Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/17 du vendredi 20 septembre 2002
Le Conseil constitutionnel a été saisi, par plus de soixante députés, dun recours dirigé contre larticle 3 de la loi portant création dun dispositif de soutien à lemploi des jeunes en entreprise, adoptée le 1er août 2002.
Ce recours appelle, de la part du Gouvernement, les observations suivantes.
A. - Larticle 3 de la loi, issu dun amendement présenté en première lecture par le Gouvernement devant le Sénat, a complété les dispositions de larticle L. 351-14 du code du travail afin de permettre de financer lallocation dassurance chômage versée aux salariés relevant des professions de la production cinématographique, de laudiovisuel ou du spectacle involontairement privés demploi par une contribution spécifique supplémentaire à la charge des employeurs et des salariés, dans les conditions déterminées par un accord conclu en vertu de larticle L. 351-8 du code du travail.
Cette disposition, qui autorise la perception de la contribution spécifique à compter du 1er septembre 2002, est applicable à laccord relatif à lassurance chômage des intermittents du spectacle qui a été conclu le 19 juin 2002 et qui est aujourdhui soumis à lagrément du ministre chargé de lemploi.
A lappui de leur recours, les députés font valoir que la disposition contestée aurait été adoptée en méconnaissance des articles 39 et 44 de la Constitution, parce quelle serait dépourvue de tout lien avec lobjet du projet de loi qui était soumis au Parlement.
B. - Cette argumentation ne pourra quêtre écartée.
1. Il sera rappelé, dune part, que linvocation de larticle 39 de la Constitution est inopérante à légard dune disposition résultant dun amendement déposé par le Gouvernement, avant la réunion de la commission mixte paritaire. Le Gouvernement se borne, dans un tel cas, à exercer un droit quil tient de larticle 44 de la Constitution (décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002).
Il résulte, dautre part, des dispositions combinées des articles 39, 44 et 45 de la Constitution que le droit damendement peut sexercer à chaque stade de la procédure législative, sous réserve des dispositions particulières applicables après la réunion de la commission mixte paritaire. Les adjonctions et modifications apportées au texte en cours de discussion ne peuvent toutefois être dépourvues de tout lien avec lobjet du texte soumis au Parlement.
On peut relever que la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel a cessé dimpartir à lexercice du droit damendement des limites supplémentaires, tenant à lampleur intrinsèque des adjonctions ou modifications apportées au texte initial (voir la décision no 2001-445 DC du 19 juin 2001 et la décision no 2001-455 DC du 12 janvier 2002, revenant sur la décision no 86-225 DC du 23 janvier 1987). La jurisprudence sen tient désormais à la seule condition selon laquelle une disposition résultant dun amendement ne doit être dépourvue de tout lien avec le texte en discussion, condition qui est appréciée souplement.
Ainsi le Conseil constitutionnel a-t-il, par exemple, admis lexistence dun lien, dans le domaine social, entre des dispositions relatives à la cessation dactivité des agents publics et la détermination de leurs droits à pension avec un projet de loi portant dispositions relatives à la santé publique et aux assurances sociales, alors même que ces agents ne relèvent pas du régime des assurances sociales (décision no 90-287 DC du 16 janvier 1991).
2. En lespèce, la disposition critiquée de larticle 3 nest pas dépourvue de tout lien avec lobjet ou les autres dispositions de la loi portant création dun dispositif de soutien à lemploi des jeunes en entreprise.
Les principales dispositions de la loi déférée ont pour objet de mettre en place un dispositif spécifique susceptible de favoriser laccès à lemploi dune catégorie particulière de la population active. Ce dispositif, adapté aux difficultés auxquelles se heurtent certains jeunes en raison de leur âge et de labsence de diplôme, vise à leur permettre dobtenir un emploi stable et un revenu suffisant.
La mesure adoptée à larticle 3 de la loi vise également à permettre un meilleur accès à un emploi stable et à un revenu suffisant pour une catégorie particulière de la population active. Les obstacles que lon cherche à lever sont certes dune nature différente. Mais la consolidation du régime interprofessionnel dassurance chômage et la pérennisation en son sein dun dispositif dindemnisation dérogatoire au profit des professions du spectacle, de la production cinématographique et de laudiovisuel sont au nombre des éléments qui permettent, eu égard aux particularités dexercice de ces professions, aux personnes qui en relèvent daccéder à lemploi dans de meilleures conditions.
Il faut, à cet égard, relever que, depuis une dizaine dannées, près de 90 % des salariés du secteur culturel exercent leur activité dans le cadre de contrats de durée déterminée dusage, effectués au sein dune même structure ou chez des employeurs différents. Ce développement des emplois intermittents sest accompagné dune baisse de la durée annuelle moyenne de travail de 40 % entre 1986 et 1999, ainsi que dune diminution de 37 % du montant des rémunérations annuelles moyennes perçues. Les conditions de travail des intermittents du spectacle se caractérisent ainsi par une précarité croissante, qui a rendu nécessaire ladoption et la pérennisation de règles dindemnisation dérogatoires au droit commun défini par la convention dassurance chômage.
Ces conditions dérogatoires permettent aux salariés concernés, à condition quils remplissent les conditions minimales daffiliation, de bénéficier dune allocation chômage versée continûment entre les périodes de travail. A ce titre, lallocation versée par le régime dassurance chômage constitue un revenu de complément qui permet aux intermittents du spectacle de préserver leur autonomie et de se consacrer à leur vocation dans des conditions financières satisfaisantes. Grâce à ce système, les entreprises disposent, quant à elles, dun vivier de talents très divers et aisément mobilisables.
Il faut, en outre, souligner que ce régime protecteur bénéficie notamment aux jeunes qui, en raison dune expérience professionnelle insuffisante, rencontrent des difficultés particulières lors de leur entrée sur le marché du travail. Dans son rapport du 13 mars 1997, M. Pierre Cabannes indiquait ainsi que ce régime « crée en pratique un statut revendiqué notamment par les jeunes, pour lesquels il constitue une sorte de régime de garantie de ressources et un processus dinsertion dans la vie active ».
La consolidation de ce dispositif spécifique dindemnisation du chômage et son maintien dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle contribuent donc à linsertion professionnelle des jeunes et, plus généralement, au soutien de lemploi dans un secteur qui sest structuré depuis plusieurs années autour de règles dérogatoires dindemnisation.
On peut ajouter que les mesures décidées par les articles 1er et 3 de la loi ont toutes deux trait, au moins en partie, à des contributions qui entrent dans le champ de lUNEDIC.
Ainsi, au-delà des leviers utilisés, les articles 1er et 3 de la loi déférée, qui sinsèrent tous deux dans le même livre du code du travail, constituent deux éléments de la politique de lemploi destinés à lever, par des mécanismes adaptés, certains freins qui sopposent à un accès satisfaisant à lemploi de catégories particulières de demandeurs demploi. Par leur objet même, ils ne sont pas dépourvus de lien. Larticle 3 na, dès lors, pas été adopté dans des conditions contraires aux dispositions des articles 39 et 44 de la Constitution.
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En définitive, le Gouvernement considère que le moyen soulevé par les auteurs du recours nest pas de nature à justifier la censure des dispositions déférées au Conseil constitutionnel. Quant au mémoire présenté, sous sa seule signature, par un sénateur, il ne pourra quêtre écarté comme irrecevable par application de larticle 61 de la Constitution (décision no 2001-450 DC du 11 juillet 2001).