Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2002/11  du jeudi 20 juin 2002




Travail précaire

MINISTÈRE DE L’EMPLOI
ET DE LA SOLIDARITÉ
Direction des relations du travail

Sous-direction
des droits des salariés


Circulaire DRT no 2002-08 du 2 mai 2002 relative à la mise en œuvre de la loi de modernisation sociale, dispositions relatives à la lutte contre la précarité des emplois

NOR :  MEST0210105C

(Texte non paru au Journal officiel)

Texte abrogé : néant.
Référence : loi no 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale (JO du 18 janvier 2002),

Madame et Messieurs les préfets de région ; Mesdames et Messieurs les directeurs régionaux du travail ; Mesdames et Messieurs les préfets de département ; Mesdames et Messieurs les directeurs départementaux du travail ; Mesdames et Messieurs les inspecteurs du travail.
    Le volume du travail temporaire correspond à environ 600 000 équivalents emplois à temps plein tandis que deux tiers des embauches sont aujourd’hui réalisées sous forme de contrats à durée déterminée.
    Le recours à des emplois précaires est justifié pour faire face aux situations définies par l’Accord interprofessionnel du 24 mars 1990 et par le code du travail, comme le surcroît temporaire d’activité ou le remplacement d’un salarié absent. Cependant, il est avéré que certaines entreprises utilisent les contrats de travail précaires comme un mode permanent de gestion des effectifs, au détriment des salariés concernés, qui subissent cette précarité, et de la collectivité qui en assume le coût à travers l’indemnisation du chômage et qui doit, plus généralement, faire face à ses conséquences sur l’endettement, les conditions de logement ou l’état de santé des travailleurs concernés.
    C’est pourquoi la loi de modernisation sociale vise à renforcer l’encadrement du recours au travail précaire, à prévenir ces abus et à accorder aux salariés en situation précaire de nouveaux droits.

1.  Le renforcement de l’encadrement du recours au travail précaire

1.1.  La loi réaffirme l’interdiction de pourvoir
des postes permanents par le biais des contrats à durée déterminée

    A l’initiative de la commission de l’Assemblée nationale, le Parlement a adopté un article modifiant les articles L. 122-1 et L. 124-2 et précisant que « quel que soit son motif », un contrat précaire (contrat à durée déterminée ou contrat de mission) ne peut avoir pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale de l’entreprise.
    Il ressort clairement des débats parlementaires que cette disposition rappelle et précise le droit en vigueur depuis la loi no 90-613 du 12 juillet 1990. Il s’agit de réaffirmer le caractère exceptionnel du recours au travail temporaire et aux contrats à durée déterminée.
    L’ajout issu de la loi de modernisation sociale ne modifie pas la portée des dispositions de l’article L. 122-1 relatif aux contrats se rattachant à la mise en œuvre de la politique de l’emploi. Ces dispositions, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, autorisent le recours à ces contrats pour pourvoir temporairement des postes liés à l’activité permanente de l’entreprise. Dans la mesure où il s’agit de favoriser l’insertion durable de travailleurs sur le marché de l’emploi, l’occupation d’un véritable poste de travail apparaît être la solution la plus efficace. Ces contrats obéissent à une logique différente de celle des contrats à durée déterminée de droit commun et font l’objet d’une réglementation particulière qui assure leur caractère temporaire.
    Le législateur ayant simplement voulu réaffirmer l’interdiction de pourvoir un poste permanent de l’entreprise par des contrats temporaires, l’usage des contrats de la politique de l’emploi n’est pas modifié par la loi de modernisation sociale.

1.2.  La loi introduit une nouvelle interdiction
de recours au travail temporaire

    Dans le cadre des dispositions réformant la médecine du travail, l’article 195 de la loi de modernisation sociale ajoute aux deux cas de l’article L. 124-2-3 (remplacement d’un salarié gréviste et réalisation de travaux particulièrement dangereux) une nouvelle interdiction de recours au travail temporaire pour remplacer un médecin du travail absent.
    Cette disposition qui se rattache à la volonté du législateur de mieux garantir l’indépendance des médecins du travail conduit à utiliser obligatoirement le contrat à durée déterminée pour remplacer un médecin du travail.

1.3.  La loi modifie les modalités de calcul
du délai de carence entre deux contrats précaires

    L’article 126 de la loi de modernisation sociale, qui modifie les modalités de décompte du délai de carence entre deux contrats à durée déterminée ou deux contrats de travail temporaire, se rattache à la volonté du législateur de mettre fin aux abus constatés en matière de succession de contrats précaires. Ainsi il a été fréquemment constaté le recours à des contrats de courte durée qui permettent de faire coïncider le délai de carence avec une période de fermeture de l’entreprise.
    Pour éviter cette situation, l’article 126 de la loi de modernisation sociale modifie les articles L. 122-3-11 et L. 124-7 pour, d’une part, allonger le délai pour les contrats de courte durée et, d’autre part, calculer le délai en jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement et non plus en jours calendaires.

1.3.1.  L’allongement du délai pour les contrats de courte durée

    Pour rendre moins attractifs les contrats de courte durée, la loi de modernisation sociale allonge le délai de carence pour les contrats dont la durée, renouvellement inclus, n’excède pas quatorze jours.
    Dans une telle situation, le délai est désormais de la moitié de la durée du contrat, renouvellement inclus, au lieu d’un tiers. Le délai de carence pour un contrat dont la durée est d’au moins quatorze jours reste d’un tiers de la durée totale, renouvellement inclus.

1.3.2.  Le calcul du délai en jours d’ouverture
de l’entreprise ou de l’établissement

    Pour éviter que le délai de carence ne coïncide avec une période de fermeture de l’entreprise, la loi modifie les modalités de calcul du délai de carence. Ce délai précédemment calculé en jours calendaires est désormais décompté « par référence aux jours d’ouverture de l’entreprise ou de l’établissement concerné », quelle que soit la durée des contrats.
    La notion de « jours d’ouverture » s’entend comme jours d’activité. Elle ne se confond pas avec les jours d’ouverture aux clients ou aux fournisseurs.
    Son décompte ne pose pas de difficultés lorsque les jours d’ouverture de l’établissement correspondent au temps de travail du salarié.
    Dans l’hypothèse où une partie de l’établissement (atelier, bureau) présenterait un nombre de jours d’activité supérieur à celui du salarié, on retiendra cette durée comme référence, dans le silence de la loi. Mais des activités annexes telles que les périodes de gardiennage ne peuvent être considérées comme des périodes d’ouverture de l’établissement.
    S’il s’agit d’une entreprise à établissements multiples, seront pris en référence les jours d’ouverture de l’établissement auquel est affecté le salarié.
    Le décompte des jours d’ouverture de l’établissement s’apprécie sur la période au cours de laquelle se situe le délai de carence.
    Exemple : un contrat débuté le 4 février 2002, prolongé à compter du 4 mars, est arrivé à terme le 22 mars. Sa durée a donc atteint (de date à date) sept semaines, soit 47 jours calendaires, le salarié étant employé du lundi au vendredi.
    L’un des ateliers de l’établissement fonctionne du lundi au samedi, sauf jours fériés.
    Le délai de carence est ici égal à un tiers de 47 = 15,66, arrondis à 16 jours. Décompté à partir du samedi 23 mars, il s’étend jusqu’au jeudi 11 avril, le lundi de Pâques étant déduit.
    Un nouveau contrat pourra donc être conclu à effet du 12 avril.

1.3.3.  Les modalités de détermination de la durée du contrat

    Le principe de décompte du délai en jours d’ouverture de l’entreprise s’applique au seul décompte du délai de carence.
    Il ressort en effet clairement des débats parlementaires que la détermination de la durée du contrat en jours calendaires n’est aucunement modifiée par la loi de modernisation sociale.
    L’Assemblée nationale a en effet rejeté un amendement parlementaire prévoyant un décompte dans les mêmes conditions que le décompte du délai de carence.
    La durée du contrat servant de base au calcul du délai de carence s’apprécie donc toujours en jours calendaires.

1.3.4.  L’application des nouvelles modalités de décompte
à un délai en cours

    La circulaire DRT/DGEFP no 2002-3 relative à l’entrée en vigueur de la loi de modernisation sociale indique que la disposition relative au délai de carence s’applique aux seuls contrats conclus après l’entrée en vigueur de la loi.
    Les modalités de décompte du délai s’apprécient donc par référence aux dispositions en vigueur au moment de la signature du contrat dont la durée sert de base au calcul du délai de carence.
    Dans ces conditions, dans le cas où un délai de carence était en cours au moment de l’entrée en vigueur de la loi, il n’y a pas lieu d’appliquer le nouveau délai de carence prévu par l’article 126 de la loi de modernisation sociale.

1.4.  La loi renforce le régime juridique des sanctions pénales applicable aux infractions à la réglementation sur le travail précaire

    Pour plus d’efficacité, le régime juridique des sanctions applicables aux infractions pénales (art. L. 152-1-4 et L. 152-2), tant pour les contrats à durée déterminée que pour le travail temporaire (principe de parité de rémunération entre salariés précaires et salariés permanents, absence de contrat écrit et de transmission dans les deux jours), a été harmonisé en ce qui concerne les infractions constitutives d’un délit. Un décret en Conseil d’Etat est en préparation afin d’instituer des contraventions pour les infractions aux mentions obligatoires des contrats à durée déterminée et des contrats de travail temporaire.

2.  La lutte contre le recours abusif au travail précaire

    Le rôle du comité d’entreprise dans le contrôle de l’utilisation par l’entreprise des contrats précaires est renforcé.
    La loi de modernisation sociale a complété, par son article 128, l’article L. 432-4-1 pour permettre au comité d’entreprise d’avertir l’inspecteur du travail dans deux cas :
    -  lorsqu’il a connaissance de faits susceptibles de caractériser un recours abusif aux contrats à durée déterminée ou aux contrats de travail temporaire ;
    -  lorsqu’il constate un accroissement important du nombre de salariés occupés dans l’entreprise sous contrats à durée déterminée ou contrats de travail temporaire.

2.1.  La notion de recours abusif au travail précaire

    S’agissant de la notion de recours abusif, le législateur a voulu retenir une notion plus large que celle d’infraction ou de recours illégal ou illicite aux contrats à durée déterminée ou aux contrats de travail temporaire. Il ne s’agit pas pour le comité d’entreprise de caractériser nécessairement une infraction mais bien de disposer d’une procédure d’alerte de l’inspecteur du travail dans de nouveaux cas.
    Cette notion de recours abusif au travail précaire est à rapprocher des termes des articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail, complétés par la loi de modernisation sociale, qui interdisent la conclusion de contrats précaires afin de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
    En effet, la critique principale en matière de développement de la précarité porte sur l’existence d’un pourcentage important et stable de travailleurs précaires dans certaines entreprises, au point que la contradiction entre cette pratique de gestion des effectifs et la notion de surcroît temporaire d’activité, qui est censée fonder le recours aux contrats précaires, incite à penser que l’entreprise a décidé de recourir de façon structurelle à ce mode de flexibilité externe.
    C’est dans ce type de cas de figure que le nouveau droit confié au comité d’entreprise prend tout son sens, en complétant utilement les dispositions répressives et préventives (art. L. 432-4-1 notamment) déjà prévues et renforcées par la loi de modernisation sociale. Car c’est au niveau même de l’entreprise, voire de l’établissement, que les représentants du personnel pourront apprécier le plus justement les conditions réelles d’utilisation de ce type de contrats.
    Le constat d’une utilisation importante et récurrente des contrats à durée déterminée et des missions d’intérim pourra ainsi conduire le comité d’entreprise à demander à l’inspecteur du travail d’enquêter dans l’entreprise sur le recours au travail précaire.

2.2.  La notion d’accroissement important du nombre de salariés précaires

    La notion d’accroissement important est appréciée par référence au nombre de contrats conclus au cours des mois précédents, au cours de la même période durant les années précédentes, ou par rapport à tout autre critère que le comité d’entreprise jugera pertinent, au regard par exemple du niveau d’activité de l’entreprise, ou du caractère saisonnier de celle-ci.

2.3.  Les modalités d’exercice du droit d’alerte

    La décision de saisir l’inspecteur du travail résulte d’une résolution prise à la majorité des membres présents du comité, dans les conditions prévues par l’article L. 434-3.
    La loi de modernisation sociale a prévu que les délégués du personnel peuvent exercer les attributions du comité d’entreprise, à défaut de comité d’entreprise. Sont visés ici les situations de carence de cette institution prévues par l’article L. 431-3.

2.4.  Les pouvoirs de l’inspecteur du travail

    La loi nouvelle étend les compétences de l’inspecteur du travail. Il pourra effectuer une enquête sur place, demander des précisions au chef d’entreprise ou apprécier les conditions de recours au travail précaire au vu notamment des relevés mensuels établis par les entreprises de travail temporaire ou du registre d’entrée et sortie du personnel, sans se limiter au strict constat d’éventuelles infractions pénales.
    Si l’inspecteur du travail considère, au vu de son enquête, que le recours aux contrats précaires n’est pas conforme aux articles L. 122-1 et L. 124-2 du code du travail, il adresse à l’employeur le rapport qui établit ce constat et il lui demande d’élaborer un plan de résorption de la précarité dans son entreprise.
    La loi n’a pas fixé les délais dans lesquels l’employeur devra établir ce plan, ni sa durée d’exécution car ces éléments dépendent naturellement de la situation particulière de chaque entreprise.
    En tout état de cause, l’employeur devra transmettre le rapport de l’inspecteur du travail au comité d’entreprise ou aux délégués du personnel avec ses éventuelles remarques et lui présenter le plan de résorption de la précarité qu’il aura élaboré.
    On observera qu’au terme du débat qui se déroulera avec les représentants du personnel, l’employeur restera maître du contenu du plan qu’il mettra en œuvre. Néanmoins, le défaut d’élaboration de plan, voire son insuffisance au regard des constatations de l’inspecteur du travail seraient susceptibles de fonder une action du comité d’entreprise devant le juge.
    Comme le rappelle la loi, l’inspecteur du travail, ou le contrôleur du travail par application de l’article L. 611-10, pourra toujours et à tout moment relever contre l’employeur les infractions qu’il constatera par procès-verbal transmis au Parquet.
    La nouvelle procédure instituée par l’article 128 de la loi de modernisation sociale ne saurait en effet constituer un préalable au constat d’éventuelles infractions. Elle complète le dispositif de contrôle actuel mais ne s’y substitue pas.

3.  L’octroi de nouveaux droits aux salariés précaires

3.1.  La possibilité de rupture anticipée du contrat
en cas d’embauche à durée indéterminée

    La rupture avant son terme d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat de travail temporaire était réservée, jusqu’à la loi de modernisation sociale, aux cas de faute grave ou de force majeure, à l’initiative de l’employeur.
    Afin de favoriser l’accès des salariés précaires à des emplois pérennes, le nouvel article L. 122-3-8 du code du travail crée un cas de rupture à l’initiative du salarié en contrat à durée déterminée. Une disposition identique résulte du nouvel article L. 124-5 relatif aux contrats de travail temporaire. La rupture n’est possible que lorsque le salarié justifie d’une embauche pour une durée indéterminée.

3.1.1.  Situations visées

    Sont visées les situations où le salarié envisage son embauche dans une autre entreprise ou dans un autre établissement de la même entreprise.
    Celui-ci devra pouvoir fournir à son employeur tout justificatif de nature à établir la réalité de l’embauche prévue.
    Une lettre d’engagement comportant une date d’embauche ou un contrat de travail peuvent constituer ces justificatifs, si le caractère indéterminé du contrat y figure. Une simple déclaration d’intention, dépourvue de date d’embauche, et ne comportant aucun engagement du futur employeur pourrait par contre ne pas être considérée comme un justificatif suffisant.
    La réalité de l’intention d’embauche s’apprécie au moment où le salarié décide de rompre le contrat. S’il s’avérait ensuite que l’embauche n’a pu se concrétiser, l’employeur qui a du faire face aux conséquences de la rupture du contrat ou de la mission ne pourrait invoquer un préjudice, sauf à démontrer que son ex salarié a délibérément usé de manœuvres dolosives destinées à provoquer la rupture du contrat.

3.1.2.  Notification de la rupture et préavis

    Afin d’éviter toute difficulté, le salarié notifie par écrit la rupture du contrat. L’intérimaire notifie la rupture à l’entreprise de travail temporaire, qui aura la charge d’en aviser l’entreprise utilisatrice en lui précisant la date de fin du préavis.
    Sauf accord entre les parties, la rupture est assortie d’un préavis qui court à compter de cette notification.
    Dans le cas où le contrat comporte un terme précis, la loi prévoit que le salarié doit exécuter un préavis dont la durée est fixée à un jour par semaine, compte tenu de la durée totale du contrat, renouvellement inclus.
    Il semble qu’il faille considérer, dans le silence de la loi, que la durée du renouvellement soit comprise dans le décompte de la durée totale du contrat :
    -  lorsque l’exécution de la période de renouvellement a été entamée.
    -  lorsqu’elle n’a pas encore été entamée, mais que sa durée effective figure explicitement au contrat.
    A l’inverse, si cette durée n’est pas indiquée au contrat, elle ne se présume pas. Elle ne peut être prise en compte pour calculer le préavis.
    Si le contrat ne comporte pas de terme précis (remplacement d’un salarié) la loi de modernisation sociale prévoit que la durée du contrat à prendre en compte est celle relative à la période de travail déjà effectuée.
    La durée du préavis ainsi calculée ne pourra excéder deux semaines, en cas de contrat à durée déterminée comme en cas de travail temporaire.
    Les dispositions relatives au décompte de la durée du préavis des intérimaires sont en effet identiques à celles relatives à la rupture des contrats à durée déterminée. Le préavis d’un intérimaire ne peut cependant jamais être inférieur à un jour. Il s’agit ici nécessairement d’un jour ouvré.
    Par ailleurs, la durée exprimée en jours doit s’entendre comme étant déterminée en jours ouvrés, c’est-à-dire en jours travaillés, le préavis ne présentant d’utilité que si un travail est effectué.

3.1.3.  Incidence de la rupture sur l’indemnité
de fin de contrat ou de fin de mission

    Il ressort de l’exposé des motifs du projet de loi ainsi que des débats parlementaires, que la loi de modernisation sociale a entendu créer un dispositif équilibré répondant à la fois aux demandes des salariés précaires souhaitant accéder à un emploi pérenne et à la nécessité de maintenir la stabilité contractuelle. La nécessité pour le salarié de prouver l’embauche à durée indéterminée et de respecter un préavis participent de cet équilibre.
    Il en est de même de l’absence de versement de la prime de précarité.
    En effet, la disposition de l’article L. 122-3-4, d) prévoyant l’absence de versement de l’indemnité lorsque la rupture a lieu à l’initiative du salarié n’est pas modifiée par la loi de modernisation sociale. L’exposé des motifs, comme les différents rapports de la commission de l’Assemblée nationale, précisent ainsi qu’il est normal de ne pas verser la prime de précarité dans la mesure où la rupture du contrat a lieu à l’initiative du salarié.

3.2.  L’information des salariés précaires
sur les postes permanents disponibles

    La directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 concernant l’accord cadre CES, UNICE et CEEP sur le travail à durée déterminée prévoit que « les employeurs informent les travailleurs à durée déterminée des postes vacants dans l’entreprise ou l’établissement pour leur assurer la même opportunité qu’aux autres travailleurs d’obtenir des postes permanents. Une telle information peut être fournie au moyen d’une annonce générale placée à un endroit approprié dans l’entreprise ou l’établissement. »
    L’article L. 122-3-17 créé par l’article 130 de la loi de modernisation sociale transpose en droit national cette disposition en précisant, afin de respecter le principe d’égalité de traitement, que la disposition ne s’applique que si un dispositif d’information existe pour les salariés permanents de l’entreprise.
    L’entreprise où aucun dispositif d’information des salariés permanents n’existe n’est donc pas tenue de mettre en place un système d’information des seuls salariés sous contrats à durée déterminée de l’entreprise.
    Au-delà de la transposition de la directive précitée, l’article L. 124-23 issu de l’article 131 de la loi introduit la même obligation d’information des travailleurs temporaires en mission dans l’entreprise utilisatrice. Là encore la disposition ne s’applique que si un dispositif existe pour les salariés permanents.
    La loi de modernisation sociale ne donne par ailleurs aucune précision quant aux modalités pratiques d’information des salariés. Dans le silence de la loi, il faut considérer que cette information peut être fournie par tout moyen garantissant à chaque salarié, permanent ou précaire, l’accès à l’information dans des conditions identiques.

3.3.   La majoration de l’indemnité de précarité
pour les contrats à durée déterminée

    L’indemnité versée par application des articles L. 122-3-4 et L. 124-4-4 était, jusqu’à la loi de modernisation sociale, définie par l’accord national interprofessionnel étendu du 24 mars 1990, et fixée à 6 % pour les contrats à durée déterminée, et à 10 % pour les contrats de travail temporaire.
    Le taux applicable dans l’un et l’autre cas résulte désormais d’un acte législatif.
    L’article 125 de la loi modifie en effet les articles L. 122-3-4 et L. 124-4-4 en fixant uniformément à 10 % l’indemnité applicable aux deux types de contrats.
    Le nouveau taux s’applique aux contrats conclus après l’entrée en vigueur de la loi du 17 janvier 2002, soit le 19 janvier 2002.
    Les situations donnant lieu à versement, ainsi que la base de calcul de l’indemnité sont inchangées.

3.4.  L’indemnisation du salarié en cas de rupture
du contrat due à la force majeure

    L’article 214 de la loi du 17 janvier 2002 a introduit dans le code du travail un dispositif d’indemnisation des salariés dont le contrat de travail est rompu par un cas de force majeure.
    Outre les dispositions prévues par l’article L. 122-9-1 nouveau pour les salariés sous contrat à durée indéterminée, sont concernés les salariés sous contrat à durée déterminée (art. L. 122-3-4-1 nouveau).
    Le montant de l’indemnité compensatrice due à ceux-ci en cas de rupture du contrat avant son terme est égal à celui qui aurait résulté de l’application de l’article L. 122-3-8, c’est à dire au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat. En ce qui concerne l’indemnité de fin de contrat, l’article L. 122-3-8 renvoie à l’article L. 122-3-4 pour déterminer son versement. Or, le d) de cet article exclut explicitement le versement de cette indemnité en cas de rupture pour force majeure. La loi de modernisation sociale n’ayant pas modifié cette disposition, le salarié dont le contrat est rompu du fait d’un sinistre relevant de la force majeure n’a donc pas droit au versement de l’indemnité de précarité.
    La loi de modernisation a par ailleurs complété l’article L. 143-11-1 afin que sa prise en charge soit assurée par le système d’assurance visé à cet article, à savoir l’association pour la gestion du régime d’assurance des créances des salariés (AGS).
    Cette indemnisation, qui ne se limite pas aux situations de redressement ou de liquidation judiciaire, n’est due qu’en cas de force majeure et si celle-ci résulte d’un sinistre. Selon le droit des assurances, le sinistre est défini comme étant la réalisation du risque prévu au contrat de nature à entraîner la garantie de l’assureur. Il est donc possible de considérer que les dispositions de l’article L. 122-3-4-1 auront vocation à s’appliquer pour tout événement relevant de la force majeure.
    Pour être considéré comme un cas de force majeure, un événement doit être imprévisible, inévitable et insurmontable et créer une impossibilité absolue et durable d’exécuter le contrat de travail. La rupture pour force majeure d’un contrat de travail à durée indéterminée ou déterminée n’est en conséquence qu’exceptionnellement admise par la jurisprudence.
    Vous voudrez bien me saisir des éventuelles difficultés d’application de la présente circulaire sous le timbre de la direction des relations du travail.

La ministre de l’emploi
et de la solidarité,
E.  Guigou