Initiative mondiale en faveur de la protection sociale pour tous : renforcer la résilience de nos sociétés face aux crises

Selon les chiffres de l’Organisation internationale du travail (OIT), 55 % de la population mondiale n’a aujourd’hui accès à aucune forme quelconque de protection sociale, et seulement 27 % bénéficie d’une protection complète, allant des allocations familiales et d’un congé maternité à une pension de vieillesse, et incluant des revenus de remplacement en cas de perte d’activité, et d’une assurance en cas de maladie ou d’invalidité. Les travailleurs et travailleuses de l’économie informelle ou dans des emplois précaires — 1,6 milliards et 400 millions de travailleurs et travailleuses respectivement, représentant ensemble 61 % de la main d’œuvre à l’échelle mondiale — sont particulièrement concernés. Or, même après la crise du Covid-19, les besoins de financement supplémentaires pour permettre à l’ensemble des États à faibles revenus de garantir à toute leur population des socles de protection sociale sont de l’ordre de 80 milliards USD.

Ces 22 et 23 septembre, la Déléguée du gouvernement français auprès de l’OIT et le Rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits de l’Homme ont co-organisé une réunion d’experts de haut niveau sur l’idée d’un fonds mondial pour la protection sociale. 15 agences internationales, une dizaine de gouvernements et la Commission européenne, les partenaires sociaux internationaux et des organisations de la société civile, ainsi que des experts de tous les continents, ont pris part aux discussions.

Cette démarche veut tirer les leçons de la crise économique et sociale dramatique qu’entraîne la pandémie du Covid-19 : celle-ci a pris beaucoup d’États au dépourvu, et les systèmes de transferts monétaires improvisés dans l’urgence ont montré leurs limites. Alors que la crise pourrait, selon l’OIT, causer la destruction de plus de 400 millions d’emplois au niveau mondial, l’augmentation des inégalités et du taux de pauvreté qu’elle entraine alimentent également le risque d’une montée des tensions politiques entre les pays et en leur sein.

En ouvrant la réunion de haut niveau avec Mme Michelle Bachelet, la Haute Commissaire aux Droits de l’Homme de l’ONU, Mme Elisabeth Borne, Ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion au sein du gouvernement français, a noté que la crise "a mis au jour des défis structurels. Elle nous oblige à penser le long terme et à renforcer la résilience de nos sociétés face aux chocs à venir. La protection sociale a un rôle crucial à jouer à cet égard. Elle est essentielle afin de réduire les inégalités, de renforcer la cohésion sociale et de protéger les plus vulnérables. Elle joue aussi un rôle stabilisateur dans la crise en protégeant les revenus, les emplois et les compétences, améliorant la productivité et promouvant une croissance durable et inclusive".

Cette initiative mondiale pour la protection sociale pourrait servir trois objectifs : renforcer la mobilisation en faveur de l’universalisation de socles de protection sociale et la coordination entre les acteurs concernés, et notamment les institutions financières internationales ; encourager l’allocation de financements supplémentaires permettant aux pays à faibles revenus d’investir davantage dans la protection sociale ; et protéger les pays pauvres, à l’économie faiblement diversifiée, face au risque de chocs à venir, dans un monde de plus en plus incertain.

"80 milliards de dollars US par an pour s’assurer que les pays pauvres puissent mettre sur pied des socles complets de protection sociale, cela peut sembler beaucoup", a noté M. Olivier De Schutter, le Rapporteur spécial de l’ONU sur l’extrême pauvreté et les droits de l’homme. "En effet, cela représente 15,9% du PNB de ces pays, ce qui exige d’eux un effort important. Mais ce montant ne représente que la moitié du montant total de l’aide publique au développement des pays de l’OCDE, et 0,15% de la richesse produite annuellement par les pays riches. C’est donc abordable. Et il ne s’agit pas d’un coût : il s’agit d’un investissement pour le développement durable, avec des effets multiplicateurs considérables".

Les participants à la réunion, parmi lesquels figuraient le prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, le conseiller du secrétaire général de l’ONU sur les Objectifs de développement durable Jeffrey Sachs, ainsi que le directeur général de l’OIT Guy Ryder et le secrétaire général de l’OCDE José Angel Gurria, et le directeur général de l’Agence française pour le développement (AFD) Rémy Rioux, ont également souligné le rôle essentiel qu’une initiative mondiale pour la protection sociale pour tous pourrait jouer pour aider les pays pauvres à mobiliser davantage les ressources nationales — en luttant contre l’évasion fiscale et l’évitement de l’impôt, en renforçant les capacités des administrations fiscales et des systèmes nationaux de protection sociale, et en allant vers la formalisation de l’économie informelle.


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