Le droit à la déconnexion

Publié le | Temps de lecture : 8 minutes

  • Le droit à la déconnexion des travailleurs vise, par la régulation de l’utilisation des outils numériques à usage professionnel, à assurer le respect de leurs temps de repos et de congé, ainsi que de leur vie privée et familiale,
  • Depuis le 1er janvier 2017, la négociation collective obligatoire au sein des entreprises doit porter sur les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion, au titre de la qualité de vie et des conditions de travail (QVCT),
  • Le droit à la déconnexion s’inscrit dans la prévention des risques psychosociaux des travailleurs, au titre de l’obligation de l’employeur d’assurer leur sécurité,
  • À défaut d’accord collectif, la mise en œuvre d’une charte interne à l’entreprise ou à l’établissement doit permettre l’application effective du droit à la déconnexion.
     

La négociation obligatoire des modalités d’exercice du droit à la déconnexion

Depuis le 1er janvier 2017, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, la négociation collective annuelle sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur la qualité de vie et les conditions de travail (QVCT) doit notamment porter sur les modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale ».

Une autre périodicité de négociation peut être prévue par accord.

À défaut d’accord collectif portant sur le droit à la déconnexion, l’employeur élabore une charte, après avis du comité social et économique (CSE).

Cette charte définit les modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit en outre la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques. (Article L. 2242-17-7° du Code du travail).

Le fait de se soustraire à cette obligation de négociation est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.

En outre, même lorsque les entreprises ne sont pas tenues par ces obligations de négociation, elles doivent néanmoins garantir le respect du droit à la déconnexion.

Objectifs et enjeux du droit à la déconnexion

Il n’existe pas de définition du « droit à la déconnexion » fixée dans le Code du travail, mais celui-ci répond, par l’utilisation régulée des outils numériques dans le cadre professionnel, à plusieurs objectifs.

Faire respecter les durées maximales de travail et garantir le temps de repos et de congé

Tout travailleur bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures consécutives, sauf dérogations spécifiques. En conséquence, l’amplitude journalière du travail (temps de travail effectif et temps de pause) ne peut, dans le cas général, excéder 13 heures.

Le travailleur doit pouvoir bénéficier de ce temps de repos et de ses congés, sans être sollicité professionnellement.

Pour en savoir plus, lire aussi : Le repos quotidien, principe et dérogations 

Respecter la vie privée et réguler la charge de travail des travailleurs

Le droit à la déconnexion fait également partie intégrante du respect de la vie privée et familiale et de son articulation avec la vie professionnelle, ainsi que de la régulation de la charge de travail.

Ces objectifs apparaissent majeurs, notamment avec le développement du télétravail ou lorsque le salarié est soumis à une convention de forfait jours.

Dans ce dernier cas, en raison de la grande autonomie dont le salarié dispose dans l’organisation de son emploi du temps, l’employeur doit s’assurer régulièrement du caractère raisonnable de sa charge de travail et d’une bonne répartition de ce travail dans le temps. Les modalités de mise en œuvre de cette obligation sont fixées par l’accord collectif autorisant et organisant le recours aux forfaits en jours, ou à défaut, par les dispositions supplétives prévues par le Code du travail. Dans ce contexte, l’employeur doit donc également veiller aux modalités d’exercice du droit à la déconnexion (article L. 3121-64 du Code du travail).

Pour en savoir plus, consulter la fiche : Les conventions de forfait

Le droit à la déconnexion : un instrument de prévention des risques psychosociaux

Face à l’évolution de l’organisation du travail (télétravail, multiplication des canaux de communication par l’usage des téléphones et ordinateurs portables, réseaux sociaux et messageries instantanées), l’application du droit à la déconnexion relève de :

Pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l’employeur doit mettre en place :

  1. Des actions de prévention des risques professionnels ;
  2. Des actions d’information et de formation ;
  3. Une organisation et de moyens adaptés (article L. 4121-1 du Code du travail).

Il doit veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Le Code du travail précise les principes généraux de prévention qui doivent guider la protection de la santé, afin de mettre en place une démarche de prévention efficace dans une entreprise :

  1. Éviter les risques ;
  2. Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
  3. Combattre les risques à la source ;
  4. Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production ;
  5. Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
  6. Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
  7. Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel ;
  8. Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
  9. Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

Au titre de l’obligation de l’employeur d’assurer la santé et la sécurité des travailleurs, la mise en œuvre du droit à la déconnexion implique en premier lieu d’évaluer et de répertorier, au sein du document unique d’évaluation des risques, les risques auxquels ceux-ci sont soumis, dans le cadre de l’usage des nouvelles technologies.

La prévention de ces risques réside alors :

  • Dans la détermination et la fixation de temps de déconnexion adaptés à la spécificité des métiers, des moyens techniques et organisationnels au sein de l’établissement ou de l’entreprise ;
  • Dans la garantie et le contrôle de l’effectivité du droit à déconnexion des travailleurs.

Quelques principes fondamentaux pour rédiger une charte de bonnes pratiques garantissant le droit à la déconnexion 

À défaut d’accord collectif, la charte élaborée par l’employeur (après avis du CSE et, idéalement, en concertation avec celui-ci, s’il existe), devra rappeler les principes de :

  • Respect des temps de repos quotidien, hebdomadaire et de congé des travailleurs ;
  • Respect du droit à la vie privée et familiale et articulation de cette dernière avec la vie professionnelle.

La charte devra définir : 

  • La nature des outils numériques en usage dans l’entité, sur lesquels devra porter le droit à la déconnexion : téléphone professionnel, messagerie professionnelle, messageries instantanées professionnelles ou à usage professionnel, outils d’organisation de réunions professionnelles, connexions sécurisées en cas de travail à distance (VPN de l’entreprise), logiciels, etc.
  • Les périodes durant lesquelles les travailleurs devront être déconnectés de ces instruments et ne devront faire l’objet d’aucune sollicitation par le biais de ces outils ou de tout autre moyen de communication, y compris personnel (en général en dehors des périodes de travail habituelles) ;
  • La fixation d’éventuelles « périodes blanches » au cours desquelles les travailleurs devront restés déconnectés à certains outils (la messagerie électronique ou la messagerie instantanée interne, par exemple), sur le temps de travail habituel, en vue de favoriser la concentration, les échanges interpersonnels, etc.

Afin que l’application de la charte puisse garantir le respect du temps de repos du salarié, la protection de sa santé et de sa sécurité, l’employeur devra avoir évalué les pratiques professionnelles selon les entités concernées et avoir répertorié les risques liés à l’usage des outils numériques (voir ci-dessus : Le droit à la déconnexion : un instrument de prévention des risques psychosociaux).

En effet, le travailleur ne doit pas faire face à des injonctions contradictoires et impossibles à respecter telles que l’obligation de déconnexion à une heure précise, alors même que la charge de travail est excessive et ne lui permet pas de s’y conformer, ou la mise en œuvre d’une « période blanche » durant le temps de travail habituel, avec le blocage de l’accès à un outil numérique indispensable au salarié pour accomplir sa tâche, ne faisant que concentrer sa charge de travail sur un temps restreint et lui laissant moins de latitude dans l’organisation de son travail.

L’employeur mettra en œuvre des actions de formation, afin de familiariser les travailleurs :

Avec les principes définis dans l’accord collectif ou la charte sur le droit à la déconnexion ;

Avec des pratiques plus vertueuses en termes d’utilisation des outils numériques (hiérarchisation et centralisation des informations, pour éviter la multiplication des canaux de transmission et de messages, elle-même susceptible de générer une situation de stress au travail pour les expéditeurs comme pour les destinataires).

À savoir

Dans la mesure où, dans les entreprises ou établissements d’au moins 50 salariés, le règlement intérieur fixe les règles en matière de discipline, d’hygiène et de sécurité, l’employeur peut décider d’y annexer la charte des bonnes pratiques en matière de droit à la déconnexion. Dans ce cas, les manquements des salariés aux usages définis dans la charte peuvent faire l’objet de sanctions disciplinaires. 

Textes de référence

Sur la négociation obligatoire en entreprise et au titre du droit à la déconnexion
Articles L. 2242-1 à L, 2242-22 du Code du travail,
Art. L. 2242-17 7 du Code du travail sur l’obligation de négocier sur les modalités du droit à la déconnexion.

Sur le respect temps de repos quotidien et hebdomadaire
Articles L. 3131-1 et suivants du Code du travail

Sur les conventions de forfaits en jour 
Articles. L.3121-58 et suivants du Code du travail

Sur l’obligation de sécurité de l’employeur
Articles L. 4121-1 et suivants du Code du travail

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Lire en complément

Sur le site de l’INRS
Droit à la déconnexion, comment le mettre en œuvre ?
 

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