Bulletin Officiel du Travail, de l’Emploi et de la Formation Professionnelle
No 2004/11  du dimanche 20 juin 2004




Direction générale de l’urbanisme, de l’habitat et de la construction
Habitat construction

MINISTÈRE DE L’EMPLOI, DU TRAVAIL
ET DE LA COHÉSION SOCIALE
Secrétariat d’Etat au logement


Circulaire UHC/DH 2/10 du 13 mai 2004 relative à la mise en œuvre d’un dispositif d’urgence visant à la prévention des expulsions

NOR :  SOCU0410140C

(Texte non paru au Journal officiel)

Le ministre de l’emploi, du travail et de la cohésion sociale et le secrétaire d’Etat au logement à Mesdames et Messieurs les préfets de département.
    La prévention des expulsions des locataires de bonne foi est un élément essentiel de la mise en œuvre du droit au logement. Dans le cadre du plan de cohésion sociale en cours de préparation, le Gouvernement prendra ou proposera au Parlement des mesures destinées à améliorer l’efficacité des dispositifs existants ou à les compléter.
    Il apparaît en effet que, trop souvent, des personnes ou des familles entières se retrouvent à la rue, alors qu’un meilleur fonctionnement des dispositifs de prévention ou de solidarité auraient permis d’éviter une issue aussi dramatique, et porteuse d’un coût humain, social et financier très élevé.
    Les solutions à retenir, qui concerneront aussi bien les locataires logés dans le parc public que dans le parc privé, nécessiteront probablement des mesures législatives novatrices, mais elles passent pour une large part par un renforcement de la coordination, à l’heure actuelle trop souvent défaillante, des dispositifs de prévention et de solidarité, par un partenariat renforcé entre collectivités publiques, bailleurs et associations et par une meilleure efficacité de l’enquête sociale (cf. note 1) .
    Dans l’attente de ce dispositif, nous souhaitons, dès à présent, mettre un terme aux expulsions pour impayé de loyers des locataires qui ne sont pas de mauvaise foi, dans le parc social. L’Union sociale pour l’habitat, regroupant les fédérations d’organismes HLM, nous a donné son accord et est prête à s’engager sans tarder.
    Les instructions décrites par la présente circulaire doivent permettre de traiter les situations actuelles d’impayé, afin d’interrompre les procédures d’expulsion et de rechercher des solutions immédiates. La philosophie de ce dispositif repose sur l’équilibre des efforts et sur l’anticipation, éventuellement par voie de dérogation aux règles actuelles, de mesures plus pérennes. Il ne s’agit cependant pas d’ignorer l’importance qui doit s’attacher au paiement régulier du loyer, y compris pour un locataire en difficulté, ni de faire l’impasse sur les dettes locatives.
    Nous vous demandons donc, sur la base du protocole type joint à la présente, qui a fait l’objet d’un accord de l’Union sociale pour l’habitat, de traiter toutes les situations dues aux difficultés financières réelles des locataires du parc social.
    Sont exclus les cas de mauvaise foi manifeste - par exemple lorsque vous possédez des éléments montrant que le débiteur dispose de moyens matériels lui permettant de payer son loyer et d’apurer sa dette - ainsi que les cas de manquements graves aux obligations énumérées à l’article 7 de la loi no 89-462 du 6 juillet 1989 (à l’exception du a). A ce titre sont exclus les ménages qui perturbent réellement par leur comportement, la vie de leurs voisins. La bonne foi du locataire relève d’une appréciation délicate, mais nous souhaitons que, dans le cadre de ce protocole, l’appréciation en soit souple et n’exclue que les cas que vous estimerez, en accord avec les bailleurs, relever de la mauvaise foi manifeste. Il s’agit de considérer chaque cas en ayant à l’esprit les conséquences, pour le locataire et sa famille, de l’expulsion effective.
    Vous proposerez à tout ménage faisant l’objet d’une procédure en cours, voire d’un jugement de résiliation de bail, un protocole tripartite dans lequel chacun s’engagera dans les conditions suivantes :
    Engagements du locataire : il doit reprendre les paiements courants, avec apport, s’il y a lieu, d’une aide personnelle au logement, accepter si nécessaire un accompagnement social, au besoin un relogement et participer loyalement à l’élaboration et à l’exécution du plan d’apurement de la dette.
    Engagements du bailleur : il ne doit pas engager la procédure d’expulsion, ou si celle-ci est engagée, il doit la suspendre tant que le locataire exécute le protocole ; cela signifie, selon le stade de la procédure, soit qu’il demande, conjointement avec le locataire et par écrit, le retrait du rôle de l’affaire, soit qu’il ne poursuit pas l’exécution du jugement ou de l’arrêt. Il participe également à la mise en place d’un plan d’apurement réaliste eu égard aux capacités financières du locataire.
    Engagements de l’Etat : vous veillerez à mobiliser l’ensemble des aides publiques et des dispositifs de solidarité existants. En premier lieu, vous veillerez au versement des aides personnelles au logement dans tous les cas, y compris par dérogation à la réglementation, lorsque le bail a été résilié ou en l’absence de plan d’apurement de la dette, en lien avec les SDAPL et les organismes payeurs des aides personnelles au logement.
    Vous vous rapprocherez du président du conseil général pour que le FSL puisse jouer pleinement son rôle, y compris en ajustant les modalités d’octroi des fonds. Les aides du FSL seront souvent déterminantes pour la mise en place du protocole. Elles peuvent aider le locataire au paiement de la charge nette de logement, participer à l’établissement du plan d’apurement et financer l’accompagnement social.
    Pour les ménages surendettés, vous veillerez à ce que la commission de surendettement adapte le « reste à vivre » afin d’intégrer le paiement du loyer résiduel et l’apurement de la dette. Vous rechercherez avec les collectivités locales et les responsables des services publics concernés (fonds eau, électricité, téléphone, notamment) toutes les aides susceptibles d’être mobilisées.
    Apurement de la dette : même si la signature d’un plan d’apurement n’est pas une condition préalable à la signature du protocole, il convient de rechercher simultanément une solution à la résorption de la dette. En fonction de la situation et de l’effort du locataire, cette recherche pourra comporter un effort financier du bailleur et des autres partenaires.
    La mise en œuvre de ce dispositif fera l’objet d’une concertation permanente pour éviter toute reprise de la procédure d’expulsion, en cas de difficulté du locataire à respecter tous ses engagements.
    S’il apparaît d’emblée ou à l’occasion de la mise en place du plan d’apurement que l’insolvabilité est durable, il sera nécessaire de rechercher soit un relogement dans un logement moins coûteux, soit une intermédiation locative par l’intervention d’une association ou d’un centre communal d’action sociale.
    Nous vous demandons d’engager dans les plus brefs délais des réunions avec les bailleurs sociaux et tous les acteurs en charge des politiques sociales du logement de votre département afin de mettre en œuvre ces mesures d’urgence.
    Nous comptons sur votre engagement personnel, indispensable à la réussite de ce dispositif exceptionnel.

Le ministre de l’emploi, du travail
et de la cohésion sociale,
Jean-Louis  Borloo

Le secrétaire d’Etat au logement,
Marc-Philippe  Daubresse


  ANNEXE  
PROTOCOLE D’ACCORD TYPE DE PRÉVENTION
DE L’EXPULSION ENTRE LE LOCATAIRE, LE BAILLEUR ET LE PRÉFET

    Considérant que M est débiteurde x mois de loyers et/ou charges à l’égard de,l’ensemble représentant une dette de (au titre des loyers)et de (au titre des charges) à la date du
    Considérant
    a)  Qu’un commandement de payer a été signifié le(date).
    
Ou
    b)  Qu’une assignation aux fins de constat de la résiliation du bail a été délivrée le (date).
    
Ou
    c)  Qu’une décision de résiliation du bail a été rendue lepar (préciser la juridiction).
    
Considérant que la bonne foi du débiteur peut être reconnue eu égard à sa situation personnelle (et qu’il ne lui est pas reproché de troubles de voisinage ou autre manquement grave justifiant la poursuite de l’expulsion).
    I.  -  Le locataire (ou « le débiteur ») s’engage :
    -  à reprendre immédiatement le paiement de son loyer courant, de ses charges et de toutes les obligations financières nées du contrat (de ses indemnités d’occupation si son bail a été résilié) ;
    -  à participer à l’élaboration d’un plan d’apurement, dans les conditions prévues au VI ci-dessous et à l’exécuter loyalement lorsqu’il est mis en place ;
    -  à accepter un accompagnement social si celui-ci lui est proposé par les autres parties.
    II.  -  Le bailleur s’engage :
    a)  A ne pas assigner ou à ne pas remettre copie de l’assignation au secrétariat greffe du tribunal d’instance.
    Ou
    b)  A demander le retrait du rôle de l’affaire.
    Ou
    c)  A ne pas poursuivre l’exécution du jugement ou de l’arrêt cité en page 1 du présent protocole, tant que le débiteur respecte le présent protocole.
    A participer à l’élaboration et au suivi d’un plan d’apurement de la dette.
    III.  -  Le préfet s’engage :
    -  à veiller au maintien ou au rétablissement de l’APL ou de l’AL ;
    -  à mobiliser et à assurer la coordination des autres dispositifs d’aide (FSL, notamment) ;
    -  à alerter, s’il y a lieu, la commission de surendettement, notamment en ce qui concerne le « reste à vivre » du ménage, afin qu’il prenne en compte le paiement du loyer courant et l’apurement de la dette.
    IV.  -  Les trois parties s’engagent, si cela apparaît utile, à favoriser la mise en œuvre d’un accompagnement social pour aider le ménage dans la gestion de son budget, permettre l’ouverture de l’ensemble des droits aux prestations sociales et aides au logement et mobiliser les différents dispositifs d’aides.
    V.  -  En cas de difficultés du locataire à respecter ses engagements, les trois parties s’engagent à rechercher et adopter une solution correspondant aux capacités financières du ménage, éventuellement par un relogement ou un dispositif d’intermédiation.
    VI.  -  Apurement de la dette.
    Les parties (préfet, organisme HLM, locataire) s’engagent expressément :
    -  à rechercher un plan d’apurement réaliste de la dette, en adéquation avec les possibilités financières du débiteur. Ce plan sera établi en concertation avec les autres partenaires concernés (travailleurs sociaux, CAF, FSL,) et fera l’objet d’un avenant au présent protocole ;
    -  à s’informer mutuellement et à rechercher une solution concertée en cas de difficultés rencontrées par le débiteur dans l’exécution de son plan d’apurement.
    VII.  -  En cas de non-respect des engagements pris par le locataire.
    Si le locataire ne tient pas ses engagements, le bailleur peut l’assigner en justice ou reprendre le cours de la procédure judiciaire ou poursuivre l’exécution du jugement ou de l’arrêt durendu par

NOTE (S) :


(1) Une circulaire accompagnée d’un outil pédagogique destiné plus particulièrement aux travailleurs sociaux sera diffusée à l’automne 2004.