La représentation équilibrée des femmes et des hommes dans les postes de direction des grandes entreprises

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Afin d'accélérer la participation des femmes à la vie économique et professionnelle, la loi « Rixain » du 24 décembre 2021 comporte plusieurs mesures visant à une plus grande égalité entre les femmes et les hommes dans les entreprises. C’est en ce sens que son article 14 instaure une obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes dans les postes de direction des grandes entreprises.

L’article 14 de la loi n° 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l'égalité économique et professionnelle crée une obligation de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes des grandes entreprises, accompagnée d’une obligation de transparence en la matière.

Elle fixe de nouvelles obligations pour les entreprises qui emploient au moins 1 000 salariés pour le troisième exercice consécutif. Celles-ci doivent désormais calculer et publier leurs écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi leurs cadres dirigeants et les membres de leurs instances dirigeantes, chaque année au plus tard le 1er mars. Elles doivent ensuite communiquer leurs résultats ainsi que leurs modalités de publication au comité social et économique et transmettre ces informations à l’administration sur le portail de déclaration « Représentation équilibrée »

Les entreprises devront atteindre un objectif de 30 % de femmes et d’hommes cadres dirigeants et de 30 % de femmes et d’hommes membres d’instances dirigeantes à partir du 1er mars 2026. Cet objectif sera de 40 % à partir du 1er mars 2029 : les entreprises disposeront alors d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité avec ces objectifs, sous peine de pénalité financière.

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Champ d’application et entrée en vigueur

  • L’article 14 de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle fixe de nouvelles obligations pour les entreprises qui emploient au moins 1000 salariés pour le troisième exercice consécutif, qui entrent en vigueur entre 2022 et 2029. Celles-ci doivent :

    1. Depuis le 1er mars 2022, publier annuellement les écarts éventuels de représentation entre les femmes et les hommes parmi, d’une part, les cadres dirigeants et, d’autre part, les membres des instances dirigeantes (article L.1142-11). À partir du 1er mars 2023, ces écarts de représentation seront également rendus publics sur le site internet du ministère chargé du travail, dans des conditions déterminées par décret (article L.1142-11)

    2. À partir du 1er mars 2026, atteindre un objectif chiffré de 30 % en matière de représentation femmes-hommes parmi d’une part, les cadres dirigeants et, d’autre part, les membres des instances dirigeantes (article L.1142-11). Lorsque l’entreprise obtient un résultat inférieur au seuil de 30 %, elle doit définir des mesures adéquates et pertinentes de correction par le biais d’un accord, ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur après consultation du comité social et économique (article L.1142-13).

    3. À partir du 1er mars 2029, atteindre un objectif chiffré de 40% en matière de représentation femmes-hommes parmi, d’une part, les cadres dirigeants et d’autre part, les membres des instances dirigeantes (article L.1142-11).
     
  • Lorsque l’entreprise ne se conforme pas à l’obligation d’atteindre ce seuil de 40 %, elle dispose d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité.
  •  L’entreprise doit, au bout d’un an, publier des objectifs de progression et les mesures de correction retenues, selon des modalités définies par décret (article L.1142-12).

Les entreprises assujetties aux obligations prévues par l’article 14 de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle sont celles qui emploient, pour le troisième exercice consécutif, au moins 1 000 salariés. Toutefois, les entreprises qui ne rentrent pas dans le champ d’application de la mesure peuvent s’y soumettre volontairement.

En revanche, ces obligations ne sont pas applicables aux unités économiques et sociales.

Pour rappel, l’article 14 de la loi visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle a défini les instances dirigeantes comme suit à l’article L. 23-12-1 du code de commerce : « Est considérée comme instance dirigeante toute instance mise en place au sein de la société, par tout acte ou toute pratique sociétaire, aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions. »

Par cette définition, le législateur a entendu viser, pour l’ensemble des formes sociales possibles pour les sociétés commerciales, les organes sociaux et autres instances chargés de contribuer au processus de décision concernant les problématiques de direction et de gestion les plus stratégiques pour une société. Les exemples d’instances ci-dessous, entrant dans le champ de cette définition pour certains types de sociétés commerciales, sont donnés à titre d’illustration :

  • Dans une société anonyme ou dans une société en commandite par actions, le comité mis en place, le cas échéant, par la direction générale en vue de l’assister régulièrement dans l’exercice de ses missions générales, tel que visé à l’article L.22-10-10 du code de commerce pour les sociétés anonymes, qui peut être nommé de différentes manières – ce nom peut être celui « comité de direction » ou de « comité exécutif » ;
     
  • Dans une société par actions simplifiée, l’instance mise en place, le cas échéant, afin d’assister le président de la société dans l’ensemble de ses fonctions de direction générale, quelle que soit sa dénomination – il peut par exemple s’agir d’un « comité de direction », d’un « comité exécutif », d’un « comité stratégique », d’un « comité des directeurs », d’un « conseil de direction », d’un « conseil stratégique » ou encore d’un « conseil décisionnaire ».

Non, car le directoire n’a pas pour rôle d’assister les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions, mais constitue directement l’organe chargé de la direction générale.

Non, car il ne s’agit pas d’instances ayant pour rôle d’assister les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions, mais d’organes sociaux respectivement chargés :

  • Pour ce qui est du conseil d’administration, de déterminer les orientations de l’activité de la société et de veiller à leur mise en œuvre, conformément à son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux, tout en exerçant les contrôles et les vérifications qu’il juge opportun.
  • Pour ce qui est du conseil de surveillance, d’exercer le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire.

    Ces organes ont donc des rôles d’administration, de surveillance et de contrôle, et non des fonctions d’assistance de la direction générale. Certains entrent par ailleurs dans le champ d’application de la loi n° 2011-103 du 27 janvier 2011 relative à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance et à l’égalité professionnelle, dite « loi Copé-Zimmermann » (pour plus d’information, consulter le site www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr).

Non, les organes collégiaux de direction des sociétés par actions simplifiées, auxquels les statuts confèrent un pouvoir de direction, n’entrent pas dans le champ des instances dirigeantes pour le calcul des écarts de représentation.

L’article L. 1142-11 du Code du travail, issu de l’article 14 de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle, prévoit une obligation d’atteindre un objectif chiffré en matière de représentation femmes-hommes parmi d’une part, les cadres dirigeants et, d’autre part, les membres des instances dirigeantes.

  • S’agissant des cadres dirigeants : l’obligation d’atteinte d’un objectif chiffré sur cette population s’applique aux sociétés civiles. En revanche, elle ne s’applique pas aux groupements d’intérêt économique (GIE), qui ne disposent pas de la personnalité morale et ne peuvent donc pas être sanctionnés.
  • S’agissant des membres des instances dirigeantes : ni les sociétés civiles, ni les GIE ne sont assujettis à l’obligation d’atteinte d’un objectif chiffré sur cette population.

Dans le cas d’une fusion-réunion, l’entreprise (A) est fusionnée au sein d’une nouvelle entité légale (B). Ainsi, l’entreprise (A) ne dispose plus de la personnalité morale à compter de la date de prise d’effet de la fusion. Dès lors, l’effectif de 1 000 salariés durant trois exercices consécutifs, conditionnant l’assujettissement de l’entreprise à l’obligation de répartition équilibrée entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes, est apprécié à compter de la création de la nouvelle entité légale.

Dans le cas d’une fusion-absorption, c’est-à-dire dans le cas où la société absorbante existait avant l’opération de fusion, le seuil d’effectif de 1 000 salariés durant trois exercices consécutifs est apprécié au regard de la société absorbante, et non de la ou des sociétés absorbées.

La notion d’exercice mentionnée à l’article 14 de la loi du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle correspond à l’exercice comptable.

Modalités de calcul des écarts éventuels de représentation femmes-hommes

Les données permettant d’apprécier les écarts de représentation correspondent au pourcentage de femmes et d’hommes parmi l’ensemble des cadres dirigeants d’une part, et l’ensemble des membres des instances dirigeantes d’autre part. La proportion de ces femmes et de ces hommes est appréciée en fonction du temps passé sur l’année comptable en tant que cadre dirigeant ou membre des instances dirigeantes.

La période de 12 mois consécutifs sur laquelle les entreprises doivent calculer leurs écarts éventuels de représentation correspond à l’année comptable.

La notion de « temps passé » par chaque femme et chaque homme sur la période de référence en tant que cadres dirigeants ou membres des instances dirigeantes correspond au temps passé, sur la période de référence annuelle, dans les fonctions de cadre dirigeant ou de membre d’une instance dirigeante, indépendamment du temps passé dans l’exercice « réel » de ces fonctions.

L’article L. 1142-11 du Code du travail vise expressément les « cadres dirigeants au sens de l’article L. 3111-2 du présent code ». Or, l’article L. 3111-2 précise que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III du présent livre consacré à la durée du travail, repos et congés. Les dispositions relatives aux conventions de forfait (dont le forfait en jours) se trouvent dans le titre II et ne sont dès lors pas applicables aux cadres dirigeants.

Par ailleurs, une jurisprudence constante de la Chambre sociale de la Cour de cassation rappelle que le choix d’une convention de forfait en jours exclut la qualification de cadre dirigeant (Cass. soc., 7 sept. 2017, no 15-24.725 ; Cass. soc., 12 janv. 2022, no 19-25.080) sans qu’il soit nécessaire de vérifier l’effectivité des critères prévus par l’article L. 3111-2.

Il en résulte que les salariés au forfait en jours ne doivent pas être inclus dans le calcul des écarts de représentation femmes-hommes parmi les cadres dirigeants.

Les écarts de représentation femmes-hommes parmi les cadres dirigeants sont incalculables dans les cas suivants :

Lorsque l’entreprise n’a pas de cadre dirigeant au sens de l’article L. 3111-2 du Code du travail, les écarts de représentation sur cette population ne sont pas calculables. Si l’entreprise dispose néanmoins d’une ou de plusieurs instances dirigeantes, elle devra calculer les écarts de représentation entre les femmes et les hommes parmi les membres de ces instances.

Oui, un comité exécutif dont le champ d’action porte sur le groupe, et qui est institué au sein d’une société employant plus de 1000 salariés, entre dans le champ d’application de l’obligation d’atteinte d’un objectif chiffré en matière de répartition femmes-hommes parmi les membres des instances dirigeantes telle que prévue à l'article L. 1142-11 du Code du travail.

Dans le cas où une entreprise dispose de plusieurs instances dirigeantes, la loi vise à prendre en compte l’ensemble de ces instances dirigeantes pour le calcul des écarts de représentation. Ainsi, dans ce type d’organisation, les comités exécutifs des « business units » doivent être pris en compte dans le calcul des écarts dans la mesure où ils sont chargés d’assister la direction générale de l’entreprise.

Oui. En effet, ce cumul ne fait pas obstacle à l’inclusion du cadre dirigeant dans l’assiette de calcul des écarts de représentation femmes-hommes au sein de la population des cadres dirigeants.

Lorsqu’une personne est membre de plusieurs instances dirigeantes au sein de l’entreprise, elle est comptabilisée une seule fois. En effet, l’obligation de répartition équilibrée femmes-hommes parmi les membres des instances dirigeantes porte sur l’ensemble de ces instances, qui constituent un ensemble unique.

Oui, les salariés expatriés dans une société française de plus de 1000 salariés assujettie à l’obligation prévue à l’article L.1142-11 du Code du travail doivent être pris en compte dans le calcul des écarts de représentation femmes-hommes.

Oui, les membres de l’instance dirigeante d’une entreprise assujettie à l’obligation de calcul des écarts de représentation, qui ont par ailleurs un contrat de travail ou un mandat dans une autre entreprise, sont pris en compte dans le calcul des écarts de représentation de l’entreprise assujettie, même s’ils sont rattachés juridiquement à une autre entité.

Objectifs de progression et mesures de correction

Les objectifs de progression correspondent aux pourcentages cibles fixés en matière de représentation femmes-hommes pour l’année suivante.

À compter du 1er mars 2026, en cas de non atteinte de l’objectif chiffré en matière de représentation femmes-hommes, des mesures de correction devront être définies par accord, ou à défaut par décision unilatérale de l’employeur après consultation du CSE.

À compter du 1er mars 2029, en cas de non atteinte de l’objectif chiffré en matière de représentation femmes-hommes, des objectifs de progression et les mesures de correction adoptées devront être publiés à l’issue d’un délai d’un an sur le site internet de l’entreprise, sur la même page que les écarts de représentation. À défaut de site internet, ils seront portés à la connaissance des salariés par tout moyen.

Pénalité applicable

À partir du 1er mars 2029, lorsque l’entreprise n’atteint pas l’objectif chiffré de 40 %, elle dispose d’un délai de deux ans pour se mettre en conformité.

À l’expiration de ce délai, si les résultats obtenus sont toujours en deçà du taux de 40 %, l’employeur peut se voir appliquer une pénalité financière d’un montant maximum de 1 % des rémunérations et gains. Le montant est fixé par l’autorité administrative, dans des conditions qui seront précisées par décret en Conseil d’Etat, en fonction de la situation initiale de l’entreprise, des efforts constatés dans l’entreprise en matière de représentation des femmes et des hommes ainsi que des motifs de sa défaillance.

Publication et transmission

Cette publication doit être effectuée chaque année au plus tard le 1er mars.

Une fois publiés, les écarts de rémunération sont consultables jusqu’à la publication de l’année suivante (article D. 1142-16).

Les écarts de représentation sont publiés chaque année, de manière visible et lisible, sur le site internet de l’entreprise.

La loi prévoit une obligation de transmission à l’administration et au CSE, en trois temps (article D. 1142-20) :

  • Dès 2022, les entreprises doivent transmettre leurs écarts de représentation, ainsi que les modalités de publication de ces écarts ;
  • À compter du 1er mars 2026, devront être transmises, outre les données susmentionnées, les mesures de correction adoptées le cas échéant ;
  • À compter du 1er mars 2029, devront être transmis, outre les données susmentionnées, les objectifs de progression et les modalités de publication de ces objectifs et des mesures de correction adoptés le cas échéant.

Non, lorsque les écarts ne sont pas calculables, l’employeur n’est pas assujetti à l’obligation de publication prévue au premier alinéa de l’article L. 1142-11 du Code du travail. L’employeur doit toutefois transmettre à l’administration et au CSE les précisions expliquant la raison pour laquelle ces écarts n’ont pas pu être calculés.