Discours de Myriam El Khomri - Commission Nationale de la Négociation Collective - Lundi 19 décembre 2016

Mesdames et Messieurs les représentants des organisations syndicales et professionnelles,

Je tiens tout d’abord à vous remercier toutes et tous pour votre présence ce matin : l’enjeu est d’importance puisqu’il nous revient d’échanger aujourd’hui sur le montant du Smic horaire qui a été retenu pour l’année.

Avant d’en venir précisément à ce sujet, je souhaite que l’on puisse resituer le contexte économique dans lequel nous nous trouvons et surtout partager avec vous les perspectives pour l’année à venir.

Je laisse ainsi la parole à Michel Houdebine, chef économiste de la Direction générale du Trésor.

Intervention de Michel Houdebine

Je vous remercie pour votre présentation, claire et précise. Et je me permets de la compléter car, je le crois, dans le contexte que vous avez parfaitement décrit, nous disposons de signes vraiment encourageants :
 depuis 6 trimestres consécutifs l’emploi salarié se redresse : 237 000 créations nettes d’emplois ont été enregistrées dans le seul secteur marchand et même 280 000 si on inclut le secteur non marchand ; cela ne s’était pas vu depuis début 2008 ;

 grâce à ces créations d’emplois, le nombre de demandeurs d’emploi sans activité a déjà reculé de plus de 100 000 depuis le début de l’année et notre taux de chômage, même s’il reste encore trop élevé, a reculé de 0,5 point en un an.

Les perspectives sont favorables mais, comme l’a dit Michel Houdebine, elles restent soumises à de nombreux aléas (prix du pétrole, taux de change, taux d’intérêt). La baisse du chômage se poursuivra en 2017 d’après les prévisions de l’Insee mais je conviens qu’elle reste lente (de 10 % au 3ème trimestre 2016 à 9,8 % à la fin du 2ème trimestre 2017).

Nous devons donc accompagner encore ce mouvement de reprise afin de stimuler la création d’emplois et faire reculer durablement et massivement le chômage. C’est mon objectif, c’est aussi la priorité de ce Gouvernement, le Premier ministre l’a rappelé la semaine dernière.

Vous le savez, la règle de revalorisation du Smic a été modernisée en 2013, conformément aux engagements pris lors de la conférence sociale de juillet 2012.

Les critères qui s’appliquent sont désormais plus justes, notamment parce qu’ils prennent mieux en compte le poids des dépenses contraintes, le loyer ou l’énergie en particulier, qui pèsent relativement plus sur le budget des ménages modestes et parce qu’ils permettent de garantir le pouvoir d’achat des salariés les moins qualifiés.

La revalorisation annuelle du Smic est donc conditionnée par deux paramètres :
 l’évolution annuelle de l’indice des prix (hors tabac) des 20% de ménages les plus modestes ;
 et la moitié de l’évolution annuelle du pouvoir d’achat du Salaire horaire de base ouvrier et employé (SHBOE).

Au regard de ces éléments, l’application de la revalorisation légale fait que le Smic sera de 9,76 €par heure travaillée à compter du 1er janvier 2017, soit une hausse de 0,93 %.

Sur la base de la durée légale du travail de 35 heures hebdomadaires, le montant mensuel du Smic atteindra 1 480 €bruts (1 153€net).

La progression du pouvoir d’achat des ménages demeure l’une de nos priorités  ; elle est d’autant plus importante que la consommation des ménages est l’un des principaux moteurs de notre croissance. Concernant le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes, il en va en outre d’un objectif de justice sociale.

Pour autant, nous considérons qu’un « coup de pouce » au Smic n’est pas la meilleure solution pour améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Pourquoi ? Tout simplement parce que l’impôt et le montant des prestations sociales dépendent des revenus perçus. Dès lors, une hausse de revenu brut est partiellement et mécaniquement contrebalancée par une hausse des prélèvements obligatoires et une baisse des prestations sociales.

Pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages et réduire les inégalités, nous privilégions donc quatre autres leviers : le premier levier, c’est la négociation salariale dans les branches et les entreprises.

Le travail en cours sur la réforme des branches professionnelles, de même que les nouvelles règles de dialogue social sur les négociations annuelles obligatoires (loi d’août 2015) permettront de rendre plus dynamique cette négociation sur les salaires et les parcours professionnels.

Ce travail de facilitation, nous l’avons déjà en partie réalisé. Mais les entreprises et surtout les branches doivent s’en saisir.

Au 1er décembre 2016, parmi les 174 branches du secteur général couvrant plus de 5 000 salariés :
 152 branches (soit près de 9 branches sur 10), représentant plus de 9 millions de salariés, disposent d’une grille de salaires intégralement conforme au Smic ;
 mais il reste 22 branches pour lesquelles la grille comporte au moins un coefficient inférieur au Smic. Elles couvrent environ 2 millions de salariés (dont 1 million pour les deux branches des bureaux d’études techniques et de l’hospitalisation privée).

Sur les 22 branches concernées, 7 étaient déjà dans cette situation en fin d’année 2015.

Parmi elles, 3 branches n’ont pas revalorisé leur grille de minima depuis 2014, et 1 depuis 2012.

Cette situation n’est pas acceptable. Aussi, je réunirai dès le mois de janvier les représentants de ces branches afin que des négociations s’ouvrent très rapidement et puissent aboutir à une actualisation de leur grille salariale au regard du niveau du Smic pour l’année 2017.

Le deuxième levier pour améliorer le pouvoir d’achat, c’est la progression professionnelle des travailleurs et donc leur progression sur l’échelle des rémunérations. En facilitant l’accès à la formation, grâce au Compte personnel de formation (CPF) aujourd’hui et grâce au Compte personnel d’activité (CPA) demain, nous leur permettons d’évoluer dans leur parcours professionnel, d’améliorer leur qualification et leurs compétences et ainsi d’être mieux rémunérés.

le troisième levier pour augmenter le pouvoir d’achat, c’est la baisse de la fiscalité  : la baisse de l’impôt sur le revenu engagée depuis 2014 se poursuivra dès janvier 2017 pour un montant supplémentaire de 1 Md€

Au total, les baisses d’impôt sur le revenu décidées par le Gouvernement depuis 2014 atteindront 6 Mds€pour les ménages aux revenus modestes.

C’est une mesure de justice sociale que d’assurer une redistribution des richesses par l’impôt.

Dès janvier, cette baisse de l’impôt sur le revenu prendra la forme d’une réduction allant jusqu’à 20 % du montant des mensualités à payer. Elle concernera tous les célibataires ayant un salaire inférieur à 1 700 €net par mois, ce seuil étant doublé pour les couples et majoré en fonction des charges de famille (4 800 euros pour un couple avec trois enfants).

Cette baisse supplémentaire bénéficiera à plus de 5 millions de foyers fiscaux, qui auront un gain moyen de près de 200 euros/an.

Enfin et surtout, le quatrième levier pour augmenter le pouvoir d’achat des ménages, c’est la Prime d’activité mise en œuvre depuis bientôt 1 an.

La Prime d’activité valorise et accompagne la reprise d’emploi en soutenant le pouvoir d’achat de tous les travailleurs qui gagnent moins de 1 500 euros par mois (pour un célibataire).

Près de 3,7 millions de foyers en ont déjà bénéficié en 2016.

Elle constitue un soutien très important au pouvoir d’achat des ménages modestes puisque le montant moyen versé s’élève à 165 €par mois, soit plus de 15 % du revenu d’activité mensuel moyen des bénéficiaires : il ne s’agit pas là d’un simple « coup de pouce » mais d’un soutien ambitieux au pouvoir d’achat des ménages modestes :

 la Prime d’activité c’est plus de 130€par mois pour un célibataire au Smic, soit un gain de 12 % et plus qu’un 13ème mois pour ses bénéficiaires, net d’impôt  ;
 la Prime d’activité c’est environ 300 €par mois pour un parent isolé au Smic, soit un « coup de pouce » de 25 %. Ce chiffre me semble résumer à lui seul l’ambition sociale de ce gouvernement et couper court aux procès en trahison : quel gouvernement aura fait autant, dans un contexte économique des plus difficiles, pour les plus modestes ?

Ce progrès est d’autant plus important que la Prime d’activité bénéficie d’un taux de recours qui dépasse désormais les 60 %, soit près de deux fois plus que le taux enregistré pour le RSA activité.

En particulier :
 Près d’un quart des bénéficiaires de la Prime d’activité sont des familles monoparentales (principalement des mères isolées) qui font plus fréquemment face à des situations de pauvreté ;
 près de 1 bénéficiaire sur 5 de la Prime d’activité a moins de 25 ans, soit environ 500 000 personnes qui étaient auparavant quasiment exclus du RSA (seuls 8 000 jeunes de 18-25 ans bénéficiaient auparavant du « RSA jeunes »).

Quels sont les résultats de cette politique et des leviers que nous avons mobilisés ?

La part des salariés concernés par la progression du Smic a diminué de près de 2 point depuis fin 2012 (de 12,3 % à 10,5 %). J’ouvre ici une parenthèse : Eurostat a publié la semaine dernière une étude très éclairante, que je vous invite à lire, à partager et à promouvoir. La France connaît une proportion de bas salaires, deux fois inférieure à la moyenne européenne et de 2 à 3 fois moindre que la proportion de bas salaires observées en Allemagne et en Angleterre. Ceci devrait relativiser les arguments des fanatiques du french bashing…

En outre, en 2015, le pouvoir d’achat a connu sa plus forte progression depuis 2009 (+1,6 %) et cette hausse devrait se poursuivre en 2016 (+1,8 % selon la dernière note de conjoncture de l’Insee) et 2017.

Pour autant, le Gouvernement reste mobilisé en faveur des plus modestes. J’ai conscience de ce que veut dire une fin de mois difficile pour une famille, pour les couples ou les parents isolés, surtout à quelques jours des traditionnelles fêtes de fin d’année.

C’est pour cela que ma mobilisation pour l’emploi, la lutte contre le chômage et la redistribution des revenus demeurera intacte jusqu’au bout.

Je vous remercie.