Discours de Myriam El Khomri lors de la remise du rapport du groupe dialogue inter-partenaires de lutte contre les discriminations dans l’entreprise

Monsieur le Ministre, cher Patrick,

M. le Président, cher Jean-Christophe Sciberras,

Mesdames, Messieurs les responsables d’associations, les partenaires sociaux, chers membres du groupe de dialogue,

Mesdames, Messieurs,

Il y a 2 ans, les ministres du travail et de la ville installaient ce groupe de dialogue, sous la présidence de Jean-Christophe Sciberras, afin d’accélérer la lutte contre les discriminations au travail.

Jean-Christophe Sciberras l’a rappelé à l’instant : le travail de coproduction de ce groupe de dialogue a été considérable comme l’illustrent les propositions, riches et en même temps très exigeantes, qu’il contient.
Mes premiers mots vont à vous, cher Jean-Christophe ainsi qu’aux membres du groupe de dialogue. Je vous adresse mes sincères remerciements pour votre capacité d’expertise et votre détermination à inventer les armes les plus efficaces pour combattre les discriminations dans le monde du travail. C’est, à la fois, un combat nécessaire et juste.

Mais aussi une exigence sociale, morale et bien sûr économique.
La reprise de vos propositions par les pouvoirs publics marqueront, à mon sens, durablement, j’en suis convaincue, l’histoire de la lutte pour l’égalité de traitement dans l’emploi.

Comme vous l’avez indiqué, Jean-Christophe, et à l’instar de nombreux participants du groupe de dialogue, j’ai été surprise du départ des organisations d’employeurs, le 26 Septembre dernier, après un an de travail commun. (Comme vous, Jean-Christophe, je veux saluer la participation de l’ANDRH et des associations d’entreprises au groupe de travail). Je ne peux que le regretter, pour la qualité du dialogue social et l’efficacité d’une action qui devrait mobiliser toutes les forces en présence.

L’enjeu des mois à venir sera, malgré cette défection que j’espère temporaire, de permettre au groupe de travail d’inscrire son action dans la durée, bien au-delà des échéances électorales à venir.

A ce titre, Patrick Kanner et moi-même proposons de placer le groupe de dialogue sous la responsabilité conjointe de nos deux ministères en nous appuyant sur les compétences de l’administration : à savoir la DGEFP, de la DGT et du CGET, en lien et coordination avec la commission label Diversité.

Je crois que c’est important. Cela nous permet d’inscrire ce travail dans la durée. Pour moi, c’est essentiel.
Dans cette perspective, je voudrais d’ailleurs rappeler combien le bilan de l’action publique doit déjà à votre travail de réflexion. C’est justice que d’y revenir très rapidement et c’est surtout source d’encouragement et d’optimisme pour la suite, grâce à l’élan que votre second rapport ne manquera pas de donner à notre action future.

Comme je vous l’ai dit, les membres du GD ont mené un travail considérable depuis la remise du premier rapport en Mai 2015, qui a inspiré nombre d’actions. Permettez-moi, sans être exhaustive de mentionner au moins :

  • La campagne de sensibilisation « les compétences d’abord », à destination du grand public et des entreprises qui a été un succès ;
  • La mobilisation du service public de l’emploi afin de proposer un accompagnement spécifique aux entreprises et de promouvoir des pratiques de recrutement non –discriminatoires ; Vous avez cité, Jean-Christophe, Pôle Emploi à juste titre mais il y a l’APEC également.
  • La publication d’un rapport – le premier en la matière ! - sur le coût économique des discriminations par les équipes de France Stratégie, portant notamment sur les inégalités Femmes-Hommes et les discriminations liées à l’origine ;
  • La réalisation de testings « entreprises privées » et « fonction publique » ;
  • Ou encore la prise en compte des actions de lutte contre les discriminations dans l’attribution des Marchés publics, comme l’inscription de l’action de groupe dans la loi Justice du 21e siècle bientôt promulguée.

Mais je laisserai naturellement Patrick Kanner revenir plus en détails sur les mesures inspirées par le premier rapport et qui sont, à présent, inscrites dans le cadre de la loi Egalité et Citoyenneté.

Dans le cadre de la stratégie de lutte contre les discriminations au travail que je porte avec mon ministère, je me réjouis de constater que sur les 13 nouvelles propositions du rapport :

  • nombre d’entre elles vont figurer dans le vade-mecum de bonnes pratiques qui sera remis, très prochainement, aux entreprises récemment testées.
  • d’autres concernent les actions de communication, d’études et de recherches que peuvent mettre en place les entreprises et auxquelles les pouvoirs publics peuvent clairement contribuer ;
  • d’autres relèvent encore du dialogue social entre partenaires sociaux.

Je souhaiterais pour ma part insister sur quatre mesures phares. Quatre mesures, déjà inscrites dans votre premier rapport et dont l’approfondissement est préconisé dans celui que vous nous remettez aujourd’hui.

Ces 4 mesures pourront constituer, je l’espère, autant de fils conducteurs des travaux de votre groupe, dans les prochains mois.

1/ Le testing, d’abord. Essentiel : cette démarche inédite dans son ampleur, donne une tonalité nouvelle aux actions de lutte contre les discriminations en entreprise.

Que nous révèle-t-elle ?

Que parmi la quarantaine d’entreprises de plus de 1000 salariés testées, même si de bons élèves se distinguent, un premier constat, sombre, s’impose à nous : les hommes et femmes d’origine supposée maghrébine peuvent être clairement écartés des procédures de sélection dans certaines entreprises. Ne faisons plus semblant de l’ignorer.
Dans les prochaines semaines, nous vous ferons part avec le Premier Ministre des résultats des 2 campagnes de testings.

A contrario – constat plus réjouissant - les entreprises qui présentent de bons résultats au testing sont celles qui conduisent des actions résolues en faveur de l’égalité de traitement entre candidats et entre salariés : la formation, information, sensibilisation, transparence des processus RH… Tout cela paie.

Ces constats, comme je vous l’avais indiqué lors de la remise du rapport de France Stratégie, le 20 Septembre, ont été partagés avec l’ensemble des entreprises testées et reçues au Ministère. Pour y faire suite, mon cabinet réunira, dans les prochains jours, les organisations syndicales, les représentants des employeurs, les intermédiaires associatifs de l’emploi, le service public de l’emploi, pour mettre en commun nos engagements respectifs.

2/ Deuxième sujet : la formation à la non-discrimination dans les entreprises de plus de 300 salariés, inscrite dans le projet de loi Egalité et Citoyenneté.

Au-delà et comme le soulignent les propositions 9 et 10 de votre rapport, c’est notamment dans les petites entreprises que la question de l’information et de la formation à la non-discrimination est primordiale. C’est pourquoi des expérimentations pourraient leur être proposées prochainement, dans le cadre de l’appui RH apporté par les services déconcentrés de mon ministère à leur destination.

3/ Troisième sujet, les indicateurs de l’évolution de carrière tel que proposés dans la proposition n°8 de votre rapport.

Cette proposition intersyndicale permettra aux salariés mais aussi aux employeurs de vérifier, dans la transparence, les avancées ou les freins dans la carrière et la rémunération d’un salarié.
Et, vous avez eu raison de dire, Jean-Christophe, que certaines entreprises s’en étaient déjà emparées.
Afin d’expérimenter cette mesure innovante, un appel à projets sera lancé par mes services, début 2017, et ouvert à toutes les entreprises volontaires. Je chargerai la DARES d’en évaluer l’impact : Si l’expérimentation est positive, le bilan social sera complété par décret.

4/ Enfin, quatrième et dernière action phare : le Label Diversité

Je ne peux parler de lutte contre les discriminations au travail sans faire état des importants travaux menés par mon Ministère dans le cadre de la promotion et du déploiement du label Diversité, conformément à vos préconisations.

A ce jour, 339 entités (grandes entreprises, TPE/PME, ministères, collectivités locales, villes et associations) sont labellisées.

Pour ce qui concerne les ministères sociaux, je suis fière d’annoncer que nous sommes engagés dans une démarche de double labellisation Egalité et Diversité dite « Alliance » à compter de 2017.
Notre objectif est tout à la fois d’accompagner les entreprises déjà labellisées et d’encourager les TPE-PME à entrer dans cette démarche qui invite à revoir profondément ses pratiques RH.

Aussi, de nombreuses actions sont en cours de déploiement ou vont voir le jour d’ici à la fin de l’année, comme la consolidation d’un réseau d’entreprises labellisées avec l’ANDRH, la création d’un accompagnement spécifique pour les TPE-PME sur les territoires ou encore la mise en place d’une banque de données des bonnes pratiques des entreprises labellisées, enrichie demain par celles concernées par le testing.

J’aurai l’occasion de revenir sur toutes ces mesures dans les semaines à venir et plus particulièrement à l’occasion d’un événement spécifique auquel seront invités à prendre part, en février prochain, les entreprises, les opérateurs associatifs de l’emploi, les organisations syndicales, les associations spécialisées. Vous y serez donc tous et toutes cordialement invités !

En conclusion, je dirais tout simplement que je vous remercie encore toutes et tous pour votre mobilisation, passée, présente, future : je crois que la lutte contre les discriminations est indissociable de la promesse républicaine d’égalité. On parle souvent de « vivre ensemble » mais ici c’est un « travailler ensemble » qui doit nous permettre de construire une société plus juste, plus égalitaire, plus fraternelle mais aussi plus forte économiquement. Car la réalité est que nous nous privons de talents. Certaines mesures sont parfois techniques mais il est essentiel d’être sur des mesures concrètes qui ne relèvent pas seulement du gouvernement.

Je vous remercie.