Les négociations obligatoires dans l’entreprise : thème, périodicité et déroulement

Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, et dans lesquelles a été désigné au moins un délégué syndical, l’employeur doit prendre l’initiative d’engager, périodiquement, des négociations portant sur certains thèmes dont, notamment, les rémunérations et l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
À défaut d’une initiative de l’employeur, la négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative.


À SAVOIR
Pour la mise en œuvre de l’obligation de négocier en entreprise, il convient de distinguer les domaines relevant de l’ordre public, c’est-à-dire ceux pour lesquels le législateur fixe des règles auxquelles il n’est pas possible de déroger, et ceux pour lesquels les règles pourront être fixées par accord collectif d’entreprise. Des dispositions dites « supplétives » sont prévues et s’appliquent en cas d’absence d’accord d’entreprise fixant ces règles.


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Quelles sont les dispositions d’ordre public ?

Les dispositions mentionnées ci-dessous sont d’ordre public, c’est-à-dire qu’il ne peut y être dérogé d’aucune manière. C’est à l’employeur qu’il revient d’engager le processus de négociation en invitant à la négociation l’ensemble des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise (ou le cas échéant dans l’établissement).

Conditions de validité des accords d’entreprise
L’obligation de négocier, sur les thèmes et selon la périodicité fixés par accord collectif ou par le code du travail, n’emporte pas obligation de conclure un accord collectif d’entreprise. Si un tel accord est conclu, il devra répondre à certaines conditions pour être considéré comme valide. Ces conditions sont présentées en détail dans le document Questions/Réponses mis en ligne sur ce site, notamment à sa page 18.

Entreprises concernées, thèmes et périodicité de la négociation

La négociation obligatoire en entreprise concerne les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives et dans lesquelles est présent au moins un membre de la délégation élue du personnel au CSE.

Il s’agira donc, dans le cas général, des entreprises d’au moins 50 salariés (seuil d’effectif permettant la désignation d’un délégué syndical) dans lesquelles a été désigné au moins un délégué syndical, ou des entreprises de moins de 50 salariés dés lors qu’un membre de la délégation élue du personnel au CSE aura été désigné en qualité de délégué syndical.

Dans les entreprises ainsi définies, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans :
 

  • Une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise ;
  • Une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie et des conditions de travail.

Négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels
Une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels doit également être engagée par l’employeur, au moins une fois tous les quatre ans :
 

Suspension temporaire du pouvoir de décision unilatérale de l’employeur

Tant que la négociation est en cours, l’employeur ne peut, dans les matières traitées, arrêter de décisions unilatérales concernant la collectivité des salariés, sauf si l’urgence le justifie.

Dépôt des accords

Si la négociation aboutit et qu’un accord est conclu, ce dernier doit faire l’objet, par la partie la plus diligente, d’un dépôt auprès de la DREETS-DDETS, à partir du site de dépôt des accords collectifs d’entreprise.

À noter : Depuis le 1er avril 2021, en application du décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020, les anciennes « directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi » (DIRECCTE) et « directions régionales de la cohésion sociale » (DRCS) sont regroupées pour devenir les « directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités » (DREETS). En savoir+ sur la mise en place des DREETS.

Ce dépôt électronique permet également de répondre à l’obligation de publicité des accords collectifs prévue, sauf pour certains types d’accords (accords d’intéressement, de participation, accords de performance collective, etc.), par l’article L. 2231-5-1 du code du travail.
Un exemplaire de l’accord doit également être remis au greffe du conseil de prud’hommes du lieu de conclusion, par la partie la plus diligente.

Sur les rapports entre les accords d’entreprise et les accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large (notamment les accords de branche), on se reportera aux précisions figurant aux articles L. 2253-1 à L. 2253-4 du code du travail..

Dépôt des accords sur les salaires effectifs

Les accords collectifs d’entreprise sur les salaires effectifs ne peuvent être déposés auprès de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS-DDETS), qu’accompagnés d’un procès-verbal d’ouverture des négociations portant sur les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, consignant les propositions respectives des parties.
Le procès-verbal atteste que l’employeur a engagé sérieusement et loyalement les négociations. L’engagement sérieux et loyal des négociations implique que, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur ait convoqué à la négociation les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise et fixé le lieu et le calendrier des réunions. L’employeur doit également leur avoir communiqué les informations nécessaires pour leur permettre de négocier en toute connaissance de cause et avoir répondu de manière motivée aux éventuelles propositions des organisations syndicales.

Situation en l’absence d’accord

  • En l’absence d’accord prévoyant les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes, la négociation sur les salaires effectifs prévue au 1° ci-dessus porte également sur la programmation de mesures permettant de supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes ;
  • En l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l’issue de la négociation mentionnée au 2° ci-dessus, l’employeur établit un plan d’action annuel destiné à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, dans les conditions et selon les modalités mentionnées aux articles L. 2242-3 du code du travail et R. 2242-2 à R. 2242-2-2 du Code du travail.

Procès verbal de désaccord
Si, au terme de la négociation, aucun accord n’a pu être conclu, un procès-verbal de désaccord doit être établi, dans lequel sont consignées, en leur dernier état, les propositions respectives des parties et les mesures que l’employeur entend appliquer unilatéralement.

Ce procès-verbal donne lieu, à l’initiative de la partie la plus diligente, à dépôt auprès de la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS-DDETS), à partir du site de dépôt des accords collectifs d’entreprise et des textes associés.

Sanctions administratives en l’absence de négociation

  • Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur qui n’a pas rempli l’obligation de négociation sur les salaires effectifs est soumis à une pénalité dans les conditions définies par l’article L. 2242-7 et les articles D. 2242-12 à D. 2242-16 du code du travail.
  • Les entreprises d’au moins 50 salariés sont soumises à une pénalité à la charge de l’employeur en l’absence d’accord relatif à l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes à l’issue de la négociation mentionnée au 2° ci-dessus ou, à défaut d’accord, si elles ne sont pas couvertes par le plan mentionné à l’article L. 2242-3 du code du travail. Cette pénalité est mise en œuvre dans les conditions précisées par les articles L. 2242-8 et R. 2242-3 à R. 2242-8 du code du travail.

« Rescrit » égalité professionnelle entre les femmes et les hommes

Afin de sécuriser les employeurs quant à leur situation au regard de leur obligation d’être couverts par un accord ou un plan d’action en matière d’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, une procédure dite de « rescrit » a été instaurée. Cette procédure consiste en une prise de position formelle, opposable à l’administration, sur l’application d’une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur. A ce titre, tout employeur d’une entreprise d’au moins 50 salariés, soumise à une obligation d’être couverte par un accord ou un plan d’action relatifs à l’égalité professionnelle, peut formuler une demande de rescrit auprès de l’administration. Les règles applicables figurent aux articles L. 2242-9 du code du travail et R. 2242-9 à R. 2242-11 du code du travail ; elles font l’objet de précisions dans l’instruction DGT du 4 avril 2017 à laquelle on se reportera.

Quel est le champ ouvert à la négociation collective ?

Dans les entreprises soumises à l’obligation de négocier et dans le respect des dispositions d’ordre public mentionnées ci-dessus, une négociation peut être engagée, à l’initiative de l’employeur ou à la demande d’une organisation syndicale de salariés représentative, visant à préciser :
 

  • La calendrier,
  • La périodicité,
  • Les thèmes,
  • Et les modalités de négociation dans le groupe, l’entreprise ou l’établissement.

Si cette négociation aboutit, l’accord conclu devra préciser :
 

  • Les thèmes des négociations et leur périodicité, de telle sorte qu’au moins tous les quatre ans soient négociés les thèmes relevant de l’ordre public (rémunération et égalité professionnelle, gestion des emplois et des parcours professionnels, voir ci-dessus) ;
  • Le contenu de chacun des thèmes ;
  • Le calendrier et les lieux des réunions ;
  • Les informations que l’employeur remet aux négociateurs sur les thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de cette remise ;
  • Les modalités selon lesquelles sont suivis les engagements souscrits par les parties.

Durée de l’accord

La durée de l’accord mentionné ci-dessus ne peut excéder quatre ans.

L’accord conclu dans l’un des domaines relevant de l’ordre public (rémunération et égalité professionnelle, gestion des emplois et des parcours professionnels) peut fixer la périodicité de sa renégociation, dans la limite de quatre ans.

Quelles sont les dispositions applicables à défaut d’accord ? (dispositions « supplétives »)

Thèmes et périodicité des négociations

À défaut d’accord mentionné ci-dessus, ou en cas de non-respect de ses stipulations, l’employeur engage, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives (et où est présent au moins un délégué syndical) :
 

  • Chaque année, une négociation sur la rémunération, le temps de travail et le partage de la valeur ajoutée dans l’entreprise (salaires effectifs, durée et organisation du temps de travail, épargne salariale, suivi de la mise en œuvre des mesures visant à supprimer les écarts de rémunération et les différences de déroulement de carrière entre les femmes et les hommes…). Les thèmes de cette négociation sont précisés par les articles L. 2242-15 et L. 2242-16 du code du travail ;
  • Chaque année, une négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail (articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle, lutte contre les discriminations, insertion professionnelle et maintien dans l’emploi des travailleurs handicapés, modalités du plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion, etc.). En outre, dans les entreprises dont 50 salariés au moins sont employés sur un même site, cette négociation porte également sur les mesures visant à améliorer la mobilité des salariés entre leur lieu de résidence habituelle et leur lieu de travail, notamment en réduisant le coût de la mobilité, en incitant à l’usage des modes de transport vertueux ainsi que par la prise en charge des frais de transport personnel des salariés (frais de carburant et frais exposés pour l’alimentation de véhicules électriques, hybrides rechargeables ou hydrogène et forfait « mobilités durables »). A défaut d’accord, les entreprises soumises à l’obligation de négocier et dont 50 salariés au moins sont employés sur un même site, élaborent un plan de mobilité employeur sur leurs différents sites dans les conditions prévues au II bis de l’article L. 1214-8-2 du Code des transports.

La négociation mentionnée ci-dessus peut également porter sur la qualité des conditions de travail, notamment sur la santé et la sécurité au travail et la prévention des risques professionnels. Elle peut s’appuyer sur les acteurs régionaux et locaux de la prévention des risques professionnels.

Les thèmes et modalités de cette négociation sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail sont précisément définis par les articles L. 2242-17 à L. 2242-19 du Code du travail ;

  • Tous les trois ans, dans les entreprises d’au moins 300 salariés mentionnées à l’article L. 2242-2 du Code du travail, une négociation sur la gestion des emplois et des parcours professionnels (mise en place d’un dispositif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences – GPEC - notamment pour répondre aux enjeux de la transition écologique, grandes orientations à trois ans de la formation professionnelle dans l’entreprise et objectifs du plan de formation, déroulement de carrière des salariés exerçant des responsabilités syndicales et exercice de leurs fonctions, etc.). Cette négociation porte précisément sur les thèmes mentionnés aux articles L. 2242-20 et L. 2242-21 du Code du travail.

Engagement de la négociation

À défaut d’une initiative de l’employeur depuis plus de 12 mois, pour chacune des deux négociations annuelles (rémunération et égalité professionnelle), et depuis plus de 36 mois (gestion des emplois et des parcours professionnels), pour la négociation triennale, suivant la précédente négociation, cette négociation s’engage obligatoirement à la demande d’une organisation syndicale représentative :
 

  • La demande de négociation formulée par l’organisation syndicale est transmise dans les huit jours par l’employeur aux autres organisations représentatives ;
  • Dans les quinze jours qui suivent la demande formulée par une organisation syndicale, l’employeur convoque les parties à la négociation.

Lors de la première réunion sont précisés :
 

  • Le lieu et le calendrier de la ou des réunions ;
  • Les informations que l’employeur remettra aux délégués syndicaux et aux salariés composant la délégation sur les thèmes prévus par la négociation qui s’engage et la date de cette remise.

Quelles sont les modalités de la négociation ?

La négociation se déroule entre l’employeur (ou son représentant) et la délégation de chacune des organisations syndicales représentatives dans l’entreprise. Cette délégation comprend le délégué syndical de l’organisation dans l’entreprise ou, en cas de pluralité de délégués, au moins deux délégués syndicaux.

Chaque organisation peut compléter sa délégation par des salariés de l’entreprise, dont le nombre est fixé par accord entre l’employeur et l’ensemble des organisations mentionnées ci-dessus. A défaut d’accord, le nombre de salariés qui complète la délégation est au plus égal, par délégation, à celui des délégués syndicaux de la délégation. Toutefois, dans les entreprises pourvues d’un seul délégué syndical, ce nombre peut être porté à deux.

Le temps passé à la négociation est rémunéré comme temps de travail à échéance normale.

Crédit d’heures pour la négociation

Chaque section syndicale dispose, au profit de son ou ses délégués syndicaux et des salariés de l’entreprise appelés à négocier la convention ou l’accord d’entreprise, en vue de la préparation de la négociation de cette convention ou de cet accord, d’un crédit d’heures dont la durée ne peut excéder 12 heures par an dans les entreprises d’au moins 500 salariés et 18 heures par an dans celles d’au moins 1000 salariés.

Quelles sont les sanctions en l’absence de négociation ?

Indépendamment des sanctions administratives mentionnées précédemment, le fait, pour l’employeur, de se soustraire aux obligations prévues à l’article L. 2242-1 du code du travail, relatives à la convocation des parties à la négociation et à l’obligation périodique de négocier, est puni d’un emprisonnement d’un an et d’une amende de 3 750 euros.

Délit d’entrave

L’employeur encourt les mêmes peines, prononcées au titre du délit d’entrave à l’exercice du droit syndical, lorsque, dans les entreprises assujetties à la négociation obligatoire, il négocie, dans le cadre de ces négociations obligatoires, un accord collectif avec d’autres interlocuteurs que les délégués syndicaux (par exemple, les représentants du comité social et économique) ou lorsqu’il ne convoque pas à la négociation toutes les organisations syndicales représentatives (voir en ce sens l’arrêt de la Cour de cassation du 18 novembre 1997).