Bulletin Officiel du Travail, de lEmploi et de la Formation Professionnelle
No 2003/16 du vendredi 5 septembre 2003
Suite à la double opposition écrite de la CGT et de la CGT-FO, la commission permanente du Comité supérieur de lemploi est réunie pour la seconde fois ce 5 août 2003, aux fins de consultation sur lagrément des accords ci-dessus mentionnés.
Le MEDEF, la CGPME, lUPA, pour les organisations demployeurs, la CFDT, la CFTC, la CFE-CGC, pour les organisations de salariés, ont signé les accords soumis à agrément. La CGT et la CGT-FO ne les ont pas signés.
Conformément à larticle L. 351-8 du code du travail, les mesures dapplication des dispositions législatives sur lassurance chômage font lobjet dun accord conclu et agréé dans les conditions définies aux articles L. 352-1 à L. 352-2-1.
Les partenaires sociaux gestionnaires du régime dassurance chômage ont conclu, le 26 juin et le 8 juillet 2003, deux séries daccords modifiant les règles dindemnisation des intermittents du spectacle, de la production cinématographique et de laudiovisuel.
Ces accords ont pour objet dadapter à la convention dassurance chômage en vigueur les dispositions des annexes à la convention du 1er janvier 1997.
En outre, ces accords concourent au rétablissement de léquilibre financier du régime dassurance chômage.
La CGT conteste le contenu de ces accords, considérant quils dégradent les conditions dindemnisation des intermittents du spectacle, de la production cinématographique et de laudiovisuel, sans contribuer au rétablissement de léquilibre du régime dassurance chômage, ni remédier aux nombreux abus et fraudes qui seraient, selon elle, la cause essentielle de lécart croissant entre les cotisations acquittées par ces professions et les prestations versées.
Elle appelle les pouvoirs publics à exercer pleinement leurs responsabilités dans ce domaine.
Enfin, ces accords auraient été négociés dans des conditions déloyales et signés par des organisations minoritaires.
La CGT-FO dénonce également labsence de mesures permettant de lutter contre les abus et la précarité du travail, ainsi que dune réflexion liant la situation de lemploi avec le mode de financement du régime dassurance chômage.
Elle affirme que ces accords seraient incompatibles avec les dispositions législatives et réglementaires relatives à la détermination de lallocation journalière, à léquilibre financier du régime dassurance chômage, ainsi quaux sanctions qui peuvent être arrêtées à lencontre des employeurs ne respectant pas les obligations prévues en matière de contributions.
Ces arguments ont également été soulevés dans les nombreuses observations qui ont été adressées au ministère des affaires sociales, du travail et de la solidarité, à la suite de la publication au Journal officiel de lavis engageant la procédure dagrément de ces accords.
Le gouvernement nentend pas se substituer aux partenaires sociaux pour déterminer le contenu de la réglementation du régime dassurance chômage. Lautorité ministérielle en charge de lagrément doit sassurer que les textes qui lui sont soumis ne comportent pas de stipulations contraires aux lois et règlements en vigueur. Il ne lui appartient pas, en revanche, de modifier léquilibre des accords conclus entre les partenaires sociaux.
Le présent rapport procède à lanalyse, au regard de leur régularité juridique, des principales dispositions contestées des annexes VIII et X au règlement annexé à la convention du 1er janvier 2001 relative à laide au retour à lemploi et à lindemnisation du chômage, des annexes VIII et X au règlement annexé à la convention du 1er janvier 2004 relative à laide au retour à lemploi et à lindemnisation du chômage, des avenants no 1 à chacune de ces annexes, de lavenant no 7 à la convention du 1er janvier 2001 susmentionnée, de lavenant no 1 à la convention du 1er janvier 2004 susmentionnée, ainsi que des avenants aux accords dapplication de ces textes.
I. - Portée des dispositions en cause
Depuis sa mise en uvre, le régime dindemnisation chômage des intermittents du spectacle et de laudiovisuel a pour vocation dassurer aux salariés de ce secteur des conditions de prise en charge adaptées aux caractéristiques des activités artistiques et des métiers du spectacle.
Il a toutefois fait lobjet dabus. Les pratiques de contournement et doptimisation, attestées par les professionnels eux-mêmes et les nombreux rapports qui ont été réalisés au cours des dernières années, se sont multipliées. Le système sen trouve aujourdhui fragilisé.
Les nouvelles annexes à la convention dassurance chômage pérennisent ce régime dans le cadre de la solidarité interprofessionnelle. Ces accords navaient pas en revanche vocation à réglementer les conditions de travail ou de contrôle des abus.
Ces derniers appellent, de la part des pouvoirs publics, une intervention rapide et déterminée. Le Gouvernement mettra ainsi en uvre dans les prochaines semaines des mesures spécifiques :
Les contrôles seront facilités par de nouvelles dispositions législatives, prises par ordonnances, qui autoriseront le croisement des fichiers des différents organismes sociaux et généraliseront le recours au guichet unique pour les employeurs du spectacle occasionnel.
La délégation interministérielle de lutte contre le travail illégal coordonnera les différents corps de contrôle impliqués (inspection du travail et URSSAF notamment).
Par ailleurs, il appartient aux partenaires sociaux, comme la loi les y autorise, de préciser par la voie conventionnelle les usages du recours au CDD dans la profession.
Il convient dobserver que les accords en cause ont été signés par la totalité des organisations demployeurs et par trois des cinq organisations de salariés les plus représentatives au niveau national et interprofessionnel, au sens de larticle L. 133-2 du code du travail.
Le fait que ces accords naient pas été signés par toutes les organisations représentatives, ni négociés, sagissant dun accord interprofessionnel, par les représentants des professions concernées ne constitue pas un obstacle juridique à lagrément.
Par ailleurs, larticle L. 352-2-1 du code du travail précise quen cas dopposition écrite formulée par deux organisations demployeurs ou de salariés lagrément des textes peut être donné sur la base dun nouvel avis de la commission permanente du Comité supérieur de lemploi.
II. - Légalité des dispositions en cause
2.1. La rupture de légalité de traitement
La règle de cumul entre une activité et une allocation de chômage, prévue par la convention du 1er janvier 2001, a été transposée dans les annexes VIII et X (art. 37). Cette règle, appelée « décalage », conduit à réduire chaque mois le nombre de jours indemnisés, en fonction du salaire perçu, et donc à reporter le terme de lindemnisation.
Cette nouvelle règle, qui a suscité une vive inquiétude parmi les salariés du spectacle et de laudiovisuel, ne crée pas dinégalités de traitement entre allocataires présentant les mêmes situations dactivité et de revenu :
En premier lieu, alors que les règles prévues par les annexes VIII et X à la convention de 1997 prenaient en compte uniquement le temps de travail et ouvraient ainsi la possibilité que deux personnes puissent percevoir une allocation de même montant, alors même que la rémunération mensuelle procurée par leur activité était différente, la nouvelle formule de calcul du « décalage » est établie de sorte que le nombre dallocations journalières versées, et donc le montant de lallocation de chômage, soit au cours dun mois donné dautant plus élevé que la rémunération liée à lactivité est faible.
En tout état de cause, avec ou sans reprise dactivité, lallocataire conserve le droit à une indemnisation pendant 243 jours, jusquà lépuisement de la totalité de ses droits.
En second lieu, le report de la date de fin dindemnisation (léchéance de 243 jours), en fonction du nombre de jours travaillés, ne pénalisera pas les intermittents ayant une activité irrégulière : louverture de droits sera effectivement liée au respect de la condition daffiliation de 507 heures dans les 10 mois ou les 10,5 mois, et non à la répartition de lactivité au cours des derniers mois.
Si, à la fin de son dernier contrat de travail, la personne ne remplit pas la condition de 507 heures dactivité sur les 10 ou 10,5 mois, il sera en effet procédé, comme le prévoit larticle 9 du règlement annexé à la convention dassurance chômage, qui sapplique aux intermittents du spectacle, à un nouvel examen de ses droits, à partir de la fin de lavant-dernier contrat. Une nouvelle période de référence sera fixée et une nouvelle recherche des 507 heures sera effectuée. Il sera procédé ainsi autant de fois que nécessaire pour obtenir la durée daffiliation minimale, à la condition que les heures de travail prises en compte naient pas déjà servi pour louverture dune précédente période dindemnisation.
Ainsi, deux intermittents ayant perçu une rémunération totale identique et travaillé pendant la même durée seront réadmis pour une nouvelle période dindemnisation dans les mêmes conditions, quand bien même leur activité aura été répartie de façon différente sur la période de référence.
Enfin, lexistence de règles différentes pour la durée daffiliation minimale et la prise en compte des heures denseignement ne constituent pas une rupture dégalité entre les techniciens et les artistes, dont les conditions dindemnisation sont prévues dans deux annexes distinctes. Ces règles prennent en compte le caractère spécifique des conditions de travail des professions artistiques.
2.2. La non-conformité des accords
avec les conventions collectives en vigueur
Les articles 3 des avenants aux annexes VIII et X aux conventions du 1er janvier 2001 et du 1er janvier 2004 limitent lactivité prise en compte au titre de la période de référence : pour les demandeurs demploi relevant de lannexe VIII, le nombre dheures de travail est limité à 208 heures, ou à 260 heures par mois en cas de dérogation administrative ; pour les artistes, le nombre de cachets mensuels comptés pour laffiliation ne peut être supérieur à 28.
Il convient de souligner que les conventions collectives de branche, qui fixent également des plafonds en heures et en nombre de cachets, et les annexes à la convention dassurance chômage ont un objet différent. Les premières définissent dans une profession les règles applicables aux relations entre employeurs et salariés. A ce titre, elles peuvent prévoir, sous réserve des dispositions légales et réglementaires, la durée de travail maximale de la profession. Les secondes déterminent les règles dindemnisation du chômage et définissent à ce titre les périodes de travail prises en compte pour la durée daffiliation.
Ainsi, la convention dassurance chômage peut fixer des plafonds différents de ceux prévus par la convention collective du théâtre privé, pour les artistes, ou celle de la production cinématographique, sans être contraires à ces textes, leur objet étant différent.
2.3. Le mode de calcul de lallocation journalière
Larticle 23 des annexes VIII et X modifie le mode de calcul de lallocation journalière, en ajoutant à la partie proportionnelle au salaire journalier de référence et à la partie fixe une partie proportionnelle au nombre dheures de travail effectuées pendant la période de référence.
Ce nouveau mode de calcul est conforme à larticle L. 351-3 du code du travail. Celui-ci dispose que « lallocation est calculée soit en fonction de la rémunération antérieurement perçue, dans la limite dun plafond, soit en fonction de la rémunération ayant servi au calcul des contributions ».
Cette disposition définit un principe de proportionnalité entre lallocation et la rémunération, qui est respecté dans lancien et le nouveau mode de calcul. Elle ninterdit cependant pas que cet élément du calcul soit complété par dautres composantes, en particulier si celles-ci, comme la durée du travail, ont un impact direct sur la rémunération.
En outre, il convient de noter que cette règle conduit à majorer le montant de lallocation perçue par les intermittents.
2.4. Le non-respect de la condition déquilibre financier
Le Gouvernement, en tant que garant de lintérêt général, doit veiller à la préservation de léquilibre financier de lUnedic, institution gestionnaire du régime dassurance chômage, chargée à ce titre dune mission de service public.
Le régime connaît depuis la fin de lannée 2001 une dégradation de sa situation financière. Celle-ci a conduit les partenaires sociaux à réviser à plusieurs reprises, au cours de lannée 2002, les conditions dindemnisation des demandeurs demploi relevant du régime général, notamment les durées daffiliation et dindemnisation.
Les études statistiques montrent en outre que le régime dindemnisation des professions du spectacle, de la production cinématographique et de laudiovisuel souffre depuis plusieurs années dun déficit croissant et non maîtrisé entre le montant des contributions acquittées et le montant des allocations versées.
En définissant les conditions dans lesquelles les employeurs et salariés des régimes spécifiques et du régime général de lassurance chômage contribuent au rétablissement de léquilibre financier entre prestations et contributions, les partenaires sociaux exercent les responsabilités que la loi leur confère.
Ces accords ne sont donc pas contraires à larticle L. 351-3-1 du code du travail, en ce quil dispose que « le taux des contributions et de lallocation sont calculés de manière à garantir léquilibre financier du régime ».
2.5. La non-conformité avec le code du travail des majorations de retard décidées par le régime dassurance chômage à lencontre des employeurs
Les articles 59 des annexes VIII et X à la convention du 1er janvier 2001, ainsi que les articles 58 des annexes à la convention du 1er janvier 2004, prévoient que des majorations de retard seront appliquées à lemployeur lorsque celui-ci aura omis dadresser, avec le versement de ses contributions, les attestations correspondantes pour chaque salarié employé dans le mois.
Ces stipulations ne sont pas contraires au code du travail.
En effet, larticle L. 351-6 du code du travail, dans son avant-dernier alinéa, permet aux Assedic de recouvrer des majorations de retard auprès des employeurs en cas de manquement à lensemble des dispositions prévues aux articles L. 351-1 à L. 351-26 du code du travail.
La production, chaque mois, par lemployeur des documents relatifs aux rémunérations et aux périodes demploi des intermittents quil a employés est indissociable du paiement des contributions. Ces documents permettent en effet aux Assedic de vérifier que le calcul et le paiement de ces contributions ont été réguliers.
Ils doivent être distingués du bordereau de déclaration annuelle, visé à larticle 59 du règlement annexé pour la convention du 1er janvier 2001 et à larticle 58 pour la convention du 1er janvier 2004, utilisé pour la régularisation du montant des contributions et dont le défaut de production entraîne une pénalité.
Le caractère indissociable de lattestation exigée par rapport au paiement des contributions justifie que le non-renvoi par lemployeur de cette attestation soit sanctionné par les majorations de retard prévues à larticle 63 du règlement annexé, au même titre que le paiement tardif ou labsence de paiement de ces contributions.
2.6. Le mode de calcul de la franchise
Les annexes VIII et X à la convention du 1er janvier 2001 et à la convention du 1er janvier 2004, conclues le 26 juin 2003, modifient la formule permettant de déterminer le point de départ de lindemnisation (appelé « franchise »).
Selon ces textes, la franchise serait définie sur la base dune rémunération égale au produit du salaire journalier de référence par le nombre de jours de la période de référence.
Cette nouvelle règle de calcul, qui aurait pu augmenter la durée de la franchise pour certains demandeurs demploi, a été modifiée par les avenants aux annexes signés le 8 juillet.
La stipulation soumise à lagrément reprend la formule de calcul prévue par les annexes à la convention du 1er janvier 1997, à laquelle on retranche 30 jours. La règle qui sera appliquée sera ainsi plus favorable pour lensemble des intermittents.
III. - Conséquences de lagrément
Si lagrément est accordé, il aura pour effet de rendre applicables et obligatoires pour lensemble des employeurs et des salariés du secteur privé les dispositions des annexes VIII et X au règlement annexé à la convention du 1er janvier 2001 relative à laide au retour à lemploi et à lindemnisation du chômage, des annexes VIII et X au règlement annexé à la convention du 1er janvier 2004 relative à laide au retour à lemploi et à lindemnisation du chômage, des avenants no 1 à chacune des annexes, de lavenant no 7 à la convention du 1er janvier 2001 susmentionnée, de lavenant no 1 à la convention du 1er janvier 2004 susmentionnée, ainsi que des avenants aux accords dapplication de ces textes.