Discours de Myriam El Khomri du Conseil national des missions locales

Monsieur le Président, cher Jean-Paul Dupré,

Mesdames et Messieurs,

Je vous remercie de m’avoir invitée à ouvrir cette séance plénière du Conseil national des missions locales. Mon enthousiasme est sincère et illustre l’attachement que je porte aux missions locales, dont je connais et dont j’admire le travail depuis de nombreuses années, en tant qu’élue de terrain à Paris d’abord, sur la protection de l’enfance et la prévention spécialisée, puis Secrétaire d’Etat à la Ville et aujourd’hui en tant que Ministre de tutelle.

Je sais combien les missions locales et leurs équipes dévouées sur le terrain participent de politiques publiques exigeantes en faveur de l’autonomie des jeunes.

Je tiens, en premier lieu, à saluer l’action de tous les présidents qui se sont succédé à la tête du CNML : Michel Berson, Robert Galley, Michel Destot, que je salue, puis Françoise de Veyrinas et enfin Bernard Perrut, que je salue également, vous, cher Jean-Paul Dupré, depuis 2013. J’en profite ici pour saluer également tous les élus, tous les présidents et administrateurs de missions locales présentes.

Le CNML a mené, durant près de trente ans, une action résolue pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes dont je voudrais rappeler quelques moments importants. Le Conseil national des missions locales a été institué par la loi du 19 décembre 1989, relative au retour à l’emploi et à la lutte contre l’exclusion professionnelle, afin de réunir auprès du premier ministre les représentants des ministres concernés et des élus locaux.

Cette loi donnait une base législative à l’action des missions locales, qui avaient été fondées, à titre expérimental, en 1982. Dès sa création, le CNML fut chargé de développer une politique d’animation et d’évaluation du réseau.

Plusieurs dates importantes ont marqué son histoire et celle des missions locales :

  • en 1990, les Assises nationales des missions locales, à Auxerre, en présence du Président de la République, François Mitterrand,
  • en 2000, 2005 puis en 2010, les protocoles nationaux signés entre le président du CNML, l’Etat, et les collectivités.
  • en 2004, l’inscription des missions locales dans le code du travail, reconnaissant leur rôle dans les politiques de l’emploi, puis la mise en place du CIVIS en 2008,
  • en 2012, le lancement des emplois d’avenir, et le lancement de la Garantie Jeunes en 2013.

Je tiens, en particulier, à souligner le rôle que le CNML a eu dans deux domaines :

  • la diffusion de l’innovation et des bonnes pratiques, tout d’abord,
  • le renforcement du lien entre les entreprises et les missions locales ensuite.
    Bertrand Schwartz l’appelait déjà de ses vœux dans son rapport fondateur, en 1981.

Je sais que le CNML a constamment veillé à favoriser le lien entre les entreprises et les missions locales : les conventions d’engagement entre les grands opérateurs économiques et les missions locales, en 2009, était un excellent exemple de la façon dont les entreprises peuvent assumer leur responsabilité sociale. La convention pour l’emploi des jeunes avec Enedis (ex-ERDF) que vous avez signée le 1er juin, au nom du CNML, cher Jean-Paul Dupré, en témoigne encore, tout comme l’action que vous menez au sein du Club Jeunes Entreprise. Je sais que vous continuerez de mener également cette action résolue au sein de l’association régionale des missions locales d’Occitanie dont vous avez récemment été élu président.

Aujourd’hui, le gouvernement a souhaité faire évoluer et simplifier la gouvernance des politiques de jeunesse afin que la voix des jeunes, notamment des organisations de jeunesse, et de ceux qui les accompagnent, et en premier lieu les missions locales, soit mieux entendue.

Je sais que ce projet d’évolution de la gouvernance a suscité des inquiétudes, en particulier sur la place que prend l’Etat dans l’évolution du réseau. Je voudrais vous dire qu’en tant qu’élue locale, je suis profondément attachée à l’inscription des missions locales dans leur environnement.

Je sais qu’elles sont efficaces parce qu’elles connaissent leur partenaires locaux, parce qu’elles connaissent les entreprises de leur territoire, et parce que les présidents, qui sont des élus, et ont la capacité de porter des projets.

J’ai entendu les inquiétudes que les partenaires sociaux ont manifestées lors du CNEFOP et je crois qu’il faut poursuivre le dialogue avec vous parce que je pense que cette gouvernance peut être simplifiée et renforcée au profit de tous. Aujourd’hui, il est temps que le réseau soit mieux reconnu dans l’action qu’il mène pour porter les politiques publiques.

La parole des jeunes doit être également mieux entendue : c’est assurément un gage d’efficacité que d’associer plus étroitement les jeunes aux prises de décision, au sein du conseil d’orientation des politiques de jeunesse.
Le Conseil d’orientation des politiques de jeunesse se substituera donc au Conseil national de l’éducation populaire et de la jeunesse, au Conseil national de la jeunesse et au Conseil national des missions locales.
Placé auprès du premier ministre, il aura notamment pour responsabilité d’examiner la clause d’impact jeunesse, réclamée depuis longtemps par les organisations de jeunesse et enfin inscrite dans la loi. N’est-ce pas une façon concrète, rigoureuse, opérationnelle, d’inscrire la jeunesse comme une priorité de l’action publique ?

Constitué de représentants de l’Etat, des collectivités territoriales, des organisations de jeunesse et des partenaires sociaux, le conseil d’orientation des politiques de jeunesse pourra donc se prononcer sur les incidences de chaque projet de loi, de chaque texte réglementaire, sur les 16-25 ans. Il pourra également formuler des propositions, en particulier sur la mise en place du plan d’ensemble ambitieux qui a été annoncé le 11 avril par le Premier ministre.

Le délégué ministériel aux missions locales sera rattaché au secrétariat général des ministères sociaux afin de favoriser le caractère interministériel de son action – c’est la clé de son efficacité -, en particulier avec le Ministère du Travail et de l’Emploi, le Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et le Ministère des Affaires Sociales et de la Santé.

Il aura pour mission de faire vivre, en lien avec le réseau, le cadre national d’animation des missions locales et de favoriser la mise en place de conférences des financeurs, avec les collectivités, afin de permettre aux missions locales de disposer de moyens stables, cohérents avec les missions qui leur sont confiées, et d’objectifs clairs et partagés, que ce soit au niveau national ou régional.

J’attends également de lui qu’il prenne toute sa part dans la gouvernance du système d’information des missions locales et qu’il me fasse des propositions pour la simplifier.

En dehors de la constitution du conseil d’orientation lui-même, je veux retenir deux mesures au sein de ce plan très ambitieux :

  • La création de l’aide à la recherche du premier emploi, qui a été mise en place dès cette rentrée,
  • L’extension de la Garantie Jeunes, qui sera proposée à partir du 1er janvier 2017 à tous les jeunes qui en remplissent les conditions sur l’ensemble du territoire national.
    La première évaluation de la Garantie Jeunes par le comité scientifique présidé par le professeur Jérôme Gautié montre que la Garantie Jeunes est un dispositif performant : l’accompagnement intensif et individualisé des jeunes peut être très efficace, s’il s’accompagne d’une pluralité d’expériences d’emploi le plus tôt possible. Les premiers résultats montrent que les jeunes bénéficiaires font bien partie des plus précaires, notamment par rapport au logement. En ce sens, il n’y a aucune opposition entre la lutte contre la pauvreté et l’accompagnement vers l’emploi : c’est bien parce qu’une allocation leur permet de vivre sans avoir à se préoccuper chaque jour de leur devenir que ces jeunes peuvent envisager et se construire un avenir, avec l’appui des professionnels des missions locales.

Je sais que la charge administrative de ce dispositif est très lourde. Aussi, tout en gardant les caractéristiques essentielles qui ont fait son succès, je souhaite que toutes les mesures de simplification soient prises au plus vite, afin de faciliter le travail des conseillers et de leur permettre de concentrer leur énergie sur le suivi et l’accompagnement des jeunes, et ce, sans attendre la généralisation au 1er janvier 2017.

Je pense par exemple au travail des commissions, qui peut être allégé, à l’automatisation de l’accord de la CMU-C pour les bénéficiaires, à la possibilité de commencer un accompagnement même si l’ensemble des pièces ne sont pas réunies.

Je travaille avec la commission européenne pour que l’initiative sur l’emploi des jeunes soit prolongée et que les exigences administratives soient allégées.

Le rapport sur le modèle économique des missions locales, dont j’attends les conclusions pour le 15 octobre, permettra de stabiliser et de conforter votre modèle économique. J’associerai, bien entendu, le délégué ministériel aux missions locales, le réseau et les présidents d’associations régionales à la réflexion qui sera menée sur la base des conclusions de ce rapport. Mais dès maintenant, je souhaite vous dire que le financement par l’Etat du budget des missions locales augmentera en 2017, signe que notre promesse de faire de la jeunesse une priorité est tenue.

Autorisez-moi à voir dans ces deux mesures deux indices, deux preuves même d’une promesse à la jeunesse qui a bien été tenue, en dépit de certains procès en trahison qui nous sont faits sans fondement. Car pour s’adresser à cette jeunesse, il y a les discours et les actes. Et nous posons bien ici des actes. Après les emplois d’avenir et les contrats de génération, après la réforme du statut des stagiaires, après l’élargissement de la prime d’activité aux apprentis et aux étudiants de plus de 18 ans, après la baisse, enfin, du chômage des jeunes.
Le vote de la loi Travail a permis de prendre d’autres dispositions qui, je le crois profondément, bénéficieront aux jeunes sans qualification et faciliteront leur insertion professionnelle :

  • La validation des acquis de l’expérience est simplifiée et la durée d’expérience ramenée de trois ans à une année,
  • La création du compte personnel d’activité et la majoration du compte personnel de formations pour les personnes non qualifiées. Le droit universel à la formation, le droit universel à la seconde chance pour les décrocheurs, le droit universel à la garantie jeunes : autant d’avancées inédites et concrètes. Autant d’avancées pour aider chacun à garder la maîtrise de son parcours. Je plains ceux qui souhaiteraient un jour remettre en cause de telles avancées.

Nous allons mener également, nous nous en étions engagés au mois d’avril dernier, une concertation en faveur de l’insertion professionnelle des jeunes, avec les partenaires sociaux et les organisations de jeunesse, afin de poser un diagnostic partagé sur les difficultés rencontrées dans l’accès à un premier emploi durable et de qualité. J’aimerais vous associer, cher Jean-Paul Dupré, à cette concertation importante, car je crois que votre expérience à la tête d’une mission locale, d’une association régionale, et du CNML, nous sera utile.

La conclusion de ces travaux permettra d’aboutir à un document d’orientation qui pourra servir de base à une négociation nationale interprofessionnelle, sur ce sujet dès la fin de l’année.

Je sais que vous allez prononcer un hommage à Bertrand Schwartz, qui nous a quittés le 30 juillet, et je voudrais moi aussi rendre hommage à son engagement sans faille pour l’éducation permanente et pour l’insertion des jeunes, mais aussi à son désir d’être toujours un contemporain de son époque, de dialoguer avec son temps, de se mettre à son épreuve.

Je me retrouve dans son souhait de « moderniser sans exclure », pour reprendre le titre d’un de ses ouvrages, dans son souhait de permettre aux jeunes de faire des aller-retours entre l’expérience du travail et des apprentissage plus formels, de promouvoir l’alternance, de faire des entreprises des partenaires de la qualification des jeunes, de leur permettre de valider et de capitaliser leur acquis.

Son souci de faire avec les jeunes et pas seulement pour eux doit encore nous inspirer. Ces quelques phrases, extraites du rapport qu’il avait remis à Pierre Mauroy, ne peuvent nous laisser indifférents : «  Rien ne se fera sans les jeunes. [Toute politique] ne peut être entreprise et menée à bien qu’avec ceux à qui elle s’adresse. C’est à eux qu’il revient de donner à l’ensemble des forces sociales concernées des raisons de s’acharner à construire de nouvelles voies. »

Ce sera le rôle du futur Conseil d’orientation des politiques de jeunesse : je serai heureuse de réfléchir avec vous sur la façon dont cette association des jeunes aux politiques qui les concernent pourrait être promue à tous les niveaux, et en particulier au sein des missions locales.

Je sais que le futur délégué ministériel aux missions locales, Jean-Marc Seijo-Lopez, partage cette ambition, et qu’il aura toujours une attention pour la participation des jeunes aux politiques qui les concernent.

Je vous remercie.