Présentation du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi en séance

Intervention de Monsieur François REBSAMEN

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le Président,
Madame la Rapporteure,
Mesdames et Messieurs les sénateurs,

Je suis heureux d’être devant vous pour présenter le projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi. Ma collègue Marisol TOURAINE vous présentera la partie du projet portant sur la création de la prime d’activité. Je me concentrerai donc sur les autres parties du texte.

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Ce projet de loi répond donc à deux exigences : l’une démocratique, pour développer notre démocratie sociale ; l’autre d’efficacité économique, pour créer un cadre favorable à l’emploi.
Il comporte à mon sens de vrais progrès sociaux, tant pour les salariés que pour les employeurs.

1. Le premier progrès social est de revivifier et de rendre plus vivant le dialogue social.

« Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses représentants, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises », rappelle le Préambule de la Constitution de 1946. C’est ce qui fonde notre démocratie que de poser le principe de participation des salariés aux décisions qui touchent leur emploi, leurs conditions de travail, leur formation. C’est un principe de justice sociale. Les études prouvent qu’un dialogue social plus performant améliore considérablement la qualité de vie au travail des salariés.

Le dialogue social est aussi facteur d’efficacité économique. La coopération, l’engagement, le travail en équipe, l’amélioration des compétences : c’est ce qui fait la compétitivité d’une entreprise.
Voilà pourquoi j’ai proposé aux partenaires sociaux en juillet dernier de se saisir de la question de l’efficacité du dialogue social dans l’entreprise. Leurs discussions n’ont malheureusement pas permis de conclure un accord. Mais les acteurs ont affirmé la nécessité de moderniser le dialogue social et de nombreux points consensuels ont pu être dégagés dans les négociations.

Le gouvernement a donc légitimement repris la main. Et ce, en conservant la même logique : trouver un point d’équilibre entre les positions des représentants des salariés et des chefs d’entreprise. J’ai ainsi mené de nombreuses consultations avant de présenter un projet de loi d’équilibre. Celui-ci n’est pas l’accord qu’ils n’ont pas réussi à conclure, mais il respecte les acquis des négociations.

a) Pour renforcer le dialogue social, j’ai souhaité la mise en place d’une représentation universelle des salariés, qui soit adaptée à la taille des entreprises.

J’ai fait un constat simple : une grande partie des salariés des petites et moyennes entreprises est aujourd’hui exclue du dialogue social. J’ai voulu remédier à cette situation grâce à une grande avancée : offrir une représentation de qualité aux 4,6 millions de salariés des TPE. Les commissions paritaire régionales, composées à la fois d’employés et d’employeurs issus des TPE ont été pensées

comme des lieux de dialogue, de conseils et de médiation. Elles constituent de vraies instances d’échanges, utiles aux TPE de notre pays. C’est d’ailleurs une proposition qui émanait des organisations patronales dans la dernière ligne droite des négociations, pour la bonne raison d’ailleurs que des expériences réussies existent depuis des années.

Mon deuxième constat est que les institutions représentatives du personnel doivent être davantage adaptées aux spécificités des entreprises. Je viens de le proposer pour les TPE, je l’ai fait également avec la DUP élargie pour les entreprises jusqu’à 300 salariés. Et les entreprises de plus de 300 salariés pourront par accord majoritaire, c’est à dire, un accord conclu par les syndicats qui ont obtenu 50% des voix aux élections professionnelles, regrouper les instances.

b) Pour renforcer le dialogue social, j’ai ensuite souhaité prendre
des mesures pour inciter à l’engagement au coeur de l’entreprise.

Chacun fait le constat qu’en France, trop peu de personnes font le choix de l’engagement syndical. C’est pourtant un formidable moyen de participer à la vie de l’entreprise, d’exercer des responsabilités et de gagner en compétences. Il faut donc trouver le moyen de susciter des vocations. Comment ? En reconnaissant, en valorisant l’engagement de ceux qui font vivre le dialogue social dans l’entreprise.

L’engagement au service des autres salariés ne saurait être un frein à son parcours professionnel. Le projet de loi prévoit donc pour les personnes exerçant un « mandat lourd » une garantie de maintien de salaire, un entretien de fin de mandat pour mieux anticiper la suite de la carrière, et pour tous les titulaires de mandat, un système de valorisation des compétences acquises dans l’exercice de ces fonctions. Ces mesures inciteront par exemple les jeunes à faire le choix de l’engagement dans leur entreprise.

Favoriser l’engagement au sein de l’entreprise c’est aussi agir pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Je l’ai dit : la loi que je présente est une loi de progrès social. C’est vrai, et c’est aussi une loi de progrès pour les femmes. Faire progresser l’égalité professionnelle dans les entreprises, c’est l’une des priorités du gouvernement depuis 2012. La loi pose ainsi une exigence de représentation équilibrée, voire de parité, dans les institutions représentatives et les conseils d’administration grâce à plusieurs mesures : l’obligation d’une composition équilibrée des listes électorales lors des élections professionnelles, l’instauration de la parité pour les salariés dans les conseils d’administration et les commissions régionales paritaires. Voilà de grandes avancées, concrètes, pour une meilleure reconnaissance de la place des femmes dans les entreprises !

c) Pour renforcer le dialogue social, j’ai enfin souhaité le rendre plus vivant, plus performant, plus efficace, dans l’entreprise.

Je le disais, les consultations des partenaires sociaux ont permis de faire émerger un consensus sur le constat suivant : le formalisme des obligations de consulter et de négocier nuit au dialogue social. Il faut faire en sorte que le cadre des discussions soit propice à l’efficacité, qu’il permette aux salariés de peser réellement sur les orientations stratégiques de l’entreprise.
Comment faire avancer les choses ?

- En regroupant les obligations de consulter et de négocier. Le projet de loi propose ainsi de passer de dix-sept obligations d’information et de consultation à trois consultations annuelles et de douze obligations à trois blocs de négociation cohérents.
- En donnant davantage de latitude aux partenaires sociaux pour organiser, dans l’entreprise, l’agenda social
- En simplifiant le fonctionnement des réunions. C’est pourquoi la loi clarifie les rôles respectifs des différences instances et prévoit la possibilité de tenir des réunions communes à plusieurs instances, de recourir à la visioconférence par exemple.
Donner plus de sens, recentrer les réunions sur les enjeux clés, mieux articuler les négociations : voilà de vraies innovations.

2. Le deuxième progrès social, c’est de proposer une meilleure prise en compte des questions de santé.

Je rappellerais l’importance de l’accord national interprofessionnel « qualité de vie au travail » de 2013. Il identifie notamment la qualité de vie au travail comme un facteur de meilleure santé des travailleurs, mais aussi de performance des entreprises. Il faut restaurer des espaces de dialogue sur le travail, agir sur la santé au travail pour prévenir la désinsertion professionnelle.

Mon action est orientée vers la prévention, et je voudrais ici saluer le formidable travail que réalisent les partenaires sociaux dans la préparation du Plan Santé au Travail. Il est rare qu’un tel consensus se forge et mette la prévention au coeur des orientations. Je souhaite que cet esprit irrigue également les débats dans les CHSCT que ce projet de loi propose de généraliser dans les entreprises de plus de 50 salariés.

La pénibilité, c’est justement un encouragement à favoriser la prévention, à réduire les expositions liées à l’exercice de certains métiers. Le compte pénibilité est un nouveau droit pour les salariés ; il se traduit d’abord par un droit à la formation et une incitation à améliorer les processus de production pour résorber les causes de pénibilité. Le gouvernement a souhaité en faciliter la mise en oeuvre et j’ai proposé des amendements importants à l’assemblée nationale. Je suis convaincu qu’un droit effectif pour les salariés, c’est un droit simple dans sa mise en oeuvre.

Le travail parlementaire a aussi permis d’avancer sur la question du « burn-out », ou syndrome d’épuisement professionnel. C’est un fait de société qu’il s’agit de ne pas masquer. Et je souhaite saluer le travail de diffusion des bonnes pratiques de prévention qui a reçu un accueil favorable des partenaires sociaux. La prévention doit constituer notre priorité

Enfin, suite à la mission que Mme Touraine et moi-même avons confiée au député J.ISSINDOU, plusieurs dispositions visent à redonner lisibilité et efficacité à la médecine du travail.
Vous le voyez : santé et travail sont pleinement au coeur de ce projet de loi.

3. Le troisième progrès social, c’est de proposer de nouvelles avancées pour la sécurisation des parcours professionnels et la création d’emplois.

a) La création du compte personnel d’activité marque la volonté du Gouvernement de sécuriser les parcours des salariés.

Depuis 2012, nous avons mis en place de nouveaux outils dans ce sens : le compte personnel de formation, le compte personnel de prévention de la pénibilité, la généralisation de la complémentaire santé, le portage de la prévoyance. Le nouveau défi est de protéger la personne dans sa trajectoire, c’est-à-dire d’attacher les droits à la personne (et plus seulement au contrat de travail), de faire en sorte qu’ils la suivent quels que soient les changements de vie professionnelle. Pour répondre à cet objectif ambitieux, le Président de la République a annoncé la création du compte personnel d’activité. Celui-ci sera le capital de ceux qui travaillent. Il concentrera tous les droits individuels des salariés et notamment, les droits à la formation, le compte épargne-temps, le compte pénibilité pour qu’ils soient ainsi réunis. Au-delà de l’accès aux droits, le CPA devra permettre de rendre les droits entièrement portables, quelle que soit l’évolution de la situation professionnelle de l’individu (changement d’employeur, de statut, chômage…).

b) Le projet de loi réaffirme le rôle de l’AFPA pour l’accompagnement des demandeurs d’emploi.

L’AFPA, je le rappelle, est un acteur majeur de la formation et de l’insertion professionnelle. Depuis la reconstruction d’après-guerre, qu’elle a accompagnée, elle fait partie du patrimoine économique et social de ce pays. Elle est certes un organisme de formation dans le champ concurrentiel, mais elle est aussi un opérateur du service public de l’emploi. Dans cet esprit, nous avons travaillé avec les partenaires sociaux, les Régions et mes collègues de l’Economie et des Finances pour dégager des solutions durables quant aux missions et au statut de l’AFPA. Ces solutions marquent l’engagement de l’Etat pour la pérennisation de l’AFPA, et la volonté de conforter ses missions de service public, qui sont précisées, dans le cadre, bien sûr, des règles nationales et communautaires de la concurrence.

c) Enfin, le projet de loi est l’occasion de mettre en place de plusieurs dispositifs favorisant la création d’emplois.

Le projet de loi présente de nouveaux outils d’accompagnement des demandeurs d’emploi de longue durée. C’est un de mes combats, car nous savons que lorsque la conjoncture repart, ceux qui sont depuis longtemps au chômage ont plus de mal à retrouver un emploi.

Par ailleurs, je présenterai des amendements pour concrétiser la volonté du Gouvernement de faciliter la création d’emplois dans les TPE. Nous savons tous que les TPE et PME de notre pays représentent un gisement de croissance et d’emplois. C’est pourquoi le Gouvernement a lancé le plan « Tout pour l’emploi » dont deux des dix-huit mesures feront l’objet d’amendements dans ce projet de loi.

- La première mesure concerne l’apprentissage. Elle porte la durée de la période pendant laquelle le contrat peut être rompu unilatéralement à deux mois de présence effective de l’apprenti dans l’entreprise. Cette période est nécessaire pour qu’une relation de confiance réciproque puisse s’établir entre l’employeur et l’apprenti. Cela permettra aussi aux deux parties de s’assurer de la pertinence de leur engagement.
- La seconde mesure concerne le renouvellement du contrat à durée déterminée. Dans un contexte de reprise, les entreprises peuvent éprouver le besoin de renouveler un CDD ou un contrat d’intérim, le temps que leur carnet de commande se consolide. Aujourd’hui ces contrats ne peuvent être renouvelés qu’une seule fois, y compris lorsque l’employeur et le salarié ne sont pas allés au bout de la durée maximale cumulée prévue par le code du travail. L’amendement permettra à un travailleur en contrat court de travailler plus longtemps, en renouvelant deux fois au lieu d’une seule les CDD ou les contrats d’intérim sans que la durée totale des trois CDD ou contrats d’intérim puisse dépasser 18 mois, comme la loi le prévoit aujourd’hui.

Toutes ces mesures complètent la mobilisation du gouvernement en faveur de la création d’emplois.

4. Le quatrième progrès, c’est de conforter et de réaffirmer la spécificité du statut des intermittents du spectacle.

A chaque renégociation du régime d’assurance chômage, les annexes spécifiques aux intermittents du spectacle sont débattues, remises en cause. Cela engendre des crises successives, de l’inquiétude et de l’insécurité pour les professionnels concernés. Ces règles particulières visent pourtant à prendre en compte la discontinuité de carrière spécifique aux artistes et aux professionnels de la création.

Le projet de loi les consacre ainsi au niveau de loi. Il est proposé d’inscrire dans le code du travail l’existence des règles spécifiques d’indemnisation des intermittents du spectacle. C’est un signal de confiance très attendu par les centaines de milliers de salariés du spectacle vivant.

Il propose aussi d’améliorer la méthode de négociation dans le secteur. Comment ? En permettant aux partenaires sociaux représentatifs du secteur du spectacle de négocier ces règles spécifiques, dans un cadre défini au niveau interprofessionnel. Ces avancées n’auraient pas été permises sans le travail de la mission confiée à Hortense ARCHAMBAULT, Jean-Denis COMBREXELLE et Jean-Patrick GILLE.

Sur l’ensemble de ces volets, les débats en commission ont fait évoluer le texte. Je tiens à saluer le travail constructif qui a été mené et les membres de la commission qui se sont impliqués dans les discussions. Mais certains ajouts et suppressions ont considérablement transformé l’équilibre du texte. Or vous connaissez ma méthode : je suis attaché au respect des positions des représentants des salariés et des employeurs. Aussi, je présenterai des amendements visant à rétablir des points essentiels du projet de loi que j’ai proposé.

Ils seront l’occasion de débats de fond afin que l’examen de projet de loi dans votre haute assemblée soit constructif.
Je cède maintenant la parole à madame la ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes.

Je vous remercie.