Présentation du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi en séance

Discours de François REBSAMEN
Mardi 26 Mai 2015 – Assemblée nationale

Monsieur le président,
Madame la ministre,
Madame la présidente de la Commission des Affaire sociales,
Madame, la rapporteure pour la Délégation aux Droits des Femmes, Sandrine Mazetier,
Monsieur le rapporteur pour la Commission des Affaires sociales, Christophe Sirugue,
Monsieur le rapporteur pour la Commission des Affaires culturelles, Jean-Patrick Gille,
Monsieur le rapporteur pour la Commission des Finances, Dominique Lefebvre,
Mesdames et messieurs les députés,

Je voudrais tout d’abord remercier les rapporteurs et tous les membres de leurs Commissions et Délégation. Leurs travaux ont été constructifs, et je ne doute pas qu’ils le seront tout autant en séance.

Le projet de loi que j’ai l’honneur de vous présenter aujourd’hui s’inscrit dans la continuité des grandes lois sociales que portent les gouvernements de gauche depuis plus de trente ans.

- Dans la lignée des lois Auroux, tout d’abord.

Ces lois ont inventé les formes actuelles du dialogue social en entreprise et ont prouvé leurs forces et leur justesse. A regarder les débats qui avaient animé cette assemblée à l’époque, je ne peux que constater le chemin que nous avons parcouru. Je veux d’ailleurs remercier Jean Auroux qui a bien voulu partager avec moi son expérience et la mémoire de ces débats.

En trente ans, notre économie, nos entreprises, les formes mêmes du dialogue social ont cependant et heureusement évolué. Ce sont ces évolutions que nous devons aujourd’hui prendre en compte, tout en conservant sa vitalité au principe de citoyenneté dans l’entreprise et de participation des salariés.

- Ce projet de loi s’inscrit également dans la lignée des lois sociales portées par ce gouvernement.

Depuis 2012, le pays avance, se transforme, et à ces transformations correspond une seule et même méthode : le dialogue social.

Mesurons le chemin qu’elle nous a permis de parcourir : généralisation de la complémentaire santé, progrès de la portabilité et de la sécurisation des parcours professionnels, refonte de la formation professionnelle, nouvelles solutions d’anticipation et de gestion des difficultés des entreprises, présence des salariés dans le CA des grandes entreprises, réforme du financement du paritarisme et de la représentativité des organisations patronales : voilà les avancées concrètes qu’ont portées, ensemble, le gouvernement avec Michel Sapin notamment et les partenaires sociaux.
Ce qui se joue derrière ces lois, c’est la modernisation de notre société et de notre économie. C’est l’amélioration de leur fonctionnement et de leur capacité à s’adapter aux changements de fond qui touchent notre pays.

Pour répondre à cet objectif, le projet de loi prévoit de rénover profondément le dialogue social dans l’entreprise. L’enjeu est d’en faire un levier de performance économique et sociale et mieux répondre aux préoccupations des salariés. Il valorise également l’engagement des 600.000 élus ou représentants syndicaux qui le font vivre au quotidien et assurera, pour la première fois, une place renforcée des femmes parmi ces élus.

Il renforce la lutte contre le chômage, avec une AFPA rénovée et de nouvelles dispositions favorisant la formation des demandeurs d’emploi de longue durée.

Ce projet de loi s’adresse également aux millions de travailleurs modestes, qui verront leur pouvoir d’achat renforcé, et leur activité encouragée grâce à l’instauration de la prime d’activité. Je veux remercier la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes, Marisol Touraine qui porte avec moi la création de la prime d’activité. Elle s’adressera à vous dans quelques instants.

Plus globalement, il trace la perspective d’une nouvelle sécurisation des parcours professionnels avec la création du compte personnel d’activité voulue par le président de la République.

Enfin, il donne de la visibilité aux intermittents du spectacle puisqu’il inscrit dans le code du travail la spécificité de leurs règles d’assurance chômage et donne un rôle plus important aux représentants de la profession dans leur négociation. Je veux remercier la ministre de la Culture et de la Communication Fleur Pellerin avec laquelle j’ai élaboré ce volet de la loi.

***

La première partie du projet de loi vient à la suite de la négociation interprofessionnelle sur l’efficacité et la qualité du dialogue social que j’ai proposée aux partenaires sociaux en juillet dernier. C’est une méthode qui a fait ses preuves et est la marque du quinquennat : les trois grandes conférences sociales et les cinq accords nationaux interprofessionnels signés depuis 2012 sont là pour en témoigner.

Bien que les négociations sur le dialogue social n’aient pas abouti, toutes les organisations ont négocié jusqu’au bout avec de réelles avancées et nous avons été près d’un accord. Aussi, le gouvernement a repris la main, avec le souci de trouver un nouveau point d’équilibre, plus proche des orientations que j’avais fixées en juillet dernier.

J’ai consulté les représentants des organisations patronales et syndicales tout au long du processus d’écriture de la loi et l’accueil qu’il a reçu montre que les points de vue des uns et des autres ont été écoutés. Le projet de réforme du dialogue social repose ainsi sur un équilibre construit avec les partenaires sociaux ; je serai attentif à ce qu’il puisse le conserver tout en étant ouvert aux propositions que vous ferez comme je l’ai été au cours des échanges fructueux que nous avons eus en commission des affaires sociales.

Ce projet de loi se fonde sur une conviction qui dépasse largement les clivages partisans : les salariés et les entreprises de notre pays ont tout à gagner à un dialogue social de meilleure qualité.

Le dialogue social est une réalité, et il a aujourd’hui un rôle clef dans le fonctionnement de notre économie. Les 36 000 accords signés chaque année dans les entreprises sont le signe de sa vitalité, il en est de même des accords de branche. Pour autant, nous savons tous la crise de légitimité qui touche les institutions et celles du dialogue social ne sont pas épargnées.

Voilà pourquoi il nous faut agir.
- Agir pour renforcer la légitimité des instances représentatives du personnel dans l’entreprise.

- Agir, aussi, pour rendre le dialogue social plus performant, en répondant à deux exigences : une exigence démocratique et une exigence d’efficacité.

L’exigence démocratique, tout d’abord.

La participation des salariés est un principe inscrit dans notre constitution. Il l’est, parce qu’il est juste que les salariés soient associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui touchent à leurs conditions de travail, à leur pouvoir d’achat, à leur formation et à leur emploi. Il est juste qu’ils participent aux choix stratégiques qui déterminent leur vie dans l’entreprise et leur avenir.

Mais un dialogue social plus performant, c’est aussi répondre à une exigence d’efficacité :

D’efficacité sociale : des relations apaisées et plus confiantes dans l’entreprise, c’est la garantie d’une meilleure qualité de vie au travail. Un dialogue social plus performant, c’est aussi l’assurance que les fruits de la croissance seront mieux partagés, et que des solutions justes seront trouvées quand l’entreprise est en difficulté. Etre mieux associés à la vie de leurs entreprises, voilà ce qu’attendent légitimement nos concitoyens. Nos principes démocratiques ne s’arrêtent pas aux portes des entreprises.

Un dialogue social plus performant, c’est aussi un facteur d’efficacité économique. Il n’y a pas que le coût du travail et le capital qui font la compétitivité d’une entreprise. Sa capacité à innover, à améliorer la qualité de ses produits, à répondre aux attentes de ses clients représente un avantage stratégique. Pour cela, il faut que l’entreprise soit un lieu de coopération et que l’engagement soit collectif. Il faut aussi investir dans les compétences, privilégier le long-terme. C’est la clef d’un climat social apaisé et d’une motivation plus forte des salariés. Il faut que les salariés puissent être entendus et qu’ils puissent participer aux débats qui déterminent les orientations stratégiques des entreprises.

C’est une absurdité d’opposer dialogue social et performance économique : l’un et l’autre sont complémentaires.

Et c’est cette vision conciliant à la fois l’exigence démocratique et l’exigence d’efficacité, qui indique à mon sens la voie du progrès social, et qui renforcera la démocratie sociale dans notre pays.

Le projet de loi propose ainsi de concrétiser quatre objectifs :

1. Le premier est de faire en sorte que l’ensemble des salariés de notre pays soient représentés

Peut-on accepter une situation où le dialogue social exclut une très grande partie des salariés se trouvant dans les petites et moyennes entreprises ? La réponse est non.

Aujourd’hui, seuls les salariés des TPE de quelques secteurs (par exemple, l’artisanat, l’agriculture) bénéficient d’une représentation syndicale. J’ai souhaité que tous les salariés de notre pays soient représentés par des moyens qui tiennent compte des particularités des entreprises de petites tailles.

Ce texte offre à 4,6 millions de salariés des TPE une représentation de qualité.

Quelle forme prendra-t-elle ? Elle se fera grâce à des commissions paritaire régionales, composées à la fois d’employés et d’employeurs issus des TPE. Ces commissions seront des lieux de dialogue et de conseils. Ce sera une grande avancée et une première en Europe !

La Commission des affaires sociales a souhaité attribuer aux commissions paritaires régionales deux prérogatives supplémentaires :
- un rôle de médiation en cas de conflit entre salariés et employeurs, lorsque les deux parties le souhaitent,
- et un rôle de proposition en matière d’activités sociales et culturelles.

Ces nouvelles missions sont fidèles à l’esprit des commissions en en faisant des lieux de dialogue, utiles aux TPE et à leurs salariés. Des précédents existent dans l’artisanat, y compris pour ces deux missions. Pourquoi ce qui a fonctionné pour des milliers d’entreprises artisanales ne pourrait pas être étendu à toutes les TPE ? Il faut donc raison garder en ce domaine et ne pas attiser les craintes. C’est une avancée sociale importante, qui s’appuie sur des expériences concrètes et réussies.

2. Le deuxième objectif, c’est de renforcer la démocratie sociale en rendant plus vivant, plus performant, plus efficace le dialogue social dans l’entreprise.

Lors de mes entretiens avec les représentants des salariés et des employeurs, nous avons partagé un constat : celui d’un trop grand formalisme des obligations de consulter et de négocier.

Peut-on accepter que le formalisme prenne le pas sur le stratégique ?

Non. Il faut faire en sorte que toutes les conditions soient réunies pour que les salariés puissent faire entendre leurs voix et peser sur les orientations prises par l’entreprise.
C’est pourquoi le texte prévoit de passer de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois consultations annuelles :
- la première portera sur les orientations stratégiques et leurs conséquences,
- la seconde sur la situation économique et financière,
- la troisième sur la situation sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Les douze obligations de négociations seront quant à elles regroupées en trois blocs cohérents :
- le premier portera sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée,
- le deuxième sur l’égalité professionnelle et la qualité de vie au travail,
- le troisième sur la gestion des emplois et des compétences.

Le dialogue social aura ainsi plus de sens. Mieux vaut des réunions moins nombreuses et centrées sur les enjeux stratégiques de l’entreprise qu’un enchaînement de réunions masquant les questions clés de l’avenir de l’entreprise et de ses emplois.

3. Le troisième objectif, c’est que les institutions représentatives du personnel soient adaptées à la taille des entreprises.

Chacune des instances qui existent aujourd’hui a sa raison d’être. Et je sais que les partenaires sociaux y sont attachés. C’est pourquoi ces instances sont toutes maintenues, de même que leurs compétences et leurs missions.

Le principe est de définir un fonctionnement plus simple et mieux adapté à la spécificité des entreprises, particulièrement celles de petites tailles.

Pour cela, le projet de loi prévoit :

- D’étendre la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel aux entreprises jusqu’à 300 salariés. Cette DUP comprendra aussi le CHSCT. Là encore, nous nous appuyons sur ce qui a bien fonctionné. La DUP existe depuis 20 ans dans les entreprises de moins de 200 salariés, elle a été choisie par 60 % des employeurs et je n’ai, au cours de mes concertations, entendu personne m’en dresser un bilan négatif. Nous nous sommes même aperçus que passé le seuil des 200 salariés, de nombreuses entreprises et élus du personnel avaient conservé la DUP. J’ai souhaité donc encourager cette dynamique en passant le seuil de 200 à 300 salariés et y regrouper le CHSCT. Une seule instance, lisible pour les salariés et plus adaptée au fonctionnement des PME.

- Le projet prévoit également de donner la possibilité de regrouper tout ou une partie des IRP pour les entreprises de plus de 300 salariés. Cela ne pourra se faire que par accord majoritaire, c’est à dire, un accord conclu par les syndicats qui ont obtenu 50% des voix aux élections professionnelles. Cette mesure responsabilise les acteurs du dialogue social et tire la conséquence de la légitimité démocratique que la représentativité leur a donné : ils définiront eux-mêmes les règles des instances, leur périmètre, les moyens des représentants. Ma conviction profonde, c’est que ce sont les partenaires sociaux dans l’entreprise qui sont les mieux placés pour définir les règles du jeu dans le cadre fixé par la loi

J’ai pu entendre certaines craintes concernant la disparition du CHSCT. Il est au contraire valorisé et renforcé dans le projet de loi :

- Toutes ses prérogatives sont conservées au sein de la DUP.

- Dans le cadre des institutions regroupées par accord majoritaire pour les entreprises de plus de 300 salariés, une commission spécifique portant sur les sujets d’hygiène, de santé et de conditions de travail sera instituée. Et je ne doute pas que les organisations majoritaires auront à cœur, si elles signent un accord, de renforcer le dialogue autour des conditions de travail et de la sécurité des salariés.

- Enfin, le gouvernement réalise une nouvelle avancée : tous les salariés d’un établissement appartenant à une entreprise de plus de 50 salariés seront couverts par un CHSCT, ce qui n’était pas le cas aujourd’hui.

4. Le quatrième objectif est de reconnaître, valoriser et favoriser l’engagement de ceux qui font vivre le dialogue social dans l’entreprise.

Il s’agit d’apporter une réponse concrète aux salariés qui exercent des mandats lourds, ceux qui passent une grande partie de leur temps de travail dans des fonctions électives ou syndicales. L’engagement de certains au service des autres ne doit pas être un frein à leur carrière. Au contraire, cet engagement doit être reconnu, favorisé et valorisé ; les salariés ne doivent pas être pénalisés par le fait qu’ils sont moins présents à leur poste de travail.

C’est pourquoi, pour les élus ayant des mandats nécessitant un engagement horaire important, le projet de loi prévoit un mécanisme qui garantit une progression salariale identique à leurs collègues. Ce n’est ni un privilège qui leur est octroyé, ni la suspicion d’une discrimination massive par les employeurs. Simplement, comme ils sont peu présents à leur poste de travail, leur supérieur leur accorde moins souvent des augmentations individuelles. Et je ne parle pas des cas de discrimination manifeste. Nous réparons une injustice.
A l’issue de leurs mandats, après 4, 8 ou 12 ans passés essentiellement au service des autres, il est normal que l’entretien professionnel soit renforcé pour les accompagner dans leur évolution professionnelle.

Et pour les centaines de milliers de salariés qui exercent un mandat, le projet de loi prévoit un entretien de prise de fonction qui permettra de mieux articuler temps professionnel et temps consacré à l’exercice du mandat. Il instaure aussi un nouveau système de certification des compétences acquises dans l’exercice de ces fonctions. Oui, porter un mandat et participer à la prise de décision permet d’acquérir de compétences professionnelles. Les élus que vous êtes, que nous sommes, sont bien placés pour le savoir.

Toutes ces mesures visent à favoriser l’engagement de chacun dans l’entreprise, car c’est en agissant concrètement sur les conditions d’exercice des mandats que l’on répondra aux besoins de ceux qui font vivre, au quotidien, le dialogue social, et que l’on suscitera des vocations parmi les jeunes générations de travailleurs.

Lutter contre les discriminations dans le monde du travail, c’est aussi agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

J’ai entendu les craintes qui se sont exprimées dans le débat public au sujet du rapport de situation comparée. Et je voudrais rappeler que notre texte ne faisait que s’inscrire dans la lignée de la loi de sécurisation de l’emploi, qui prévoyait l’intégration progressive des divers rapports à une base de données unique. A l’époque, cette mesure n’avait suscité aucune levée de bouclier.

Les amendements adoptés en commission des affaires sociales ont dissipé, je le souhaite, les malentendus, tant sur l’analyse de situation comparée que sur son rôle dans les consultations et négociations relatives à l’égalité femmes-hommes. Le cas échéant, nous aurons à cœur d’apporter les éclaircissements nécessaires au cours du débat. Je remercie tout particulièrement le rapporteur Christophe Sirugue, et la rapporteure de la Délégation aux Droits des femmes, Sandrine Mazetier pour le travail que nous avons accompli ensemble sur ce point, en toute confiance.

Ces craintes, aujourd’hui dissipée pour la plupart, ne doivent pas faire oublier qu’en instaurant pour la première fois l’obligation d’une représentation équilibrée lors des élections professionnelles, le projet de loi propose une avancée majeure sur la question de l’égalité femmes-hommes. Chaque liste de candidats devra en effet respecter l’équilibre entre les femmes et les hommes dans le corps électoral d’une entreprise donnée. La Commission des affaires sociales a souhaité aller plus loin avec mon soutien, en faisant en sorte que les femmes soient placées prioritairement en position éligible. Les listes électorales obéiront donc au principe de la représentation équilibrée, tandis que la composition des instances s’inscrira dans une logique paritaire. C’est un pas de plus en faveur de l’égalité femmes-hommes.

Voilà pour les dispositions qui moderniseront notre dialogue social, qui le rendront plus vivant et plus pertinent. Cette réforme profonde permettra au dialogue social d’être à la fois plus proche de la réalité des entreprises et plus proche des préoccupations des salariés. Et c’est aussi cela qui favorisera la croissance économique de notre pays.

***

Je souhaiterais évoquer les volets qui ne sont pas issus de la négociation interprofessionnelle, mais n’en ont pas moins été élaborés avec force concertations.

1. Le premier volet concerne les intermittents du spectacle.

Chacun d’entre nous sait qu’à chaque renégociation du régime d’assurance chômage, les annexes spécifiques aux intermittents du spectacle sont questionnées, remises en cause, engendrant crises successives, inquiétude et insécurité pour les professionnels concernés. Ces règles particulières visent pourtant à prendre en compte la discontinuité spécifique des artistes et des professionnels de la création. Voilà pourquoi nous avons souhaité que ce projet de loi les consacre au niveau de loi. Il vous est proposé de d’inscrire dans le code du travail l’existence des règles spécifiques d’indemnisation des intermittents du spectacle. C’est un signal de confiance très attendu par les centaines de milliers de salariés du spectacle vivant.

Il propose aussi d’améliorer la méthode de négociation dans le secteur. Comment ? En permettant aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de négocier ces règles spécifiques, dans un cadre défini au niveau interprofessionnel. Ces avancées n’auraient pas été permises sans le travail de la mission confiée à Hortense ARCHAMBAULT, Jean-Denis COMBREXELLE et votre collègue Jean-Patrick GILLE. Je sais pouvoir compter sur lui, aujourd’hui rapporteur pour avis de la commission des Affaires culturelles, pour défendre l’équilibre élaboré au cours de ces derniers mois d’intenses concertations.

2. Le second volet concerne la sécurisation des parcours professionnels

Le projet de loi crée un contrat de professionnalisation Nouvelle Chance adapté notamment aux demandeurs d’emploi de longue durée. C’est une des actions du plan « Nouvelles solutions face au chômage de longue durée » que j’ai présenté en février dernier.

Il apporte également une réponse à la situation difficile dans laquelle nous avons trouvé l’AFPA. Nous avons travaillé avec les partenaires sociaux et le ministre des finances Michel Sapin pour dégager des solutions pérennes quant aux missions et au statut de l’AFPA, acteur majeur de la formation et de l’insertion professionnelles. Elles marquent l’engagement de l’Etat pour la pérennisation de l’AFPA, et la volonté de conforter ses missions de service public qui sont précisées. Cela a été unanimement apprécié par les organisations syndicales et la direction de l’AFPA.

J’ai donc présenté une habilitation à agir par ordonnance pour créer un établissement public visant à exercer les missions de l’AFPA, préciser les modalités de dévolution à cet établissement d’actifs immobiliers de l’Etat et les conditions de transfert des droits et obligations de l’AFPA vers ce nouvel établissement. Ces évolutions se feront dans le plein respect du droit de la concurrence et des prérogatives des Régions en matière de formation professionnelle : l’AFPA reste, pour la majorité de ses activités, un acteur du marché concurrentiel de la formation, et devra poursuivre ses efforts d’adaptation de l’offre et d’amélioration de sa compétitivité pour répondre aux attentes des donneurs d’ordre. La création de l’EPIC s’accompagnera de la mise en œuvre d’une stricte séparation entre activités de service public et activités concurrentielles

Le projet de loi s’inscrit aussi résolument dans le long terme avec la création du compte personnel d’activité. Hier, la protection sociale pouvait être gagée sur l’emploi car il était à vie, standardisé et que le chômage n’existait presque pas. Les droits augmentaient avec le temps et chacun avançait dans le couloir de son régime de protection sociale. Dans la société d’aujourd’hui, ce n’est plus le cas. Notre enjeu est de faire coïncider la protection sociale avec les façons actuelles de travailler.

Depuis 2012, nous avons mis en place de nouveaux outils pour sécuriser les parcours professionnels : compte personnel de formation, compte personnel de prévention de la pénibilité, généralisation de la complémentaire santé, portage de la prévoyance… Le nouveau défi est de protéger la personne dans sa trajectoire, c’est-à-dire d’attacher les droits à la personne (et plus seulement au contrat de travail), de faire en sorte qu’ils la suivent quels que soient les changements qu’elle connaisse.

Pour répondre à cet objectif ambitieux, le Président de la République a annoncé la création du compte personnel d’activité. Celui-ci sera le capital de ceux qui travaillent. Il concentrera tous les droits individuels des salariés et notamment, les droits à la formation, le compte épargne-temps, le compte pénibilité pour qu’ils soient ainsi réunis. Au-delà de l’accès aux droits, le CPA devra permettre de rendre les droits entièrement portables, quelle que soit l’évolution de la situation professionnelle de l’individu (changement d’employeur, de statut, chômage…). Le CPF montre que la portabilité est possible.

Nous travaillerons ensemble, avec les partenaires sociaux, pour concrétiser ces ambitions en engageant une concertation dans les prochains mois.

Parmi les nouveaux droits portables qui permettent de sécuriser les parcours professionnels des salariés, il y a, je l’évoquais à l’instant, le droit ouvert par la pénibilité.

C’est un droit novateur : un seul fait générateur, la pénibilité, donne accès à plusieurs prestations pour s’adapter aux besoins et souhaits individuels : retraite, formation professionnelle, ou encore, compensation du passage à temps partiel.
C’est aussi un droit qui répond à une exigence de justice : les inégalités d’espérance de vie générées par le travail doivent être combattues.

Cependant, des craintes se sont exprimées ces derniers mois sur de la complexité du dispositif. Or, un droit effectif pour les salariés, c’est droit simple dans sa mise en œuvre. La simplicité joue en effet en faveur des salariés et des entreprises : si les entreprises ne sont pas en mesure d’évaluer et de déclarer les expositions de façon simple, ce sont les salariés qui seront privés de leurs droits.

Aucun employeur ne peut contester, et aucun employeur ne conteste aujourd’hui la nécessité de prendre en compte la pénibilité. Il y a donc consensus sur le principe ; il faut qu’il y ait le même consensus sur la mise en œuvre. C’est pourquoi le gouvernement a confié une mission à Christophe Sirugue, Gérard Huot et Michel de Virville, qui ont remis leur rapport au Premier ministre ce matin même. Ce rapport préconise de simplifier et de sécuriser :
- Simplifier les procédures déclaratives.
- Sécuriser l’appréciation par les employeurs de l’exposition à la pénibilité ;

Le gouvernement a adopté cette approche et je présenterai des amendements qui iront dans ce sens.
- Pour simplifier le dispositif, le gouvernement retient la proposition concernant l’établissement et la transmission de la fiche individuelle. Cette obligation ne reposera plus sur l’employeur, quelle que soit la taille de l’entreprise. Celui-ci devra déclarer les salariés exposés à la caisse de retraite, en fin d’année. Et c’est la caisse de retraite qui se chargera d’informer les salariés de leur exposition et des points dont ils bénéficient. Les salariés ne seront donc pas privés de leurs droits.

- Pour sécuriser la déclaration par les employeurs, l’évaluation des 6 nouveaux facteurs pourra être déterminée par des référentiels établis au niveau des branches professionnelles. Ces référentiels permettront de définir quels postes, quels métiers ou quelles situations de travail sont exposées aux facteurs de pénibilité. Pour ces facteurs, les employeurs n’auront plus de mesures individuelles à accomplir, et ils seront réputés de bonne foi, dès lors qu’ils appliqueront le référentiel, qui sera homologué par l’administration.

- Pour les branches, la réalisation des référentiels, leur homologation et leur appropriation demanderont du temps. Et si leur déploiement venait à prendre du retard, des droits seraient générés sans outil pour mesurer les expositions. C’est pourquoi il est apparu nécessaire de décaler l’entrée en vigueur des 6 derniers facteurs au 1er juillet 2016. Afin que ce report ne pénalise pas les salariés concernés en 2016, ils bénéficieront, pour le second semestre 2016, des points correspondant à une année entière.

- Enfin, pour qu’il n’y ait aucun doute sur la possibilité de mettre en œuvre tous les facteurs, le gouvernement reprendra les propositions du rapport de modifier la définition de certains facteurs, pour la rendre plus efficiente.

Ces aménagements se font à droits constants pour les salariés. Ils permettront une mise en œuvre plus fluide du dispositif, au bénéfice, je le répète, des salariés et des entreprises.

Le rapport Sirugue-Huot-Virville met aussi l’accent sur la prévention de la pénibilité. C’est une proposition à laquelle le gouvernement a souhaité pleinement souscrire. L’action des employeurs sur les facteurs de pénibilité sera donc au cœur du 3ème plan Santé au Travail, et elle deviendra un axe essentiel de la politique des pouvoirs publics, de la sécurité sociale et des partenaires sociaux.

***

Mesdames et messieurs les députés,

Pour le gouvernement, le dialogue social demeure la méthode sans laquelle il n’y a pas de réformes durables. Pour que nos lois soient efficaces, elles doivent être conçues avec les acteurs qui les font vivre.

Cet attachement au dialogue social correspond à l’engagement du gouvernement en faveur d’un fonctionnement plus démocratique de notre société et plus efficace de notre économie. C’est le sens du progrès social, et c’est aussi ma conviction et ma méthode.

Je vous remercie.