Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2004/6  du lundi 5 avril 2004




Chômage
Réglementation
Union européenne

MINISTÈRE DES AFFAIRES SOCIALES,
DU TRAVAIL ET DE LA SOLIDARITÉ
Délégation générale à l’emploi
et à la formation professionnelle


Circulaire  DGEFP no 2004-006 du 11 février 2004 relative à la mise en œuvre, dans le domaine de l’assurance chômage, du règlement CE no 859/2003 du conseil du 14 mai 2003 visant à étendre les dispositions du règlement (CEE) no 1408/71 et du règlement (CEE) no 574/72 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces dispositions uniquement en raison de leur nationalité

NOR :  SOCF0410118C

(Texte non paru au Journal officiel)

Références :
        Traité instituant la Communauté européenne (CE), article 63. Point 4.
        Règlement no 1408/71 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la communauté.
        Règlement (CEE) no 574/72 fixant les modalités d’application du règlement (CEE) no 1408/71.
Textes abrogés : néant.
Textes modifiés : néant.

Le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité à Mesdames et Messieurs les préfets de région (direction régionale du travail de l’emploi et de la formation professionnelle) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (direction départementale du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle).
    Ainsi qu’il est rappelé dans les considérants du règlement no 859/2003, l’adoption de ce dernier par le conseil, le 14 mai 2003, résulte des nombreuses positions, résolutions et avis du Conseil européen, du Parlement européen et du comité économique et social relatifs à l’extension de l’application des règlements (CEE) no 1408/71 et no 574/72 aux ressortissants non communautaires.
    S’agissant des conditions de protection sociale des ressortissants de pays tiers, et plus particulièrement du régime de sécurité sociale qui leur est applicable, le conseil « Emploi et politique sociale » a considéré dans ses conclusions du 3 décembre 2001, que la coordination applicable aux ressortissants de pays tiers doit leur octroyer un ensemble de droits uniformes aussi proches que possible de ceux dont jouissent les citoyens de l’Union européenne.
    C’est sur ces bases qu’a été adopté le règlement (CE) no 859/2003 visant à étendre les dispositions du règlement (CEE) no 1408/71 et du règlement (CEE) no 574/72 aux ressortissants de pays tiers. Il constitue un instrument juridique communautaire contraignant, directement applicable dans tous les Etats membres ayant participé à son adoption.
    Cette circulaire transpose dans le domaine du chômage les dispositions de la circulaire DSS/DACI/203/318 du 2 juillet 2003 qui étend ce dispositif aux retraites.

1. Champ d’application
1.1.  Champ d’application territorial :
14 Etats membres de l’Union européenne à l’exception du Danemark

    Le règlement (CE) no 859/2003 du conseil du 14 mai 2003, ci-après dénommé « le règlement » s’applique dans tous les États membres de l’Union européenne (UE) à l’exception du Danemark.
    Il s’agit des 14 Etats membres suivants : Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, Finlande, France, Grèce, Irlande, Italie, Luxembourg, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède.
    En effet, le règlement est adopté sur la base de l’article 63.4 du traité instituant l’Union européenne qui renvoie au « protocole sur la position du Danemark ». Ce protocole assure à cet Etat une position dite « d’opting out » lui permettant de ne pas adopter des mesures relevant du titre IV du traité, intitulé : « Visas, asile, immigration et autres politiques liées à la libre circulation des personnes ».
    Ainsi, le ressortissant d’un pays tiers ne peut-il se prévaloir, sur le territoire danois, des dispositions octroyées aux ressortissants communautaires sur la base des règlements (CEE) no 1408/71 et no 574/72. De même, les événements survenus au Danemark doivent-ils être considérés comme survenus dans un Etat non membre de l’Union.
    En l’absence de tout acte juridique d’extension explicite, le règlement ne s’applique pas :
    -  aux Etats membres de l’Espace économique européen (EEE) non membres de l’Union européenne (UE), à savoir l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein ;
    -  à la Suisse.

Exemple no 1

Ressortissant chilien

IDE en France
C

Activité salariée
Activités salariée
Activité salariée
en Allemagne
au Danemark
en France

    Un ressortissant chilien a accompli une période d’activité salariée en Allemagne, au Danemark puis en France. Il souhaite faire valoir son droit aux prestations de chômage en France.
    Il dispose d’un formulaire E 301 délivré par l’Allemagne, qui met en œuvre le règlement. En revanche, il ne dispose pas d’un formulaire délivré par le Danemark, puisque cet État n’est pas lié par le règlement.
    Les autres conditions étant réputées satisfaites, l’Assédic met en œuvre le principe de totalisation ( article 67 § 3 du règlement ( CEE) no 1408/71) en tenant compte des périodes d’assurance accomplies en Allemagne, à l’exclusion de celles accomplies sur le territoire danois.

1.2.  Champ d’application personnel

    Le règlement étend l’application des règlements (CEE) no 1408/71 et no 574/72 aux ressortissants non communautaires ainsi qu’aux membres de leur famille et à leurs survivants, sans aucune restriction quant à leur nationalité, c’est-à-dire quel que soit le pays tiers dont ils sont ressortissants.
    Certes, les ressortissants de pays tiers pouvaient déjà bénéficier des règlements (CEE) no 1408/71 et no 574/72, s’ils disposaient notamment du statut de réfugié ou d’apatride, ou s’ils étaient membres de la famille ou survivants d’un ressortissant communautaire lui-même bénéficiant des dispositions communautaires.
    Le changement intervenu réside dans le fait que, depuis le 1er juin 2003, le mécanisme de coordination des régimes de sécurité sociale est étendu à tous les ressortissants de pays tiers qui en étaient exclus du seul fait de leur nationalité, alors qu’ils remplissaient par ailleurs les autres critères pour entrer dans le champ d’application personnel du règlement no 1408/71 étant travailleurs, pensionnés, étudiants, etc.
    Il est à noter que les ressortissants des dix États ayant signé le 16 avril 2003 à Athènes le traité d’adhésion à l’Union européenne (UE) (République tchèque, Estonie, Chypre, Lettonie, Lituanie, Hongrie, Malte, Pologne, Slovénie et Slovaquie) doivent continuer à être considérés comme des ressortissants de pays tiers jusqu’à la date effective - prévue le 1er mai 2004 - d’entrée en vigueur du traité d’adhésion.
    Sur le plan pratique, une fois constaté qu’un intéressé n’est pas ressortissant communautaire, réfugié ou apatride, sa nationalité n’emporte donc pas et n’a pas de conséquence sur ses droits ou ses obligations.

1.3.  Champ d’application matériel

    Toutes les dispositions des règlements no 1408/71 et no 574/72 sont applicables, sans restrictions, ni modifications, aux personnes qui entrent dans le champ d’application personnel du règlement.
    Il en est de même pour la jurisprudence relative à ces règlements, qui doit être prise en compte quelle que soit la date des arrêts concernés, que cette dernière soit antérieure ou postérieure à la date d’entrée en vigueur du règlement no 859/2003.

2.  Entrée en vigueur du règlement

    Le règlement, adopté le 14 mai 2003, a été publié au JOUE (Journal officiel de l’Union européenne) du 20 mai 2003, et est entré en vigueur le 1er juin 2003.
    A partir du 1er juin 2003, si le ressortissant d’un pays tiers sollicite l’assurance chômage, toute période d’assurance ou d’emploi accomplie sous la législation d’un État membre, même avant cette date, est prise en considération (article 2 § 2 du règlement). Ainsi, la personne qui demande le bénéfice des prestations de chômage en France peut, à compter d’une inscription comme demandeur d’emploi le 1er juin 2003, faire valoir la prise en compte de périodes d’assurance accomplies antérieurement au 1er juin 2003, s’il justifie d’une fin de contrat de travail dans le délai de forclusion.
Exemple no 2

Entrée en vigueur
du règlement
FCT
IDE
du 01-06-03
31-01-04
du 01-02-04
C
C
C


    L’intéressé s’inscrit comme demandeur d’emploi le 1er février 2004.
    Le règlement, entré en vigueur le 1er juin 2003, lui est applicable : en effet il justifie d’une fin de contrat de travail dans les 12 mois précédant l’inscription comme demandeur d’emploi.

Exemple no 3

Entrée en vigueur
FCT
du règlement
IDE
28-03-03
1er-06-03
1er-01-04
C
C
C


    L’intéressé s’inscrit comme demandeur d’emploi le 1er janvier 2004. Le règlement, entré en vigueur le 1er juin 2003, lui est applicable : en effet il justifie d’une fin de contrat de travail dans les 12 mois précédant l’inscription comme demandeur d’emploi. Peu importe dans le cas d’espèce, que la fin de contrat de travail soit antérieure au 1er juin 2003.

3.  Conditions d’application et mise en œuvre des dispositions
3.1.  Conditions d’application
3.1.1. Résidence légale

    Les dispositions des règlements communautaires s’appliquent, entre autres conditions, aux ressortissants des pays tiers « dès lors qu’ils se trouvent en situation de résidence légale dans un État membre » (article 1er du règlement).
    En effet, l’application du règlement (CEE) no 1408/71 et du règlement (CE) no 574/72 aux ressortissants de pays tiers ne confère aux intéressés aucun droit à l’entrée, au séjour ou à la résidence ni à l’accès au marché de l’emploi dans un État membre. Ainsi, la légalité de la résidence sur le territoire d’un État membre est-elle une condition préalable à l’application des dispositions du règlement no 859/2003.
    Il appartient à l’institution de l’État membre où la demande est formulée de vérifier cette condition au regard de sa législation interne.
    Cette condition de résidence légale est double : elle suppose, d’une part, que le ressortissant non communautaire soit en situation légale, mais aussi, d’autre part, qu’il réside à l’intérieur de l’Union.
    Cette condition de résidence est appréciée conformément aux règles applicables pour l’inscription comme demandeur d’emploi.
    Ainsi, s’agissant de la condition de résidence, cette dernière est réputée satisfaite si la personne intéressée déclare résider en France métropolitaine ou dans un département d’outre-mer. La présentation des pièces justificatives de son domicile n’est pas exigée.
    S’agissant de la condition relative à l’appréciation de la légalité de cette résidence, l’article R. 311-3-1, alinéa 3, du code du travail, prévoit que les demandeurs d’emploi étrangers « doivent justifier de la régularité de leur situation au regard des conditions réglementant l’exercice par eux des activités professionnelles ». Ainsi, l’Assédic doit s’assurer que le titre présenté permet d’accéder au marché du travail (instruction ANPE du 25 mars 1992 modifiée : références 6).

3.1.2.  Situation présentant des rattachements
avec au moins deux États membres

    Les situations visées par le règlement doivent comporter un élément de mobilité au sein de l’Union. En effet, ne sont pas prises en compte les situations dont « les éléments se cantonnent à un État membre. »
    Cette condition fait simplement référence au fait qu’il est de jurisprudence constante de la Cour de justice, rappelée dans l’arrêt « KHALIL » du 11 octobre 2001, que le règlement no 1408/71 ne s’applique pas à des situations purement internes à un Etat membre, mais aux situations à caractère international qu’il prévoit.
    En conséquence, le règlement no 859/2003 ne trouve pas à s’appliquer à des travailleurs ou étudiants ressortissants d’États tiers, ainsi qu’aux membres de leur famille, qui ont immigré dans un État membre directement au départ d’un pays tiers et ne se sont pas déplacés à l’intérieur de la Communauté, mais il s’applique dès lors que les intéressés se déplacent dans l’Union ou que les membres de leur famille se déplacent ou se sont déplacés dans l’Union. Il s’applique également dans le cas d’un travailleur qui ayant dans le passé résidé ou travaillé dans un État membre, puis étant revenu résider dans son État d’origine ou dans tout autre État tiers, vient directement résider et travailler dans un autre État membre, sans donc s’être jamais déplacé dans un État membre à l’autre, mais en ayant été soumis à la législation de deux États membres.
    Ainsi les règles de coordination ne peuvent être mises en œuvre que si au moins deux États membres sont concernés.
Exemple no 4

Ressortissant chilien

IDE en France
C

Activité salariée
Résidence légale en France
au Chili
Activité salariée

    Le règlement n’est pas mis en œuvre. Un seul État membre est concerné.

Exemple no 5

Ressortissant chinois

IDE en France
C

Activité salariée
Activité salariée
Résidence légale en France
en Chine
en Angleterre
Activité salariée

    Le règlement peut être mis en œuvre. La situation de l’intéressé relève d’au moins 2 États membres.

3.2.  Mise en œuvre des dispositions
3.2.1.  Prise en compte des périodes d’assurance
ou d’emploi (formulaire E 301)

    Attestation des périodes d’assurance par la France
    La mise en œuvre du règlement suppose que le directeur départemental du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle du lieu où a été exercé l’emploi pour lequel le formulaire E 301 est demandé, atteste les périodes d’assurance ou d’emploi accomplies par le ressortissant d’un pays tiers en tant que travailleur salarié sur le territoire français, sans opposer à ce dernier une condition de nationalité.
    Prise en compte par la France des périodes d’assurance :
    De la même façon, si le ressortissant d’un pays tiers fournit aux services de l’Assedic un formulaire E 301 rempli sous la responsabilité de l’institution compétente d’un État membre (cf. note 1) , l’Assedic doit tenir compte, pour l’application du principe de totalisation, des périodes d’assurance ou d’emploi mentionnées sur ce formulaire.
    Cette prise en compte des périodes attestées sur le formulaire E 301 ne dispense pas l’Assedic de s’assurer que le titre de séjour présenté par l’intéressé lui permet d’accéder au marché du travail, cette condition étant nécessaire pour permettre l’inscription du chômeur sur la liste des demandeurs d’emploi.

3.2.2.  Maintien des allocations (formulaire E 303)

    Délivrance par l’Assedic d’un formulaire communautaire E 303 :
    Le ressortissant d’un pays tiers indemnisé par l’Assedic peut solliciter la délivrance d’un formulaire E 303.
    Le règlement indique une précision importante concernant cet article : le maintien du droit aux prestations de chômage, tel que prévu par les dispositions de l’article 69 du règlement (CEE) no 1408/71, est conditionné par l’inscription de l’intéressé comme demandeur d’emploi auprès des services de l’emploi de chacun des États membres où il se rend. Ces dispositions ne peuvent dès lors s’appliquer à un ressortissant d’un pays tiers que pour autant qu’il ait le droit, le cas échéant compte tenu de son titre de séjour, de s’inscrire comme demandeur d’emploi auprès des services de l’emploi de l’État membre où il se rend et d’y exercer légalement un emploi (considérant (13) du règlement).
    Dans le cas où l’Assedic émet le formulaire E 303, il ne lui appartient pas de vérifier, lors de la délivrance de ce document, si l’intéressé peut régulièrement s’inscrire comme demandeur d’emploi dans l’État membre de destination : il revient à ce dernier État membre de procéder à cette vérification.
    Réception par l’Assedic d’un formulaire E 303 :
    Lorsque le travailleur privé d’emploi ressortissant d’un pays tiers remet aux services de l’Assedic un formulaire E 303 rempli par l’institution d’un autre État membre, l’Assedic, conformément aux dispositions du considérant (13) du règlement (cf. supra) doit vérifier si, en application de la législation française, l’intéressé a accès au marché du travail. Cette vérification est opérée par l’Assedic sur la présentation du titre de séjour.
    Si le titre de séjour de l’intéressé lui permet d’accéder au marché du travail, l’Assedic procède à la mise en paiement du formulaire E 303 remis par l’intéressé. Si tel n’est pas le cas, l’Assedic ne peut accédér à la mise en paiement du formulaire E 303.
    Les procédures relatives au remboursement des prestations entre États membres ou à la renonciation entre États membres au remboursement des prestations versées au titre d’un formulaire E 303, continuent d’être appliquées selon la procédure habituelle. Il n’est pas fait de distinction selon que le bénéficiaire du formulaire E 303 est ressortissant de l’Union européenne ou d’un pays tiers.
    Vous voudrez bien me tenir informé des difficultés que vous pourrez rencontrer lors de la mise en œuvre de ce nouveau règlement et de la présente instruction.

Le délégué adjoint à l’emploi
et à la formation professionnelle,
S.  Clément

NOTE (S) :


(1) A l’exception du Danemark qui ne peut émettre de formulaire E301 pour le ressortissant d’un pays tiers, cf. infra : 1.1.