La reconnaissance de l’inaptitude médicale au travail et ses conséquences

L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée par le médecin du travail lorsque l’état de santé (physique ou mentale) du salarié est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe.

Avant de prendre cette décision, le médecin du travail doit réaliser au moins un examen médical du salarié concerné et procéder (ou faire procéder) à une étude de son poste de travail. C’est uniquement lorsqu’il constate qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible alors que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste que le médecin du travail peut le déclarer inapte à son poste de travail.

L’avis d’inaptitude oblige l’employeur à rechercher un reclassement pour le salarié.

Néanmoins, il peut procéder à son licenciement s’il est en mesure de justifier :
 

  • De son impossibilité à lui proposer un emploi compatible avec son état de santé,
  • Ou du refus par le salarié de l’emploi proposé.

L’employeur peut également licencier le salarié si l’avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi.

L’inaptitude (Web série droit du travail)

Un salarié déclaré inapte à son poste de travail ne peut pas être réintégré dans son emploi ni dans un emploi similaire. Est-ce à dire que le salarié ne peut plus travailler dans l’entreprise et que son contrat de travail est rompu ? C’est ce que nous allons voir.

Bonjour, c’est Honorine et aujourd’hui je vais vous présenter l’inaptitude médicale et ses conséquences, un épisode d’une série consacrée au droit du travail.

La constatation de l’inaptitude d’un salarié résulte d’une procédure spécifique décrite dans le Code du travail. Elle entraîne des conséquences pour l’employeur et pour le salarié.

Commençons par dire que seul le médecin du travail est compétent pour constater l’inaptitude d’un salarié à son poste de travail.

Il faut donc distinguer l’inaptitude de l’incapacité de travail et de l’invalidité.

Ces notions qui relèvent de la compétence du médecin conseil de la caisse d’assurance maladie.

Précisons ensuite que l’inaptitude du salarié peut être la conséquence d’une maladie ou d’un accident professionnel, mais aussi d’une maladie ou d’un accident qui ne sont pas liés au travail.

Cette distinction a une incidence sur l’indemnité qui sera versée si la procédure de licenciement pour inaptitude est engagée.

Lorsque nous parlons de l’inaptitude d’un salarié, cela est toujours lié à un poste de travail, en particulier.

En effet, l’avis est rendu au regard du poste occupé par le salarié au moment où la procédure est en cours.

La démarche qui doit être suivie est décrite à l’article L. 4624-4 du Code du travail.

Ainsi, le médecin du travail doit réaliser au moins un examen médical du salarié concerné.

Il doit ensuite réaliser une étude de poste et une étude des conditions de travail dans l’entreprise concernée.

Ces études peuvent être déléguées à un membre de son équipe et la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée doit être indiquée.

Puis le médecin du travail doit échanger par tous moyens avec le salarié et l’employeur.

Enfin, il doit recevoir le salarié pour échanger avec lui sur l’avis et les indications ou les propositions qu’il pourrait envoyer à l’employeur.

Si le médecin du travail souhaite réaliser une seconde visite médicale, elle doit être faite au plus tard dans les quinze jours qui suivent la première visite.

Dans ce cas, l’avis d’inaptitude est prononcé au plus tard lors de cette visite.

Pour pouvoir rendre un avis d’inaptitude, le médecin du travail doit constater deux éléments.

1 : Aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible.

2 : L’état de santé du travailleur justifie un changement de poste.

Cet avis peut être contesté et je vous propose de voir comment, dans le zoom qui suit.

La procédure de contestation de l’avis d’inaptitude a évolué au fil des réformes successives.

La dernière en date résulte des dispositions de la loi du 8 août 2016, dite loi Travail, et de l’une des ordonnances du 22 septembre 2017.

Ces textes ont notamment modifié l’institution devant laquelle la contestation doit être portée.

Avant 2016, le salarié ou l’employeur devait saisir l’inspecteur du travail.

Depuis 2016, c’est le conseil des prud’hommes qui doit être saisi selon la procédure accélérée au fond.

Le Code du travail précise que le médecin du travail, dont l’avis est contesté, est informé par l’employeur mais n’est pas partie au litige.

Concernant le délai, la saisine doit être faite dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l’avis d’inaptitude.

La Cour de cassation a précisé ce point dans un arrêt du 2 mars 2022 publié au bulletin.

Elle a indiqué que le délai commence à courir à compter de la remise en main propre de l’avis contre émargement ou récépissé.

Une fois saisi, le conseil des prud’hommes peut demander au médecin inspecteur du travail, qui est compétent sur le territoire, de l’éclairer sur les aspects médicaux.

Ce médecin expert rend alors un rapport dans lequel il répond aux questions de faits relevant de sa compétence.

Le conseil des prud’hommes rend sa décision après le dépôt de ce rapport d’expertise s’il existe.

Il est intéressant de noter que la décision rendue par le conseil des prud’hommes se substitue à l’avis d’inaptitude initial qui a été contesté.

En clair, le conseil des prud’hommes peut prononcer un nouvel avis d’inaptitude ou annuler l’avis d’inaptitude contesté.

Voyons maintenant les conséquences tant pour le salarié dont l’inaptitude a été constatée que pour l’employeur.

Pour le salarié, la conséquence peut être immédiate s’agissant de sa rémunération.

En effet, à compter de la notification de l’avis d’inaptitude, l’employeur peut suspendre le versement du salaire durant un délai d’un mois maximum.

Après ce délai, il doit reprendre le versement du salaire.

L’employeur, informé par le médecin du travail, doit proposer au salarié un autre emploi adapté à ses capacités.

On parle de l’obligation de reclassement.

Ainsi, l’employeur doit rechercher un emploi qui devra être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé.

S’il le faut, il devra passer par une transformation de poste existant ou un aménagement de temps de travail.

Dans un arrêt du 29 mars 2023 publié au Bulletin, la Cour de cassation retient que l’aménagement peut résulter d’un recours au télétravail, même si celui-ci n’a pas été mis en place au sein de l’entreprise.

Afin de remplir son obligation, l’employeur doit prendre en compte les propositions du médecin du travail et ses indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation. S’il propose au salarié un poste qui n’est pas approprié compte tenu de ce que propose le médecin du travail, l’offre ne sera pas considérée comme sérieuse et une autre offre devra être réalisée.

L’emploi doit être recherché au sein d’un périmètre précis.

Ainsi, l’employeur doit chercher si un poste compatible existe au sein de son entreprise ou au sein des entreprises du groupe auquel il appartient et qui sont situées sur le territoire national.

Notons que l’employeur peut prendre en compte la volonté du salarié pour déterminer le périmètre de ses recherches de reclassement.

Si le comité social et économique existe dans l’entreprise, il doit être consulté avant que la proposition soit faite au salarié.

Le salarié peut refuser l’offre de poste qui lui est proposée.

Si l’offre refusée est compatible avec les préconisations faites par le médecin du travail, on considérera que l’employeur a rempli son obligation de reclassement.

Si le salarié refuse l’offre de poste ou si l’employeur démontre qu’il ne peut pas proposer de poste adapté, il pourra engager la procédure de licenciement pour inaptitude.

Il existe une situation particulière dans laquelle l’employeur est libéré de son obligation de reclassement et peut engager directement, la procédure de licenciement.

C’est le cas lorsque le médecin du travail mentionne expressément dans son avis que le salarié ne peut pas être reclassé.
Dans cette situation, l’avis des membres du CSE n’est pas requis.

Avant de conclure, notons que pour un salarié en contrat à durée déterminée, l’inaptitude constitue un motif de rupture anticipée du contrat.

Nous arrivons au terme de cette vidéo et il y a donc trois points à retenir.

Premièrement, seul le médecin du travail peut rendre un avis d’inaptitude et cet avis peut être contesté devant le conseil de prud’hommes.

Ensuite, l’employeur doit procéder au reclassement du salarié et peut être libéré de cette obligation si le médecin du travail le mentionne expressément dans l’avis d’inaptitude.

Enfin, le CSE doit être consulté avant que la proposition soit faite au salarié, sauf si l’employeur est libéré de son obligation de reclassement.

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A très bientôt pour un nouvel épisode consacré au droit du travail.

À savoir !
Les informations présentées ici tiennent compte des dispositions des décrets n° 2022-372 et 2022-373 du 16 mars 2022 pris en application de la loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail, en vigueur à compter du 31 mars 2022. Sur les objectifs poursuivis par ces textes, notamment la prévention de la désinsertion professionnelle, on se reportera au document « Questions/Réponses » mis en ligne sur notre site.

Dans quels cas l’inaptitude médicale au travail peut être prononcée ?

L’inaptitude médicale au travail peut être prononcée par le médecin du travail dès lors qu’il constate que l’état de santé du salarié (physique ou mentale) est devenu incompatible avec le poste qu’il occupe et qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible. L’origine de ces inaptitudes, partielles ou totales, peut être soit liée à la vie professionnelle du salarié, soit sans lien avec son travail (par exemple : maladie).

L’inaptitude médicale d’un salarié n’est pas  :
 

  • Un avis concernant ses compétences professionnelles ;
  • Un arrêt de travail (seul un médecin peut le prescrire) ;
  • Une invalidité (c’est le médecin conseil de la Caisse d’assurance maladie qui en décide).

Un avis d’inaptitude au poste occupé peut être envisagé par le médecin du travail à l’occasion de toutes les visites dont bénéficie le salarié  : lors d’une visite obligatoire de suivi, à l’occasion d’une visite de reprise du travail ou à tout moment si l’état de santé du salarié le justifie, par exemple lors d’une visite à la demande. En outre, tout salarié peut, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi.

Prévention de la désinsertion professionnelle

Possibilité d’un rendez-vous de liaison pendant l’arrêt de travail. Dans le but de prévenir la désinsertion professionnelle, lorsque la durée de l’absence au travail du salarié justifiée par l’incapacité résultant de maladie ou d’accident, constaté par certificat médical et contre-visite s’il y a lieu, est supérieure à 30 jours, un rendez-vous de liaison entre le salarié et l’employeur, associant le service de prévention et de santé au travail, peut être organisé.

Visite de préreprise après un arrêt de travail de plus de 30 jours

En cas d’absence au travail justifiée par une incapacité résultant de maladie ou d’accident d’une durée supérieure à trente jours, et en vue de favoriser son maintien dans l’emploi, le salarié (et, plus généralement, le travailleur) peut bénéficier d’un examen de préreprise par le médecin du travail, notamment pour étudier la mise en œuvre des mesures d’adaptation individuelles prévues à l’article L. 4624-3du code du travail (sur ces mesures, voir aussi ci-dessous), organisé à l’initiative du salarié, du médecin traitant, des services médicaux de l’assurance maladie ou du médecin du travail, dès lors que le retour du salarié à son poste est anticipé.
L’employeur informe le travailleur de la possibilité pour celui-ci de solliciter l’organisation de l’examen de préreprise.

À noter : la loi du 2 août 2021 et le décret du 17 mars 2022 précités, ont ramené de 3 mois à 30 jours la durée de l’arrêt de travail pour maladie ou accident au-delà de laquelle le salarié peut bénéficier d’un examen de préreprise. Ces dispositions, destinées à prévenir la désinsertion professionnelle, sont applicables aux arrêts de travail commençant à compter du 1er avril 2022.

Au cours de cette visite, le médecin du travail peut recommander :
 

  • Des aménagements et adaptations du poste de travail ;
  • Des préconisations de reclassement ;
  • Des formations professionnelles à organiser en vue de faciliter le reclassement du salarié ou sa réorientation professionnelle.

À cet effet, il s’appuie en tant que de besoin sur le service social du travail du service de prévention et de santé au travail interentreprises ou sur celui de l’entreprise.

Le médecin du travail informe, sauf si le salarié s’y oppose, l’employeur et le médecin conseil de ces recommandations afin que toutes les mesures soient mises en œuvre en vue de favoriser le maintien dans l’emploi.

Quelle procédure doit respecter le médecin du travail ?

Avant de reconnaître l’inaptitude médicale au travail d’un salarié, le médecin du travail est tenu de respecter certaines obligations préalables.

Ainsi, il ne peut constater l’inaptitude du salarié à son poste que :
 

  • S’il a réalisé au moins un examen médical de l’intéressé, accompagné, le cas échéant, des examens complémentaires, permettant un échange (voir ci-dessous) sur les mesures d’aménagement, d’adaptation ou de mutation de poste ou la nécessité de proposer un changement de poste ;
  • S’il a réalisé ou fait réaliser une étude de ce poste ;
  • S’il a réalisé ou fait réaliser une étude des conditions de travail dans l’établissement et indiqué la date à laquelle la fiche d’entreprise a été actualisée ;
  • S’il a procédé à un échange, par tout moyen, avec l’employeur.

Parfois un second examen médical

Si le médecin du travail estime un second examen nécessaire pour rassembler les éléments permettant de motiver sa décision, il doit le réaliser dans un délai qui n’excède pas quinze jours après le premier examen. La notification de l’avis médical d’inaptitude intervient au plus tard à cette date.

Le médecin du travail doit recevoir le salarié, afin d’échanger avec lui sur l’avis et les indications ou les propositions qu’il pourrait adresser à l’employeur.

C’est uniquement lorsque le médecin du travail constate, après avoir échangé avec l’employeur et le salarié, qu’aucune mesure d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé n’est possible alors que l’état de santé du salarié justifie un changement de poste qu’il peut déclarer ce salarié inapte à son poste de travail (art. L. 4624-4 du code du travail.).

  • Le contenu de l’avis d’inaptitude est conforme au modèle figurant à l’annexe 3 de l’arrêté du 16 octobre 2017 cité en référence.
  • Le contenu du document de proposition de mesures individuelles d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail ou de mesures d’aménagement du temps de travail est conforme au modèle figurant à l’annexe 4 de l’arrêté du 16 octobre 2017 cité en référence.

Que mentionne l’avis d’inaptitude médicale ?

L’avis d’inaptitude rendu par le médecin du travail doit être éclairé par des conclusions écrites, assorties d’indications relatives au reclassement du salarié. Les motifs de l’avis du médecin du travail sont consignés dans le dossier médical en santé au travail du salarié.

Le médecin du travail peut mentionner (mention expresse) dans l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi (dans ce cas, l’employeur peut procéder au licenciement du salarié sans rechercher un reclassement et, comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 2022, sans avoir l’obligation de consulter le CSE). En toute hypothèse, il convient toutefois de se référer aux termes précis de l’avis émis par le médecin du travail (pour une illustration, se reporter par exemple à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2023).

Le contenu de l’avis d’inaptitude est conforme au modèle figurant à l’annexe 3 de l’arrêté du 16 octobre 2017 cité en référence.

Avis d’inaptitude transmis au salarié et à l’employeur

L’avis médical d’inaptitude (la règle est la même pour un avis d’aptitude) émis par le médecin du travail est transmis au salarié ainsi qu’à l’employeur par tout moyen leur conférant une date certaine (lettre recommandée avec AR, avis remis en main propre contre émargement ou récépissé. Les modalités de recours ainsi que le délai pour agir sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail (voir précisions ci-dessous). L’employeur le conserve pour être en mesure de le présenter à tout moment, sur leur demande, à l’inspecteur du travail et au médecin inspecteur du travail. Une copie de l’avis est versée au dossier médical en santé au travail du travailleur.

Lorsque le médecin du travail constate que l’inaptitude du salarié est susceptible d’être en lien avec un accident ou une maladie d’origine professionnelle, il remet à ce dernier le formulaire de demande prévu à l’article D. 433-3 du code de la sécurité sociale afin de bénéficier de l’indemnité temporaire d’inaptitude.

Le salarié ou l’employeur peut-il contester l’avis d’inaptitude ?

Les modalités de recours ainsi que le délai pour agir sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail.

Le salarié ou l’employeur peut saisir le conseil de prud’hommes selon la procédure accélérée au fond (anciennement « en la forme des référés ») d’une contestation portant sur les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail reposant sur des éléments de nature médicale (art. L. 4624-7 du code du travail).

Le conseil de prud’hommes est saisi dans un délai de 15 jours à compter de la notification (passé ce délai de 15 jours, la contestation est irrecevable) ; les modalités de recours ainsi que ce délai sont mentionnés sur les avis et mesures émis par le médecin du travail. Le médecin du travail, informé de la contestation, n’est pas partie au litige.

Comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 2 mars 2022, auquel on se reportera, pour constituer la notification faisant courir le délai de recours de 15 jours à l’encontre d’un avis d’inaptitude (ou d’aptitude), la remise en main propre de cet avis doit être faite contre émargement ou récépissé. En l’espèce, le médecin du travail avait remis au salarié l’avis d’inaptitude à l’issue de la visite, sans que cette remise en main propre ne donne lieu à émargement ou à récépissé de la part du salarié, de sorte que le délai de recours de 15 jours n’avait pas commencé à courir à la date de cette simple remise, celle-ci ne pouvant être considérée comme la « notification » requise par le code du travail.

Pour la mise en œuvre des dispositions qui précédent :
 

  • Le conseil de prud’hommes peut confier toute mesure d’instruction au médecin-inspecteur du travail territorialement compétent (sauf exception mentionnée à l’article R. 4624-45-2 du code du travail) pour l’éclairer sur les questions de fait relevant de sa compétence. Celui-ci, peut, le cas échéant, s’adjoindre le concours de tiers. Il peut entendre le médecin du travail. A la demande de l’employeur, les éléments médicaux ayant fondé les avis, propositions, conclusions écrites ou indications émis par le médecin du travail peuvent être notifiés au médecin que l’employeur mandate à cet effet (sur la portée de ces règles, voir par exemple l’arrêt de la Cour de cassation du 13 décembre 2023). Le salarié est informé de cette notification ;
  • Le conseil de prud’hommes statue selon la procédure accélérée au fond (anciennement « en la forme des référés ») dans les conditions prévues à l’article R. 1455-12 du code du travail ;
  • La décision du conseil de prud’hommes se substitue aux avis, propositions, conclusions écrites ou indications contestés ;
  • Le conseil de prud’hommes peut décider, par décision motivée, de ne pas mettre tout ou partie des honoraires et frais d’expertise à la charge de la partie perdante, dès lors que l’action en justice n’est pas dilatoire ou abusive. Ces honoraires et frais sont réglés d’après le tarif fixé par un arrêté du 27 mars 2018.

Pour plus de précisions sur les recours contre un avis d’inaptitude, on se reportera aux informations mises en ligne sur notre site.

Que recouvre l’effort de reclassement imposé aux employeurs ?

Lorsque le salarié est déclaré par le médecin du travail, inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis du social comité social et économique (CSE), les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur la capacité du salarié à bénéficier d’une formation le préparant à occuper un poste adapté.

Le périmètre de la recherche de reclassement

  • La recherche des possibilités de reclassement du salarié déclaré inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait s’apprécie au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
    La notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
    À noter que les possibilités de reclassement, au sein d’un groupe, du salarié déclaré inapte physiquement à son poste de travail s’apprécient, au plus tard, au prononcé du licenciement (notification) de l’intéressé (voir en ce sens l’arrêt de la Cour de cassation du 14 décembre 2022). Dès lors, si le licenciement du salarié lui est notifié à une date antérieure à la date d’intégration de l’entreprise dans un groupe, il ne peut être reproché à l’employeur qui procède au licenciement de ne pas avoir recherché l’existence de postes de reclassement au sein des entités de ce groupe.
  • L’obligation qui pèse sur l’employeur de rechercher un reclassement au salarié déclaré par le médecin du travail inapte à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment naît à la date de la déclaration d’inaptitude par le médecin du travail. Sur ce point, on peut se reporter à l’arrêt de la Cour de cassation du 5 juillet 2023.

L’emploi proposé doit être aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

L’employeur peut prendre en compte la position exprimée par le salarié déclaré inapte par le médecin du travail, pour le périmètre des recherches de reclassement ; pour plus de précisions sur ce point, on peut se reporter à l’arrêt de la Cour de cassation du 23 novembre 2016.

Cas de dispense de recherche d’un reclassement

Si le médecin du travail a expressément mentionné sur l’avis d’inaptitude que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur n’est pas tenu de rechercher et de proposer au salarié concerné une solution de reclassement (en ce sens, voir, par exemple l’arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2023). Il peut procéder au licenciement du salarié, sans avoir l’obligation, comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 2022, de consulter le CSE).
En toute hypothèse, il convient toutefois de se référer aux termes précis de l’avis émis par le médecin du travail (pour une illustration, se reporter par exemple à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2023).

L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. Toutefois, comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 26 janvier 2022, cette présomption, instituée par l’article L. 1226-12 du code du travail, « ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail ».

Reprise du versement du salaire par l’employeur au bout d’un mois

Lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail (par exemple : après une absence d’au moins trente jours pour cause d’accident du travail, de maladie ou d’accident non professionnel), le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail. Comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 10 janvier 2024 auquel on se reportera, « la circonstance que l’employeur est présumé avoir respecté son obligation de reclassement en proposant au salarié déclaré inapte un emploi prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail ne le dispense pas de verser au salarié, qui a refusé cette proposition de reclassement et qui n’a pas été reclassé dans l’entreprise à l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise ou qui n’a pas été licencié, le salaire correspondant à l’emploi qu’il occupait avant la suspension du contrat de travail ». Autrement dit, l’employeur doit reprendre le versement du salaire au salarié déclaré inapte, même si ce dernier a refusé une proposition de reclassement, dès lors qu’il n’a été ni reclassé ni licencié dans le délai d’un mois mentionné ci-dessus.

Que se passe-t-il si le reclassement est impossible ou refusé par le salarié ?

L’employeur peut rompre le contrat de travail du salarié reconnu inapte s’il est en mesure de justifier :
 

  • De son impossibilité à lui proposer un emploi compatible avec son état de santé,
  • Ou que le salarié a refusé l’emploi proposé.
    La rupture du contrat de travail est également possible si l’avis d’inaptitude rédigé par le médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Dans ce cas, comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 8 juin 2022 auquel on se reportera, l’employeur, qui n’est pas tenu de rechercher un reclassement, n’a pas l’obligation de consulter le CSE. En toute hypothèse, il convient toutefois de se référer aux termes précis de l’avis émis par le médecin du travail (pour une illustration, se reporter par exemple à l’arrêt de la Cour de cassation du 8 février 2023).

L’obligation d’informer le salarié des motifs de son non reclassement

Lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié déclaré inapte, il doit lui faire connaître, par écrit, les motifs qui s’opposent à son reclassement.

En outre, dans ce cas, comme le précise la Cour de cassation dans un arrêt du 14 décembre 2022 si le salarié est licencié « ne constitue pas l’énoncé d’un motif précis de licenciement l’inaptitude physique du salarié, sans mention de l’impossibilité de reclassement ». En d’autres termes, pour être considérée comme suffisamment motivée, la lettre de licenciement doit mentionner l’inaptitude physique du salarié et l’impossibilité de reclassement ; à défaut, le licenciement pourrait être considéré comme étant sans cause réelle et sérieuse.

À noter que, selon la Cour de cassation (arrêt du 8 février 2023), les dispositions du code du travail relatives au licenciement du salarié reconnu inapte sont d’ordre public et, à ce titre font obstacle à ce que l’employeur prononce un licenciement pour un motif autre que l’inaptitude, peu important que l’employeur ait engagé antérieurement une procédure de licenciement pour une autre cause.

Modèle de lettre de licenciement
Lorsqu’il notifie un licenciement dans les conditions mentionnées ci-dessus (licenciement pour inaptitude) l’employeur peut utiliser le modèle de lettre figurant à l’annexe II du décret n° 2017-1820 du 29 décembre 2017.
Attention : l’employeur doit veiller à utiliser le modèle de lettre correspondant à la nature juridique du licenciement envisagé et l’adapter aux spécificités propres à la situation du salarié ainsi qu’aux régimes conventionnels et contractuels qui lui sont applicables.

Quelles sont les indemnités versées lors d’un licenciement pour inaptitude au travail ?

Inaptitude consécutive à une maladie ou accident non professionnel

La rupture du contrat de travail ouvre droit pour le salarié au versement de l’indemnité légale de licenciement, ou si elle est plus favorable, à l’indemnité conventionnelle auquel il peut, le cas échéant, prétendre. Par ailleurs, le salarié perçoit une indemnité compensatrice pour les congés payés acquis mais non pris à la date de la rupture du contrat.

Le préavis n’est pas exécuté et le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement. Le préavis est néanmoins pris en compte pour le calcul de l’indemnité légale de licenciement (mentionnée à l’article L. 1234-9 du Code du travail). L’inexécution du préavis ne donne pas lieu au versement d’une indemnité compensatrice. Ces dispositions sont également applicables à la rupture d’un contrat à durée déterminée pour inaptitude non professionnelle (voir ci-dessous).

En présence d’une inaptitude d’origine non professionnelle, le licenciement prononcé par l’employeur en méconnaissance de son obligation de reclassement, dont celle lui imposant de consulter le comité social et économique (en ce sens, voir l’arrêt de la Cour de cassation du 30 septembre 2020) est sans cause réelle et sérieuse et ouvre droit à l’indemnité prévue par l’article L. 1235-3 du code du travail, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Cette indemnité est cumulable avec l’indemnité de licenciement et l’indemnité de préavis.

Inaptitude consécutive à une maladie ou accident professionnel
La rupture du contrat de travail ouvre droit, pour le salarié :
 

  • A une indemnité compensatrice pour le préavis non exécuté ;
  • Et à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement prévue par l’article L. 1234-9 du Code du travail. Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l’employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif. Ces dispositions ne se cumulent pas avec les avantages de même nature prévus par des dispositions conventionnelles ou contractuelles en vigueur au 7 janvier 1981 et destinés à compenser le préjudice résultant de la perte de l’emploi consécutive à l’accident du travail ou à la maladie professionnelle,
     à une indemnité compensatrice pour les congés payés acquis mais non pris à la date de la rupture du contrat.

En cas de licenciement prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte, le tribunal saisi peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

En cas de refus de réintégration par l’une ou l’autre des parties, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant est fixé conformément aux dispositions de l’article L. 1235-3-1 du code du travail applicable aux licenciements nuls ou prononcés en violation d’une liberté fondamentale. Elle se cumule avec l’indemnité compensatrice et, le cas échéant, l’indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale de licenciement. Ces dispositions, issues de l’ordonnance du 22 septembre 2017, sont applicables aux licenciements prononcés après le 23 septembre 2017 ; pour les licenciements notifiés avant cette date, les règles applicables sont celles figurant à l’article L. 1226-15 du code du travail, dans sa rédaction en vigueur avant l’intervention de cette ordonnance.

Que se passe-t-il en cas d’inaptitude médicale d’un salarié en contrat à durée déterminée ?

Si l’employeur justifie de son impossibilité de proposer un emploi compatible avec son état de santé, au salarié déclaré inapte titulaire d’un CDD, ou si le salarié refuse un emploi offert dans ces conditions ou si l’avis du médecin du travail mentionne expressément que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi (dans ce cas, l’employeur est dispensé de l’obligation de rechercher un reclassement), l’employeur est en droit de procéder à la rupture du contrat.

Cette rupture ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité dont le montant ne peut pas être inférieur à l’indemnité prévue à l’article L. 1234-9 du code du travail (c’est-à-dire à l’indemnité légale de licenciement) ou au double de celle-ci si l’inaptitude est consécutive à une maladie ou accident professionnel.

Cette indemnité de rupture est versée selon les mêmes modalités (versement à l’issue du contrat, avec le dernier salaire) que l’indemnité de précarité due aux salariés en CDD, à laquelle elle s’ajoute.

Les dispositions visées aux articles L 1226-4, L. 1226-10 et L. 1226-11 du code du travail s’appliquent également aux salariés en CDD. Il en résulte, notamment que, lorsque, à l’issue d’un délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé dans l’entreprise ou si son contrat n’est pas rompu, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.