Ouverture de l’événement « Connexions innovantes » sur le CPA

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Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Directeur général, cher Pierre-René Lemas,
Mesdames et Messieurs,

C’est pour moi un grand plaisir de lancer ces « Connexions innovantes » sur le CPA. Je tiens à remercier les équipes de la Caisse des dépôts et consignations, futur opérateur du CPA, pour leur mobilisation dans la construction de ce projet.

Je remercie tous les participants, futurs usagers du CPA, acteurs de l’accompagnement, employeurs, startups qui vont contribuer à faire du CPA un objet numérique innovant. Il n’y a pas de spectateur aujourd’hui dans la salle : il n’y a que des acteurs qui vont contribuer à la construction du CPA, selon la méthode participative que nous avons voulue et sur laquelle je reviendrai.

Je voudrais d’abord vous adresser un message : en participant à ces 3 jours de travaux collectifs sur le CPA, vous ne perdez pas votre temps. Vous allez être acteurs d’un des projets politiques les plus importants de ces dernières années, qui va redessiner notre modèle social.

Hier, vous le savez, avec Manuel Valls et Emmanuel Macron, nous avons réuni l’ensemble des partenaires sociaux pour leur présenter les évolutions apportées au projet de loi sur le travail à l’issue des 15 jours de concertation. Le CPA était au cœur de ces annonces.

Il l’était parce qu’il est l’élément essentiel des « nouvelles protections » que le projet de loi va instaurer. Le CPA, c’est une nouvelle manière de protéger les actifs, en leur donnant les moyens de construire leur parcours professionnel dans un monde du travail plus changeant.

Il l’était parce que la demande sociale en faveur du CPA est considérable. Elle s’est exprimée durant la concertation, notamment de la part des organisations syndicales et de jeunesse. Le CPA suscite de grandes attentes dans notre jeunesse : 85 % des moins de 30 ans y sont favorables . Cette attente s’est exprimée aussi durant le débat public sur le CPA que j’ai lancé le 21 janvier, auquel de nombreux acteurs notamment associatifs ont participé.

Je me suis battue pour qu’à l’issue de cette concertation, nous allions le plus loin possible dans le renforcement du CPA, sur deux axes.

Tout d’abord, les droits à la formation des personnes peu qualifiées. Tous les Français ne sont pas égaux devant le chômage, qui frappe bien davantage les personnes peu ou pas diplômées. 60 % des chômeurs ont un niveau inférieur au Bac. C’est le fil rouge de mon action dans ce ministère, avec le « plan 500 000 » formations supplémentaires de demandeurs d’emploi en 2016, en priorité pour les peu qualifiés. Le CPA permettra de pérenniser cet effort en créant un véritable droit à la qualification pour les personnes sans diplôme.

Ensuite, j’ai voulu que le CPA soit un levier pour reconnaître et promouvoir l’engagement citoyen dans notre pays, sous toutes ces formes : service civique, réserve militaire, sanitaire, responsabilités associatives bénévoles, et aussi la fonction de maître d’apprentissage, qui est un engagement précieux en faveur de l’insertion de notre jeunesse.

Je me réjouis que nous soyons parvenus à avancer dans ces deux voies. C’est un CPA déjà très ambitieux qui sera soumis au débat parlementaire, qui j’en suis sûre l’enrichira encore.

Je souhaiterais vous présenter plus en détail le contenu politique du CPA, avant de m’arrêter sur sa méthode, dont l’événement Connexions innovantes est un moment essentiel.


1/ Le contenu de la réforme qui sera soumise au Parlement

Le projet de loi qui crée le CPA s’intitule « projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ». Le CPA, ce sont à la fois de nouvelles libertés et de nouvelles protections.

Le CPA, c’est la liberté donnée à chacun de construire son parcours professionnel. Chacun le constate, le monde du travail a profondément changé. L’époque où l’on pouvait passer l’ensemble de sa carrière dans une même entreprise est révolue.

Un jeune qui débute aujourd’hui sa vie professionnelle va sans doute travailler jusqu’en 2060. Il va connaître la transformation numérique et la transition énergétique. Il va changer d’employeur à de multiples reprises, cumulera de plus en plus souvent plusieurs activités. Ses compétences devront en permanence évoluer.

Face à ce monde du travail plus mouvant, riche en opportunités mais aussi moins stable et plus exigeant, nous pourrions considérer que chacun est libre de se débrouiller. Mais dans ce monde-là, certains, les mieux dotés, ceux qui ont grandi dans les meilleures conditions, seraient plus libres que d’autres.

Le CPA est l’instrument d’une autre liberté, une liberté réelle donnée à tous. Il s’agit de doter chacun des ressources nécessaires pour construire son parcours professionnel. Avec le CPA, chacun pourra accumuler des droits tout au long de sa vie active et les utiliser au moment où il le souhaite en fonction de ses besoins.

Le CPA permettra de financer des formations qualifiantes, de faire reconnaître son expérience dans le cadre de la validation des acquis (VAE), de faire un bilan de compétences ou encore d’être accompagné dans un projet de création d’entreprise.

Le CPA, c’est la liberté de construire son projet professionnel. C’est la liberté de changer de voie lorsqu’on s’est mal orienté ou qu’on a acquis une lassitude à l’égard de son travail : le CPA vous permettra d’apprendre un nouveau métier.

C’est la liberté d’entreprendre avec de plus grandes chances de succès : être accompagné dans un projet de création ou de reprise d’entreprise accroît de 15 % les chances de survie à 5 ans.

Le CPA, c’est aussi la liberté de changer d’emploi ou de statut sans jamais craindre de perdre ses droits. C’est un droit attaché à la personne et non à l’emploi qu’elle occupe.

C’est un droit universel, qui concernera tous les actifs, quel que soit leur statut. Il sera ouvert aux travailleurs indépendants dès le 1er janvier 2018, et aux fonctionnaires dans des conditions qui seront définies par ordonnance, après concertation avec leurs organisations syndicales.

Le CPA, c’est encore la liberté de s’engager. Le A d’activité, ce n’est pas que le travail : nous sommes très nombreux à nous engager dans des activités bénévoles ou volontaires, qui sont utiles à notre société.

C’est pourquoi le CPA comportera un « compte engagement citoyen ». Il recensera les activités bénévoles ou volontaires, ce qui facilitera la reconnaissance de l’expérience acquise, notamment dans le cadre de la VAE. Il ouvrira aux personnes ayant un engagement particulièrement intense au service de l’intérêt collectif (jeunes ayant accompli une mission de service civique, réservistes, maîtres d’apprentissage, responsables associatifs bénévoles) des droits supplémentaires à formation.

Il permettra aussi aux employeurs qui le souhaitent de financer pour les salariés des jours de congé dédiés à l’exercice d’activités bénévoles.

Le CPA, c’est aussi une nouvelle manière de protéger les actifs. Protéger les actifs, dans le monde d’aujourd’hui, ce n’est plus leur promettre un emploi à vie, qu’aucune législation ne saurait garantir. Protéger, c’est donner la capacité de faire évoluer ses compétences et de rebondir en cas de difficulté.

Cette protection, nous la devons avant tout à ceux qui en ont le plus besoin.

Ce sont d’abord les salariés qui ont été exposés au cours de leur carrière à des travaux pénibles. Le « compte pénibilité » est une grande avancée sociale, issue de la loi sur les retraites de janvier 2014. Il est intégralement repris dans le CPA. Il permet aux salariés concernés de se former pour accéder à des emplois moins pénibles, de diminuer leur temps de travail en fin de carrière ou de partir en retraite de manière anticipée.

Ce sont aussi les jeunes qui n’ont pu acquérir un diplôme au cours de leur parcours scolaire, que l’on qualifie souvent de « décrocheurs ». Ces jeunes sont exposés à de grandes difficultés d’insertion : le taux de chômage d’un jeune sans diplôme est de 50 %.

Le « droit à la nouvelle chance », inscrit dans le projet de loi et financé par les régions, permettra à chacun de ces jeunes de financer gratuitement une formation qualifiante, qui lui permettra d’apprendre un métier. A cette fin, le nombre d’heures nécessaires, qui sera d’au moins 400 heures, sera inscrit sur son CPA.

A l’issue de la concertation, le gouvernement a décidé d’étendre ce droit non seulement aux décrocheurs d’aujourd’hui, mais aussi à ceux d’hier et d’avant-hier.

Les salariés sans diplôme bénéficieront donc de droits à la formation considérablement renforcés. Le CPF permet aujourd’hui aux salariés d’acquérir chaque année un droit à 24 heures de formation, dans la limite de 150 heures. Pour les personnes sans diplôme, le plafond sera porté à 400 heures et le rythme annuel à 40 heures. Ainsi, elles auront au bout de 10 ans de travail le droit d’accéder à la qualification et de se reconvertir.

Le gouvernement a aussi demandé aux partenaires sociaux d’explorer les voies d’un mécanisme pérenne pour abonder le CPA des demandeurs d’emploi peu qualifiés entrant en formation, en lien avec la négociation d’assurance-chômage.

Protéger, c’est enfin accompagner chacun dans l’utilisation de son CPA. Vous le savez, il ne suffit pas de donner des droits pour que ceux-ci soient effectivement mobilisés. Chacun aura accès gratuitement à des services de « conseil en évolution professionnelle » (le CEP), dispensés par Pôle emploi pour les demandeurs d’emploi, par l’APEC pour les cadres ou encore par les FONGECIF pour les autres salariés.

Le conseil en évolution professionnelle est un service créé par la loi du 5 mars 2014, encore trop méconnu du grand public : il permet à chacun d’être conseillé dans la définition de son projet professionnel, orienté dans l’identification des formations nécessaires et accompagné dans le montage financier de son dossier de formation.

Je sais que nombre des acteurs du CEP participent aux ateliers et je souhaite que ceux-ci produisent des propositions utiles pour l’enrichir.

2/ La méthode de construction du CPA : construction avec les utilisateurs et innovation numérique

Vous le voyez, l’ambition politique portée par le CPA est grande. Elle est à la hauteur des besoins d’évolution de notre modèle social.

Mais il ne suffit pas d’une grande ambition politique pour réussir une réforme. Il faut que la méthode soit au rendez-vous. Et c’est bien souvent par là que nous péchons en France. On me cite souvent l’exemple du dossier médical partagé (le DMP), lancé il y a plus de 10 ans et qui peine toujours à décoller. Certains craignent que le CPA ne devienne une « usine à gaz » ou une « cathédrale » qui s’effondrerait sous son poids.

Le rapport du Conseil national du numérique sur le travail et l’emploi, qui m’a été remis au début de l’année, a beaucoup insisté sur ces aspects. Il a recommandé de construire le CPA selon une « méthode agile », en partant des besoins des individus, et en procédant à des évolutions rapides en fonction des réactions des utilisateurs.

Nous nous sommes pleinement saisis de ces recommandations et cet événement « Connexions innovantes » en est le témoignage. Vous tous réunis ici, vous êtes le meilleur antidote face aux dangers de l’usine à gaz.

1 an avant l’entrée en vigueur du CPA, des groupes de futurs utilisateurs ont été constitués. Vous avez donc été associés très en amont à la réforme. Vous avez été invités à exprimer vos besoins, en termes d’information sur les droits sociaux, d’aide à la construction et à la mise en œuvre de votre projet professionnel.

Aujourd’hui, vous allez être tous réunis pour échanger et croiser vos points de vue, entre futurs utilisateurs du CPA, acteurs de l’accompagnement, employeurs. Je porterai la plus grande attention à la synthèse qui sera faite de vos travaux, aux attentes qui seront exprimées, aux signaux d’alerte et bien sûr à vos propositions.

Et votre travail ne s’arrêtera pas aujourd’hui ! Grâce aux « open labs » mis en place par la Caisse des dépôts et consignations, vous serez consultés régulièrement aux différentes phases de développement du projet, ce qui permettra de rectifier le tir à chaque fois que cela sera nécessaire.

Cette méthode de participation des utilisateurs, intense et itérative, est pour moi une sécurité dans la conduite de la réforme. N’hésitez jamais à jouer votre rôle d’alerte s’il vous semble que tel ou tel aspect qui serait prévu n’est pas adapté.

Le 2e pilier de la méthode de construction du CPA, c’est l’appel à l’innovation numérique. Dès le lancement du débat public, nous avons commencé à travailler avec 3 acteurs de l’innovation : Cap Digital, le pôle de compétitivité de la transformation numérique ; l’Ecole 42, l’école de développement fondée par Xavier Niel et dont nous connaissons les méthodes originales et fructueuses ; le Lab RH, le réseau des acteurs de l’innovation en matière de ressources humaines.

Cette association s’est poursuivie et de nombreux acteurs de l’innovation sont présents aujourd’hui.

Ce travail étroit avec les acteurs de l’innovation, je l’ai voulu parce que je connais la capacité du numérique à transformer pour le meilleur nos politiques d’emploi et de formation.

J’ai souhaité que nous fassions du CPA un projet emblématique de l’association vertueuse du service public et de l’innovation numérique.

Le projet de loi en jette les bases. Pour la première fois, il prévoit qu’à un dispositif de droits sociaux sera associé une plateforme de services en ligne, qui pourront être développés par des acteurs publics et privés. Ces services pourront porter sur l’information sur les droits sociaux, la vision de l’ensemble des bulletins de paie et l’aide à la construction du parcours professionnel.

Le CPA pourra référencer des services existants. Il suscitera aussi, j’en suis sûre, le développement de nouveaux services. Après Connexions innovantes, le prochain rendez-vous sera le hackathon des 8 et 9 avril, en partenariat avec l’Ecole 42.

C’est ainsi que le CPA pourra tenir pleinement sa promesse : donner à la personne toutes les ressources nécessaires pour construire son parcours professionnel.