Présentation du projet de loi relatif au dialogue social et à l’emploi devant le groupe PS de l’Assemblée nationale

Discours de François REBSAMEN

Seul le prononcé fait foi

La loi que je présenterai le 22 avril prochain au conseil des ministres constitue une loi de progrès social et je veux vous en convaincre :
- Une loi de progrès social parce qu’elle renforce le dialogue social dans les entreprises. C’est tout à la fois un impératif démocratique et un levier de compétitivité.
- Une loi de progrès social parce qu’elle soutient l’activité des travailleurs modestes avec la création de la prime d’activité
- Une loi de progrès social parce qu’elle poursuit l’effort engagé pour sécuriser les parcours professionnels des travailleurs, qu’ils soient en emploi ou au chômage.
- Une loi de progrès social parce qu’elle pérennise la spécificité du régime d’indemnisation du chômage des intermittents en le pérennisant dans la loi.

C’est une loi cohérente, qui va changer le quotidien de millions de salariés et qui s’inscrit dans la lignée de nos grandes lois sociales.

I. Le dialogue social

Si j’ai lancé une troisième grande négociation interprofessionnelle l’été dernier portant sur le dialogue social dans l’entreprise, c’est parce que je considère que c’est un thème majeur qui répond à une double exigence.

Exigence d’efficacité : ce qui fait la compétitivité d’une entreprise, ce n’est pas seulement le coût du travail ou du capital ; c’est sa capacité à innover, à améliorer la qualité de ses produits, à répondre aux besoins des clients, bref tout ce qu’on appelle la compétitivité hors coût. Pour la créer, il faut de la coopération au sein de l’entreprise, il faut s’inscrire dans le long terme en investissant dans les compétences, et ne pas céder à la pression court-termiste de beaucoup d’actionnaires. Et pour y arriver, nous le voyons chez nos amis allemands, suédois ou autrichiens,… il faut que les salariés puissent être entendus, participent aux orientations et débats stratégiques dans l’entreprise. C’est ma conviction profonde, un dialogue social efficace, c’est une entreprise plus compétitive, un climat social qui favorise l’engagement, une motivation plus forte des salariés.

Exigence démocratique ensuite : les salariés ont droit à être représentés, à avoir voix au chapitre quand il s’agit de leur avenir, de leurs conditions de travail, de leur pouvoir d’achat, de leur formation, de leurs emplois. Ils ont le droit de participer / d’être associés aux décisions stratégiques de l’entreprise.

L’ensemble des partenaires sociaux partagent ces constats et ont négocié pendant plusieurs mois. Ils n’ont pas réussi à trouver un accord global et je le regrette. Le patronat a été trop frileux pour accorder de nouveaux droits aux salariés des TPE. Pour autant, les échanges des partenaires sociaux pendant les négociations ont montré qu’il existait un réel besoin de réformer :

Qui parmi nous peut se satisfaire du fait que plusieurs millions de salariés des TPE n’aient pas droit de voter pour élire des représentants pour s’occuper de leurs problèmes d’emploi, de santé au travail ?
Qui peut accepter que parmi les 600.000 salariés qui s’engagent dans un mandat syndical ou d’élu du personnel, trop sont encore victimes de discrimination ?
Qui peut se satisfaire d’une insuffisante représentation des femmes parmi les représentants du personnel ?
Et qui peut nier que le formalisme du dialogue social a pris trop souvent le pas sur des vrais débats stratégiques dans lesquels les salariés pourraient peser ?

C’est pour répondre à ce besoin que le gouvernement a souhaité reprendre la main, tout en poursuivant les concertations. J’ai ainsi reçu les représentants de toutes les organisations patronales et syndicales ces dernières semaines, et j’ai réuni la Commission nationale de négociation collective ainsi que le haut conseil du dialogue social et le COCT vendredi dernier pour leur présenter le fruit des ces échanges..

Le projet de loi que je vous présente aujourd’hui n’est pas la reprise de l’accord qui n’a pas été signé en janvier dernier, il est un nouveau point d’équilibre. Cela n’a pas été simple mais les réactions des syndicats sont plutôt équilibrées, nuancées, signe que la concertation a porté ses fruits et que l’on est sur la bonne voie.

Concrètement, le projet de loi permettra quatre grandes avancées :

1) La première, faire en sorte que les 4.6 millions de salariés des TPE aient droit à une représentation.

Cette représentation n’existe aujourd’hui que dans un nombre très réduit de secteurs. C’est pourquoi le projet de loi prévoit qu’à défaut de commissions de branche ayant des compétences équivalentes, des commissions paritaires régionales assureront la représentation des salariés des TPE. Elles seront composées de salariés et d’employeurs issues des TPE.

Ces commissions joueront un rôle essentiel pour la démocratie sociale dans les TPE, elles seront un lieu de dialogue social et de conseil aux salariés et aux employeurs. Les réactions du patronat sont très hostiles, mais nous devons tenir ce cap. Nous serons ainsi précurseurs en Europe pour une représentation systématique des salariés des TPE.

2) La seconde, rendre le dialogue social plus vivant, plus stratégique moins formel.

Aujourd’hui, le dialogue social dans les entreprises n’est pas satisfaisant : il y a trop d’obligations formelles de consultation sans pour autant avoir de vrais débats stratégiques sur lesquels les salariés peuvent peser. Sur ce point, syndicats et patronat discutent depuis plusieurs années et la proposition que j’ai faite recueille l’assentiment de toutes les organisations syndicales

Le texte propose en effet de passer de 17 obligations d’information et de consultation à 3 consultations annuelles :
- 1 sur les orientations stratégiques et leurs conséquences
- 1 sur la situation économique et financière
- 1 sur la situation sociale de l’entreprise, les conditions de travail et l’emploi.

Les 12 négociations seront quant à elles regroupées en trois blocs :
- 1 sur la rémunération, le temps de travail et la répartition de la valeur ajoutée
- 1 sur la qualité de vie au travail
- 1 sur la gestion des emplois et des parcours professionnels.

3) La troisième, reconnaître, valoriser, favoriser l’engagement des salariés dans l’entreprise.

La première exigence, c’est de lutter contre les inégalités salariales dont pâtissent les représentants du personnel, notamment syndicaux. Ces inégalités sont une réalité. Elles constituent un frein à l’engagement, notamment des plus jeunes, en plus d’être inacceptables du point de vue de la liberté syndicale.
- le projet de loi instaure pour la première fois dans la loi un mécanisme de garantie de non-discrimination salariale. Ce dispositif concernera l’ensemble des représentants dont les heures de délégation représentent 30% ou plus de leur temps de travail.
- Il veille aussi à assurer une meilleure conciliation entre engagement syndical et vie professionnelle : entretien de prise de fonction à l’entrée du mandat et de repositionnement professionnel à l’issue.

Le projet de loi comporte également des dispositions qui valorisent l’investissement des élus dans la vie collective. Il crée un dispositif national de valorisation des compétences acquises pendant leur mandat pour les valoriser dans leur vie professionnelle.

Le gouvernement a également tenu à ce que ce texte œuvre en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Une des importantes novations de ce projet concerne l’obligation de représentation équilibrée des femmes et des hommes sur les listes des élections professionnelles.

4) La quatrième, adapter les institutions représentatives à la taille des entreprises.

Le principe de la loi est clair : toutes les institutions demeurent, ainsi que les missions et les compétences associées, mais le fonctionnement est plus simple et plus adapté à une entreprise de petite taille.

- Pour les entreprises de moins de 300 salariés : Le projet de loi étend la possibilité de mettre en place une délégation unique du personnel jusqu’à 300 salariés. En outre, la DUP comprendra aussi le CHSCT.
- Pour les entreprises de plus de 300 salariés : la loi ouvrira la possibilité de négocier des accords majoritaires pour regrouper tout ou partie des IRP. Cela permettra d’avoir un cadre plus souple, plus adapté. Les accords définiront eux-mêmes le périmètre des instances et ses règles de fonctionnement, mais aussi les moyens des représentants qui pourront être renforcés.

Certains craignaient une disparition du CHSCT. La loi propose au contraire de le valoriser et de le renforcer.

- le CHSCT demeure dans la DUP, avec les mêmes prérogatives et la capacité à ester en justice et à recourir à l’expertise ;
- dans l’instance regroupée dans les entreprises de plus de 300 salariés, une commission spécifique portant sur les sujets d’hygiène, de santé et de conditions de travail sera instituée ;
- la loi affirme le principe selon lequel tout salarié d’un établissement d’une entreprise de plus de 50 salariés sera couvert par un CHSCT, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Voilà pour le dialogue social. Comme vous le voyez, aucune prérogative, aucune compétence, aucun moyen ne sont retirés. Ce que le projet de loi crée, ce sont les conditions d’un dialogue social en entreprise vivant, efficace, proche à la fois des réalités des entreprises et des préoccupations des salariés.

II. Les autres volets

Le projet de loi comportera trois autres volets qui, eux aussi, marquent un progrès social :
1) Le premier volet concerne les intermittents du spectacle. La loi met en place un cadre stabilisé et sécurisé en sanctuarisant les annexes 8 et 10 de la convention d’assurance chômage. Elle instaure aussi une nouvelle méthode de négociation, permettant de mieux articuler le rôle des organisations interprofessionnelles et celui des organisations représentant la profession pour approcher le dialogue social différemment. Je tiens à souligner la qualité de la mission confiée Mme Hortense Archambault et MM. Jean-Patrick Gille et Jean-Denis Combrexelle dont les conclusions ont été largement reprises.

2) Le deuxième volet concerne la création de la prime d’activité que nous portons avec Marisol Touraine. Si le projet de loi marque un progrès social, c’est aussi parce qu’il permet de renforcer et de compléter notre système de solidarité. C’est le sens de la prime d’activité qui fusionnera la prime pour l’emploi et le RSA Activité. Très concrètement, cette prime consistera en complément de revenu qui répond à deux objectifs :
- Encourager l’activité en soutenant le pouvoir d’achat des travailleurs modestes
- Ouvrir ce droit nouveau aux jeunes actifs majeurs qui s’insèrent dans l’emploi au prix, parfois, de contrats précaires et de temps partiels, synonyme de rémunérations modestes.

3) Le troisième volet concerne la sécurisation des parcours professionnels. Il prévoit notamment la création du compte personnel d’activité d’ici le 1er janvier 2017. De nombreux droits individuels, mobilisables à l’initiative du salarié ont été donnés, grâce à des gouvernements de gauche. Pensons par exemple le compte personnel de formation, le compte épargne-temps, le compte pénibilité. Tout l’enjeu est de les réunir en un seul lieu pour plus de lisibilité, et de les décloisonner, pour permettre à chacun d’être acteur de son parcours professionnel. C’est un sujet sur lequel nous devons avancer ensemble, puisqu’il s’agit ni plus ni moins que d’esquisser l’avenir des droits sociaux. Nous poserons le principe du compte personnel d’activité dans cette loi, en renvoyant à une négociation des partenaires sociaux sur ce point, et nous travaillerons à une loi qui en définira ensuite les contours. Nous aurons aussi l’occasion de parler de l’AFPA ou du contrat de professionnalisation adapté pour les chômeurs de longue durée.

Vous l’aurez compris, cette loi réaffirme notre conception du progrès et de la démocratie sociale :
- Parce qu’elle rendra plus vivant et plus fort le dialogue social,
- Parce qu’elle permettra de mieux prendre en compte les besoins des salariés et des entreprises,
- Parce qu’elle institue de nouveaux droits et s’adapte aux réalités des entreprises,
- Parce qu’elle encourage l’activité et soutient le pouvoir d’achat de tous les travailleurs modestes.

Je sais pouvoir compter sur votre travail pour enrichir les dispositions de la loi dans un esprit qui favorise la recherche de l’équilibre.

Nous en discuterons à l’Assemblée dès le mois de mai.

Je vous remercie.