48 dispose que cette bonification est acquise aux femmes fonctionnaires ou militaires ayant accouché au cours de leurs années détudes antérieurement à leur recrutement dans la fonction publique, si ce recrutement est intervenu dans un délai de deux ans après lobtention du diplôme nécessaire pour se présenter au concours.
Selon les auteurs des recours, ces dispositions seraient entachées dincompétence négative en ce quelles renvoient à un décret le soin de déterminer les conditions dinterruption de lactivité. Ils soutiennent, en outre, quelles seraient contraires au principe dégalité entre les sexes et à légalité entre les fonctionnaires selon la date à laquelle leur pension est liquidée. Ils relèvent, enfin, que les dispositions critiquées sont entachées dune rétroactivité contraire à la Constitution.
B. - Ces griefs seront écartés.
Il faut rappeler que les bonifications prévues par le code des pensions civiles et militaires de retraite ne constituent quun élément particulier entrant dans le calcul des droits à pension. Il est loisible au législateur dinstituer des bonifications, de les supprimer ou den modifier les conditions doctroi, sans porter atteinte à aucun principe de valeur constitutionnelle. Au cas présent, le législateur a modifié larticle L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite en ce quil déterminait les conditions doctroi de bonifications pour les enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004. On peut observer que, pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, le législateur a institué un nouveau système de validation de services, et non plus de bonification, à larticle L. 9 du code des pensions civiles et militaires de retraite résultant de larticle 44 de la loi déférée, qui nest pas critiqué par les saisines.
Largumentation exposée par les recours à lencontre de larticle 48 de la loi déférée nemporte pas la conviction.
1. En premier lieu, le grief dincompétence négative est dépourvu de la moindre consistance. Larticle 48 établit le principe de la bonification et détermine les caractéristiques essentielles de son régime. Il subordonne, en particulier, le bénéfice de la bonification dun an par enfant à une condition dinterruption dactivité. Le législateur nétait pas tenu dapporter lui-même dautres précisions qui relèvent de la compétence du pouvoir réglementaire. Le législateur pouvait ainsi valablement, sans méconnaître aucunement larticle 34 de la Constitution, laisser à un décret le soin de déterminer les modalités selon lesquelles une interruption dactivité est prise en considération pour ouvrir droit à la bonification. Au demeurant, on peut relever que tel est déjà le parti qui a été retenu par le code des pensions civiles et militaires de retraite (V. par exemple les articles R. 10 à R. 25-1).
2. En deuxième lieu, le grief tiré du principe dégalité nest pas fondé. Force est de constater, dabord, que la disposition critiquée ne fait pas de distinction selon le sexe des fonctionnaires susceptibles de bénéficier de la bonification. Le b de larticle L. 12 du code des pensions civiles et militaires de retraite dans sa rédaction résultant de la loi déférée accorde une bonification dun an à tous les fonctionnaires, quils soient de sexe masculin ou de sexe féminin, qui ont interrompu leur activité pour chacun de leurs enfants nés ou adoptés avant le 1er janvier 2004. Il faut, en outre, relever que, contrairement à ce qui est soutenu, la disposition adoptée par le législateur na pas pour effet de priver les hommes, dans tous les cas et de manière certaine, du bénéfice de la bonification : les hommes comme les femmes peuvent être placés en position de congé parental ou en disponibilité pour élever un enfant, sans quaucune règle juridique ne vienne restreindre ces possibilités.
Au surplus, le législateur pouvait valablement décider, pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, de modifier plus substantiellement le régime applicable aux fonctionnaires relevant du code des pensions civiles et militaires de retraite en substituant au système de la bonification le système de la validation, dans la limite de trois ans par enfant, des périodes de temps partiel de droit pour élever un enfant, de congé parental, de congé de présence parentale ou de disponibilité pour élever un enfant de moins de huit ans. En retenant la date du 1er janvier 2004, le législateur a fixé léchéance à laquelle le système de la validation succédera au système de la bonification. On peut noter que cette date est cohérente avec celle retenue pour lentrée en vigueur de plusieurs autres dispositions de la loi. Aucune atteinte au principe dégalité ne résulte de ce que, à compter dune date déterminée, le législateur décide de modifier léconomie dun dispositif existant.
3. En troisième lieu, sil est vrai que le législateur a décidé de faire rétroagir les nouvelles dispositions du b de larticle L. 12 au 28 mai 2003, date de ladoption du projet de loi par le conseil des ministres et de son dépôt sur le bureau de lAssemblée nationale, ce choix ne peut être jugé contraire à la Constitution.
Hormis en matière répressive, le principe de non-rétroactivité est investi dune simple valeur législative. Le législateur peut, sans méconnaître aucune règle ni aucun principe à valeur constitutionnelle, décider dy déroger en considération dun motif dintérêt général suffisant, dès lors quil ne prive pas de garanties légales des exigences constitutionnelles (décision no 2001-453 DC du 18 décembre 2001).
Au cas présent, la rétroactivité décidée par le législateur est de faible portée, puisquelle ne conduit à anticiper lapplication des nouvelles dispositions du b de larticle L. 12 que de trois mois au maximum. Elle est comparable à celle quavait déjà décidée le législateur à loccasion de décristallisation des pensions à laquelle a procédé larticle 68 de la loi no 2002-1576 du 30 décembre 2002 de finances rectificative pour 2002.
Cette légère rétroactivité vise à prévenir le risque que lannonce du dépôt au Parlement du projet de loi portant réforme des retraites, et le fait quil soit rendu public, ne se traduise pas par un afflux de recours devant les juridictions administratives, uniquement destinés à conserver aux requérants de sexe masculin le bénéfice de la bonification initialement conçue pour les fonctionnaires de sexe féminin mais ouverte, de fait, à tous les fonctionnaires à la suite de larrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 29 novembre 2001 et de la décision du Conseil dEtat tirant les conséquences de cet arrêt (CE 30 décembre 2002, Griesmar no 198529). Le législateur a, en effet, renoncé à procéder à une validation législative et rétroactive en cette matière et à interférer dans le cours des procédures juridictionnelles engagées. Mais il a décidé cette légère rétroactivité pour faire échec à déventuels contentieux, non encore engagés à la date du dépôt du projet de loi, et qui nauraient été présentés, à cette date, que dans le but de contourner la modification du régime législatif à laquelle le Parlement entendait procéder. En tout état de cause, cette rétroactivité ne se traduira pas par une remise en cause des pensions liquidées depuis le 28 mai 2003.
V. - Sur les articles 51, 54 et 66
A. - Larticle 51 modifie les articles L. 13 à L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite relatifs au décompte et à la valeur des annuités liquidables, aux émoluments de base et au montant garanti de la pension.
Larticle 54 modifie les articles L. 25 à L. 26 bis du code des pensions civiles et militaires de retraite relatifs à lâge auquel la liquidation de la pension peut intervenir et à la date de mise en paiement de la pension de retraite.
Larticle 66 détermine les conditions dentrée en application des dispositions du code des pensions civiles et militaires de retraite modifiées par la loi déférée.
Les députés et sénateurs requérants critiquent ces dispositions en invoquant le principe dégalité. Ils soutiennent que le législateur ne pouvait prévoir des montants de pension différents selon les fonctionnaires pour des mêmes périodes de service, que le critère de la date de liquidation de la pension nest ni objectif ni rationnel, et que les dispositions en cause méconnaissent les principes de clarté, dintelligibilité et daccessibilité de la règle de droit. Ils soutiennent, en outre, que larticle 54 aurait pour effet dappliquer les règles de liquidation de la pension en vigueur au moment de la mise en paiement et quil serait contraire au principe dégalité, parce quil conduit à appliquer des règles différentes à des situations objectivement identiques.
B. - Ces griefs ne pourront être retenus.
1. En premier lieu, il faut rappeler quil est loisible au législateur, en fonction de lappréciation quil porte sur ce quexige lintérêt général, de modifier les dispositions législatives relatives aux pensions de retraite. Il lui appartient, notamment, dorganiser la solidarité entre les personnes en activité, les personnes sans emploi et les retraités et de maintenir léquilibre financier permettant à lensemble des institutions de sécurité sociale de remplir leur rôle (décision no 85-200 DC du 16 janvier 1986). Le Conseil constitutionnel a déjà précisé quaucune règle ni aucun principe constitutionnel ne garantit lintangibilité des droits à retraite liquidés (décision no 94-348 DC du 3 août 1994). A fortiori, le législateur peut-il modifier les conditions nécessaires à lobtention de pensions de retraite non encore liquidées.
Dès lors que le législateur décide, comme il en a le pouvoir, de modifier les règles applicables à compter dune date quil détermine, le principe dégalité ne peut être utilement invoqué pour soutenir que les personnes dont la retraite serait liquidée après la date déterminée par le législateur devraient être traitées de la même manière que celles dont la pension a été liquidée avant cette date. Ces personnes ne sont pas dans la même situation au regard des dispositions législatives qui leur sont respectivement applicables. De ce point de vue, il faut rappeler que les droits à pension sont appréciés en fonction de la législation en vigueur à la date de liquidation de la pension. Toutes les personnes qui atteignent lâge douverture des droits à pension à la même date seront traitées de la même façon. Il ne peut, dès lors, être considéré que le principe dégalité serait méconnu.
En outre, la règle simple selon laquelle le droit applicable à la détermination de la pension est celui en vigueur à la date où lon atteint lâge de la retraite ne peut, en aucune façon, être regardée comme portant atteinte au principe de clarté de la loi ou à lobjectif constitutionnel dintelligibilité et daccessibilité de la règle de droit.
2. En second lieu, on doit souligner que largumentation des parlementaires requérants, tirée de ce que les règles applicables pourraient dépendre de la plus ou moins grande célérité des services chargés de procéder à la liquidation des pensions, manque en fait.
La date prise en considération, y compris par le nouvel article L. 17, est toujours celle de louverture des droits à pension. Il sagit dune date certaine déterminée en vertu des articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite. Lorsque la pension est liquidée en application de larticle L. 24, la date prise en considération - la date de liquidation - est la date de la radiation des cadres et équivaut à la date dadmission à la retraite. Le droit applicable est celui en vigueur à cette date, quand bien même ladministration tarderait à liquider la pension. Lorsque la pension est liquidée en vertu de larticle L. 25 - cest-à-dire dans des cas où la radiation des cadres ne correspond pas à ladmission à la retraite (par exemple dans lhypothèse dune démission en cours de carrière qui emporte radiation des cadres avant lâge de la retraite) -, la date prise en considération est celle à laquelle la pension sera mise en paiement au sens où lentend larticle L. 25, cest-à-dire la date à laquelle lintéressé fait valoir ses droits à pension. Dans ce dernier cas, la radiation des cadres ne peut en effet constituer une date pertinente, à la différence de la date de mise en paiement qui correspond à la date dadmission à la retraite. Il faut souligner que, là encore, la date à laquelle renvoie larticle L. 25 est une date certaine qui ne dépend nullement de la plus ou moins grande diligence de ladministration.
On peut indiquer, dailleurs, que la procédure de liquidation se déroule plusieurs mois avant léchéance de la mise à la retraite, en vertu des dispositions réglementaires applicables, en particulier larticle 3 du décret no 80-792 du 2 octobre 1980 tendant à accélérer le règlement des droits à pension de retraite de lEtat ou larticle 61 du décret no 65-773 du 9 septembre 1965 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliés à la CNRACL. La procédure est amorcée au moins six mois avant cette échéance, ce qui permet aux services gestionnaires de pension dinstruire les demandes de mise à la retraite dans des délais compatibles avec la mise en paiement, de telle sorte que ne se produise pas de rupture entre le dernier traitement dactivité et la mise en paiement de la pension, qui prend effet le premier jour du mois civil qui suit celui au cours duquel se produit la cessation dactivité (V. larticle R. 96 du code des pensions civiles et militaires de retraite).
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En définitive, le Gouvernement considère que les critiques adressées par les parlementaires saisissants ne sont pas de nature à justifier la censure de la loi déférée. Cest pourquoi il estime que le Conseil constitutionnel devra rejeter les recours dont il est saisi.