Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2003/17 du samedi 20 septembre 2003
Décision no 2003-483 DC du 14 août 2003
NOR : CSCL0306824S
LOI PORTANT RÉFORME DES RETRAITES
Le Conseil constitutionnel a été saisi, dans les conditions prévues à larticle 61, deuxième alinéa, de la Constitution, de la loi portant réforme des retraites,
le 26 juillet 2003, par M. Jean-Marc Ayrault, Mmes Patricia Adam, Sylvie Andrieux-Bacquet, MM. Jean-Marie Aubron, Jean-Paul Bacquet, Jean-Pierre Balligand, Gérard Bapt, Claude Bartolone, Jacques Bascou, Christian Bataille, Jean-Claude Bateux, Jean-Claude Beauchaud, Eric Besson, Jean-Louis Bianco, Serge Blisko, Patrick Bloche, Maxime Bono, Augustin Bonrepaux, Jean-Michel Boucheron, Pierre Bourguignon, Mme Danielle Bousquet, MM. François Brottes, Thierry Carcenac, Christophe Caresche, Mme Martine Carillon-Couvreur, MM. Jean-Paul Chanteguet, Michel Charzat, Alain Claeys, Mme Marie-Françoise Clergeau, MM. Gilles Cocquempot, Pierre Cohen, Mme Claude Darciaux, M. Michel Dasseux, Mme Martine David, MM. Marcel Dehoux, Michel Delebarre, Jean Delobel, Bernard Derosier, Marc Dolez, François Dosé, René Dosière, Julien Dray, Jean-Pierre Dufau, Jean-Paul Dupré, Yves Durand, Henri Emmanuelli, Claude Evin, Laurent Fabius, Jacques Floch, Pierre Forgues, Michel Françaix, Jean Gaubert, Mmes Nathalie Gautier, Catherine Génisson, MM. Jean Glavany, Gaétan Gorce, Alain Gouriou, Mmes Elisabeth Guigou, Paulette Guinchard-Kunstler, M. David Habib, Mme Danièle Hoffman-Rispal, MM. François Hollande, Jean-Louis Idiart, Mme Françoise Imbert, MM. Serge Janquin, Armand Jung, Mme Conchita Lacuey, MM. Jérôme Lambert, Jack Lang, Jean Launay, Jean-Yves Le Bouillonnec, Gilbert Le Bris, Jean-Yves Le Déaut, Jean-Yves Le Drian, Jean Le Garrec, Jean-Marie Le Guen, Bruno Le Roux, Mme Marylise Lebranchu, MM. Patrick Lemasle, Mme Annick Lepetit, MM. Jean-Claude Leroy, Michel Liebgott, Mme Martine Lignières-Cassou, MM. François Loncle, Philippe Martin, Christophe Masse, Didier Mathus, Kléber Mesquida, Jean Michel, Didier Migaud, Mme Hélène Mignon, MM. Arnaud Montebourg, Henri Nayrou, Alain Néri, Mme Marie-Renée Oget, MM. Michel Pajon, Christian Paul, Germinal Peiro, Mmes Marie-Françoise Pérol-Dumont, Geneviève Perrin-Gaillard, MM. Jean-Jack Queyranne, Paul Quilès, Simon Renucci, Alain Rodet, Bernard Roman, René Rouquet, Patrick Roy, Mmes Ségolène Royal, Odile Saugues, MM. Dominique Strauss-Kahn, Pascal Terrasse, Philippe Tourtelier, Daniel Vaillant, André Vallini, Manuel Valls, Michel Vergnier, Alain Vidalies, Jean-Claude Viollet, Philippe Vuilque, Jean-Pierre Defontaine, Paul Giacobbi, Mme Chantal Robin-Rodrigo et M. Roger-Gérard Schwartzenberg, députés,
et, le 28 juillet 2003, par M. Claude Estier, Mme Michèle André, MM. Bernard Angels, Bertrand Auban, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, M. Jean Besson, Mme Marie-Christine Blandin, M. Didier Boulaud, Mmes Yolande Boyer, Claire-Lise Campion, M. Jean-Louis Carrère, Bernard Cazeau, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Raymond Courrière, Roland Courteau, Yves Dauge, Marcel Debarge, Claude Domeizel, Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, MM. Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Jean-Noël Guérini, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. André Labarrère, Serge Lagauche, Louis Le Pensec, André Lejeune, Jacques Mahéas, Jean-Yves Mano, François Marc, Marc Massion, Gérard Miquel, Jean-Marc Pastor, Guy Penne, Daniel Percheron, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mmes Danièle Pourtaud, Gisèle Printz, MM. Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Roger Rinchet, Gérard Roujas, Claude Saunier, Michel Sergent, Jean-Pierre Sueur, Simon Sutour, Michel Teston, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vezinhet, Marcel Vidal, Henri Weber, sénateurs ;
Le Conseil constitutionnel,
Vu la Constitution ;
Vu lordonnance no 58-1067 du 7 novembre 1958 modifiée portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;
Vu la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en uvre progressive du principe de légalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code des pensions civiles et militaires de retraite ;
Vu la loi no 2001-1246 du 21 décembre 2001 de financement de la sécurité sociale pour 2002, en son article 64 ;
Vu les observations du Gouvernement, enregistrées le 6 août 2003 ;
Vu les observations en réplique présentées par les députés auteurs de la première saisine, enregistrées le 11 août 2003 ;
Le rapporteur ayant été entendu,
1. Considérant que les auteurs des deux saisines défèrent au Conseil constitutionnel la loi portant réforme des retraites ; quils contestent notamment la conformité à la Constitution, en tout ou partie, de ses articles 3, 5, 32, 48, 51, 54 et 66 ;
Sur larticle 3 :
2. Considérant quaux termes de larticle 3 de la loi déférée : « Les assurés doivent pouvoir bénéficier dun traitement équitable au regard de la retraite, quels que soient leurs activités professionnelles passées et le ou les régimes dont ils relèvent » ;
3. Considérant que les requérants soutiennent, dune part, qu« en prescrivant cette règle, le législateur est resté en deçà de sa propre compétence » ;
4. Considérant que larticle 3 se borne à exposer le motif déquité qui inspire plusieurs des dispositions particulières figurant dans le texte déféré ; quil en est ainsi notamment des dispositions assurant un montant minimal des pensions, améliorant la situation du conjoint survivant et celle des non-salariés, ou permettant de prendre en compte le handicap, les « meilleures années » des retraités relevant de plusieurs régimes et les longues durées de carrière accomplies par les personnes entrées tôt dans la vie active ; que larticle 3, dépourvu par lui-même de valeur normative, ne saurait être utilement argué dinconstitutionnalité ;
5. Considérant quils soutiennent, dautre part, que le législateur a méconnu le Préambule de la Constitution de 1946 ; quil aurait dû, dans les autres dispositions de la loi, prendre en compte la pénibilité des tâches assurées par les travailleurs, sans renvoyer cette question à la négociation collective ;
6. Considérant quaux termes du onzième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, confirmé par celui de la Constitution du 4 octobre 1958, la Nation « garantit à tous, notamment à lenfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs. Tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans lincapacité de travailler a le droit dobtenir de la collectivité des moyens convenables dexistence » ;
7. Considérant que lexigence constitutionnelle résultant des dispositions précitées implique la mise en uvre dune politique de solidarité nationale en faveur des travailleurs retraités ; quil est cependant possible au législateur, pour satisfaire à cette exigence, de choisir les modalités concrètes qui lui paraissent appropriées ; quen particulier, il lui est à tout moment loisible, statuant dans le domaine qui lui est réservé par larticle 34 de la Constitution, de modifier des textes antérieurs ou dabroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, dautres dispositions ; quil ne lui est pas moins loisible dadopter, pour la réalisation ou la conciliation dobjectifs de nature constitutionnelle, des modalités nouvelles dont il lui appartient dapprécier lopportunité et qui peuvent comporter la modification ou la suppression de dispositions quil estime excessives ou inutiles ; que, cependant, lexercice de ce pouvoir ne saurait aboutir à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel ;
8. Considérant que, du point de vue de son économie générale, la loi déférée a mis en uvre lexigence constitutionnelle précitée sans la priver de garanties légales ;
9. Considérant quil résulte de ce qui précède que le grief doit être rejeté ;
Sur larticle 5 :
10. Considérant que larticle 5 de la loi déférée a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles sera allongée la durée dassurance ou de services permettant de bénéficier dune pension de retraite complète ; quaux termes de son III, critiqué par les requérants : « A compter de 2009, la durée dassurance nécessaire pour bénéficier dune pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum dune pension civile ou militaire de retraite sont majorées dun trimestre par année pour atteindre quarante et une annuités en 2012 sauf si, au regard des évolutions présentées par le rapport mentionné au II et de la règle fixée au I, un décret pris après avis, rendus publics, de la commission de garantie des retraites et du conseil dorientation des retraites ajuste le calendrier de mise en uvre de cette majoration » ;
11. Considérant quil est fait grief à cette disposition de méconnaître larticle 34 de la Constitution, lobjectif de valeur constitutionnelle dintelligibilité et daccessibilité de la loi, ainsi que le principe dégalité ;
En ce qui concerne le grief tiré de la violation de larticle 34 de la Constitution :
12. Considérant que, selon les requérants, les durées dassurance et de services requises pour obtenir une pension au taux plein relèvent du domaine de la loi ; quils soutiennent en conséquence que le législateur ne pouvait confier au pouvoir réglementaire le soin de les modifier à partir de 2009 ;
13. Considérant que larticle 34 de la Constitution donne compétence au législateur pour fixer les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de lEtat et déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales ainsi que ceux du droit du travail et de la sécurité sociale ; quen vertu du premier alinéa de larticle 37 de la Constitution, il appartient au pouvoir réglementaire de déterminer les modalités de mise en uvre des garanties et principes fondamentaux posés par le législateur ;
14. Considérant que le premier alinéa du I de larticle 5 de la loi déférée fixe la règle selon laquelle « la durée dassurance nécessaire pour bénéficier dune pension de retraite au taux plein et la durée des services et bonifications nécessaire pour obtenir le pourcentage maximum dune pension civile ou militaire de retraite... évoluent de manière à maintenir constant, jusquen 2020, le rapport constaté, à la date de publication de la présente loi, entre ces durées et la durée moyenne de retraite » ; quà cet effet, les autres dispositions du I de larticle 5 déterminent ce rapport à la date de la présente loi et définissent la notion de durée moyenne de la retraite en fonction de lespérance de vie à soixante ans ;
15. Considérant quil était loisible au législateur, sans méconnaître létendue de sa compétence, de prévoir daugmenter, à raison dun trimestre par année entre 2009 et 2012, les durées dassurance et de services nécessaires pour bénéficier dune pension au taux plein, tout en laissant à un décret le soin dajuster cette évolution, à partir de 2009, de manière à assurer la constance du rapport que la loi a elle-même déterminé au I précité de larticle 5 ;
En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance de lobjectif de valeur constitutionnelle dintelligibilité et daccessibilité de la loi :
16. Considérant que, selon les requérants, la possibilité, prévue par le III de larticle critiqué, de modifier par décret la durée dassurance ou de services permettant de bénéficier dune pension de retraite complète rendrait « particulièrement délicate linformation effective et objective des ayants droit », qui ne pourront plus « savoir avec certitude le nombre de trimestres de cotisations nécessaires pour sassurer une liquidation de leurs droits à la retraite avec un taux plein » ;
17. Considérant que, dune part, les assurés auront connaissance de la règle fixée par le I de larticle 5, qui détermine désormais la durée dassurance ou de services requise pour bénéficier dune retraite au taux plein ; que, dautre part, si cette durée est susceptible dêtre modifiée, cette variation est inhérente tant à limpossibilité dans laquelle se trouve le législateur de savoir comment évoluera lespérance de vie à lâge de la retraite, quà sa volonté de sauvegarder léquilibre du système de retraite par répartition ; quenfin, la loi critiquée prévoit, en ses articles 6 et 10, des mesures nouvelles permettant de garantir linformation des assurés, y compris en ce qui concerne leur situation individuelle ;
En ce qui concerne le grief tiré de la violation du principe dégalité :
18. Considérant que les requérants soutiennent que lallongement de la durée de cotisation par voie réglementaire conduira à ce que des personnes justifiant de la même durée de cotisation soient traitées différemment lors de la liquidation de leur retraite ;
19. Considérant que lobjectif que le législateur sest fixé de garantir le système de retraites par répartition la conduit à faire dépendre le calcul des droits des retraités de lévolution future de lespérance de vie après soixante ans ; que, ce faisant, le législateur na pas méconnu le principe dégalité ;
20. Considérant quil résulte de tout ce qui précède que les griefs dirigés contre larticle 5 de la loi déférée doivent être écartés ;
Sur larticle 32 :
21. Considérant que le I de larticle 32 de la loi déférée rédige comme suit larticle L. 351-4 du code de la sécurité sociale : « Les femmes assurées sociales bénéficient dune majoration de leur durée dassurance dun trimestre pour toute année durant laquelle elles ont élevé un enfant, dans des conditions fixées par décret, dans la limite de huit trimestres par enfant » ;
22. Considérant que les requérants soutiennent que ces dispositions méconnaîtraient le principe dégalité entre les femmes et les hommes ;
23. Considérant que le principe dégalité ne soppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce quil déroge à légalité pour des raisons dintérêt général pourvu que, dans lun et lautre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec lobjet de la loi qui létablit ;
24. Considérant que lattribution davantages sociaux liés à léducation des enfants ne saurait dépendre, en principe, du sexe des parents ;
25. Considérant, toutefois, quil appartenait au législateur de prendre en compte les inégalités de fait dont les femmes ont jusquà présent été lobjet ; quen particulier, elles ont interrompu leur activité professionnelle bien davantage que les hommes afin dassurer léducation de leurs enfants ; quainsi, en 2001, leur durée moyenne dassurance était inférieure de onze années à celle des hommes ; que les pensions des femmes demeurent en moyenne inférieures de plus du tiers à celles des hommes ; quen raison de lintérêt général qui sattache à la prise en compte de cette situation et à la prévention des conséquences quaurait la suppression des dispositions de larticle L. 351-4 du code de la sécurité sociale sur le niveau des pensions servies aux assurées dans les années à venir, le législateur pouvait maintenir, en les aménageant, des dispositions destinées à compenser des inégalités normalement appelées à disparaître ;
26. Considérant que les requérants demandent au Conseil constitutionnel de juger quune mesure analogue à celle prévue à larticle 32 devra intervenir pour les hommes comme pour les femmes ; que le Conseil constitutionnel ne saurait, sans outrepasser les limites des pouvoirs que lui a confiés la Constitution, adresser une telle injonction au législateur ; quau demeurant, la mesure demandée ne ferait, en létat, quaccroître encore les différences significatives déjà constatées entre les femmes et les hommes au regard du droit à pension ;
Sur larticle 48 :
27. Considérant que larticle 48 modifie notamment les critères dattribution de la bonification dont bénéficiaient les femmes fonctionnaires pour chacun de leurs enfants légitimes, naturels ou adoptifs et, sous réserve quils aient été élevés pendant neuf ans au moins avant leur vingt et unième anniversaire, pour les autres enfants à charge mentionnés au II de larticle L. 18 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que cette bonification, qui sajoute à la durée de leurs services effectifs, reste fixée, pour les enfants nés, adoptés ou pris en charge avant le 1er janvier 2004, à une année par enfant ; que, toutefois, pour les pensions liquidées après le 28 mai 2003, la bonification prévue à larticle 48 sappliquera aux hommes comme aux femmes et son bénéfice sera subordonné, pour tous les fonctionnaires, à la « condition quils aient interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret en Conseil dEtat » ;
28. Considérant que les requérants reprochent à cette disposition de méconnaître larticle 34 de la Constitution, ainsi que les principes dégalité et de non-rétroactivité de la loi ;
En ce qui concerne la méconnaissance de larticle 34 de la Constitution :
29. Considérant que, selon les auteurs des deux saisines, le législateur serait resté en deçà de la compétence que lui confie larticle 34 de la Constitution « en renvoyant au décret la détermination des conditions dinterruption dactivité ouvrant droit à cette bonification » ;
30. Considérant quen vertu de la répartition des compétences résultant des articles 34 et 37 de la Constitution, linstitution de la bonification prévue par larticle 48 de la loi déférée figure au nombre des garanties fondamentales relevant du domaine de la loi ; que, sil en est de même de la soumission de cette bonification à la condition que lactivité des intéressés ait été interrompue, le législateur nest pas resté en deçà de sa compétence en renvoyant à un décret la détermination des cas dinterruption ;
En ce qui concerne la méconnaissance du principe dégalité :
31. Considérant que, selon les auteurs des deux saisines, la disposition critiquée entraîne une double rupture dégalité ; quelle « réintroduit », en premier lieu, « une inégalité au sein du couple », les femmes étant incitées, pour bénéficier de la bonification, « à demeurer au foyer », et les hommes le plus souvent écartés du bénéfice de la mesure ; quelle rompt, en second lieu, légalité de traitement entre les fonctionnaires selon que leurs enfants sont nés avant ou après le 1er janvier 2004 et que leur pension est liquidée avant ou après le 28 mai 2003 ;
32. Considérant, en premier lieu, que la disposition critiquée tend à reconnaître le bénéfice dune bonification à lensemble des fonctionnaires ayant élevé des enfants, sous réserve quils aient interrompu leur activité ; que, contrairement aux dires des requérants, cette disposition reconnaît la même possibilité de choix aux femmes et aux hommes ;
33. Considérant, en second lieu, que la date du 28 mai 2003 est celle à laquelle le projet doù est issue la loi déférée a été délibéré en conseil des ministres et, de ce fait, porté à la connaissance du public ; que, pour les enfants nés ou adoptés à compter du 1er janvier 2004, larticle 44 de la loi déférée valide, dans certaines limites, les périodes au cours desquelles les fonctionnaires auront interrompu ou réduit leur activité professionnelle pour élever un enfant ; que les dates ainsi prévues par le législateur reposent sur des critères objectifs et rationnels ; quau demeurant, les différences de traitement dénoncées, de caractère provisoire et inhérentes à la succession de régimes juridiques dans le temps, ne sont pas contraires au principe dégalité ;
En ce qui concerne la violation du principe de non-rétroactivité :
34. Considérant que, selon les auteurs des deux saisines, le législateur aurait conféré à la disposition critiquée une portée rétroactive, les nouvelles modalités de calcul de la bonification prévue par larticle 48 devant sappliquer aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 ; quils considèrent que cette rétroactivité ne serait justifiée par aucun intérêt général et quelle serait donc contraire à la Constitution ;
35. Considérant quil ressort des travaux parlementaires que le législateur na pas entendu remettre en cause les pensions liquidées depuis le 28 mai 2003 ; quil sensuit que le grief doit être écarté ;
36. Considérant quil résulte de tout ce qui précède que les griefs dirigés contre larticle 48 doivent être rejetés ;
Sur les articles 51 et 66 :
37. Considérant que larticle 51 de la loi déférée fixe de nouvelles règles de calcul des pensions des fonctionnaires en modifiant les articles L. 13 à L. 17 du code des pensions civiles et militaires de retraite ; que larticle 66 détermine le calendrier de mise en uvre de ces règles ;
38. Considérant que les auteurs des saisines reprochent à ces nouvelles dispositions de prévoir des montants de pension différents pour les mêmes périodes de service ; quen outre, la législation au regard de laquelle sera liquidée la pension variera, selon eux, en fonction de la diligence des services liquidateurs ; quenfin, les nouvelles dispositions méconnaîtraient le principe de clarté de la loi, ainsi que lobjectif de valeur constitutionnelle dintelligibilité et daccessibilité de la loi ;
39. Considérant, en premier lieu, quainsi quil a été dit ci-dessus, il était loisible au législateur de modifier le taux de rémunération des annuités liquidables ;
40. Considérant, en deuxième lieu, que les règles applicables au calcul du montant de la pension sont celles en vigueur à la date douverture des droits ; que ce calcul dépend donc de la situation du fonctionnaire et non de la diligence des services de liquidation ;
41. Considérant, enfin, quen arrêtant, comme il la fait, les règles de calcul du montant des pensions, ainsi que les modalités transitoires de ce calcul, le législateur na porté atteinte ni au principe de clarté de la loi, qui découle de larticle 34 de la Constitution, ni à lobjectif de valeur constitutionnelle dintelligibilité et daccessibilité de la loi ;
42. Considérant quil résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre les articles 51 et 66 doivent être écartés ;
Sur larticle 54 :
43. Considérant que larticle 54 a pour objet de préciser les conditions dans lesquelles la jouissance dune pension peut être différée, lorsquun fonctionnaire civil ou militaire ne remplit pas les conditions dâge ou de durée de services nécessaires pour louverture immédiate des droits ; quil prévoit que, pour son application, « les règles de liquidation de la pension sont celles en vigueur au moment de sa mise en paiement » ;
44. Considérant que, selon les requérants, la référence à la réglementation en vigueur au moment de la mise en paiement est de nature à « appliquer des règles différentes à des situations objectivement identiques » et, partant, à rompre légalité entre fonctionnaires ;
45. Considérant que les règles applicables au calcul de la pension sont celles en vigueur à la date à laquelle, dès lors que lensemble des conditions douverture des droits est réuni, la pension peut être mise en paiement ; que ce calcul dépend donc de la situation du fonctionnaire et non de la diligence des services de liquidation ; quen arrêtant un tel mode de calcul, le législateur na ni effectué un choix arbitraire, ni méconnu le principe dégalité entre fonctionnaires ;
46. Considérant quil ny a lieu, pour le Conseil constitutionnel, de soulever doffice aucune question de conformité à la Constitution,
Décide :
Art. 1er. - Les articles 3, 5, 32, 48, 51, 54 et 66 de la loi portant réforme des retraites ne sont pas contraires à la Constitution.
Art. 2. - La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 14 août 2003, où siégeaient : MM. Yves Guéna, président, Michel Ameller, Jean-Claude Colliard, Olivier Dutheillet de Lamothe, Pierre Joxe, Pierre Mazeaud, Mmes Monique Pelletier, Dominique Schnapper et Simone Veil.
Le président, Yves Guéna |