Remise des cartes d’inspecteur du travail

Discours de François REBSAMEN

Monsieur le Conseiller d’Etat, Président du jury, Patrick Quinqueton
Mesdames et messieurs les directeurs,
Chers futurs inspecteurs du travail,
Merci, Yves Struillou, pour votre propos.

J’ai tenu à ce que cette cérémonie soit organisée ici pour montrer l’estime que je porte à l’inspection du travail.
Nous avons besoin de vous aujourd’hui, sur le travail comme sur l’emploi.

Je veux tout d’abord vous féliciter ! Au terme d’une formation exigeante et riche à l’INTEFP et en unité territoriale, Vous êtes désormais des inspecteurs du travail,.
Demain vous serez en prise avec la première préoccupation des Français : leur emploi, ou dans un sens plus large leur métier et le travail, conditions de son exercice.

Soyez conscients – et fiers – de cette grande responsabilité. Ainsi, dès votre prise de poste, vous serez titulaires de pouvoirs de décision ou pouvoir de relever des infractions par procès verbal, qui nécessitent de faire des choix parfois difficiles. Vous allez dire le droit dans la pratique quotidienne, vous montrez aptes à comprendre le raisonnement économique et à rappeler les responsabilités sociales des entreprises. Votre fonction est donc de contrôler autant que de conseiller des travailleurs et des employeurs pour que le droit du travail soit appliqué. Vous serez des conciliateurs. Surtout, vous porterez le dialogue social dans les entreprises.

Vous êtes une promotion particulière, la première à être affectée dans le cadre de la nouvelle organisation issue de la réforme du « ministère fort ». C’est à dire une promotion dont la formation a intégré au fur et à mesure les attentes de la réforme : un travail plus collectif dans les UT et les nouvelles unités régionales de contrôle, un nouveau rôle pour l’encadrement, l’éthique du fonctionnaire – qui n’est pas du tout la perte d’indépendance – et une expertise renforcée, tant les situations de travail devenues complexes. J’en profite pour remercier l’INTEFP, son directeur Bernard Bailbé, et toute son équipe.

Vous devenez donc inspecteur dans un moment de changement, changement de l’inspection du travail et révision des missions de l’Etat. Je n’ignore pas que la période transitoire nécessaire au plan de transformation d’emploi génère des perturbations, et suppose de la solidarité pour assurer la continuité du service public alors que beaucoup de collègues sont en formation. Je connais l’engagement fort des agents et je leur fais confiance pour trouver avec la hiérarchie les modalités pour faire face. Tous ces changements sont, je le crois, une opportunité pour vous. Vous le savez, nous devons faire évoluer nos services et notre action parce que la société change. Être fidèle à nos acquis et nos conquêtes, c’est savoir protéger les hommes et les femmes aujourd’hui au travail, et accompagner vers l’emploi celles et ceux qui en sont privés.

Sur le travail, d’abord

Face aux risques complexes que l’on voit émerger, un inspecteur seul ne peut pas grand-chose. C’est pourquoi le système d’inspection doit évoluer, sans perdre ses compétences de proximité. Cela veut dire :
- Renforcer nos compétences en transformant les postes d’agents de contrôle en postes d’inspecteurs. Nous avons commencé par une promotion de 130 contrôleurs. Ce plan de requalification que nous envient beaucoup d’administrations se poursuivra dans les prochaines années et ceci sur une durée de 7 ans. L’ordonnance sur l’inspection du travail prévu par le projet de loi « croissance » prévoira cette pérennisation. J’y suis très attentif.
- Modifier notre organisation pour la rendre plus collective et ciblée sur quelques priorités pour changer certaines pratiques des entreprises. C’est pour cela que nous créeons les unités de contrôle (qui conserveront l’approche territoriale et généraliste). Et c’est aussi pour cela que nous mettons en place les unités de contrôle régionales sur le travail illégal, les réseaux régionaux sur des risques professionnels, ou le groupe national de contrôle, d’appui et de veille. Derrière ces évolutions, il y a l’enjeu du travail illégal, notamment la multiplication des fraudes au détachement, de plus en plus complexes. Elles sapent notre modèle social et la compétitivité de nos entreprises par le dumping social. Elles mettent en concurrence déloyale les travailleurs de toute l’Europe. Nous ne pouvons pas l’accepter.
- Cette évolution de l’organisation sera complétée par de nouveaux pouvoirs pour les inspecteurs. Ceux-ci, en particulier l’instauration d’une procédure de sanction administrative, seront mis en place par une ordonnance, prévue dans le projet de loi « croissance », qui reprendra les dispositions de l’article 20 de loi relative à la formation professionnelle et à la démocratie sociale, adopté en séance à l’Assemblée nationale puis retiré du projet de loi. Je m’étais engagé à ce que cette réforme soit menée, elle le sera.
- En parallèle, le projet de loi « croissance » augmente les pouvoirs de l’inspection pour lutter contre les fraudes au détachement : augmentation très forte du plafond des amendes en cas de fraude au détachement ; possibilité de faire arrêter une activité en cas de non respect du noyau dur du droit du travail ou de conditions d’hébergement indignes ; généralisation de la carte professionnelle dans le bâtiment.

Vous serez donc des inspecteurs du travail dans un cadre collectif plus puissant et dotés de nouveaux pouvoirs sur les fraudes les plus complexes. La feuille de route, l’organisation visée et les priorités sont désormais claires. A vous de vous en saisir, d’exploiter chaque possibilité. De cela dépendra la « force » de ce ministère que je souhaite en effet plus fort. Je compte donc sur vous et sur votre encadrement à qui je réaffirme ma confiance.

Sur l’emploi, ensuite

Mais nombre d’entre vous sortent sur un poste « emploi ». De plus en plus l’emploi et la formation professionnelle viennent compléter le « travail ». En effet, nos services sont en première ligne sur le déploiement des politiques de l’emploi comme sur les PSE, suite à la loi de sécurisation de l’emploi qui a renforcé nettement notre rôle. Il ne s’agit plus seulement de gérer des mesures ou des règles mais bien d’accompagner les acteurs de l’entreprise.

Je réaffirme ici que nous sommes en charge de l’emploi et nous nous battons pour cela. Le service public de l’emploi doit être modernisé. Je lui assigne 3 missions :
- De concrétiser des opportunités de création d’emplois ;
- D’amener chacun vers l’emploi et dans un parcours d’insertion ;
- D’accompagner les restructurations afin de ne laisser personne « sur le carreau », comme l’on dit.

Concrétiser. Les services « Emploi » doivent travailler de façon plus collective au sein des Direccte, des pôles 3 E, pour renforcer les liens entre l’emploi et la création d’activité, c’est-à-dire le développement économique. Cela va du déploiement des dispositifs aidés à l’accompagnement des entreprises. Il faut aller pousser la porte des entreprises. Cela veut dire : connaître leurs attentes, y répondre quand on le peut, les orienter quand nous n’avons pas la réponse ; soutenir des initiatives d’accompagnement RH, etc. Chaque opportunité d’emploi doit être saisie !

Insérer. Mais face aux opportunités et besoins d’emploi, il faut des professionnels qualifiés et employables. C’est notre mission de permettre à tous de l’être. Or, les individus ne sont pas égaux, pas sur la même ligne de départ. Certains ont décroché, pour de multiples raisons. A l’autre bout, d’autres ont simplement besoin d’actualisation de leurs connaissances pour être toujours en pointe. Ce sont les champs de l’insertion et de la formation professionnelle. Nous voulons que l’Etat s’inscrive dans l’intervention d’une multitude d’acteurs et des financeurs comme la Région, les Départements, les partenaires sociaux mais aussi des opérateurs, depuis Pôle emploi jusqu’aux plus spécialisés. L’Etat doit prendre l’initiative, amener les uns et les autres autour de la table, devenir la plateforme des interventions. C’est une vision rénovée de nos missions, tournée vers l’employabilité, et inscrite dans le cadre de la loi du 5 mars.

Accompagner. Enfin, nous devons accompagner les nombreuses évolutions de l’emploi –En amont ou en aval. Je veux donc que les services de l’Etat anticipent davantage les aléas de la vie économique et accompagnent . les projets économiques susceptibles de transformer ou de créer des emplois.

Je suis convaincu que, par une organisation plus collective, nous serons plus efficaces.
Le ministère fort, ce n’est pas seulement une inspection du travail plus forte, ce sont aussi des parcours professionnels nouveaux pour les agents sur l’emploi et le travail, donc la possibilité pour vous d’avoir une carrière, appuyée sur une expertise plus large. Vous allez désormais participer aux réflexions en cours dans les Direccte pour penser et bâtir les services et les métiers de demain. Vous pourrez ainsi contribuer à leur construction et à leur modernisation. Je compte sur vous pour être acteurs du changement à l’intérieur de nos services, et pour que l’inspection du travail et les services de l’emploi soient pleinement porteurs des changements qu’attend la société française.

Je vous remercie.