Questions-réponses | Suspension temporaire du repos hebdomadaire dans les établissements qui connaîtront un surcroît extraordinaire de travail dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024

Décret n°2023-1078 du 23 novembre 2023

Les Jeux Olympiques de 2024 sont un événement exceptionnel d’ampleur internationale. À cette occasion, des besoins de dérogation en matière de repos hebdomadaire pour certains salariés très impliqués directement dans l’organisation et le déroulement des compétitions pourraient survenir.

Le présent questions-réponses vise à expliciter les dispositions du texte.

1. Objet et effet de la mesure

1.1 En quoi consiste cette mesure

Le décret n°2023-1078 du 23 novembre 2023 a pour objet d’ouvrir temporairement et sous plusieurs conditions, à certaines entreprises intervenant directement dans le cadre de l’organisation et du déroulement des Jeux Olympiques de 2024, la faculté de pouvoir suspendre le repos hebdomadaire de leurs salariés.

Le code du travail prévoit :
 

  • Qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine (article L. 3132-1) ;
  • Qu’un repos d’une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s’ajoutent les heures consécutives de repos quotidien doit être accordée au salarié (article L. 3132-2) ;
  • Que dans l’intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche (article L. 3132-3).

Cependant, compte tenu de l’accroissement attendu des activités liées à l’organisation des Jeux Olympiques, des impératifs liés au bon déroulement des Jeux et à la nécessité de disposer de compétences indispensables à leur tenue, certains établissements connaissant un surcroît extraordinaire de travail et intervenant directement et de façon essentielle dans l’organisation des Jeux peuvent, sur le fondement de ce décret, suspendre le repos hebdomadaire de façon temporaire en application de l’article L. 3132-5 du code du travail.

1.2 Pourquoi cette mesure ne doit-elle être mise en œuvre que de façon exceptionnelle ?

Les employeurs concernés par cette mesure ne doivent mettre en œuvre la possibilité de suspendre le repos hebdomadaire qu’en dernier recours. Tout autre mode d’organisation doit ainsi être privilégié, la suspension du repos hebdomadaire ne devant intervenir que de façon limitée et marginale. Ainsi, les employeurs sont invités à organiser le recrutement et l’emploi du temps de leurs salariés de manière à garantir leur repos hebdomadaire. L’utilisation de la dérogation au repos hebdomadaire ne peut s’envisager que si toute autre forme d’organisation n’apparaît pas mobilisable.

À ce titre, il est rappelé la possibilité pour les établissements bénéficiant d’une dérogation au repos dominical, d’employer un salarié jusqu’à 12 jours consécutifs. Ce cas est en particulier possible si le repos hebdomadaire est donné le premier jour de la première semaine (lundi) et le dernier jour de la seconde semaine (dimanche).

Il apparait donc que la mise en œuvre de la possibilité de suspendre le repos hebdomadaire (et donc priver le salarié de son repos hebdomadaire par semaine) ne devrait intervenir qu’une fois épuisée cette possibilité de faire travailler un salarié pendant 12 jours.

1.3 La mise en œuvre de cette mesure est-elle soumise à autorisation administrative ?

Non, la possibilité de suspendre le repos hebdomadaire sur le fondement de l’article L. 3132-5 du code du travail ne relève pas d’une décision prise par une autorité administrative.

L’employeur la met en œuvre sous sa seule responsabilité, dans le respect de l’article R. 3172-7 du code du travail qui précise que L’employeur qui veut suspendre le repos hebdomadaire en application de l’article L. 3132-5 […] informe immédiatement l’inspecteur du travail et, sauf cas de force majeure, avant le commencement du travail. Il l’informe des circonstances qui justifient la suspension du repos hebdomadaire. Il indique la date et la durée de cette suspension et spécifie le nombre de salariés auxquels elle s’applique. L’information indique également les deux jours de repos mensuels réservés aux salariés.

L’employeur doit transmettre l’information à l’inspection du travail territorialement compétente en application de l’article R. 3172-7 du code du travail.

2. Champ d’application

2.1 Quelles sont les établissements concernés par cette mesure ?

Tous les acteurs liés à l’organisation des Jeux Olympiques ne peuvent suspendre le repos hebdomadaire de leurs salariés en application du décret n°2023-1078 du 23 novembre 2023.

Sont uniquement concernés les établissements connaissant un surcroît extraordinaire de travail dans la réalisation d’activités essentielles au bon déroulement et au succès de ces jeux. Il s’agit ainsi exclusivement des activités liées :
 
1) À la captation, la transmission, la diffusion et la retransmission des compétitions

Il s’agit d’une part des salariés employés directement par la filiale du comité international Olympique (CIO) dédiée à ces activités, d’autre part de ceux employés par les entreprises de médias et d’agences événementielles techniques mobilisés par Olympic broadcasting services (OBS).

Elles apportent selon les cas les ressources humaines et matérielles nécessaires à l’événement (ex : fourniture d’unités de production mobiles), ou des compétences uniques sur des sports peu visibles dans les médias, hors Jeux Olympiques et Paralympiques, ou des savoir-faire en matière de production (production de signaux ou de contenus). Les sociétés peuvent être d’origine étrangère (notamment européennes, chinoises, anglo-saxonnes ou du sud-est asiatique).

2) À l’organisation des épreuves et au fonctionnement des sites liés à l’organisation et au déroulement des Jeux Olympiques

Sont principalement concernées les structures intervenant dans :
 

  • L’organisation des compétitions sportives et/ou la gestion des sites Olympiques et Paralympiques par le comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques Paris 2024, les prestations d’hospitalités ou de livraison des événements, les expertises de traitement des données de chronométrage ou d’affichage sur écrans géants temporaires ;
  • L’accompagnement et l’encadrement des athlètes par le comité d’organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques, les délégations des 206 comités nationaux Olympiques (CNO) et les 184 comités nationaux Paralympiques (CNP) notamment les coachs, équipes médicales, personnels administratifs et de support…) ;
  • L’accompagnement de la famille Olympique par des structures telles que le comité international Olympique, international Paralympic committee (IPC), les comités nationaux Olympiques et comités nationaux Paralympiques, les 32 fédérations internationales Olympiques et les 17 fédérations internationales Paralympiques.

2.2 Quels sont les sites précédemment visés par la notion de sites liés à l’organisation et au déroulement des Jeux Olympiques ?

La notion de sites liés à l’organisation et au déroulement des jeux Olympiques mentionnée à l’article 2 du décret figure aux articles 5 et 23 de la loi n°2018-202 du 26 mars 2018 relative à l’organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Ces sites seront précisés par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement et des sports.

2.3 Quand cette mesure peut-elle s’appliquer ?

La mesure prévue par le décret n°2023-1078 du 23 novembre 2023 est temporaire et strictement limitée aux Jeux Olympiques. Ainsi, l’article 1 du décret prévoit une application sur la période comprise entre le 18 juillet et le 14 août 2024.

À noter que cette période est un peu plus large que celle des compétitions des Jeux Olympiques, de façon à inclure les périodes d’ouverture et de fermeture du village olympique et couvrir ainsi les phases d’opérations de montage et démontage des différents sites liés à l’organisation et au déroulement des Jeux Olympiques.

3. Articulation avec les autres dérogations et dispositions en matière de durée de travail

3.1 Comment s’articule cette mesure avec les autres dérogations et dispositions prévues par le code du travail en matière de durée du travail ?

En aucune manière, la possibilité de suspendre le repos hebdomadaire ouverte par le décret n°2023-1078 du 23 novembre 2023 ne permet à l’employeur de s’affranchir des règles de droit commun en matière de durée du travail. En particulier, une vigilance particulière est requise quant au respect du repos quotidien et des durées maximales de travail quotidiennes et hebdomadaires afin de ne pas multiplier les risques pour les salariés qui seraient concernés par la privation de leur repos hebdomadaire.

4. Obligation de l’employeur dans la mise en œuvre de la suspension

4.1 Quelles sont les garanties octroyées aux salariés en cas de suspension de leur repos hebdomadaire ?

La possibilité de suspendre le repos hebdomadaire au titre du décret n°2023-1078 du 23 novembre 2023 suppose le respect de deux types de garanties pour le salarié.

1) En premier lieu, les heures ainsi réalisées doivent être considérées comme des heures supplémentaires et donc traitées comme telles en matière de contrepartie financière et / ou en repos.

En effet, la possibilité de suspendre le repos hebdomadaire s’inscrit dans le cadre de l’article L. 3132-5 dont le deuxième alinéa dispose que : Les heures de travail ainsi accomplies le jour du repos hebdomadaire sont considérées comme des heures supplémentaires et sont imputées sur le crédit d’heures supplémentaires prévu par les décrets d’application des dispositions relatives à la durée du travail.

Il est rappelé que les heures supplémentaires sont les heures de travail effectuées au-delà de la durée légale hebdomadaire applicable ou de la durée considérée comme équivalente (les dispositions relatives aux heures supplémentaires s’appliquent à tous les salariés de l’entreprise sauf pour les cadres dirigeants et les salariés en forfait annuel en jours).

La réalisation d’heures supplémentaires ouvre droit à contrepartie, c’est-à-dire une majoration salariale ou, le cas échéant, un repos compensateur équivalent (L. 3121-28).

Le taux de majoration des heures supplémentaires est fixé par un accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, une convention ou accord de branche sans que ce taux ne puisse être inférieur à 10 % (L. 3121-33 I). À défaut d’accord, les heures supplémentaires sont majorées de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires puis 50 % ensuite (L. 3121-36).

Les heures supplémentaires effectuées rentrent dans le cadre d’un contingent annuel. Ce contingent est fixé par accord d’entreprise ou à défaut de branche. À défaut d’accord, ce contingent est fixé à 220 heures par salarié. Les heures effectuées au-delà du contingent ouvrent droit à une contrepartie obligatoire sous forme de repos (L. 3121-30).

Cette contrepartie ne peut être inférieure à 50 % pour les entreprises de 20 salariés ou moins, et de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés (L. 3121-33 I 3°). À défaut d’accord, la contrepartie obligatoire sous forme de repos est fixée à 50 % des heures supplémentaires pour les entreprises de 20 salariés au plus et de 100 % pour les entreprises de plus de 20 salariés (L. 3121-38).

Enfin, le remplacement de tout ou partie du paiement des heures supplémentaires ainsi que de leur majoration, par un repos compensateur équivalent, peut être prévu par accord d’entreprise ou à défaut de branche (L. 3121-33 II) ou par l’employeur dans les entreprises dépourvues de délégué syndical si le comité social et économique, lorsqu’il existe, ne s’y oppose pas (L. 3121-37).

2) En second lieu, l’article 2 du décret prévoit qu’un repos compensateur au moins égal à la durée du repos suspendu est accordé aux salariés concernés immédiatement après la période mentionnée à l’article 1 du décret, c’est-à-dire le plus rapidement possible après le 14 aout 2024.

À titre d’exemple :
 
En application du présent décret, M. X a son repos hebdomadaire suspendu et travaille 8 heures supplémentaires le jour où il est habituellement en repos hebdomadaire.

L’accord d’entreprise qui lui est applicable prévoit que la réalisation d’heures supplémentaires ouvre droit à contrepartie sous forme d’un repos compensateur majoré à hauteur de 25 %.

En conséquence, M. X devra se voir attribuer :
 

  • Un premier repos compensateur, au titre des heures supplémentaires réalisées, d’une durée de 10 heures (correspondant à 8h majorées à hauteur de 25 %)
  • Un second repos compensateur d’une durée de 8 heures, au titre de l’article 2 du décret.

5. Contrôle et sanctions

5.1 L’inspection du travail peut-elle sanctionner les manquements dans la mise en œuvre de cette dérogation ?

La suspension du repos hebdomadaire est mise en œuvre sous la responsabilité de l’employeur. À défaut de pouvoir justifier de ce recours, l’absence de respect de la durée minimale du repos hebdomadaire, des dispositions relatives aux dérogations ainsi que l’emploi d’un salarié plus de six jours par semaine peuvent faire l’objet d’une contravention de 5ème classe au titre de l’article R. 3135-2 du code du travail. Une sanction administrative est également prévue par l’article L. 8115-1 s’agissant du non-respect de l’article L. 3132-2 (durée minimale de repos hebdomadaire).

Par ailleurs, le code du travail prévoit des sanctions pénales (également une contravention de 5ème classe) en cas de manquement aux obligations en matière de contrôle du repos hebdomadaire et d’information de l’agent de contrôle de l’inspection du travail (article R. 3135-6).

Les contraventions au titre des articles R. 3135-2 et R. 3135-6 donnent lieu à autant d’amendes qu’il y a de salariés illégalement employés.

5.2 Quel suivi sera opéré sur la mise en œuvre de cette dérogation ?

L’obligation d’information de l’inspection du travail dans le cadre de la mise en œuvre de la suspension du repos hebdomadaire fera l’objet d’un suivi particulier. À ce titre, des demandes de remontées d’informations seront prévues afin d’assurer une veille régulière sur la mise en œuvre de ce dispositif.