Peut-on parler de politique au travail ?

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Peut-on parler de politique au travail ?

Les périodes d'élection et celles marquées par une actualité source de débats dans l'opinion publique engendrent des discussions entre collègues au travail. Quels sont les droits des travailleurs ? Quelles sont les limites à leur liberté d'expression ?

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Peut-on parler de politique au travail ?

Liberté d’expression garantie par la loi

Les salariés peuvent exprimer librement leurs convictions au sein de leur entreprise. Il est cependant interdit de faire du prosélytisme par exemple. Les salariés sont aussi en droit de taire leurs convictions. L’employeur ne peut pas exiger d’un salarié qu’il manifeste une opinion ou qu’il prenne une position publiquement.

Principe de neutralité

L’entreprise peut inscrire dans son règlement intérieur le principe de neutralité (Loi Travail en 2016), justifié et motivé par les nécessités du bon fonctionnement de l’entreprise. Cette clause, peut concerner les salariés en contact avec les usagers.

Licenciement abusif

Toute sanction ou licenciement décidé en raison des opinions politiques du salarié est abusif et constitue une discrimination. L’employeur encourt des sanctions pénales (3 ans d’emprisonnement et 45 000 € d’amende).

Militantisme politique

Il est interdit d’exercer un militantisme politique sur ses heures de travail et d’utiliser les ressources de l’entreprise pour ses activités politiques. Le salarié risque une sanction disciplinaire, un licenciement et/ou une sanction pénale.

La liberté d'expression : un droit fondamental garanti par la Constitution

Au travail comme ailleurs, la liberté d'expression est affirmée dans l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.

La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'Homme : tout Citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi.

La liberté d'expression est par conséquent protégée par la Constitution et le Conseil constitutionnel précise dans une décision de 1994 qu'il s'agit d'« une liberté d'autant plus précieuse que son existence est une des garanties essentielles du respect des autres droits et libertés ».

Un arrêt de la Cour de cassation de 2005 affirme également qu'« obliger un salarié à émettre une opinion ou prendre une position publiquement porte atteinte à la liberté d'expression de l'intéressé », consacrant ainsi un droit de taire ses convictions au travail.

Le principe de neutralité... et ses limites

La loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, dite « Loi Travail » introduit dans son article 2 la possibilité pour les entreprises d'inscrire un principe de neutralité dans leur règlement intérieur.

Cette clause peut restreindre dans certains contextes et sous certaines conditions la possibilité de manifester ses convictions, par exemple en présence des clients de l'entreprise. Elle doit être entendue dans toutes ses dimensions (philosophiques, politiques et religieuses) et ne peut pas concerner que la dimension politique, par exemple.

La Loi précise cependant que ces restrictions ne sont légitimes que si elles sont « justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise et si elles sont proportionnées au but recherché ».

Attention toutefois : dans les entreprises privées chargées d’une mission de service public, les salariés affectés à cette mission sont tenus aux mêmes obligations que les agents publics. Autrement dit, la neutralité leur est imposée y compris lorsqu’ils ne sont pas en contact avec les usagers.

En dehors des cas éventuellement prévus par le règlement intérieur, la liberté d'expression est la règle, y compris lors des échanges entre salariés et dans la limite de l’abus de cette liberté.

À noter : Les limites à la liberté d'expression définies par la Loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse restent valables au travail. Sont notamment interdites l'injure, l'outrage, la diffamation, ainsi que l'incitation à la haine en raison de l'origine ou de l'appartenance ou de la non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée...

La loi punit également toute forme d'expression constituant des faits de harcèlement moral, de harcèlement sexuel ou conduisant à des situations de discrimination.

Une protection contre les sanctions

Au même titre que l'origine, l'âge, le genre, l'apparence physique, les activités syndicales ou mutualistes, l’exercice d’un mandat électif ou les convictions religieuses, les opinions politiques constituent un critère de discrimination interdite par le Code du travail aussi bien que le Code pénal.

Tout licenciement, et plus généralement toute mesure de rétorsion décidée par l'employeur en raison de ce motif est nul. Ces mesures sont en outre punies de sanctions pénales pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.

Rappel

Plusieurs dispositifs sont prévus par le Code du travail, pour permettre aux salariés de concilier vie militante et vie professionnelle : 

  • Des autorisations d'absence en période de campagne électorale, dans la limite de vingt jours ouvrables ;
  • Des congés, et un droit à réintégration dans les effectifs de l'entreprise, en cas d'élection et d'exercice d'un mandat parlementaire ;
  • Des autorisations et crédits d'heures en cas d'exercice d'un mandat local (voir l'article de service-public.fr).