Le CSE : recours à des experts

Dans les entreprises comptant au moins 50 salariés, le comité social et économique (CSE), peut, le cas échéant sur proposition des commissions constituées en son sein, décider de recourir à un expert-comptable ou à un expert habilité dans les conditions et selon les modalités mentionnées ci-dessous.

Les frais d’expertise sont, selon le cas, à la charge de l’employeur ou répartis entre l’employeur et le CSE à hauteur de 80 % du coût pour le premier et 20 % pour le second.

Le choix de l’expert est laissé à l’appréciation du CSE ; des recours de l’employeur sont toutefois possibles lorsqu’il conteste le choix de l’expert, son coût ou l’opportunité de l’expertise. Des recours du CSE sont également possibles, notamment lorsque l’expert ne dispose pas des moyens d’accomplir la mission qui lui est confiée.

Le CSE peut également faire appel à tout type d’expertise rémunérée par ses soins pour la préparation de ses travaux.

À savoir !
Des dispositions plus favorables que celles prévues par le code du travail peuvent résulter d’accords collectifs de travail ou d’usages.

Dans quelles situations le CSE peut-il faire appel à un expert ?

Expertise dans le cadre des consultations récurrentes

Le CSE peut décider de recourir à un expert-comptable :
 

  • En vue de la consultation sur les orientations stratégiques de l’entreprise ;
  • En vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise. L’expert-comptable exerce sa mission dans les conditions fixées par les articles L. 2315-89 et L. 2315-90 du code du travail ;
  • Dans le cadre de la consultation sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Il s’agit là des trois consultations récurrentes prévues par le code du travail.

La mission de l’expert-comptable porte sur tous les éléments d’ordre économique, financier, social ou environnemental nécessaires, selon l’objet de la consultation : à la compréhension des orientations stratégiques de l’entreprise, à la compréhension des comptes et à l’appréciation de la situation de l’entreprise, ou à la compréhension de la politique sociale de l’entreprise, des conditions de travail et de l’emploi.

La décision de recourir à l’expertise appartient au CSE et doit faire l’objet d’une délibération de cette instance.

A noter que la Cour de cassation (arrêt du 28 juin 2023), dans une décision rendue à propos de la consultation sur la politique sociale, les conditions de travail et l’emploi, considère qu’il résulte des dispositions des articles L. 2315-82 et L. 2315-83 du code du travail que l’expert-comptable, désigné par le CSE, s’il estime que l’audition de certains salariés de l’entreprise est utile à l’accomplissement de sa mission, ne peut y procéder qu’à la condition d’obtenir l’accord exprès de l’employeur et des salariés concernés.

Détermination du nombre d’expertises
Un accord d’entreprise, ou à défaut un accord conclu entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel, détermine le nombre d’expertises dans le cadre des consultations récurrentes sur une ou plusieurs années.

Autres cas de recours à l’expertise

Recours à un expert comptable

Un expert-comptable peut être désigné par le comité social et économique :

  1. Lorsqu’il est consulté dans le cadre d’une opération de concentration ;
  2. Lorsqu’il fait usage de son droit d’alerte économique ;
  3. Lorsque, dans une entreprise d’au moins 50 salariés, il est consulté dans le cadre d’un projet de licenciements collectifs pour motif économique concernant au moins dix salariés dans une même période de trente jours ; les règles particulières applicables à cette hypothèse de recours, par le CSE, à un expert figurent aux articles L. 1233-34 à L. 1233-35-1 du code du travail ;
  4. Lorsqu’il est consulté dans le cadre d’une offre publique d’acquisition.

L’expert-comptable exerce sa mission dans le cadre fixé par l’article L. 2315-93 du code du travail.

  • Le CSE peut mandater un expert-comptable afin qu’il apporte toute analyse utile aux organisations syndicales pour préparer la négociation d’un accord de performance collective ou d’un accord relatif au contenu du plan de sauvegarde de l’emploi (dans ce dernier cas, l’expert-comptable est le même que celui désigné en application du 3° ci-dessus).
  • Dans les entreprises divisées en établissements distincts dotées d’un CSE central et de CSE d’établissement, l’exercice du droit d’alerte économique prévu à l’article L. 2312-63 du code du travail étant subordonné à l’existence de faits de nature à affecter de manière préoccupante la situation économique de l’entreprise, les CSE d’établissement ne sont pas investis de cette prérogative qui appartient au seul CSE central. Dès lors, lorsque le CSE central n’a pas mis en œuvre la procédure d’alerte économique, un CSE d’établissement ne peut le faire à sa place. Ces précisions résultent d’un arrêt de la Cour de cassation rendu le 15 juin 2022.

Recours à un expert « habilité » (article L. 2315-94)
Le CSE peut faire appel à un expert habilité (voir précisions ci-dessous) :
 

  1. Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
  2. En cas d’introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail ;
  3. Dans les entreprises d’au moins 300 salariés, en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle.

S’agissant des conditions de mise en œuvre de ces dispositions, la Cour de cassation a pu préciser :
 

  • D’une part, qu’il n’existe pas un droit général à l’expertise (en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022) ;
  • D’autre part, dans l’hypothèse de recours à l’expertise mentionnée au 1° ci-dessus, qu’il incombe au CSE dont la délibération ordonnant une expertise est contestée par l’employeur, de démontrer l’existence d’un risque grave, identifié et actuel, dans l’établissement (en ce sens arrêt du 18 mai 2022) ;
  • Enfin, que le CSE d’établissement ne peut faire appel à un expert que lorsqu’il établit l’existence de mesures d’adaptation spécifiques à l’établissement, et qu’il lui appartient alors de démontrer l’existence d’un projet important de nature à entraîner des incidences sur la santé, la sécurité ou les conditions de travail des salariés relevant de l’établissement (en ce sens, arrêt du 14 décembre 2022) ;
  • L’habilitation de l’expert auquel le CSE peut faire appel est une certification justifiant de ses compétences. Cette certification est délivrée par un organisme certificateur accrédité par le comité français d’accréditation ou par tout autre organisme d’accréditation mentionné à l’article R. 4724-1 du code du travail.

L’arrêté du 7 août 2020 fixe les conditions et les modalités d’exercice des missions d’expertise dévolues à l’expert au titre de ces dispositions, ainsi que les procédures de certification de ces experts (pour rappel, du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2021, le CSE pouvait faire appel à un expert « agréé » ; depuis le 1er janvier 2022, il doit s’agir d’un expert « habilité » - ou « certifié »).

Information importante relative au déploiement de la nouvelle procédure de certification des experts auxquels le comité social et économique peut faire appel.

Étapes à suivre pour les candidats :
 

  1. Les organismes peuvent faire une demande de certification directement sur le site internet de QUALIANOR ;
  2. Après analyse de leur besoin et de la faisabilité de la mission, QUALIANOR leur proposera un contrat de certification et créera un espace dédié MyQUALIANOR sur lequel on trouve notamment la procédure de certification ainsi que le référentiel de certification QUALIANOR ;
  3. Le retour du contrat dument signé et complété lance le processus de certification ;
  4. L’organisme détermine une date d’audit avec QUALIANOR ou a minima une période de réalisation de l’audit ;
  5. Conformément aux règles de certification, l’audit initial est constitué d’un audit « Étape 1 » et d’un audit « Étape 2 ». L’étape 1 consiste en un audit documentaire avec des échanges possibles afin de compléter ou d’amender les documents demandés ;
  6. Lorsque l’étape 1 est validée, l’audit « étape 2 » est réalisé sur site. L’auditeur examine les procédures et les enregistrements de l’organisme au travers d’un échantillonnage de dossier (chargé de projet, missions d’expertise,…) ;
  7. Lorsque l’audit révèle des non-conformités, l’organisme définit un délai de réponse et traitement de l’écart, étant entendu que la certification est accordée lorsque les écarts sont soldés ;
  8. Le certificat est attribué au candidat qui pourra ensuite commencer des expertises sous le régime de la certification.

Recours à un expert « libre »
Le CSE peut faire appel à toute expertise pour la préparation de ses travaux. Dans ce cas, contrairement à ce qui est prévu dans les autres situations (voir ci-dessous), le coût de cette expertise est totalement à la charge du CSE (sauf accord plus favorable).

À qui revient la prise en charge du coût de l’expertise ?

Sauf dans le cas où le CSE décide de recourir à un expert « libre » (le coût étant alors à sa charge exclusive, voir ci-dessus), le coût de l’expertise est soit à la charge de l’employeur soit partagé entre lui et le CSE dans la proportion fixée par le code du travail. Des dispositions plus favorables peuvent être prévues par accord ou résulter des usages.

Coût de l’expertise prise en charge par l’employeur

Le coût de l’expertise est pris en charge par l’employeur lorsque le CSE décide de recourir à un expert :
 

  • En vue de la consultation sur la situation économique et financière de l’entreprise ;
  • Dans le cadre de la consultation récurrente sur la politique sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi ;
  • Lorsqu’un risque grave, identifié et actuel, révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l’établissement ;
  • En cas de licenciements collectifs pour motif économique.
  • En cas d’expertise en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle, dans les entreprises d’au moins 300 salariés et en l’absence de tout indicateur relatif à l’égalité professionnelle prévu à l’article L. 2312 18 du code du travail.

Sur les possibilités de contestation données à l’employeur, voir précisions ci-dessous.

Coût de l’expertise partagé entre l’employeur et le CSE

Le coût de l’expertise est pris en charge par le CSE, sur son budget de fonctionnement, à hauteur de 20 %, et par l’employeur, à hauteur de 80 %, lorsque le CSE décide de faire appel à un expert :
 

  • En vue de la consultation récurrente sur les orientations stratégiques de l’entreprise ;
  • Dans le cadre des consultations ponctuelles (introduction de nouvelles technologies ou de projet important modifiant les conditions de santé et de sécurité ou les conditions de travail, opérations de concentration, droit d’alerte…, voir ci-dessus) à l’exception de celles qui font l’objet d’une prise en charge intégrale par l’employeur (identification d’un risque grave dans l’établissement, projet de licenciements collectifs pour motif économique, voir ci-dessus).

Néanmoins, l’employeur prendra intégralement en charge ces expertises lorsque le budget de fonctionnement du CSE est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise et n’a pas donné lieu à un transfert d’excédent annuel au budget destiné aux activités sociales et culturelles prévu à l’article L. 2312 84 du code du travail au cours des trois années précédentes].

Selon quelles modalités l’expert intervient-il ?

L’expertise se déroule dans un cadre fixé par les dispositions du code du travail.

Établissement d’un cahier des charges et information de l’employeur

La décision de recourir à un expert, et le choix de cet expert, appartiennent au CSE. A compter de la désignation de l’expert par le comité, les membres du comité établissent au besoin et notifient à l’employeur un cahier des charges. De son côté, l’expert ainsi désigné doit notifier à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée d’expertise, dans un délai de dix jours à compter de sa désignation.

Droits et obligations de l’expert

Pour les besoins de leur mission, les experts :
 

  • Ont libre accès dans l’entreprise (cette disposition n’est toutefois pas applicable aux experts « libres » mentionnés ci-dessus) ;
  • Se voient fournir par l’employeur les informations nécessaires à l’exercice de leurs missions (le cas échéant, il pourra s’agir d’informations ne figurant pas dans la BDESE ; voir en ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 18 mai 2022, ou de la déclaration sociale nominative – DSN – voir en ce sens, l’arrêt de la Cour de cassation du 23 mars 2022). Ils doivent pour cela, au plus tard dans les trois jours qui suivent leur désignation, demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’ils jugent nécessaires à la réalisation de leur mission. L’employeur répond à cette demande dans les cinq jours.

Devoir de discrétion
 

  • À l’instar de ce qui est prévu pour les membres de la délégation du personnel du CSE, les experts sont tenus :
  • Au secret professionnel pour toutes les questions relatives aux procédés de fabrication ;
  • A une obligation de discrétion à l’égard des informations revêtant un caractère confidentiel et présentées comme telles par l’employeur.

Délai de l’expertise

S’agissant des expertises effectuées dans le cadre d’une consultation du CSE, l’expert remet son rapport au plus tard quinze jours avant l’expiration des délais de consultation du comité social et économique (2 mois ou 3 mois si expertise CSE central). Néanmoins des délais de consultation différents peuvent être prévus par la loi (comme pour les plans de sauvegarde de l’emploi - PSE) ou par accord.

Pour les autres expertises (notamment, risques graves et exercice du droit d’alerte économique), à défaut d’accord d’entreprise ou d’accord entre l’employeur et le CSE, adopté à la majorité des membres titulaires élus de la délégation du personnel, l’expert remet son rapport dans un délai de deux mois à compter de sa désignation. Ce délai peut être renouvelé une fois pour une durée maximale de deux mois, par accord entre l’employeur et le CSE.

Modalités et conditions de réalisation de l’expertise portant sur plusieurs champs

Lorsque l’expertise porte sur plusieurs champs, elle donne lieu à l’établissement d’un rapport d’expertise unique. L’expert désigné par le CSE peut s’adjoindre la compétence d’un ou plusieurs autres experts sur une partie des travaux que nécessite l’expertise.

Quelles sont les possibilités de contestation offertes à l’employeur ?

Sous réserve du cas particulier mentionné ci-dessous, l’employeur saisit le juge judiciaire dans un délai de dix jours à compter de :

  1. La délibération du CSE décidant le recours à l’expertise s’il entend contester la nécessité de l’expertise ;
  2. La désignation de l’expert par le CSE s’il entend contester le choix de l’expert ;
  3. La notification à l’employeur du cahier des charges et des informations qui lui sont transmises par l’expert (coût prévisionnel, durée…) s’il entend contester le coût prévisionnel, l’étendue ou la durée de l’expertise ;
  4. La notification à l’employeur du coût final de l’expertise s’il entend contester ce coût.

Le juge (président du tribunal judiciaire) statue, dans les cas 1° à 3° mentionnés ci-dessus, suivant la procédure accélérée au fond, en premier et dernier ressort (seul un pourvoi en cassation est possible), dans les 10 jours suivant sa saisine. Cette saisine suspend l’exécution de la décision du comité, ainsi que les délais dans lesquels il est consulté (sur ces délais, se reporter à la fiche Le CSE : information et consultations) jusqu’à la notification du jugement.

À noter que la contestation du coût final de l’expertise mentionnée au 4° ci-dessus, est exclue de la procédure accélérée au fond et relève de la compétence du tribunal judiciaire statuant au fond (sur ce point, voir par exemple l’arrêt de la Cour de cassation du 31 janvier 2024).

Contestation d’une expertise dans le cadre d’un « grand » licenciement pour motif économique

Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, lorsqu’un projet de licenciement pour motif économique concerne au moins 10 salariés dans une même période de 30 jours, le CSE peut faire appel à un expert dans les conditions fixées par les articles L. 1233-34 à L. 1233-35-1 et R. 1233-3-3 du code du travail.

Dans ce cas :
 

En cas d’annulation définitive par le juge de la délibération CSE décidant le recours à l’expertise, les sommes perçues par l’expert sont remboursées par ce dernier à l’employeur. Le comité social et économique peut, à tout moment, décider de les prendre en charge.

À noter : Depuis le 1er avril 2021, en application du décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020, les anciennes « directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi » (DIRECCTE) et « directions régionales de la cohésion sociale » (DRCS) sont regroupées pour devenir les « directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités » (DREETS). En savoir+ sur la mise en place des DREETS.