Discours de Muriel Pénicaud lors de la présentation de la feuille de route sur l’apprentissage, la formation professionnelle et l’assurance chômage

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre, mesdames et messieurs,

Comme le Premier ministre vient de le dire, nous entrons dans la deuxième phase de la rénovation de notre modèle social, qui nous conduira à transformer la formation professionnelle, à refonder le système de l’apprentissage et à adapter l’assurance chômage de notre pays.

Ces transformations ont deux maîtres mots, comme l’avaient les ordonnances : protéger et libérer.

Nous voulons transformer notre modèle social pour lui redonner sa valeur protectrice, qu’il a perdu au fil du temps :
  protéger tous nos concitoyens contre le chômage, par un effort sans précédent de formation des demandeurs d’emploi pour leur donner la qualification qui leur donnera un métier et un emploi dans un contexte où la meilleure et la première protection contre le chômage est la compétence, et le premier levier pour la compétence, c’est la formation ;
  protéger plus particulièrement les jeunes contre un chômage qui les touche davantage, en orientant les formations sur les besoins en compétence des entreprises, en mettant les entreprises en situation de proposer beaucoup plus de places en apprentissage ;
  protéger les salariés sur le marché du travail et dans les entreprises, en leur donnant, par la formation, les moyens de tirer toutes les opportunités des évolutions technologiques massives en cours, et non de les subir comme trop souvent aujourd’hui ;
  protéger les salariés contre la précarité, en incitant les entreprises à rallonger la durée des contrats de travail et à embaucher en CDI.

Nous voulons aussi transformer notre modèle social pour libérer :
  libérer la formation dans les entreprises, pour leur permettre de mieux et plus former leurs salariés, pour gagner en compétitivité et trouver toute leur place dans la mondialisation ;
  libérer l’apprentissage des réglementations administratives qui brident l’offre de formation, pour former plus de jeunes en alternance ;
  libérer les salariés de la complexité du système de formation professionnelle, pour leur permettre, de façon autonome, indépendante, de construire leur parcours professionnel, grâce aux outils du numérique, d’être acteur et non pas simplement sujet de la formation ;
  libérer enfin la capacité d’initiative de chaque salarié, créer de la liberté professionnelle, en sécurisant les transitions professionnelles subies ou choisies, par de nouveaux droits à l’assurance chômage et à la formation.

Les transformations de la formation professionnelle, de l’apprentissage et de l’assurance chômage forment un tout cohérent qui, en libérant l’énergie de tous et en protégeant chacun, doit créer davantage d’opportunités pour les demandeurs d’emploi, les salariés et les entreprises, pour permettre à chacun de se mettre ou se remettre en mouvement, de créer de la valeur, de choisir sa vie professionnelle.

Dans les dix années qui viennent, et l’évolution est déjà en cours, plus d’un métier sur deux sera profondément transformé, un métier sur cinq n’existera plus et plus d’un métier sur cinq sera nouveau, inconnu aujourd’hui.

C’est un défi immense, immense pour les entreprises, qui doivent se transformer pour ne pas disparaître, immense pour les actifs, qui doivent se former pour trouver leur place sur le marché du travail.

Cette évolution est inévitable : c’est un fait, un fait têtu et incontestable, qu’on observe dans l’ensemble des pays de l’OCDE. Nous pouvons la voir comme un risque et la subir, ce qui conduira au déclin économique et au chômage de masse. Mais nous pouvons aussi la voir comme une opportunité, une opportunité pour notre pays et tous nos concitoyens de trouver leur place sur le marché du travail, une opportunité de nous adapter et de faire face, comme nous avons su le faire à d’autres moments de notre histoire.

1 – L’assurance chômage
Enfin, s’agissant de l’assurance chômage, nous démarrerons la concertation un peu plus tard, à la fin du mois de novembre, car nous voulons continuer de discuter des différents sujets avec les partenaires sociaux et lancer les deux premiers chantiers pour pouvoir ouvrir le troisième dans de bonnes conditions.

2 – Formation professionnelle
Notre capacité à transformer le système de formation professionnelle sera évidemment un facteur clé de notre succès.
D’ici quelques jours, j’enverrai aux partenaires sociaux un document d’orientation aux partenaires sociaux pour leur proposer de prendre toute leur part à cette transformer.

Nous devrons, ensemble, trouver les moyens de réaliser quatre objectifs :
  donner à chaque salarié les moyens de construire son parcours professionnel, grâce à un compte personnel de formation renforcé et rendu facile d’accès par les progrès technologiques ;
  offrir aux demandeurs d’emploi beaucoup plus d’opportunités de formation débouchant sur un emploi, en leur donnant accès à une formation qualifiante mieux fléchée sur les besoins en compétences des entreprises ;
  permettre aux entreprises de mieux et davantage former leurs salariés, pour renforcer leur compétitivité, leur permettre d’être plus innovantes, de s’adapter aux transformations technologiques ;
  garantir la qualité de l’offre de formation par un système de certification opérationnel et transparent.

Parallèlement à la négociation, si les partenaires sociaux choisissent de s’en saisir, nous conduirons une concertation avec les régions qui ont évidemment un rôle imminent à jouer dans la formation des demandeurs d’emploi et doivent avoir toute leur place dans la mise en place du plan d’investissement compétences.

3 – L’apprentissage
Mais il nous faut aussi refonder notre système d’apprentissage.

La concertation démarrera le 10 novembre, et elle devra nous éclairer sur les voies et moyens de remettre le système à l’endroit, c’est-à-dire de placer les entreprises en situation de proposer beaucoup plus de places en apprentissage aux jeunes de notre pays. Il faudra travailler sur :
  l’orientation : nous devons dire la vérité aux familles et aux jeunes sur les débouchés des formations proposées, nous devons permettre à chacun de choisir son orientation de façon documentée et réfléchie ;
  la construction des diplômes : nous devons réussir à mieux faire travailler ensemble l’Etat et les partenaires sociaux, pour que les diplômes soient plus dynamiques, se créent et se rénovent plus vite et anticipent mieux les évolutions des compétences professionnelles ;
  la carte des formations et le financement de l’apprentissage : nous devons avoir un système plus réactif, plus opérationnel que celui d’aujourd’hui ;
  le statut de l’apprenti et son accompagnement : la valorisation de l’apprentissage passe aussi par là et nous devrons être inventifs et responsables sur ce sujet.

A l’issue de l’ensemble de cette phase de concertation et de négociation sur les trois sujets, je présenterai un projet de loi visant à la création de nouvelles libertés et nouvelles protections professionnelles, qui sera déposé au début du printemps 2018 sur le bureau de l’Assemblée nationale.

Nous souhaitons qu’il soit définitivement voté par le parlement avant la fin de l’été 2018.