Discours de Myriam El Khomri en conclusion de la journée « Accélérateur d’innovation sociale »

Monsieur le Président de l’Agence nouvelle des solidarités actives, cher François Eynaud,

Monsieur le Président du Comité interprofessionnel pour l’emploi et la formation, cher Christian Lajoux, et cher Christian Janin

Madame la Présidente du Conseil national de l’insertion par l’activité économique, chère Christiane Demontès,

Monsieur le Directeur général délégué de l’AG2R, cher François-Marie Geslin

Mesdames et messieurs les représentants des administrations, des entreprises et du secteur de l’insertion,

Mesdames, Messieurs,

Dans un contexte de chômage de masse, y a t il question plus centrale que celle de l’accès au travail ? Le travail comme moyen de subsistance mais aussi comme statut et tisseur de lien social. Et parce que cette question renvoie ni plus ni moins à celle du Pacte républicain et de la cohésion sociale, elle nous concerne tous et doit tous nous mobiliser.

C’est pourquoi je me réjouis, en tant que ministre du travail, lorsque l’action publique en faveur de l’accès à l’emploi peut savoir compter sur l’inventivité et l’esprit d’’initiative des acteurs, associatifs notamment, qui, au plus près du terrain, font vivre chaque jour nos dispositifs ou les complètent pour faire reculer le chômage et plus particulièrement pour faire reculer le chômage de longue durée.

Car nous le savons, le chômage ne recouvre pas une réalité unique. Pour certains, il est fort heureusement un passage transitoire, parfois même très bref. Pour d’autres, au contraire, il est une trappe à exclusion. Selon son âge, son origine, son niveau de qualification, le chômage peut devenir un éloignement durable du monde du travail.

Ne nous voilons pas la face : plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens sont ainsi enlisés, enchaînant chômage, intérim, travail au noir, stages, petits boulots et de nouveau chômage. Pour ceux-là l’emploi stable n’est rien d’autre qu’un mirage. Ce fameux « halo du chômage » dit bien que la question de l’emploi est aujourd’hui indissociable de la question sociale.

Et je le dis ici avec gravité : contre le chômage de longue durée, nous n’aurons jamais tout essayé. Je sais bien, lorsque j’annonce chaque mois les chiffres du chômage, ce que cette réalité statistique brute recouvre de réalité humaine difficile, de souffrances individuelles et familiales, de spirale négative : voir ses anciens liens professionnels se distendre, voir ses revenus diminuer encore, être contraint à des choix – ou plutôt des non-choix - qui peuvent être néfastes à sa santé, se laisser gagner par le désarroi et même le désespoir… Le chômage de longue durée a un coût social qui dépasse très largement celui des allocations qui leur sont versées chaque mois. Cette réalité nous oblige tous.

Car, face à ces problèmes concrets, nos concitoyens attendent davantage qu’un simple constat, ils attendent légitimement des réponses, concrètes et efficaces.
Et comme l’a dit le premier ministre hier, lors de sa prise de fonction : chaque jour est utile, jusqu’au terme de ce quinquennat.

Ainsi, quand Pôle Emploi recrute des psychologues, comme cela a été annoncé la semaine dernière, c’est bien parce que l’on sait que l’accompagnement des plus fragiles doit être un accompagnement global pour permettre leur réinsertion professionnelle.

Face à cette spirale il faut souligner et saluer le courage des demandeurs d’emploi, qui ne se résignent pas, ne baissent pas les bras pour s’extirper d’une situation dont ils sont victimes et sûrement pas coupables. N’est-ce pourtant pas ce que certains sous-entendent lorsqu’ils font de la dégressivité des allocations l’alpha et l’oméga de leur politique de lutte contre le chômage ? Je ne crois pas qu’on lutte efficacement contre le chômage en agissant contre les chômeurs.

Pour lutter efficacement contre le chômage en général, et le chômage de longue durée spécifiquement, je ne connais pas de meilleure réponse que la qualification.

Savez-vous que 2 millions de demandeurs d’emploi ont un niveau inférieur ou égal au bac ? Pour ceux-là, la meilleure réponse n’est-elle pas le plan 500.000 formations supplémentaires, mis en œuvre depuis mars et qui constitue un effort de l’Etat inédit ? Une révolution quantitative et qualitative avec 1 milliard d’euros sur la table - du jamais vu ! - pour financer 1 million de formations en 12 mois ; les demandeurs d’emploi de longue durée en sont bien évidemment parmi les bénéficiaires.

Quand nous créons des emplois aidés, et que cela bénéficie pour 70% à des chômeurs de longue durée, nous agissons également. Quand nous créons des places sur l’IAE en inscrivant plus de 20 millions d’euros supplémentaires au budget 2017, nous agissons également, en permettant 15000 nouvelles embauches l’année prochaine.

Que proposent ceux qui n’ont d’autre horizon que de supprimer ces emplois aidés alors qu’ils remettent le pied à l’étrier à des centaines de milliers de personnes en difficultés d’insertion professionnelle ?

C’est aussi pourquoi le plan « Nouvelles solutions face au chômage de longue durée » propose depuis février 2015 une approche globale, combinant tout à la fois un meilleur repérage des risques, un recours plus systématique à l’accompagnement intensif et un accès renforcé à la formation.

Le plan aborde également le traitement de ce que l’on appelle les freins périphériques d’accès à l’emploi, comme la garde d’enfants ou la garantie locative.

Et ce plan a également permis la création de ce qui nous réunit aujourd’hui : l’Accélérateur d’innovation sociale.

Nous n’avons pas confié cet outil à l’Ansa par hasard. Cette agence est depuis de nombreuses années au cœur des initiatives et des expérimentations portant sur l’accès à l’emploi et la lutte contre l’exclusion. En oeuvrant au service des plus démunis, votre agence œuvre au service de l’intérêt général et de la cohésion nationale. Vos équipes peuvent en être fières et doivent en être chaleureusement remerciées.

Le premier travail que vous avez réalisé dans le cadre de l’Accélérateur a d’ailleurs été des plus précieux, autour de l’expérimentation« territoire zéro chômeur », projet porté par ATD Quart Monde avec Emmaüs France, Secours Catholique et Pacte Civique..

Cette expérimentation démontre qu’il est possible, à l’échelle locale, sans surcoût pour la collectivité, d’employer des chômeurs de longue durée, en CDI,
dans des entreprises relevant du secteur de l’économie sociale et solidaire en répondant pleinement aux besoins d’un territoire (de ses habitants, entreprises, institutions).

Cette expérimentation était initialement limitée à 5 territoires et n’était pas financée. Suite à l’action des associations, aux travaux de l’Accélérateur et du Conseil économique, social et environnemental, et à grâce à la proposition de loi du député Laurent Grandguillaume, votée à l’unanimité et que nous avons soutenue dès le départ sans la moindre réserve, ce sont au final 10 territoires qui vont se lancer dans cette expérimentation, au bénéfice de près de 2000 chômeurs de longue durée.

L’engagement de l’État est là et bien là, pour 5 ans, avec 15 millions d’euros dès 2017. Et, si elle est concluante, cette expérimentation pourra demain être ouverte à tous les territoires volontaires.

Au-delà de cette initiative particulière, les projets associatifs nombreux, innovants et riches que l’Accélérateur accompagne aujourd’hui ont valeur d’exemplarité. Ils illustrent très concrètement, par la mise en mouvement des acteurs, qu’il est possible de faire plus, plus vite, à condition d’additionner nos énergies, nos moyens, nos expertises.

Cette mobilisation collective fait écho à la transversalité qui se retrouve dans la gouvernance de l’Accélérateur aujourd’hui avec le ministère de la cohésion sociale, le CGET, Pôle emploi, le COPANEF, le Fonds paritaire de Sécurisation des Parcours Professionnels, Pro BTB, AG2R La Mondiale, et l’attention de Régions de France et de l’ADF. Cette transversalité ne suffit pas, mais sans elle point de succès.

Vous le savez autant que moi, aucun triomphalisme ne pourra être de mise en matière d’emploi tant que le nombre de demandeurs d’emploi - et notamment celui des demandeurs d’emploi de longue durée - n’aura pas très nettement et durablement reculé.

Alors, l’enjeu quel est-il ? Après avoir cherché, expérimenté, testé, évalué, il est – je le dis de façon très simple - de passer du stade artisanal au stade industriel. Ce qui marche bien, lorsque c’est possible, doit absolument être étendu et démultiplié. Au service de nos concitoyens les plus fragiles, il nous faut désormais combiner qualité et quantité. Et c’est tous ensemble que nous obtiendrons des résultats.

Je vous en remercie.

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