Saisie et cessions des rémunérations

Lorsqu’un salarié a des dettes (pension alimentaire non versée, impôt dû au fisc, loyers impayés…), il peut s’en acquitter volontairement en cédant une partie de sa rémunération à son créancier (c’est la cession du salaire). Un créancier peut également mettre en œuvre la procédure de saisie sur salaire ; dans ce cas, il perçoit directement de l’employeur du débiteur (le salarié) le remboursement de la créance que ce dernier lui doit. Toutefois, compte tenu de son caractère alimentaire, le salaire ne peut ni être cédé, ni être saisi dans sa totalité et un minimum doit être laissé à la disposition du salarié.

[(À savoir
La loi du 20 novembre 2023 citée en référence procède à une réforme de la procédure de saisie des rémunérations, notamment en supprimant l’autorisation judiciaire préalable du juge de l’exécution et en confiant la mise en œuvre de la procédure aux commissaires de justice (et non plus au greffe du tribunal judiciaire). Cette loi entrera en vigueur après la publication de ses décrets d’application, et au plus tard le 1er juillet 2025. Jusqu’à cette date, les dispositions applicables sont celles précisées ci-dessous.]

Quelles sont les quotités du salaire cessibles ou saisissables ?

La fraction cessible ou saisissable qui peut être versée aux créanciers du salarié est calculée en fonction de sa rémunération et de ses charges de famille. Le cas échéant, la révision annuelle de ce barème s’effectue en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation, selon les modalités prévues par l’article R. 3252-4 du code du travail.

Ce barème est le suivant (barème sans personne à charge, en vigueur depuis le 1er janvier 2024) :

Rémunération annuelleRémunération mensuelleFraction saisissableMontant saisissable (par mois
Jusqu’à 4 370 € Jusqu’à 364,17 € 1/20e 18,21 €
Au-delà de 4 370 € et jusqu’à 8 520 € Au-delà de 364,17 € et jusqu’à 710 € 1/10e 52,79 €
Au-delà de 8 520 € et jusqu’à 12 690 € Au-delà de 710 € et jusqu’à 1 057,50 € 1/5e 122,29 €
Au-delà de 12 690 € et jusqu’à 16 820 € Au-delà de 1 057,50 € et jusqu’à 1 401,67 € 1/4 208,33 €
Au-delà de 16 820 € et jusqu’à 20 970 € Au-delà de 1 401,67 € et jusqu’à 1 747,50 € 1/3 323,61 €
Au-delà de 20 970 € et jusqu’à 25 200 € Au-delà de 1 747,50 € et jusqu’à 2 100 € 2/3 558,61 €
Au-delà de 25 200 € Au-delà de 2 100 € 100 % 558,61 €
+ totalité au-delà de 2 100 €

Ces tranches annuelles doivent être augmentées de 1 690 euros par personne à charge (soit 140,83 euros par tranche mensuelle ; montant en vigueur depuis le 1er janvier 2024.

Mentions sur le bulletin de paie
Les retenues effectuées sur le salaire dans le cadre d’une cession ou d’une saisie doivent obligatoirement être mentionnées sur le bulletin de paie.

Ce barème fractionne la rémunération en tranches. À chaque tranche correspond une fraction saisissable. Ces retenues s’additionnent. La dernière colonne indique les fractions cumulées de chaque tranche. Ainsi le montant mensuel saisissable de la deuxième ligne (52,79 €) s’obtient en additionnant le montant de la première ligne (18,21 €) et le 1/10e de la fraction du salaire mensuel comprise entre 364,17 € et 710 € soit : (710 - 364,17) x 1/10 = 34,58 €.

Exemple :

 

  • Un salarié perçoit un salaire de 1 500 € net par mois. Son employeur peut opérer par mois, au titre d’une saisie, une retenue :
     
    • Égale à la fraction saisissable applicable à la tranche de rémunération inférieure à 1 401,67 €, soit 208,33 € ;
    • À laquelle il convient d’ajouter la fraction saisissable applicable à la partie du salaire comprise entre 1 401,67 € et 1 500 €, soit : (1 500 € - 1 401,67 €) x 1/3 = 32,77 €.
      Dans cet exemple, la retenue mensuelle sera de 241,10 € (208,33 € + 32,77 €)..
  • Le ministère de la Justice met en ligne, sur son site, un simulateur permettant de calculer le montant des salaires saisissables.
Prise en compte des charges de famille

Les seuils annuels mentionnés dans le tableau ci-dessus sont augmentés de 1 690 euros par personne à charge (soit 140,83 par mois) par personne à charge du débiteur saisi ou cédant, sur justificatif.

Sont considérées comme personnes à charge :
 

  • Le conjoint, le partenaire lié par un PACS ou le concubin du débiteur, dont les ressources personnelles sont inférieures au montant forfaitaire du revenu de solidarité active (RSA) mentionné au 2° de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, fixé pour un foyer composé d’une seule personne (soit 635,71€ depuis le 1er avril 2024 ; ce montant, indépendant du barème de saisie et cession des rémunérations fixé par décret, suit l’évolution du RSA) ;
  • Tout enfant ouvrant droit aux prestations familiales et se trouvant à la charge effective et permanente du salarié ainsi que tout enfant à qui ou pour le compte de qui le débiteur verse une pension alimentaire ;
  • L’ascendant dont les ressources personnelles sont inférieures au montant forfaitaire du RSA mentionné au 2° de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles, fixé pour un foyer composé d’une seule personne (voir montant ci-dessus) et qui habite avec le débiteur ou auquel le débiteur verse une pension alimentaire.
Limite

Quelle que soit la procédure utilisée (paiement direct, avis à tiers détenteur, cession ou saisie) et le montant des dettes contractées, le salarié doit conserver une somme égale au montant forfaitaire du RSA mentionné au 2° de l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles fixé pour un foyer composé d’une seule personne, soit 635,71 € depuis le 1er avril 2024).

Lorsqu’un salarié a plusieurs employeurs, la fraction saisissable se calcule sur l’ensemble des revenus perçus. Le greffier détermine les employeurs chargés d’opérer les retenues. Si l’un des employeurs est en mesure de verser la totalité de la fraction saisissable, la saisie peut être pratiquée entre ses mains.

Quelles sont les sommes concernées ?

Sommes cessibles ou saisissables en partie

Sont cessibles ou saisissables selon le barème exposé ci-dessus :
 

  • Le salaire proprement dit, y compris les majorations pour heures supplémentaires ;
  • Les primes et gratifications versées en contrepartie du contrat de travail ;
  • Les avantages en nature ;
  • Les pourboires centralisés par l’employeur ;
  • Les indemnités de congés payés ;
  • Les indemnités journalières de maladie ou de maternité ;
  • L’indemnité de non-concurrence ;
  • Les indemnités compensatrices de préavis ;
  • Les indemnités de fin de contrat à durée déterminée et de fin de mission de travail temporaire ;
  • Les allocations d’assurance chômage ;
  • L’allocation « chômage-intempéries » dans le BTP.

La cession ou la saisie se calcule sur le salaire net, après déduction des cotisations sociales et des contributions obligatoires (CSG et CRDS).

Sommes cessibles ou saisissables en totalité

Certaines sommes perçues par les salariés sont exclues de la protection et sont donc cessibles ou saisissables dans leur intégralité dans les conditions de droit commun. Il s’agit :
 

  • Des indemnités dues à titre de dommages-intérêts à l’occasion de la rupture du contrat de travail, comme, par exemple, l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement, l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ou pour licenciement irrégulier ;
  • De l’indemnité de clientèle des VRP ;
  • Des sommes dues au titre de la participation et de l’intéressement.
Sommes incessibles ou insaisissables

Certaines indemnités perçues par le salarié ne peuvent faire l’objet d’une cession ou d’une saisie. Il en est ainsi :
 

  • Des remboursements pour frais professionnels exposés par le salarié ;
  • Des indemnités pour charge de famille versées par l’employeur.

Les allocations d’assurance chômage, sont cessibles et saisissables dans les mêmes conditions et limites que les salaires. L’allocation de solidarité spécifique et l’allocation pour demandeur d’asile sont en revanche incessibles et insaisissables.

Comment se déroule la procédure de cession ?

Le salarié qui décide de céder volontairement une partie de son salaire à un créancier doit remplir une déclaration au greffe du tribunal du lieu où il demeure, muni de ses bulletins de salaire et d’une pièce d’identité. Le créancier (cessionnaire) peut accompagner le cédant. S’il est absent, le cédant (c’est-à-dire le salarié) doit présenter une déclaration du cessionnaire indiquant le montant de la dette et les modalités de son règlement.

Le juge compétent en matière de saisie des rémunérations est, depuis le 1er janvier 2020, le juge de l’exécution, cette fonction étant exercée, sous réserve de délégation, par le président du tribunal judiciaire (le tribunal judiciaire est la juridiction issue de la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance).

  • Une copie de la déclaration est remise ou notifiée au créancier ;
  • Le formulaire de requête aux fins de saisie des rémunérations, accompagné de sa notice explicative, est disponible sur le site officiel des formulaires en ligne.

Le greffe notifie ensuite la cession à l’employeur. A compter de cette notification, l’employeur verse directement au cessionnaire le montant des sommes cédées dans la limite de la fraction saisissable.

Si le salarié fait également l’objet d’une saisie, le greffe du tribunal notifie l’acte de saisie au cessionnaire, l’informe qu’il se trouve désormais en concurrence avec le saisissant pour la répartition des sommes saisies et l’invite à produire un relevé du montant de ce qui lui reste dû. Dans une telle hypothèse, l’employeur cesse les versements convenus au cessionnaire et les effectue à l’ordre du régisseur auprès du greffe du tribunal d’instance.

Si la saisie prend fin avant la cession, le greffe informe l’employeur que les sommes cédées doivent à nouveau être versées directement au cessionnaire.

Comment se déroule la procédure de saisie ?

Le créancier, muni d’un titre exécutoire constatant une créance chiffrée, non contestée et arrivée à échéance peut faire procéder à la saisie des rémunérations dues par un employeur à son débiteur.

Le titre exécutoire peut être constitué par un jugement rendu par un tribunal, un procès-verbal de conciliation ou de non-conciliation, le certificat de non-paiement d’un chèque, délivré par huissier, un acte notarié revêtu de la forme exécutoire…

La demande est formée par requête du créancier, remise ou adressée au greffe du tribunal d’instance du domicile du débiteur ou, à défaut, du lieu où demeure l’employeur. Outre les mentions prescrites par l’article 57 du code de procédure civile, la requête contient, à peine de nullité les informations mentionnées à l’article R. 3252-13 du code du travail.

La procédure de saisie des sommes dues à titre de rémunération est précédée, à peine de nullité, d’une tentative de conciliation, en chambre du conseil (devant le tribunal judiciaire). Une convocation est adressée aux parties (le débiteur et le créancier) au moins 15 jours à l’avance.

Les parties (le débiteur et le créancier) sont alors convoquées, au moins 15 jours à l’avance, pour une tentative de conciliation devant le juge d’instance.

Si la conciliation réussit, la procédure s’arrête. Si elle échoue, le juge procède à la saisie après vérification du montant de la créance (auquel s’ajoutent éventuellement les intérêts et les frais) et, s’il y a lieu, après règlement des contestations soulevées par le débiteur.

L’employeur est informé de la saisie par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Dans les 15 jours suivant cette notification l’employeur doit fournir au greffe certains renseignements :
 

  • La nature du contrat qui le lie au débiteur (contrat à durée indéterminée ou à durée déterminée) ;
  • Et, le cas échéant, les autres cessions, saisies, saisie administrative à tiers détenteurs ou paiement direct des créances d’aliments en cours d’exécution.

L’employeur qui s’abstient sans motif légitime de cette déclaration ou fait une déclaration mensongère peut être condamné à une amende civile d’un montant maximal de 10 000 € ainsi qu’à une condamnation à des dommages-intérêts.

L’employeur doit alors verser chaque mois auprès du tribunal une somme égale au plus à la fraction saisissable du salaire.

Si le salarié n’a qu’un seul créancier, le versement est effectué au moyen d’un chèque libellé conformément aux indications données par celui-ci. Le tribunal se charge de transmettre ce chèque au créancier.

Si le salarié fait l’objet de plusieurs saisies simultanées, le versement est établi par chèque ou par virement établi à l’ordre du régisseur du greffe du tribunal judiciaire qui se charge d’en répartir le montant entre les divers créanciers. La répartition des sommes est opérée au moins tous les 6 mois. Le greffe notifie à chaque créancier un état de répartition qui peut être contesté dans un délai de 15 jours.

  • En cas de pluralité de saisie des rémunérations, les créances résiduelles les plus faibles, prises dans l’ordre croissant de leur montant, sont payées prioritairement. Le montant maximal des créances concernées par ce dispositif est fixé à 500 €.
  • Le tiers saisi (l’employeur) verse mensuellement les retenues pour lesquelles la saisie est opérée dans les limites des sommes disponibles. A défaut, le juge, même d’office, le déclare débiteur des retenues qui auraient dû être opérées. Il peut, pour déterminer le montant de ces retenues, s’adresser aux organismes fiscaux et sociaux pour obtenir les informations relatives au montant de la rémunération perçue par le débiteur ainsi que sur la composition de sa famille.

La fin de la saisie, qui peut résulter soit d’un accord du ou des créanciers soit de la constatation par le juge de l’extinction de la dette, est notifiée à l’employeur dans les 8 jours.

Existe-t-il d’autres procédures de recouvrement des créances sur les salaires ?

Les créanciers d’aliments (personnes à qui le salarié doit une pension alimentaire) ainsi que le Trésor public disposent de procédures spécifiques pour recouvrir les dettes qui leur sont dues. Ces procédures sont privilégiées par rapport à la procédure de saisie de droit commun.

Le paiement direct pour les dettes alimentaires

Dès la première échéance impayée d’une pension alimentaire, le créancier (la personne à qui la pension alimentaire est due) peut mettre en œuvre une procédure de paiement direct. Le paiement ainsi demandé peut porter sur le mois en cours et sur les 6 derniers mois impayés.

L’employeur est informé de la procédure par huissier. Il est alors tenu de verser directement au bénéficiaire de la pension les sommes convenues. Des modalités particulières de versement peuvent être prévues par convention.

Dans un tel cas, l’employeur n’a pas à tenir compte des limites saisissables. Les créances alimentaires peuvent être prélevées sur l’intégralité de la rémunération : d’abord sur la fraction insaisissable et ensuite, si nécessaire, sur la fraction saisissable. Seule la part de la rémunération correspondant au montant forfaitaire du RSA pour un foyer composé d’une seule personne (soit 635,71 € depuis le 1er avril 2024) doit obligatoirement être versée au salarié.

Les caisses d’allocations familiales (ou les caisses de MSA pour les personnes qui relèvent du régime agricole) proposent un ensemble de services destinés à faciliter ou garantir le versement des pensions alimentaires. Plus de précisions sur le site dédié mis en place par ces organismes, ou en appelant le 32 38 (prix d’un appel local).

Saisie administrative à tiers détenteur pour les dettes fiscales

Le Trésor public peut exiger de l’employeur, dans le cadre d’une saisie administrative à tiers détenteur relative à une créance garantie par le privilège du Trésor public, une retenue directe et prioritaire sur les salaires lorsqu’un contribuable à des dettes envers lui (impôts ou pénalités non réglés).

L’employeur doit alors procéder au versement demandé dans la limite de la fraction saisissable.

Ordre à respecter

Si plusieurs procédures sont actionnées en même temps, l’employeur doit respecter l’ordre suivant :
 

  • Paiement direct des pensions alimentaires :
  • Saisie administrative à tiers détenteur ;
  • Saisie.

La demande en paiement direct est prioritaire tant par rapport à une procédure de saisie qu’envers une saisie administrative à tiers détenteur relative à une créance garantie par le privilège du Trésor public. L’employeur doit donc, avant tout, rembourser le créancier d’aliments. Si une saisie est en cours, il peut continuer à verser au greffe du tribunal la fraction saisissable de la rémunération restant, après imputation des sommes versées au créancier d’aliments.

La notification à l’employeur d’une saisie administrative à tiers détenteur relative à une créance garantie par le privilège du Trésor public suspend le cours des saisies jusqu’à l’extinction de l’obligation du contribuable, sous réserve des procédures de paiement direct engagées pour le recouvrement des pensions alimentaires. L’employeur informe le comptable public de la saisie en cours. Le comptable indique au greffe du tribunal la date de la saisie administrative à tiers détenteur relative à une créance garantie par le privilège du Trésor public détenteur et celle de sa notification au redevable. Le greffier avise les créanciers de la suspension de la saisie ; après extinction de la dette du redevable, le comptable public en informe le greffe qui avise les créanciers de la reprise des opérations de saisie.

Exemple :

Un salarié non-cadre, sans personne à charge et percevant un salaire mensuel net de 1 500 € fait l’objet d’une demande de paiement direct de pension alimentaire de 100 €, d’une saisie administrative à tiers détenteur de 150 € et d’une saisie des rémunérations de 300 €. Une somme équivalente au montant forfaitaire du RSA pour un allocataire seul doit être laissée à la disposition du salarié. Après application du barème sur la rémunération nette, la quotité saisissable est de :
 

  • Jusqu’à 1 401,67 €, 208,33 € ;
  • De 1 401,67 € à 1 500 € (soit 1 500 € - 1 401,67 € x 1/3), 32,77 €.

Soit un total de 241,10 €.

Les retenues seront opérées dans l’ordre et pour les montants suivants :

  1. L’employeur retient d’abord la pension alimentaire (100 €) sur la fraction insaisissable qui suffit (en l’espèce il n’est pas nécessaire de toucher à la quotité saisissable).
  2. Ensuite l’employeur impute les 150 € de saisie administrative à tiers détenteur sur la quotité saisissable, ce qui laisse une quotité disponible de 241,10 € - 150 € = 91,10 €.
  3. Enfin l’employeur retient la saisie des rémunérations sur le solde de la quotité saisissable, soit 91,10 €. Ainsi une partie de la créance n’a pu être retenue, son paiement est reporté à la paie suivante pour un montant de 208,90 € (300 € - 91,10 €).