Présentation du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi devant la Commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale

Seul le prononcé fait foi

Madame la présidente de la Commission des affaires sociales,
Monsieur le rapporteur,
Mesdames et messieurs les députés,

Je vous remercie de m’avoir invité, avec ma collègue Marisol Touraine, à vous présenter le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi.

Je lui laisserai la parole sur un volet majeur de ce projet de loi qui concerne la prime d’activité.

Quelques mots sur l’histoire de ce texte.

Le dialogue social est la marque du quinquennat de François Hollande. Depuis 2012, cette méthode a fait ses preuves : les trois grandes conférences sociales et les cinq accords nationaux interprofessionnels sont l’expression de cette réussite. En juillet dernier, j’avais proposé aux partenaires sociaux de se saisir de la question de l’efficacité du dialogue social dans l’entreprise, nous l’avions évoqué lorsque j’étais venu devant votre commission le 9 juillet dernier.

Comme vous le savez ces négociations n’ont pas abouti, mais cela ne marque ni l’échec du dialogue social dans son ensemble, ni la fin des réformes menées par le gouvernement sur ces sujets. Légitimement, le gouvernement a repris la main.

Pour avancer sur ces sujets cruciaux pour tous les salariés et toutes les entreprises de notre pays, il a fallu viser un point d’équilibre. C’est pour cela que j’ai consulté les représentants syndicaux et patronaux tout au long du processus d’élaboration du projet de loi. Et je crois pouvoir dire que ce point d’équilibre est atteint. Le projet que je vous présente est ainsi le fruit de plus de neuf mois de dialogue avec les partenaires sociaux.

Comme je le disais, il était important que le gouvernement prenne ses responsabilités en préparant un projet de loi sur ce sujet, car les salariés et les entreprises de notre pays ont tout à gagner à un dialogue social de meilleure qualité.

Le dialogue social existe. Chaque année, ce sont plus de 36 000 accords qui sont conclus dans les entreprises. Pour autant, lorsque des sondages récents montrent qu’un tiers seulement des salariés ont une bonne image des syndicats, cela donne une idée de la crise de légitimité auxquels ils sont confrontés. Cette crise n’épargne pas d’ailleurs les autres formes de représentation, à commencer par les élus. Ma conviction est qu’il est plus que jamais nécessaire de redonner de la force aux représentants du personnel. Je crois aussi que ce défi pourra être relevé en partant du niveau le plus proche des salariés, c’est-à-dire l’entreprise.

Créer les conditions d’un dialogue social plus vivant, plus efficace, plus proche des réalités des entreprises et des préoccupations des salariés, c’est répondre à la fois à une exigence démocratique et à une exigence d’efficacité.

Une exigence démocratique, tout d’abord.
Le principe de la participation des salariés est inscrit dans notre constitution. Il y est inscrit car il est juste que les salariés soient associés, par l’intermédiaire de leurs représentants, aux décisions qui touchent à leurs conditions de travail, à leur pouvoir d’achat, à leur formation, à leurs emplois. Ils ont le droit – et ce droit doit être effectif, réel – de participer à ces choix stratégiques, qui déterminent leur vie dans l’entreprise, et leur avenir.

Mais un dialogue social plus performant, c’est aussi répondre à une exigence d’efficacité.

D’efficacité sociale, d’abord, car des relations plus confiantes dans les entreprises, c’est le gage d’une meilleure qualité de vie au travail. Un dialogue social constructif, c’est également l’assurance que les fruits de la croissance, lorsqu’elle est là, profiteront à tous et que lorsque l’entreprise connaît des difficultés, des solutions justes seront trouvés. C’est ce qu’attendent nos concitoyens.

Un dialogue social plus performant, c’est aussi un facteur décisif d’efficacité économique. On parle beaucoup de coût du travail, du capital… Or, ce n’est pas seulement cela qui fait la compétitivité d’une entreprise. Sa capacité à innover, à améliorer la qualité de ses produits, à satisfaire les attentes de ses clients – bref, tout ce qu’on appelle la compétitivité hors-coût – est tout aussi importante. En la matière, l’exemple de nos voisins européens – allemands, suédois, autrichiens – doit nous inspirer. La capacité qu’ont eu certains leaders de la DGB allemande à prendre toute leur part dans les décisions stratégiques qui se sont avérées très positives dans les grands groupes, par exemple automobiles, montre que c’est un non-sens d’opposer dialogue social et performance économique. Bien au contraire, les deux sont complémentaires !

Pour être performante, il faut en effet que l’entreprise soit un lieu de coopération, un lieu d’engagement collectif. Il faut investir dans les compétences et s’inscrire dans le long terme. Il faut que les salariés puissent être entendus et participent aux débats qui permettent de définir des orientations stratégiques. A la clef : un climat social apaisé et une motivation plus forte des salariés.

C’est ma conviction : un dialogue social plus efficace est vital pour les salariés, pour les entreprises ; vital pour notre pays.

Comment se satisfaire du nombre élevé d’entreprises et de salariés exclus, de droit ou de fait, du dialogue social ?
Comment se satisfaire des discriminations qui touchent ceux qui s’engagent au service des autres salariés, qu’ils soient délégués du personnel ou délégués syndicaux ?
Comment se satisfaire, enfin, de discussions où le fond prend le pas sur la forme, sans que la voix des uns et des autres puisse porter comme il se doit ?

Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui est un texte de progrès social, parce qu’il changera le quotidien des millions de salariés et des milliers d’entreprises que compte notre pays.

Il permettra d’atteindre quatre objectifs :

Le premier, assurer la représentation de tous les salariés.

Seuls les salariés des TPE de quelques secteurs – je pense par exemple à l’artisanat, à l’agriculture – ont aujourd’hui accès à la représentation. Mon ambition est que chacun des 4,6 millions de salariés des TPE de notre pays soit représenté, sous une forme qui corresponde aux spécificités des entreprises de très petite taille.

C’est pourquoi le projet de loi prévoit la création de commissions paritaires régionales, composées d’employés et d’employeurs issus des TPE. Ces commissions seront des lieux de dialogue et de conseil pour les salariés comme pour les employeurs. Ce sera une première en Europe !

C’est ainsi la démocratie sociale dans les TPE, et la démocratie sociale dans notre pays, qui se trouvera renforcée.

Le deuxième objectif, c’est de rendre le dialogue social plus vivant et plus efficace.

Je le disais en préambule, certaines obligations de consulter et de négocier sont aujourd’hui trop formelles. Et c’est au détriment de débats stratégiques, dans lesquels les salariés peuvent réellement faire entendre leur voix et peser sur les décisions qui sont prises. C’est un constat que partagent très largement les partenaires sociaux.

C’est ainsi que la mesure contenue dans le projet de loi s’inscrit dans la continuité d’un travail de longue date des partenaires sociaux. Elle prolongera et donnera toute leur portée aux dispositions de la loi sur la sécurisation de l’emploi qui elles-mêmes reprenaient l’ANI du 11 janvier 2013. Je pense notamment à la mise en place de la consultation sur les orientations stratégiques et à la création d’une base de données économiques et sociales qui est en train d’être déployée dans les entreprises. Ces mesures visaient déjà à mettre les représentants du personnel au cœur de la prise de décision. C’est un nouveau cap très important qui sera franchi avec le projet de loi.

Le texte prévoit ainsi de passer de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois consultations annuelles : la première portera sur les orientations stratégiques et leurs conséquences, la seconde sur la situation économique et financière, la troisième sur la situation sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Les douze obligations de négociations seront quant à elles regroupées en trois blocs cohérents : le premier portera sur la rémunération et le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée, le deuxième sur la qualité de vie au travail, et le troisième sur la gestion des emplois et des compétences.

Le dialogue social aura ainsi beaucoup plus de sens pour tous. C’est un aspect très important, qui va redonner un élan aux vocations syndicales ou de représentants du personnel.

Le troisième objectif est d’adapter les institutions représentatives du personnel à la taille des entreprises.

J’ai souhaité partir d’un principe clair : toutes les institutions ont leur pertinence. C’est pourquoi elles sont toutes maintenues, ainsi que les missions et les compétences qui leur sont associées. Ce que prévoit le projet de loi, c’est un fonctionnement plus simple et mieux adapté à la spécificité des entreprises, notamment celles de petite taille. Il suffit de tourner le regard vers nos voisins européens pour y trouver soit un droit plus simple, soit des possibilités d’adaptation en fonction de la taille ou de la nature des entreprises. Il y a sans doute une inspiration à puiser dans ces formes d’adaptation.

La possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel est étendue aux entreprises jusqu’à 300 salariés. Cette DUP comprendra aussi le CHSCT.

Pour les entreprises de plus de 300 salariés, il sera possible de regrouper tout ou partie des IRP afin de créer un cadre de discussion plus souple. L’accord majoritaire, c’est-à-dire conclu par des syndicats qui ont obtenu 50% des voix aux élections professionnelles, permettra aux acteurs du dialogue social de définir eux-mêmes le périmètre des instances, ses règles de fonctionnement, mais aussi les moyens des représentants, qui pourront être renforcés. Ce sera une reconnaissance du rôle central des syndicats, qui sont les mieux à mêmes de définir une partie des règles du jeu. Qui pourrait penser qu’ils concluraient des accords qui iraient contre le dialogue social ? Ce serait ne pas leur faire confiance !

Il n’est pas question, comme ont pu le craindre certains, d’affaiblir ou de faire disparaître le CHSCT. Au contraire, le projet de loi prévoit de valoriser et de le renforcer :
Au sein de la DUP, il conservera ses prérogatives, notamment celle d’ester en justice et de recourir à des expertises.
Dans le cadre des institutions regroupées par accord majoritaire pour les entreprises de plus de 300 salariés, une commission spécifique portant sur les sujets d’hygiène, de santé et de conditions de travail sera instituée.
Le projet de loi prévoit enfin que tout salarié d’un établissement appartenant à une entreprise de plus de 50 salariés soit couvert par un CHSCT, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. C’est une avancée importante car depuis les lois Auroux, le CHSCT est au cœur des questions de sécurité, de santé au travail et de qualité de vie dans les entreprises.

Le quatrième objectif, enfin, est de reconnaître, valoriser et favoriser l’engagement des salariés dans l’entreprise.

Les inégalités salariales dont sont victimes certains représentants du personnel, notamment syndicaux, ne sont pas acceptables. Elles sont cependant une réalité, et elles nuisent à l’engagement, notamment des jeunes.

Le projet de loi prévoit donc un mécanisme de non-discrimination salariale, qui concernera tous les représentants du personnel dont les heures de délégation occupent 30% ou plus du temps de travail.

Il prévoit également de développer les conditions d’une meilleure articulation entre engagement syndical et vie professionnelle. Un entretien de prise de fonction, au début du mandat, et un entretien de repositionnement professionnel, à l’issue du mandat, seront institués.

Le projet de loi prévoit en outre un dispositif de valorisation des compétences acquises au travers de l’exercice d’un mandat, qui permettra à tous ceux qui s’engagent de voir leur expérience au service des autres salariés valorisée.

Il faut aussi continuer d’agir en faveur de l’égalité femmes-hommes. Et c’est pour répondre à cette ambition que l’obligation de représentation équilibrée entre femmes et hommes sur les listes des élections professionnelles est inscrite dans le projet de loi. C’est une novation majeure que va introduire le projet de loi. Dans la lignée de ce qui a été accompli dans le domaine politique, la représentation équilibrée doit progresser dans le domaine social. Elle passe également par la composition des instances représentatives du personnel. Le Gouvernement a une volonté très forte d’agir en ce sens.

Voilà pour la partie du projet de loi qui porte sur le dialogue social. Il faut le mesurer, ce sera une réforme profonde qui transformera durablement les relations de travail dans les entreprises, au bénéfice des salariés, des entreprises et de la croissance dont notre pays a tant besoin.

Le projet de loi comporte deux autres volets dans le champ du travail et de l’emploi, qui marquent eux aussi des avancées sociales.

Le premier concerne l’intermittence du spectacle.
La loi sanctuarisera et pérennisera le régime d’assurance chômage des intermittents du spectacle. Elle définira également une méthode, qui mettra les partenaires sociaux au centre de la prise de décision. . L’enjeu : mieux articuler le niveau interprofessionnel et le niveau professionnel pour une approche renouvelée et plus efficace des négociations.
J’ai eu l’occasion de le faire à plusieurs reprises, mais je tiens à saluer une nouvelle fois la qualité de travaux d’Hortense Archambault, Jean-Denis Combrexelle et Jean-Patrick Gille qui, en tant que rapporteur pour avis de cette partie du texte pour la commission des Affaires culturelles, s’assurera jusqu’au bout du processus législatif que leurs propositions soient bien traduites dans la loi.

Le second volet concerne le compte personnel d’activité, et plus largement la sécurisation des parcours professionnels.

La création du compte personnel d’activité est une réforme majeure qui marquera notre histoire sociale.

Comme l’a dit le Président de la République, ce compte sera un droit pour tous à l’horizon 2017. Il sera le capital de ceux qui travaillent. Il rassemblera les droits individuels des salariés, à commencer par les droits à la formation, compte épargne-temps, compte pénibilité… L’ambition du gouvernement est de les réunir ces droits en un seul « lieu », et de les décloisonner pour permettre à chacun d’être acteur de son parcours professionnel. C’est l’avenir de nos droits sociaux que préfigure ce compte. Chaque salarié pourra construire son parcours selon ses aspirations, sans crainte de la mobilité et sans avoir à pâtir de ses choix. C’est un sujet sur lequel nous devrons travailler ensemble, sur la base des propositions qui seront faites par les partenaires sociaux.

La loi contiendra également des mesures concrètes en faveur des publics les plus éloignés de l’emploi. Le rôle central de l’AFPA (l’association pour la formation professionnelle des adultes), l’AFPA dans le service public de l’emploi sera reconnu et renforcé.

Ce que défend ce projet de loi, c’est une conception très ambitieuse du progrès et de la démocratie sociale.

Je sais pouvoir compter sur vous pour enrichir les dispositions de la loi, dans un esprit d’équilibre.

Je cède maintenant la parole à madame la ministre des Affaires sociales et de la Santé pour présenter la dernière partie de ce texte consacrée à la création de la Prime d’activité.

Je vous remercie.